La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2023 | FRANCE | N°22/00932

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 01 février 2023, 22/00932


ARRET







[L]





C/



SCP VENIER HAVEZ-VANOC

































































copie exécutoire

le 1/02/2023

à

Me PIAT

Me FABING

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 01 FEVRIER 2023


r>*************************************************************

N° RG 22/00932 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILSK



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 03 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG F 21/00046)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [T] [L]

née le 15 Février 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse ...

ARRET

[L]

C/

SCP VENIER HAVEZ-VANOC

copie exécutoire

le 1/02/2023

à

Me PIAT

Me FABING

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

*************************************************************

N° RG 22/00932 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ILSK

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 03 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG F 21/00046)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [T] [L]

née le 15 Février 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et concluant par Me Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat au barreau de BEAUVAIS

ET :

INTIMEE

S.C.P. VENIER HAVEZ-VANOC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et concluant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 07 décembre 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 01 février 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 01 février 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [L], née le 15 février 1964, a été embauchée par Me [H] le 1er septembre 2007 par contrat à durée indéterminée, en qualité de clerc rédacteur.

Son contrat a été repris par la suite par la société Venier Havez-Vanoc (la société ou l'employeur)

Son contrat est régi par la convention collective du notariat.

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 5 mars 2019.

Des difficultés au cours de la relation contractuelle ont conduit la salariée à saisir dans un premier temps le conseil de prud'hommes de Beauvais en sa formation de référé.

A la suite d'un avis du médecin du travail en date du 6 octobre 2020, la salariée a été déclarée inapte au poste de clerc avec identification de capacités restantes pour la réalisation de tâches sans charge mentale, sans pression temporelle et sans exposition à des situations génératrices de stress.

Elle a été convoquée par la société Venier Havez-Vanoc à un entretien préalable fixé au 16 novembre 2020.

Par courrier du 19 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude physique non professionnelle.

Sollicitant la reconnaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 25 février 2021.

Par jugement du 3 février 2022, le conseil a :

- dit et jugé que l'inaptitude de Mme [L] n'avait pas de caractère professionnel ;

- débouté Mme [L] de toute ses demandes, fins et prétentions ;

- condamné Mme [L] à payer à la société Venier Havez-Vanoc 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La notification du jugement a eu lieu le 7 février 2022. La déclaration d'appel est intervenue le 1er mars 2022.

Par conclusions remises le 23 novembre 2022, Mme [L], qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

- la dire et la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Beauvais en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'inaptitude a une origine au moins partiellement professionnelle et qu'elle est liée au travail ;

En conséquence,

- qualifier l'inaptitude comme étant d'origine professionnelle ;

- condamner la société Venier Havez-Vanoc à lui verser les sommes suivantes :

- 7 998 euros net à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement du fait du caractère professionnel de l'inaptitude ;

- 6 892,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 689,28 euros au titre des congés payés y afférents ;

- condamner la société Venier Havez-Vanoc à lui verser 2 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Venier Havez-Vanoc aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 30 novembre 2022, la société Venier Havez-Vanoc demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Beauvais en ce qu'il a :

- dit que l'inaptitude de Mme [L] n'avait pas d'origine professionnelle ;

- débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

Ce faisant,

- juger que l'inaptitude de Mme [L] n'est pas d'origine professionnelle ;

- débouter purement et simplement Mme [L] de ses demandes, fins et prétentions ;

En conséquence,

- débouter purement et simplement Mme [L] de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- condamner Mme [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude :

Au soutien de son appel, Mme [L] expose avoir été victime, depuis l'année 2017, de brimades, menaces, sanction injustifiée, et dénigrements de la part de son employeur dont il est résulté l'apparition d'un syndrome dépressif constaté médicalement le 5 mars 2019. Elle affirme que les rapports avec son employeur se sont particulièrement dégradés à compter du mois de mars 2019 lorsque celui-ci a émis un avertissement à son encontre et lui a proposé une rupture conventionnelle. Elle précise que cette proposition était, en cas de refus de sa part, assortie de la menace d'un changement de bureau afin d'être mise sous surveillance.

Elle soutient que l'origine professionnelle de son inaptitude, déclarée le 6 octobre 2020 par la médecine du travail, est démontrée par le contenu des messages qu'elle échangeait avec des collègues de travail et celui des documents médicaux qu'elle verse aux débats.

Par ailleurs, elle indique que si la maladie dont elle souffre a fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie, son employeur, au jour de son licenciement, avait parfaitement connaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude, ayant été informé, par courriel du 6 octobre 2020, que cette décision était contestée auprès de la commission de recours amiable de l'organisme.

La société Venier Havez-Vanoc réplique que la salariée ne démontre pas que les conditions de travail qui étaient les siennes sont à l'origine de l'inaptitude à son poste de travail telle que décrite par l'avis d'inaptitude du 6 octobre 2020. Elle ajoute avoir effectivement proposé à la salariée une rupture conventionnelle compte-tenu de son souhait de ne plus travailler dans l'étude.

Par ailleurs, elle soulève que la déclaration de maladie professionnelle transmise à la caisse primaire d'assurance maladie a été suivie d'une décision de refus de prise en charge par l'organisme après avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

En vertu de l'article L.1226-10 du code du travail, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. C'est au salarié de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude à son poste.

En l'espèce, il est acquis que, le 4 mars 2019, Mme [L] s'est vue remettre en main propre un avertissement sur la manière dont elle gérait les rendez-vous de l'étude notariale et qu'une rupture conventionnelle de son contrat de travail lui a été proposée.

Peu important la légitimité de cet avertissement, celui-ci a été immédiatement suivi d'un arrêt de travail à compter du 5 mars 2019 pour un syndrome anxio-dépressif, et la salariée a procédé à la déclaration de cette pathologie le 6 janvier 2020 auprès des services de la CPAM de l'Oise afin d'en obtenir la reconnaissance du caractère professionnel.

Outre l'apparition concomitante de cette pathologie à la réception de l'avertissement, tant le certificat médical du 23 août 2019 du Dr [F], médecin généraliste, que l'avis du médecin du travail transmis à la CPAM de l'Oise le 19 juin 2020 identifient un lien entre le syndrome anxio-dépressif dont est atteinte la salariée et les conditions de travail qui étaient les siennes au sein de l'étude.

Par ailleurs, il est relevé que l'arrêt de travail initialement prescrit et résultant de la première constatation médicale de cette pathologie a été continuellement prolongé jusqu'au 6 octobre 2020, date à laquelle le médecin du travail l'a finalement déclarée inapte à son poste de travail.

A l'instar de la pathologie médicalement constatée le 5 mars 2019, l'inaptitude de la salariée à son poste de travail présente une dimension psychique compte-tenu des capacités restantes exposées par le médecin du travail aux termes de l'avis du 6 octobre 2020 en ce qu'il relevait que Mme [L] pouvait effectuer ses tâches de travail sans charge mentale, sans pression temporelle et sans exposition à des situations génératrices de stress.

Alors que la décision de la caisse du 23 juillet 2020 informant la salariée du refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle est insuffisante dans l'appréciation du juge prud'homal de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, la cour relève un lien entre l'activité professionnelle et la maladie psychique qui est intervenue concomitamment à la réception d'un avertissement émis par l'employeur et qui a eu pour conséquence la poursuite d'un arrêt de travail jusqu'au constat de l'inaptitude de la salariée à son poste de travail.

Ainsi, il s'en déduit que cette inaptitude a, au moins partiellement, pour origine le syndrome anxio-dépressif dont elle est atteinte depuis le 5 mars 2019.

Il est établi que, préalablement au licenciement pour inaptitude prononcé le 19 novembre 2020, l'employeur avait connaissance de la demande présentée par la salariée auprès de la CPAM de l'Oise pour la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

Si l'employeur était informé de la décision de rejet de l'organisme au jour du licenciement, il savait également que cette décision était contestée auprès de la commission de recours amiable, la salariée lui ayant adressé un courriel en ce sens le 6 octobre 2020.

Dès lors, étant relevé que l'inaptitude avait, au moins partiellement, pour origine la maladie constatée le 5 mars 2019 et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement, il convient de retenir que l'inaptitude de Mme [L], constatée le 6 octobre 2020, a une origine professionnelle.

Le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

2/ Sur les conséquences de l'origine professionnelle de l'inaptitude

Mme [L] soutient qu'en raison de l'origine professionnelle de son inaptitude, elle est en droit d'obtenir le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L.1226-14 du code du travail dont le montant correspond au double de l'indemnité de licenciement déjà perçue. Pour les mêmes motifs, elle sollicite la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire, outre les congés payés afférents.

L'employeur n'a pas entendu répondre sur ce point.

Conformément aux dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Il résulte de ces dispositions que le montant de l'indemnité compensatrice ne doit pas être calculé en fonction de la durée du préavis conventionnel mais du seul préavis légal. De même, n'ayant pas la nature d'une indemnité de préavis, cette indemnité compensatrice n'ouvre pas droit à congés payés.

Compte-tenu de l'origine professionnelle de son inaptitude, Mme [L] est en droit de percevoir l'indemnité spéciale de licenciement, de sorte que l'employeur sera condamné à lui payer la somme de 7 998 euros après déduction de l'indemnité légale de licenciement déjà versée.

Si pour les mêmes motifs la salariée peut prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice prévue par les dispositions précitées, elle ne saurait pourtant prospérer en sa demande tendant à en fixer le montant à trois mois de salaire tel que prévu à l'article 12 de la convention collective nationale du notariat.

Par conséquent, compte-tenu de l'ancienneté de la salariée de onze années et deux mois

au jour de son licenciement, son employeur doit lui payer une indemnité compensatrice égale à deux mois de salaire dont le montant n'est pas spécifiquement contesté, soit 4 594 euros.

Enfin, la salariée doit être déboutée de sa demande portant sur le paiement des congés payés afférents à cette indemnité compensatrice.

Partant, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes indemnitaires.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens de l'instance:

Les dispositions du jugement entrepris sont infirmées s'agissant de la condamnation de Mme [L] au paiement de frais irrépétibles et des dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [L] les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour l'ensemble de la procédure.

Il convient de condamner la société Venier Havez-Vanoc, qui succombe, tenue aux entiers dépens, à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'inaptitude de Mme [L], cause de son licenciement prononcé le 19 novembre 2020, a une origine professionnelle,

Condamne la société Venier Havez-Vanoc à payer à Mme [L] les sommes de :

- 7 998 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 594 euros à titre d'indemnité compensatrice,

Déboute Mme [L] du surplus de ses demandes indemnitaires,

Condamne la société Venier Havez-Vanoc à payer à Mme [L] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et en appel,

Déboute la société Venier Havez-Vanoc de sa demande faite sur ce même fondement,

Condamne la société Venier Havez-Vanoc aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/00932
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;22.00932 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award