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14/02/2023 | FRANCE | N°22/02052

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre baux ruraux, 14 février 2023, 22/02052


ARRET







S.A. SAFER HAUTS DE FRANCE





C/



E.A.R.L. DE LA FAVEILLE

[P]







CV



COUR D'APPEL D'AMIENS



Chambre BAUX RURAUX





ARRET DU 14 FEVRIER 2023



*************************************************************



N° RG 22/02052 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INTF



JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE LILLE EN DATE DU 21 DÉCEMBRE 2018





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A. SAFER HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]





Représentée par Me Chrystèle VARLET substituant Me Gonzague DE LIMERVIL...

ARRET

S.A. SAFER HAUTS DE FRANCE

C/

E.A.R.L. DE LA FAVEILLE

[P]

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

Chambre BAUX RURAUX

ARRET DU 14 FEVRIER 2023

*************************************************************

N° RG 22/02052 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INTF

JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE LILLE EN DATE DU 21 DÉCEMBRE 2018

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. SAFER HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Chrystèle VARLET substituant Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP FABRICE CROISSANT - GONZAGUE DE LIMERVILLE - AVOCATS, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 15

Ayant pour avocat plaidant, Me Vincent BUE, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMES

E.A.R.L. DE LA FAVEILLE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Monsieur [O] [P]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentés par Me Marine DE LAMARLIERE, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Jean-philippe VERAGUE de la SCP ROBIQUET DELEVACQUE VERAGUE YAHIAOUI PASSE, avocat au barreau D'ARRAS

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Janvier 2023 devant Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Février 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 14 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

*

* *

DECISION

Par acte authentique en date du 9 juillet 2004 , Mme [D] [U] a vendu à la Safer Flandres Artois plusieurs parcelles de terres sises commune de [Localité 13] (59)

cadastrées

section A lieudit au [Localité 11] n° [Cadastre 2] 61 a 62 ca

section A lieudit [Localité 10] n°[Cadastre 9] 2 ha 09 a 70 ca

section A lieudit [Localité 12] n° [Cadastre 3] 1 ha 38 a 50 ca

section A n ° [Cadastre 9] 2 ha 09 a 70 ca

soit une surface totale de 4 ha 97 a 50 ca .

La Safer Flandres Artois depuis l'année 2005 a conclu plusieurs conventions d'occupation précaire sur la parcelle concernée laquelle est devenue , après remembrement , la parcelle cadastrée ZB n°[Cadastre 6] d'une surface de 5 ha 04 a 82 sise commune de [Localité 13] .

Le 15 avril 2008 , la Safer Flandres Artois et la communauté urbaine Lille Métropole contractualisent le stockage en réserve foncière de la parcelle .

Le 2 novembre 2016 , une convention d'occupation précaire sur la parcelle en cause a de nouveau été conclue entre la Safer et l'Earl de la Faveille , jusqu'au 31 octobre 2017 moyennant une redevance de 868, 18 € ht .

Le 23 juin 2017, la Safer Hauts de France par lettre en recommandé avec accusé de réception a mis fin à la convention d'occupation précaire avec l'Earl de la Faveille dont M.[O] [P] était devenu le gérant .

Le 4 août 2017 l'Earl de la Faveille a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Lille afin de voir :

-dire et juger que l'Earl de la Faveille est titulaire d'un bail à ferme sur la parcelle sise commune de [Localité 13] cadastrée ZB n°[Cadastre 6] pour une surface de 5 ha 04 a 82 ca .

-dire et juger que ce bail est consenti moyennant un fermage annuel de 970 € .

-condamner la Safer Hauts de France à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner la Safer Hauts de France aux entiers frais et dépens .

Les parties n'ont pu se concilier .

Par jugement en date du 21 décembre 2018 , le Tribunal paritaire des baux ruraux de Lille a :

-donné acte à M.[O] [P] de son intervention volontaire aux débats .

-dit que l'Earl de la Faveille et subsidiairement M.[O] [P] sont titulaires d'un bail à ferme sur la parcelle sise commune de [Localité 13] cadastrée ZB n° [Cadastre 6] pour une surface de 5 ha 04 a 82 ca .

-dit que ce bail est consenti moyennant un fermage annuel de 970 € .

-débouté la Safer Hauts de France de l'ensemble de ses prétentions .

-ordonné la libération de la parcelle par la Safer sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard dans le délai d'un mois suivant la signification du premier jugement .

avant dire droit sur le préjudice subi par l'Earl de la Faveille,

-ordonné une expertise et commis pour y procéder M.[X] [Y] [Adresse 5] avec mission de

-se rendre sur les lieux

-évaluer le préjudice subi par l'Earl de la Faveille pour avoir été privée de la mise en culture de la parcelle cadastrée ZB n°[Cadastre 6] , commune d'[Localité 13] sur l'année culturale 2017/ 2018 .

- du tout dresser rapport

-dit que l'expert devra déposer son rapport dans les deux mois de l'avis qui lui sera donné de la

consignation de la provision à valoir sur sa rémunération

-fixé le montant de cette provision à 1 200 € versée par l'Earl de la Faveille avant le 21 janvier 2019 faute de quoi l'expert ne sera pas saisi de la mission .

-dit que l'expert devra faire connaître dés la première réunion d'expertise le coût prévisible de ses honoraires .

-dit les opérations d'expertise s'effectueront sous le contrôle du président du Tribunal d'Instance

-dit qu'en cas d'empêchement de l'expert , il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance rendue sur requête .

-condamné la Safer Hauts de France à payer à l'Earl de la Faveille une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-renvoyé l'affaire à l'audience du 29 mars 2019 .

-réservé les dépens .

La Safer Hauts de France a interjeté appel de la décision le 11 janvier 2019 .

La Cour d'Appel de Douai , par arrêt en date du 9 juillet 2020 , a :

-infirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la Safer Hauts de France et statuant à nouveau pour le surplus ,

-rejeté la demande de l'Earl de la Faveille et de M.[O] [P] visant à se voir reconnaître titulaire d'un bail à ferme sur la parcelle cadastrée ZB n°[Cadastre 6] située commune de [Localité 13] .

-rejeté toute autre demande .

-condamné l'Earl de la Faveille et M.[O] [P] aux dépens de première instance et d'appel .

L'Earl de la Faveille et M.[O] [P] ont formé un pourvoi en cassation .

Par arrêt en date du 9 février 2022 , la Cour de Cassation a répondu ainsi :

-Pour rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification formée par les exploitants de la parcelle , l'arrêt retient que la Safer ne pouvait sans contrevenir à la bonne foi nécessaire à la conduite de toute procédure , soutenir sur le fond , qu'elle était autorisée du fait d'une prolongation de délai de 5 ans pour la période 2011-2016 puis d'une seconde prorogation pour la période 2016-2020 , à consentir un bail dérogatoire au delà du 17 octobre 2010 , et opposer au preneur la prescription de l'action en requalification à compter de cette date .

-en statuant ainsi , alors que les conclusions de la Safer invoquaient , en premier lieu , une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action et à titre subsidiaire , son mal fondé au fond , et que la fin de non recevoir et la défense au fond ont une nature différente , exclusive de toute contradiction entre elles , la cour d'appel a violé par fausse application , le principe susvisé .

-la cassation à intervenir , sur le pourvoi incident , entraîne par voie de conséquence , la cassation des chefs de dispositif critiqués par le moyen du pourvoi principal se rapportant au mal fondé de la demande en requalification , au rejet de l'indemnisation des exploitants et à la libération de la parcelle .

Elle a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 entre les parties , a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les a renvoyées devant la Cour d'Appel d'Amiens .

La Cour d'Appel d'Amiens a été saisie le 22 avril 2022 par la Safer Hauts de France .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2022 , la Safer Hauts de France demande à la Cour de :

-réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions .

Statuant à nouveau ,

in limine litis ,

-accueillir la fin de non recevoir tirée de la prescription pour requalification de la convention .

-dire M.[P] et l'Earl de la Faveille mal fondés et irrecevables .

Subsidiairement , si la fin de non recevoir était écartée ,

rejetant tous moyens , fins et conclusions contraires ,

-dire l'Earl de la Faveille (en liquidation) et M.[O] [P] mal fondés en leurs demandes et les débouter de toutes leurs demandes , fins et conclusions .

-constater la fin de la convention d'occupation précaire entre l'Earl de la Faveille , M.[P] et la Safer Hauts de France sur la parcelle au 30 octobre 2017 sur la parcelles sises à [Localité 13] section ZB n°[Cadastre 6] d'une surface de 5 ha 04 a 82 ca .

Dans tous les cas ,

-condamner l'Earl de la Faveille (en liquidation) et M.[P] à lui payer la somme de 14 806, 37 € au titre de la détérioration de l'emblavement en céréales sauf à ordonner une mesure d'expertise subsidiairement .

-condamner l'Earl de la Faveille (en liquidation )et M.[P] à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner l'Earl de la Faveille et M.[P] aux entiers dépens de première instance et d'appel .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2022 , l'Earl de la Faveille et M.[O] [P] demandent à la Cour de :

-les dire recevables à agir .

-dire et juger n'y avoir lieu à prescription .

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions .

-dire et juger que l'Earl de la Faveille et subsidiairement M.[O] [P] sont titulaires d'un bail à ferme sur la parcelle sise commune d'[Localité 13] cadastrée ZB n°[Cadastre 6] pour surface de 5 ha 04 a 82 ca .

-dire et juger que ce bail est consenti moyennant un fermage annuel de 970 € .

-débouter la Safer de l'ensemble de ces prétentions .

-ordonner la libération de la parcelle sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard dans dans le délai d'un mois suivant la date de la décision à intervenir .

Avant dire droit sur le préjudice subi par l'Earl de la Faveille , désigner tel expert qu'il plaira avec mission de convoquer les parties et leur conseil , se faire remettre tous documents utiles , évaluer le préjudice subi par l'Earl de la Faveille pour avoir été privée de la mise en culture de la parcelle cadastrée ZB [Cadastre 6] commune d'[Localité 13] sur l'année culturale 2017 / 2018 , du tout dresser rapport ,

-condamner la Safer Hauts de France à payer à l'Earl de la Faveille la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner la Safer Hauts de France aux entiers frais et dépens .

A l'audience du 6 décembre 2022 , les parties représentées par leur conseil , ont maintenu leurs demandes et les moyens au soutien de ces dernières .

SUR CE

Le tribunal des baux ruraux de Lille a déclaré que l'Earl de la Faveille produisait douze conventions d'occupation précaire du 18 janvier 2005 au 31 octobre 2017 , qu'il a énumérées , a déclaré que l'occupation à titre onéreux était continue depuis 2005 , soit 12 années à la date de la saisine du Tribunal paritaire , qu'il résultait des pièces du dossier que la clôture des opérations de remembrement était intervenue le 17 octobre 2005 et que la Safer avait donc jusqu'au 17 octobre 2010 pour demander la prorogation du délai , or , qu'en l'espèce , la demande n'avait été faite que le 28 mars 2011 , que dés lors que la période quinquennale transitoire était arrivée à son terme , et faute de prorogation valable , la Safer n'était plus autorisée à consentir des baux précaires , que le contrat devait dont être requalifié en bail rural soumis au statut du fermage , moyennant un fermage annuel de 970 € et qu'il y avait lieu d'ordonner la libération de la parcelle par la Safer dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard .

Il a constaté que compte tenu du contentieux en cours , l'Earl de la Faveille n'avait pas pris le risque d'occuper la parcelle en litige après la saisine du Tribunal en juillet 2017 , que la Safer avait pris possession de la parcelle et avait mandaté une entreprise pour l'emblaver , la SA Binauld attestant avoir labouré et semé la parcelle pour le compte de la Safer le 23 novembre 2017, qu'il avait été constaté par huissier de justice le 18 mai 2018 , que la parcelle avait été à nouveau semée par une prestataire de service pour le compte de la Safer , que cette dernière n'apportait pas la preuve d'un quelconque préjudice , sauf la perte du fermage de 970 € annuel que l'Earl de la Faveille offrait de régler , que la demande de dommages et intérêts de la Safer devait donc être écartée .

Enfin , il a déclaré que l'Earl de la Faveille avait été privée de la récolte sur l'année culturale 2017 / 2018 et était donc bien fondée à obtenir la désignation d'un expert judiciaire afin de chiffrer son préjudice .

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande de requalification de la convention précaire en bail rural

L'Earl de la Faveille et M.[O] [P] font valoir que le moyen de la prescription de l'action en reconnaissance du bail ne peut pas être soulevé en cause d'appel , qu'il aurait dû être soulevé en première instance et surtout dès les premières écritures d'appel de la Safer , que la Safer a déjà conclu trois fois devant la Cour sans avoir soulevé ce moyen dans ses premières conclusions .

La Safer Hauts de France fait valoir qu'elle est fondée devant la Cour à faire valoir la prescription de la demande de requalification présentée par l'Earl de la Faveille et M.[P] , que cette demande se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires faites par l'Earl de la Faveille tendant à se voir reconnaître un bail rural , elle précise qu'elle n'est pas à l'origine de l'instance paritaire , que la concentration des moyens invoquée , incombe en principe au demandeur qui doit présenter dès l'instance relative à la première demande , l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fondée celle ci ,que l'effet dévolutif de l'appel remet toujours la chose jugée en question devant la juridiction d'appel , qu'avant toute défense au fond , elle a toujours depuis son appel , avancé le moyen de la prescription , que sa demande sur ce point est recevable en cause d'appel .

Selon l'article 122 du code de procédure civile , constitue une fin de non recevoir , tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande , sans examen au fond pour défaut de droit d'agir , tel le défaut de qualité , le défaut d'intérêt , la prescription , le délai préfixe , la chose jugée .

L'article 123 du code précité dispose que les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus dans une intention dilatoire , de les soulever plus tôt .

Il résulte de ces dispositions que les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause , la Safer Hauts de France peut donc soulever pour la première fois devant la Cour , la prescription de la demande de requalification de la convention en cause en bail rural, étant ajouté que la procédure étant orale ,il ne peut lui être reproché de ne pas avoir soulevé ce moyen dans ses premières écritures devant la Cour , en l'espèce, il convient d'observer qu' elle a présenté cette fin de non recevoir dans ses écritures remises à l'audience soutenues oralement , le moyen soulevé par l'Earl de la Faveille et de M.[P] sera donc rejeté .

Sur la prescription de l'action en requalification de la convention précaire en bail à ferme

La Safer Hauts de France fait valoir que la demande de requalification de la convention en bail à ferme est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil , que les conventions dérogatoires ont été consenties après le départ de l'exploitant précédant , M.[U] , que M.[P] aurait dû présenter sa demande dans les 5 ans à compter du 17 octobre 2010 , à compter du jour où un bail à ferme pouvait être excipé , mais qu'il n'a présenté cette demande que par la saisine du Tribunal paritaire des baux ruraux le 4 août 2017, que le point de départ de la prescription extinctive est au plus tard la date où la convention pouvait devenir un bail à ferme s'agissant d'une requalification d'une convention d'occupation précaire Safer au visa de l'article L 142-4 du code rural , que la prescription applicable à la demande d'une requalification d'une convention d'occupation précaire court à compter de la conclusion du contrat .

L'Earl de la Faveille et M.[O] [P] répliquent que la requalification en bail rural est effectivement encourue depuis le 17 octobre 2010 , mais qu'ils ont signé chaque année avec la Safer une nouvelle convention d'occupation précaire , que s'il était estimé que l'action en reconnaissance d'un bail était enfermée dans un délai de 5 ans , chaque nouvelle convention a donc fait courir un nouveau délai de 5 ans , que la dernière convention est en date du 2 novembre 2016 , que c'est donc de cette relation contractuelle renouvelée qu'il est sollicité la requalification d'un bail rural. Ils ajoutent cependant que l'action en reconnaissance d'un bail rural n'est pas enfermée dans un délai de prescription , que la requalification du bail est encourue depuis le 17 octobre 2010 , qu'à compter de cette date l'Earl de la Faveille et subsidiairement M.[P] sont fondés à se prévaloir d'un bail rural , qui a pris effet pour neuf ans .

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer .

Selon l'article L 142-2 du code rural , les opérations immobilières résultant de l'application des dispositions des articles L 141-1 à L 141-5 s'effectuent d'une part sous réserve du titre Ier du livre IV du présent code relatif au statut du fermage et du métayage , et d'autre part , sous réserve des dispositions du titre II relatives à l'aménagement foncier rural et , en ce qui concerne la rétrocession des terres et exploitations , sous réserve des dispositions des article 188-1 à 188-10 du code rural relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles .

Selon l'article L 142-4 du code précité , pendant la période transitoire et qui ne peut excéder cinq ans , nécessaire à la rétrocession des biens acquis , les Safer prennent toutes mesures conservatoires pour le maintien desdits biens en état d'utilisation et de production .En particulier , elles sont autorisées à consentir à cet effet les baux nécessaires , lesquels,à l'exception des baux en cours lors de l'acquisition , ne sont pas soumis aux règles résultant du statut des baux ruraux en ce qui concerne la durée , le renouvellement et le droit de préemption .

L'article 142 -5 dispose que le délai prévu à l'article 142-4 est suspendu dans les communes où il est procédé à l'aménagement foncier agricole et forestier jusqu'à la date de la clôture des opérations . Ce délai peut être prorogé de 5 ans par décision expresse des commissaires du gouvernement représentant le Ministère de l'agriculture et le ministère de l'économie et des finances

La décision de prolongation des commissaires du gouvernement est prise pour une période de 5 ans renouvelable une fois .

L'action de l'Earl de la Faveille et de M.[P] en requalification de bail rural se fonde sur le non respect qu'ils allèguent , par la Safer , des dispositions de l'article L 142-4 .La Safer qui conclut au débouté , fait valoir qu'elle a bénéficié du régime de la suspension édicté par l'article 142-5,obtenant une prolongation de stockage jusqu'au 17 octobre 2016, renouvelée ensuite .Cependant le preneur n'est pas réputé avoir connaissance des éléments permettant le cas échéant de suspendre ou de prolonger le délai de l'article L 142-4 dans les conditions de l'article L 142-5 , par conséquent , la Safer qui n'établit pas que l'Earl de la Faveille aurait eu connaissance des conditions qui permettaient ou non la conclusion d'une convention d'occupation précaire, n'est pas fondée à opposer aux appelants la prescription de l'article 2224 du code civil à compter du 17 octobre 2010.

Sur l'existence d'un bail rural

La Safer Hauts de France fait valoir qu'elle peut rester en possession des biens acquis à l'amiable ou par préemption , et en gérer la conservation en vue de l'accomplissement de l'ensemble de ses missions pendant un délai de 5 ans dont le dépassement n'est assortie d'aucune sanction particulière , qu'aucun texte n'impose aux Safer d'effectuer la formalité de prolongation ou de prorogation dans un délai imparti .Elle souligne qu'en l'espèce , la parcelle en cause est dans le périmètre de l'aménagement foncier d'[Localité 13] dont la clôture des opérations de remembrement a été prononcée le 17 octobre 2005 et a bénéficié d'une mesure de suspension du délai de rétrocession jusqu'à cette date , que le délai de rétrocession habituel de 5 ans a couru entre le 17 octobre 2005 et le 17 octobre 2011 , que la prolongation de stockage a été obtenue par la Safer jusqu'au 17 octobre 2016 et que le renouvellement du stockage par la Safer a été prolongé jusqu'au 17 octobre 2020 , qu'en conséquence , l'Earl de la Faveille est mal fondée à se maintenir dans les lieux qui bénéficient d'une procédure dérogatoire .

Elle souligne que M.[P] et l'Earl de la Faveille n'ont pu se méprendre sur le caractère précaire des conventions conclues , que l'article L 411-2 écarte explicitement l'application du statut du fermage dans tous les cas d'existence d'une convention particulière comme les conventions d'occupation précaires Safer au visa de l'article L 142-4 .Elle ajoute que pour la période 2005 à 2009 le preneur est l'Earl , de 2010 à 2011, [T] [U] , de 2012 à 1217 l'Earl , que l'occupation est discontinue s'agissant du preneur , que les surfaces ont été modifiées passant de 4, 9750 ha à 5, 0482 ha à partir de la campagne 2009-2010, que par ailleurs , il n'a été expressément convenu d'aucune substitution au profit de M.[O] [P] , les conventions mentionnant l'Earl de la Faveille.

L'Earl de la Faveille et M.[O] [P] font valoir que si les Safer sont durant la période transitoire de 5 ans nécessaire à la rétrocession des biens acquis , autorisées à consentir des baux précaires non soumis au statut du fermage , il en est différemment lorsque l'occupation à titre onéreux excède la durée de la période transitoire .Ils précisent que la date de clôture effective des opérations de remembrement est intervenue le 17 octobre 2005 , que le délai pour obtenir une prorogation de la période transitoire expirait le 17 octobre 2010, que la Safer a fait une demande de prorogation le 28 mars 2011 , la décision du commissaire au gouvernement étant rendue le 5 décembre 2016 seulement , qu'en raison de la date de cette décision , intervenue bien plus de 5 ans après la fin de la période de suspension , il ne peut être objecté que la Safer ait disposé d'un délai de 5 ans à compter du 5 décembre 2016 .Ils ajoutent que les opérations d'aménagement foncier n'ont d'ailleurs pas interrompu le délai quinquennal mais uniquement suspendu ce dernier , que ce délai a commencé à courir le 9 juillet 2004 , date d'acquisition de la parcelle , qu'aux termes de la période de suspension , ce délai non interrompu à recommencé à courir à compter de la date à laquelle il avait été suspendu , qu'en conséquence , la Safer ne peut valablement invoquer le bénéfice d'une prorogation du délai de période transitoire , et que l'Earl de la Faveille occupe à titre onéreux la parcelle en litige depuis sa date d'acquisition par la Safer .

Ils ajoutent que ce qui entraine ipso facto soumission au statut du fermage est le fait d'avoir consenti une mise à disposition à titre onéreux des terres après achèvement de la période de stockage de 5 ans , que de 2011 à 2016 , le seul bénéficiaire de la mise à disposition à titre onéreux est l'Earl de la Faveille , que M.[U] , ancien associé est aujourd'hui retraité , et que la requalification du bail rural s'impose donc au profit de l'Earl de la Faveille .

Il est justifié des conventions précaires suivantes :

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille en date du 18 janvier 2005 , valable jusqu'au 31 octobre 2005 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille en date du 2 mars 2006 , valable jusqu'au 31 octobre 2006 .

-Safer Flandres Artois/ Earl de la Faveille en date du 1er novembre 2006 jusqu'au 31 octobre 2007 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2008 .

-Safer Flandes Artois / Earl de la Faveille du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2009 .

-Safer Flandres Artois / M.[T] [U] Earl de la Faveille du 5 novembre 2009 au 31 octobre 2010 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille du 21 octobre 2011 au 31 octobre 2012 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille du 7 novembre 2012 au 31 octobre 2013 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille du 14 octobre 2013 au 31 octobre 2014 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveille du 18 janvier 2016 au 31 octobre 2016 .

-Safer Flandres Artois / Earl de la Faveillle du 2 novembre 2016 au 31 octobre 2017 .

Il est constant que l'acquisition de la parcelle en cause par la Safer est en date du 9 juillet 2004 .Le délai de 5 ans de la période transitoire nécessaire à la rétrocession des biens acquis prévu à l'article L 142-4 précité a été suspendu jusqu'à la date de la clôture des opérations des aménagements fonciers en application de l'article L 142-5 , lequel est intervenu en l'espèce le 17 octobre 2005 .Compte tenu de la suspension de ce délai , c'est à compter de cette date , que la période transitoire de 5 ans a couru , jusqu'au 17 octobre 2010 , les conventions d'occupation précaires conclues ou renouvelées jusqu'à cette date n'ouvrent donc pas droit à requalification .

Il est justifié par la Safer Hauts de France , qu'elle a obtenu des commissaires du gouvernement représentant le ministère de l'agriculture et le ministère de l'économie une autorisation de stockage les 28 mars et 30 mars 2011 des terres pour la période 2011 à 2016, étant observé que les textes en vigueur n'imposent pas que l'accord des commissaires du gouvernement intervienne avant l'expiration de la période transitoire , et que cette autorisation a été renouvelée par les commissaires du gouvernement concernés les 5 et 8 décembre 2016 pour la période 2016 à 2020 .Ces décisions emportent autorisation de plein droit des conventions d'occupations précaires conclues pendant ces périodes , dés lors ni l'Earl de la Faveille ni M.[O] [P] ne sont fondés à revendiquer l'existence d'un bail rural sur la parcelle ZB n°[Cadastre 6] sise commune de [Localité 13] d'une surface de 5 ha 04 ca 82 ca , le jugement sera infirmé , il sera également infirmé sur l'expertise ordonnée , devenue sans objet .

Il sera constaté que la convention précaire conclue en date du 2 novembre 2016 a pris fin au 31 octobre 2017 .

Sur la demande en paiement de la somme de 14 806, 37 €

La Safer Hauts de France sollicite, sur le fondement de l'article 1240 du code civil la condamnation de l'Earl de la Faveille et de M.[P] au paiement d'une somme de 14 806, 37 € au titre de la détérioration de l'emblavement en céréales sauf à ordonner une expertise, faisant valoir que l'Earl de la Faveille et M.[P] n'ont pas respecté la notification faite en juin 2017 , qu'ils ont repris la parcelle en détruisant le semis implanté , qu'il y a lieu à indemnisation de la récolte perdue en appliquant le barème d'indemnisation des récoltes sur pied édité par la Chambre d'agriculture interdépartementale Nord Pas de Calais .

L'Earl de la Faveille et M.[P] s'y opposent , font valoir qu'ils n'ont pas occupé la parcelle depuis la saisine du tribunal intervenue en juillet 2017, que la Safer a repris la parcelle manu militari et a mandaté une entreprise pour l'emblaver , que l'entreprise Binauld atteste avoir labouré et semé la parcelle pour le compte de la Safer en novembre 2017 , qu'il a été constaté par huissier de justice en mai 2018 que la parcelle avait été à nouveau semée pour le compte de la Safer , que cette dernière n'a donc subi aucun préjudice .Elle souligne que le seul préjudice que la Safer pourrait éventuellement subir est la perte du

fermage annuel de 970 € que l'Earl de la Faveille offre de régler cette somme .

Le dépôt de plainte produit aux débats , dont les suites ne sont pas connues , n'établit pas que le 19 décembre 2017 , des semis effectués sur la parcelle en cause à la requête de la Safer aient été détruits par les intimés , et le constat en date du 18 mai 2018 démontre que la parcelle a été ensemencée en maïs par un prestataire de service à la demande de la Safer , celle ci sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande subsidiaire d'expertise , non fondées, étant ajouté qu'aucune autre somme n'est réclamée au titre de la convention d'occupation précaire conclue le 2 novembre 2016 .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparait pas inéquitable de laisser à chacune des parties , la charge de ses frais non compris dans les dépens tant de première instance que d'appel , le jugement sera infirmé sur ce point .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Rejette la fin de non recevoir présentée relative à la prescription .

Infirme le jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de Lille en date du 21 décembre 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a donné acte à M.[O] [P] associé exploitant de l'Earl de la Faveille de son intervention volontaire aux débats .

Statuant à nouveau

Déboute l'Earl de la Faveille et M.[O] [P] de leur demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un bail rural sur la parcelle sise commune d'[Localité 13] cadastrée section ZB n°[Cadastre 6] d'une surface de 5 ha 04a 82 ca ainsi que de leurs demandes de libération des lieux , d'astreinte et d'expertise .

Constate que la convention précaire conclue entre la Safer Flandres Artois et l'Earl de la Faveille en date du 2 novembre 2016 portant sur la parcelle sise commune d'[Localité 13] cadastrée section ZB n°[Cadastre 6] d'une surface de 5 ha 04a 82 ca a pris fin au 31 octobre 2017 .

Déboute la Safer Hauts de France de sa demande de dommages et intérêts .

Déboute la Safer Hauts de France de sa demande d'expertise .

Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses propres frais et dépens de première instance et d'appel .

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre baux ruraux
Numéro d'arrêt : 22/02052
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;22.02052 ?
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