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02/02/2023 | FRANCE | N°21/00501

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 02 février 2023, 21/00501


ARRET

N° 138





Société [8]





C/



[B]

CPAM [Localité 9]-[Localité 5]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 02 FEVRIER 2023



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N° RG 21/00501 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7IB - N° registre 1ère instance : 18/00206



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (Pôle Social) EN DATE DU 14 décembre 2020

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PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





La Société [8], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]





Représentée et plaidant par Me Yamin AMARA...

ARRET

N° 138

Société [8]

C/

[B]

CPAM [Localité 9]-[Localité 5]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

*************************************************************

N° RG 21/00501 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7IB - N° registre 1ère instance : 18/00206

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI (Pôle Social) EN DATE DU 14 décembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La Société [8], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée et plaidant par Me Yamin AMARA de la SELARL AMARA AVOCAT, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0202

ET :

INTIMES

Monsieur [V] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par Me Patrick LEDIEU de la SCP LECOMPTE LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI

La CPAM [Localité 9]-[Localité 5], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée et plaidant par Mme [I] [H] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 20 Octobre 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 02 Février 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 02 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Vu le jugement du 14 décembre 2020 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Douai, saisi par M. [V] [B] d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [8], en présence de la CPAM [Localité 9] [Localité 5], a :

- jugé que l'accident du travail dont M. [B] a été victime le 17 juin 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [8],

- ordonné la majoration de la rente d'accident de travail servie à M. [B] dans les proportions maximales prévues à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et dit que ladite majoration suivra automatiquement l'évolution éventuelle de son taux d'incapacité,

Avant dire droit sur la liquidation des préjudices personnels de [V] [B],

- ordonné une expertise médicale judiciaire,

- commis pour y procéder le docteur [N] [T],

- fixé à 5 000 euros la provision de [V] [B] à faire valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,

- condamné la société [8] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 9]-[Localité 5] :

* une somme égale à la majoration du capital normalement servi pour un taux d'incapacité permanente de 26%,

* la provision de 5 000 euros dont la caisse devra faire l'avance auprès de son assuré,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société [8] à payer à [V] [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé toutes autres demandes dans l'attente du rapport d'expertise.

Vu l'appel régulièrement interjeté le 16 janvier 2021 par la société [8] de cette décision qui lui a été notifiée le 21 décembre 2020.

Vu le renvoi au 20 octobre 2022 accordé à l'audience du 7 mars 2022 à la demande des parties.

Vu les conclusions visées par le greffe le 4 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles société [8] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Douai, dans son intégralité,

Statuant à nouveau,

- constater que M. [B] n'apporte pas la preuve que l'employeur a commis un manquement à son obligation de prévention des risques, ni qu'il avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger, ni qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié,

- dire et juger que M. [B] ne démontre aucun faute imputable à l'employeur dans la survenance de l'accident du travail du 17 juin 2015,

- dire et juger que M. [B] ne démontre aucun lien de causalité entre l'accident du travail et la faute supposée de son employeur, elle-même inexistante,

En conséquence,

- débouter M. [B] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de l'intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions visées par le greffe le 20 octobre 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles M. [B] demande à la cour de :

- dire et juger la SARL [8] mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en sa totalité,

- condamner en cause d'appel la SARL [8] à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [8] aux entiers frais et dépens.

Vu les conclusions visées par le greffe le 20 octobre 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 9]-[Localité 5] demande à la cour de :

Sur la demande de faute inexcusable,

- dire et juger que la faute inexcusable ne peut être retenue que si le caractère professionnel de l'accident est confirmé,

- sous cette réserver, lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de faute inexcusable,

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes de la victime,

- dans tous les cas, condamner la société [8] ayant commis une faute inexcusable à lui rembourser les sommes dont elle aura à faire l'avance au titre des conséquences financières attachées à la reconnaissance de sa faute inexcusable.

SUR CE, LA COUR :

M. [V] [B], employé par la société [8] en qualité de poseur a été victime le 17 juin 2015 d'un accident du travail dans les circonstances suivantes : « monté sur le toit pour enlever des tuiles pour poser un velux, chute, cause glissé à cause d'abeilles (nid) », accident qui a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Un taux d'incapacité permanente de 26% lui a été reconnu avant d'être porté à 39% par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 novembre 2019.

Le 26 juin 2018, il a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Douai d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident avec toutes les conséquences s'y rattachant.

Le tribunal a, par le jugement entrepris, fait droit à ses demandes.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452'1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce, les attestations produites par M. [B] pour démontrer ce manquement, soit celles de MM. [L] et [U], respectivement salarié de l'entreprise travaillant avec l'intéressé le jour de l'accident et le propriétaire de l'immeuble, sont contredites par celles établies postérieurement par ces deux mêmes personnes pour la société employeur et d'où il ressort que les premières attestations ont été dictées par M. [B], si bien qu'elles ne sont pas de nature à prouver que l'employeur par la personne de M. [A] [D], responsable technique, avait été informé d'une difficulté technique à monter le velux de l'intérieur et que sa pose nécessitait de monter sur le toit.

M. [W], ancien commercial de l'entreprise ayant procédé à la vente de la prestation de montage du velux, s'il reprend dans son attestation les propos de M. [B] et n'a pas assisté à l'accident, précise cependant que le chantier nécessitait de monter sur le toit de l'habitation de M. [U] en raison d'un soubassement en placo plâtre positionné sous l'ouverture empêchant de placer un escabeau, ce que confortent les photographies produites au débat. Il en ressort que l'intervention de M. [B] impliquait qu'un harnais de sécurité soit mis à sa disposition pour le prémunir de tout risque de chute du toit.

Or, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, la société avait conscience du danger que constituait le travail en hauteur susceptible d'être réalisé par le salarié puisqu'elle avait fait figurer ce risque dans le document unique, qui mentionne au demeurant seulement l'achat d'échafaudage et non de harnais de sécurité, et que les mesures propres à préserver le salarié de ce danger étaient défaillantes le jour de l'accident, la preuve n'étant pas rapportée que les harnais de sécurité étaient effectivement à disposition de l'assuré en l'absence de tout récépissé de nature à certifier qu'ils s'étaient vu remettre ledit équipement signé par l'un ou l'autre des salariés présents ce jour-là. La simple production d'une liste d'outillage signée par le responsable technique de l'entreprise le 1er juin 2015, soit deux semaines avant l'accident, n'est pas davantage de nature à le démonter, pas plus que la production d'une facture de décembre 2014 mentionnant l'achat, auprès d'une entreprise de menuiserie aluminium, de deux « kit sécurité promotion fin d'année comprenant un harnais ». A cet égard, l'attestation de Mme [J] [X], assistante de direction, qui affirme faire le point une fois par mois avec le responsable d'équipe pour chaque camion et qu'ils sont équipés du matériel de sécurité, est trop générale, notamment sur les équipements de protection individuels effectivement mis à disposition des salariés. Aussi, il convient de constater que le reçu produit par la société et signé par M. [K] relatif à la réception d'un matériel de sécurité est daté du 28 février 2019, soit à une date bien postérieure à l'accident dont a été victime M. [B], et que celui signé par M. [Z] n'est pas daté, si bien que ces deux pièces sont insuffisantes à établir que des mesures ont été prises pour préserver M. [B] du danger par la fourniture d'un équipement individuel et plus particulièrement du harnais qui l'aurait prémuni du risque de chute après sa perte d'équilibre en raison du nid d'abeilles.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré, dans les circonstances particulières de la cause, que les éléments constitutifs de la faute inexcusable de l'employeur étaient réunis et cette faute a été l'une des causes nécessaires de l'accident.

Il sera également confirmé en ses dispositions relatives à la majoration de la rente accident du travail, dès lors que seule une faute inexcusable de la victime, non démontrée en l'espèce, peut entraîner la réduction de la majoration de la rente prévue à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, et à l'action récursoire de la caisse à l'encontre de l'employeur dans la limite du taux d'incapacité permanente de 26%, opposable à ce dernier. Il convient néanmoins de dire que l'action récursoire portera sur la majoration de la rente et non du capital comme indiqué de manière erronée et d'ailleurs contradictoire dans le dispositif du jugement déféré qui fait référence à la majoration de la rente pour ensuite évoquer celle du capital.

Le recours à l'expertise médicale pour apprécier et évaluer les différents préjudices indemnisables subis par M. [B] n'étant pas contesté par l'employeur, même subsidiairement, et la mission de l'expert étant précise et complète, le jugement sera confirmé sur ces points, comme sur le principe et le montant de la provision allouée au salarié victime.

Non autrement et utilement contesté, le jugement sera confirmé pour le surplus de ses dispositions.

Il convient de condamner la société [8], qui succombe, aux dépens d'appel et de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [B] et de condamner la société [8] à lui payer une indemnité de 2 000 euros, l'employeur étant par voie de conséquence débouté de sa demande sur formée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et publique, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à dire que l'action récursoire de la CPAM [Localité 9] [Localité 5] à l'encontre de la société [8] portera sur la majoration de la rente,

Y ajoutant,

Condamne la société [8] aux dépens d'appel,

Déboute la société [8] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne à verser à M. [V] [B] une indemnité procédurale de 2 000 euros.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00501
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.00501 ?
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