ARRET
N°234
Société SARL [9]
C/
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 02 MARS 2023
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N° RG 21/00644 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7RD - N° registre 1ère instance : 18/02976
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LIILE (Pôle Social) EN DATE DU 15 décembre 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La Société [9] (SARL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Charlotte CAREL, avocat au barreau de PARIS substituant Me Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
L'URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE
DEBATS :
A l'audience publique du 21 Novembre 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 02 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement du 15 décembre 2020 du tribunal judiciaire (Pôle social) de Lille qui a :
- débouté la société [9] de sa demande en annulation de la mise en demeure pour défaut de compétence de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais,
- confirmé le redressement critiqué dans son principe et dans son quantum,
- condamné la société [9] à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 143 036 euros,
- condamné la société [9] aux dépens de l'instance,
- débouté la société [9] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu la notification du jugement à la société [9] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 5 janvier 2021 (date de réception ignorée),
Vu l'appel formé par la société [9] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 28 janvier 2021,
Vu la convocation des parties et leur comparution à l'audience du 21 novembre 2022,
Par conclusions préalablement communiquées auxquelles son conseil s'est référé oralement à l'audience, la société [9] demande à la cour de :
- réformer le jugement du 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- annuler la lettre d'observations du 21 octobre 2015 et la mise en demeure du 11 mai 2016 pour défaut de compétence de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais,
A titre subsidiaire
- annuler la mise en demeure adressée par l'URSSAF à la société [9] et tendant à mettre à la charge de ladite société le montant de 143 036 euros,
En toute hypothèse
- condamner l'URSSAF à verser à la société [9] une somme de 15 000 euros HT. en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions préalablement communiquées auxquelles son conseil s'est référé oralement à l'audience, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel,
- condamner la société [9] aux entiers dépens de l'instance.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs:
Suivant lettre d'observations en date du 21 octobre 2015, notifiée le 23 octobre 2015 à la société [9], l'URSSAF Nord Pas-de-Calais l'a informée de ce que, en l'absence de vérification de la situation de la société [10], siren n° [N° SIREN/SIRET 3] objet d'un procès-verbal de travail dissimulé du 29 mai 2015, elle était recherchée au titre des articles L.8221-1, L.8221-2, L.8221-3 et L.8221-5 du code du travailpour ne pas s'être assurée de la régularité de sa situation en se faisant remettre les documents mentionnés aux articles D.8222-5 et D.8222-7 du même code étant redevable en sa qualité de donneur d'ordre de la somme de 143 036 euros.
Le 20 mai 2016, la société [9] a reçu une mise en demeure, datée du 11 mai 2016, lui enjoignant, sur le fondement de l'article L.8222-1 du code du travail, de verser une somme totale de 143 036 euros correspondant aux cotisations dues par l'entreprise [10] [Adresse 1] [Localité 11].
La société [9] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF par courrier daté du 7 juin 2016, dont elle a accusé réception le 10 juin 2016.
A défaut de réponse dans le délai d'un mois, la société [9] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille par requête en date du 20 juillet 2016 d'une contestation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de l'URSSAF.
La compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant été transférée au tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, c'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel.
Au soutien de son appel, la société [9] fait valoir d'une part la nullité de la procédure initiée en raison de l'incompétence de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais et d'autre part, le caractère infondé de la mise en demeure.
Sur la compétence de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais
La société [9] fait valoir que l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais n'avait ni compétence, ni autorité pour réaliser des actes d'investigations nécessaires en raison de la localisation du siège social de la société situé à Putaux, dans la zone géographique de l'URSSAF d'île de France, de telle sorte que la mise en demeure du 11 mai 2016 doit être annulée avec toutes ses conséquences.
L'URSSAF du Nord Pas-de-Calais oppose à l'appelante les dispositions des articles L.243-7, L.213-1 et D.213-1 du code de la sécurité sociale et estime que, dès lors que le recouvrement ne porte pas sur les cotisations dont serait redevable personnellement la société [9] mais sur celles dues par M. [M] au titre de son entreprise située dans le ressort de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais, cette dernière est compétente.
La société appelante invoque la circulaire DILTI du 31 décembre 2005 relative à la solidarité financières des donneurs d'ordre publiée au bulletin officiel du ministère de l'emploi de la cohésion sociale et du logement dont il ressort que ' Dans le cas où le (les) donneurs d'ordre(s) est (sont) situé (s) dans une zone géographique ou dans le secteur d'activité ne relevant pas de la compétence de l'agent de contrôle qui a constaté un délit de travail dissimulé, celui-ci devra sans délai demander à un agent compétent appartenant à un autre service ou à une autre administration de procéder aux investigations nécessaires auprès du (des) donneur (s) d'ordre du co-contractant. La demande et la réponse doivent être faites par écrit car il s'agit d'actes essentiels pour l'engagement de la procédure de solidarité financière. La réponse doit indiquer la nature et le contenu précis des documents produits par le donneur d'ordre. Une copie de ces documents devra être jointe au procès-verbal d'infraction. Il est rappelé qu'en ce qui concerne les OPJ, ceux-ci ne peuvent être sollicités que par un soit-transmis du parquet ou une réquisition du parquet en exécution de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale'.
Or, cette circulaire qui régit la phase relatives aux investigations nécessaires pour l'établissement de l'infraction de travail dissimulé n'a pas vocation à s'appliquer dans le cadre de la mise en recouvrement des sommes réclamées au donneur d'ordre dans le cadre de la solidarité financière de l'article L.8222-2 du code du travail.
En l'espèce, il ressort des pièces produites et des débats que M. [T] [M], a fait l'objet d'une enquête préliminaire de la gendarmerie départementale de [Localité 8] saisie suivant soit transmis du Procureur de la République de Lille en date du 18 décembre 2014, enquête dans le cadre de laquelle il a été auditionné ayant reconnu des faits de travail dissimulé.
Ce procès-verbal est régulièrement versé aux débats, sur la base duquel l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais a entendu mettre en oeuvre la solidarité financière de la société [9], les règles régissant la compétence territoriale des URSSAF en matière de contrôle des cotisants n'ayant pas lieu de s'appliquer à la mise en oeuvre de la solidarité financière d'une entreprise en vue du paiement des cotisations impayées par son prestataire, auteur de l'infraction de travail dissimulé.
Ainsi, il y a lieu de débouter la société [9] de sa demande en annulation de la mise en demeure pour défaut de compétence de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais.
Sur le bien fondé de la procédure de recouvrement
La société [9] s'oppose à la mise en oeuvre de la solidarité financière au motif de l'absence de démonstration par l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais:
- de la réalité de la prestation du sous-traitant au profit de la société [9],
- du montant d'une facturation supérieure à 3000 euros,
- de condamnation du sous-traitant pour travail dissimulé.
L'article L8222-1 du code du travail dispose: 'Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :
1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.
Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret'.
Aux termes de l'article L8222-2 du code du travail: 'Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :
1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;
2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;
3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie'.
L'article L.8222-3 du code du travail précise: ' Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L.8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession'.
Si les dispositions relatives à la mis en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre ne sont pas conditionnées par la condamnation pénale de l'auteur principal, contrairement à ce qui est soutenu par la société [9], le donneur d'ordre peut invoquer, à l'appui de sa contestation de la solidarité financière, les irrégularités entachant le redressement opéré.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais a adressé à la société [9]:
- le 24 juin 2015 une lettre lui enjoignant de justifier du respect de son obligation de vigilance telle qu'elle ressort des dispositions des articles L.8222-1 et R8222-1 du code du travail pour toute prestation de plus de 3000 euros confiée à M. [M] pour la période du 01/11/2012 au 31/12/2014,
- le 21 octobre 2015 une lettre d'observations relative à l'activité confiée en sous-traitance à [10] sur le période du 01/12/2012 au 30/04/2015,
- le 11 mai 2016, une mise en demeure de régler la somme de 143 036 euros soit au titre de l'année 2012, la somme de 2540 euros, au titre de l'année 2013, la somme de 79 484 euros, au titre de l'année 2014, la somme de 61 012 euros.
La lettre d'observations fait état du procès-verbal N°00124/01415 du 29 mai 2016, établi à l'encontre de M. [M], né le 17 août 1969 à [Localité 6], domicilié [Adresse 12], ce procès-verbal de la compagnie de gendarmerie départementale de [Localité 8], BTA [Localité 11], produit en pièce 7 par l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais étant constitué par l'audition de M. [M] qui a reconnu l'absence de toute déclaration à l'URSSAF.
Par ailleurs, il est indiqué dans la lettre d'observations en date du 21 octobre 2015 adressée à la société [9] que, suite à l'examen de la facturation établie par M. [M], il ressort un chiffre d'affaire de 310 269,28 euros réalisé avec la société [10], de telle sorte que le donneur d'ordre est tenu en application des article L.8222-1 et suivants du code du travail de régler au titre de la période du 1er décembre 2012 au 30 avril 2015, la somme de 143 036 euros, ces éléments dont la société appelante a eu connaissance dès la notification de la lettre d'observations, n'étant contredits pas aucune pièce produite par la société [9], la mise en demeure du 20 mai 2016, notifiée le 20 mai 2016 comportant la ventilation par année du montant des sommes réclamées au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre poursuivi sur le fondement de l'article L8222-2 du code du travail qui a été mis en mesure de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes conformément aux exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, rappelées par le conseil constitutionnel dans sa décision QPC n°2015-479.
En effet, les faits portés à la connaissance de la société [9] peuvent être combattus par tous éléments de preuve s'agissant de la contestation des prestations réalisées pour son compte par la société [10], du montant des sommes facturées, ou de la période considérée, les chiffres détaillés à la mise en demeure au titre de chaque année confirmant que la période concernée est celle visée en titre de la lettre d'observations soit du 1er décembre 2012 au 30 avril 2015, les dates citées dans le corps de la lettre d'observations soit du 1er janvier 2012 au 30 avril 2015, étant affectées d'une erreur matérielle.
Ainsi, la société [9] manque à faire la preuve du caractère infondé de la lettre d'observations et de la mise en demeure, de telle sorte qu'il y a lieu de la débouter des fins de son appel et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
La société [9] qui succombe sera condamnée aux dépens et ne saurait de ce fait prétendre à une quelconque indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,
Déboute la société [9] des fins de son appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société [9] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [9] aux dépens de l'appel.
Le Greffier, Le Président,