ARRET
N°
[C]
C/
Société MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE PICARDIE
copie exécutoire
le 1/02/2023
à
Me GRAVIER
Me COTTINET
LDS/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
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N° RG 15/04826 - N° Portalis DBV4-V-B67-GC4P
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 04 SEPTEMBRE 2015
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [M] [C]
né le 26 Juillet 1954 à [Localité 2] (80)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et concluant par Me Clotilde GRAVIER de la SCP DERREUMAUX -
GRAVIER, avocat au barreau de LAON substituée par Me Virginie BERNIER - VAN WAMBEKE, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMEE
Société MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE PICARDIE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée et concluant par Me Samuel COTTINET, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Lise DOMET, avocat au barreau D'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 07 décembre 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus les avocats en leurs observations.
Madame [J] [Z] indique que l'arrêt sera prononcé le 01 février 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame [J] [Z] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 01 février 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
M. [C], né le 26 juillet 1954, a été embauché par la Mutualité sociale agricole de l'Aisne (la caisse ou l'employeur), à compter du 3octobre 1983, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistant social.
Son contrat de travail a été transféré d'abord à la fédération des MSA de Picardie, puis, le 1er avril 2009, à la MSA de Picardie à la suite de la fusion des trois MSA picardes.
Il est régi par la convention collective nationale de la mutualité sociale agricole.
La société emploie plus de dix salariés.
M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon, le 7 septembre 2012, afin de demander que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et que soit constaté que son contrat de travail avait été modifié à compter du 1er avril 2009, par l'effet de la mise en place d'une nouvelle organisation.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 4 septembre 2015, a :
- dit que le contrat de travail de M. [C] n'avait pas été modifié et qu'il ne pouvait pas prétendre aux dispositions de l'accord du 25 juin 2008 ;
- débouté M. [C] de ses demandes à titre :
- de rectification de fiches de paie ;
- d'ajout d'un avenant à son contrat de travail ;
- de rappels de salaires égal à 10 points de rémunération ;
- d'indemnité compensatrice de congés payés ;
- d'indemnité complémentaire au moins égale à 10 points d'évolution par mois jusqu'au jour de la décision ;
- dit que les faits invoqués à l'appui des sanctions disciplinaires étaient non seulement réels et sérieux, mais aussi justifiés et proportionnés aux fautes commises ;
- débouté M. [C] de sa demande à titre :
- d'annulation pure et simple des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre ;
- du remboursement des jours de mise à pied ;
- débouté M. [C] de sa demande tendant au remboursement des frais professionnels ;
- constaté que la MSA de Picardie n'avait manqué à aucune de ses obligations contractuelles ;
- débouté M. [C] de sa demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes d'indemnité afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouté la MSA de Picardie de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles formées au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [C] aux éventuels dépens de l'instance.
M. [C] a interjeté appel de ce jugement.
Le 9 septembre 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête du 14 mars 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de Laon afin notamment de contester la légitimité de son licenciement.
La chambre sociale de la cour d'appel d'Amiens, par arrêt rendu le 7 mars 2018, a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes de Laon concernant la contestation du licenciement et réservé les dépens.
Le conseil de prud'hommes, dans cette affaire, par jugement du 13 novembre 2020, a :
- déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] contre la MSA de Picardie dans sa requête du 14 mars 2017 (RG 2017/55) et réintroduite après radiation le 14 octobre 2019 (RG 2019/151) ;
- débouté la MSA de Picardie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [C] aux entiers dépens de l'instance.
L'affaire a été remise au rôle de la cour.
Par conclusions remises le 27 septembre 2022, auxquelles il se réfère oralement à l'audience, M. [C], demande à la cour de :
- infirmer purement et simplement le jugement rendu le 4 septembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Laon ;
- prononcer la rectification des fiches de paye à compter du 01/04/2009 portant mention de l'emploi réellement occupé, soit conseiller social avec la qualification correspondante (Emploi : conseiller ASS 2ème - réf : emploi 24F2) ;
- ordonner à la MSA d'établir un avenant à son contrat de travail prenant en compte la modification de l'emploi occupé et l'augmentation de sa rémunération conformément à l'accord d'entreprise du 25/06/2008 ;
- condamner la MSA à lui régler un rappel de salaire égal à 10 points de rémunération par mois à compter du 1er avril 2009 soit : 4 534,51 euros ;
- condamner la MSA au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 10 % sur le montant de ce rappel, soit 453,45 euros ;
- condamner la MSA au paiement d'une indemnité complémentaire au moins égale à 10 points d'évolution par mois ;
- prononcer l'annulation pure et simple des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre ;
- condamner la MSA à lui payer la somme de 574 euros en remboursement des jours de mise à pied ;
- prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de la MSA ;
- dire que cette rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la MSA au paiement de sommes suivantes :
- 20 662 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
- 82 650,72 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 2 066,26 euros au titre de congés payés sur préavis le 25 septembre 2015 ;
- 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 28 septembre 2022, auxquelles elle se réfère oralement à l'audience, la Mutualité sociale agricole de Picardie demande à la cour de :
- la recevoir en ses présentes conclusions, l'y déclarer bien-fondée ;
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Laon le 04 septembre 2015 (RG n°F 14/00301) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, l'infirmer de ce chef;
- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
- débouter M. [C] de ses demandes en paiement :
- d'une indemnité au titre de l'indemnité de licenciement ;
- d'une indemnité compensatrice de préavis ;
- d'une demande d'indemnité compensatrice de congés-payés sur préavis ;
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire substantiellement la demande de M. [C] au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
- condamner M. [C] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
- condamner M. [C] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- condamner ce dernier aux entiers dépens.
Par note en délibéré la cour a demandé au salarié de produire ses bulletins de salaire des six derniers mois et son attestation Pôle emploi. M. [C] a satisfait à cette demande le 4 janvier 2023.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur la modification du contrat de travail :
M. [C] fait valoir qu'à la suite de la fusion des caisses départementales au sein de la Mutualité sociale agricole de Picardie, de nouvelles missions ont été confiées aux travailleurs sociaux, regroupant celles des assistants sociaux, de conseillers sociaux et de conseillers action sanitaire et sociale (conseiller ASS) dans un souci d'uniformisation au niveau régional ; qu'à cette occasion un nouveau métier de conseiller social a été créé auquel est confié des missions regroupant celles des trois emplois d'assistant social, de conseiller ASS et d'agent de développement social local et que cette modification constitue une modification de son contrat de travail, à laquelle il n'a pas consenti et qui n'a pas donné lieu à un avenant.
La MSA répond qu'à la suite de la fusion de janvier 2009, le comité d'entreprise a donné un avis favorable à la nouvelle organisation du département action sanitaire et social en Picardie qui a mis sous la même appellation de travailleur social l'ensemble des acteurs du service action sanitaire et social (ASS) quels que soient leur formation initiale et leur niveau de diplôme pour une meilleure lisibilité pour les partenaires extérieurs ; que la fusion n'a pas remis en cause les missions de la MSA de Picardie de sorte que les missions des travailleurs sociaux n'ont pas été modifiées ; qu'ils exercent tous le même métier ; que le salarié n'apporte aucun élément de quelle que nature que ce soit sur la fonction qu'il exerce réellement qui justifierait sa demande ; que la classification réclamée par M. [C] non seulement n'existe pas dans la classification conventionnelle, mais de surcroît, est inférieure au niveau qu'il détient ; que si des travailleurs sociaux ont la qualification de conseiller ASS c'est au motif exclusif qu'ils n'ont pas le diplôme d'assistant social, titre protégé ; que le fait que la mission de M. [C] ne comporte pas seulement de l'accompagnement individuel sur son territoire mais aussi de l'accompagnement collectif et du développement social local, pour lequel il était référent territorial, ne constitue pas un changement de métier ; qu'il a d'ailleurs refusé d'exercer cette dimension de sa mission en refusant de manière réitérée de mettre en place sur son territoire la charte des aînés ; qu'il ne peut pas solliciter l'application de l'accord du 25 juin 2008 qui octroie une attribution de 10 points lors de l'entrée dans la nouvelle fonction, quel que soit le niveau de classification, ni l'application de l'accord du 17 juin 2011 qui vient se substituer à celui du 25 juin 2008 au motif qu'ils ont le même objet.
Il est rappelé que toute modification du contrat de travail suppose l'accord du salarié.
Il est constant que M. [C] a été embauché en qualité d'assistant social. Aux termes de l'annexe à la convention collective de travail du personnel de la Mutualité sociale agricole, l'assistant social réalise, en fonction de la politique d'action sanitaire et sociale définie, l'accompagnement social de personnes et/ou de groupe, à titre préventif ou curatif, en détectant leurs besoins et en proposant des plans d'action appropriés. Il peut être chargé de la conduite de projet. Dans le cadre d'une organisation en polyvalence, il assure les missions de service public telles qu'elles sont définies par le code de la famille et de l'aide sociale.
Aux termes du même répertoire, le conseiller ASS exerce des missions de conseil, formation et information, dans différents domaines : gestion budgétaire familiale, habitat, consommation, emploi' Il conçoit et met en 'uvre des projets d'intervention ou de développement relatifs à l'économie quotidienne dans le cadre de la politique d'action sanitaire et sociale définie : création d'association, mise en place de structures, développement de réseaux, animation de groupes.
Quant à l'agent de développement social local, il favorise le développement social local d'un territoire en réalisant des études et en conduisant des projets de développement social adapté. Il peut également gérer une association, une structure d'animation, un réseau de solidarité'
Or, dans le cadre du projet d'organisation du département action sanitaire et social de Picardie de 2009, il a été décidé de mettre en place sur chaque territoire d'action un travailleur social référent défini comme un professionnel du social en référence à une formation qualifiante (assistant social, conseiller en économie sociale et familiale, éducateur spécialisé) agissant sur un territoire d'action vers une population ciblée fragilisée, apte par ses compétences et la connaissance de son territoire à mettre en 'uvre des actions adaptées pour contribuer à répondre aux besoins de cette population : assurer un accompagnement individuel, animer un groupe (action collective), mobiliser un réseau partenaire, monter un projet, référent sur son territoire d'action, identifié comme étant l'interlocuteur privilégié sur ce territoire pour tout ce qui relève de la mise en 'uvre opérationnelle de l'action sanitaire et sociale, ce rôle lui donnant une obligation de veille sur les problématiques sociales du territoire et lui conférant une place privilégiée dans la circulation de l'information entre l'entreprise, les adhérents, les partenaires et les autres acteurs du social opérant sur le territoire. Il est susceptible de maîtriser un pôle de compétences transversales légitimant son intervention sur des territoires autres que le sien, afin de provoquer et faciliter le brassage et contribuer à une culture de transversalité et de mutualisation des moyens et des savoirs. En termes de modalités opérationnelles, il était acté notamment une évolution vers moins d'accompagnement individuel, plus d'action collective, plus d'actions partenariales sur les territoires d'action, moins de spécialisation des métiers d'assistant social et de conseiller en éducation sociale et familiale dans leurs types d'interventions.
Il était prévu des actions de formation pour accompagner les changements.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, la nouvelle organisation n'a pas consisté simplement en une modification d'appellation mais bien en une évolution substantielle de certains métiers dont celui d'assistant social auquel est désormais dévolu certaines attributions relevant précédemment des métiers de conseiller ASS et d'agent de développement social local, ce changement ayant nécessité des actions de formation dont a d'ailleurs bénéficié M. [C] notamment sous l'appellation « accompagner les transitions professionnelles personnelles ». En déclarant que tous les travailleurs sociaux, quel que soit leur diplôme, exercent le même métier sous le titre de conseillers sociaux, la caisse admet que les spécificités du métier d'assistant social sont gommées et que celui-ci est amené à remplir des tâchess qui relevaient précédemment d'autres emplois.
À titre personnel, M. [C] est désigné sur la carte des conseillers sociaux comme étant le conseiller social référent de l'espace accueil de [Localité 6]. Le rapport établi dans le cadre de la saisine du conseil de discipline porte mention de ce que sa mission était de « contribuer et mettre en 'uvre des projets ou action d'animation de territoire, dans une logique de développement social local en s'appropriant son territoire d'action pour être force de proposition face à des besoins identifiés (connaissance des problématiques sociales, connaissance des partenaires) et qu'il devait « contribuer à la réalisation de diagnostic de territoire avec le pôle ressource et/ou les partenaires ».
Lors de ses évaluations de 2010 et 2012, il lui a été fixé comme objectifs pour la période à venir des actions en rapport avec la dimension collective de ses attributions de référent territorial. En 2010, son supérieur hiérarchique a noté qu'il avait le sentiment que le salarié aurait « des difficultés à faire le deuil de sa fonction d'assistant social » ce qui accrédite l'idée dans l'esprit même de l'employeur d'une évolution substantielle de son emploi.
La caisse ne peut, au risque de se contredire, affirmer à la fois que l'emploi de M. [C] n'a pas été modifié puisqu'il a refusé de remplir la mission de conseiller référent nouvellement dévolue, et le sanctionner pour ce fait par une mise à pied.
Il résulte de ce qui précède que la nouvelle organisation de la MSA s'est accompagnée pour M. [C] d'une modification de son emploi par l'attribution de tâches ne correspondant pas à sa qualification mais à celles de conseiller ASS et d'agent de développement local, modification qui aurait nécessité son accord.
2/ Sur la classification professionnelle et la demande de rappel de salaire :
M. [C] fait valoir qu'il s'est aperçu qu'à fonctions égales avec celles des conseillers sociaux, il est toujours considéré comme assistant social, que sa position indiciaire n'a pas évolué alors qu'il aurait dû bénéficier de l'accord d'entreprise relatif à la mobilité professionnelle du 25 juin 2008 comme cela a été le cas de M. [T] qui se trouvait dans la même situation que lui.
Par voie de conséquence il sollicite sa classification au niveau conseiller ASS 2ème ref : emploi 24F2, l'établissement d'un avenant à son contrat de travail, la rectification de ses bulletins de paie, ainsi qu'un rappel de rémunération égal à 10 points à compter du 1er avril 2009, conformément à l'accord de 2008.
2-1/ Sur la classification :
La qualification professionnelle d'un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert au regard de la convention collective applicable.
En l'espèce, le salarié, selon ses bulletins de paie, et au vu du « répertoire des emplois de la MSA-CC employés et cadres Mutualité sociale agricole » produit par l'employeur, était classé, s'agissant de la référence emploi, au niveau 25A3 ce qui correspond à la filière action sanitaire et sociale (2), au niveau cadre (5), à l'emploi repère assistant social (A) et au degré d'expertise 3 et s'agissant de l'emploi au niveau assistant social 3D.
Or, le niveau d'emploi qu'il réclame (24F2) correspondrait au niveau 4, donc inférieur au sien, et en tout état de cause ne figure pas sur le répertoire précité de sorte qu'il ne peut être fait droit à sa demande de requalification.
En revanche M. [C] est fondé à réclamer que figure sur ses bulletins de paie la mention conseiller ASS à la suite de la réorganisation de la MSA depuis 2009.
2-2/ Sur la demande de rappel de salaire :
La règle « à travail égal, salaire égal » oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Il appartient au salarié de soumettre des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement.
Il incombe ensuite à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence.
L'accord d'entreprise du 25 juin 2008 prévoit que les salariés connaissant, à la suite de la réorganisation de la caisse, une mobilité fonctionnelle à l'initiative de l'employeur correspondant à un changement de filière ou un changement de métier, à niveau conventionnel égal, se voient attribuer 10 points d'évolution lors de l'entrée dans la nouvelle fonction quel que soit le niveau de classification.
L'accord du 17 juin 2011 prévoit les mêmes dispositions étendues à la mobilité géographique à l'initiative de l'employeur.
L'employeur ne conteste pas que M. [T], qui a pris les nouvelles fonctions de conseiller ASS le 1er septembre 2010, ainsi qu'il est démontré, a bénéficié de l'attribution de 10 points d'évolution qu'il justifie par le seul fait que ce dernier a été muté à sa demande de [Localité 5] à [Localité 3] or, ces critères ne répondent pas à l'accord d'entreprise du 25 juin 2008 alors applicable, ni d'ailleurs à celui du 17 juin 2011, en ce qu'il ne s'agit pas d'une mobilité fonctionnelle et/ou qu'elle n'était pas à l'initiative de l'employeur.
Dans ces conditions, M. [C] est fondé à bénéficier d'un traitement égal à celui de son collègue et donc de l'attribution à titre de rattrapage de la somme, non spécifiquement contestée dans son quantum, de 4 534,51 euros ainsi que les congés payés y afférents à hauteur de 453,45 euros étant observé que la même somme avait été sollicitée devant le conseil de prud'hommes en 2015.
Par ailleurs, la MSA devra lui adresser un rappel pour la période courant du 4 septembre 2015, date du jugement au 9 septembre 2016, date du licenciement.
3/ Sur la demande d'annulation des sanction disciplinaires :
M. [C] sollicite l'annulation de l'avertissement qui lui a été infligé le 3 février 2014 aux motifs que les reproches formulés à son encontre sont particulièrement évasifs, que le propre d'une réunion est de recueillir les avis des uns et des autres ce qui ne peut être prétexte à une sanction, que la preuve n'est pas rapportée de la gêne ressentie par les participants à la réunion. Il sollicite également l'annulation de la mise à pied du 10 au 16 avril 2014 puisque l'ensemble des événements ayant eu lieu à compter du début de l'année 2014 relèvent d'un comportement déplacé de son supérieur hiérarchique qui l'a conduit à alerter sa hiérarchie sur une situation de harcèlement moral et qui a été la cause de son accident du travail de février 2014 puis de son licenciement pour inaptitude le 11 juillet 2016.
L'employeur répond que le premier avertissement du 3 février 2014 sanctionnait les faits commis lors d'une réunion de formation du 10 décembre 2013 au cours de laquelle le salarié s'est autorisé à exposer auprès de tiers son différend sur la qualification de son emploi, les dysfonctionnements entre les services et a ouvertement remis en cause la structuration de l'équipe projet, ce comportement ayant mis à mal la cohésion et le professionnalisme des acteurs de la caisse et nuit à l'adhésion des élus à la démarche en cours.
Il ajoute que le 6 février suivant M. [C] a récidivé à l'occasion d'une réunion et qu'il a décidé de saisir le conseil de discipline le 11 février 2014.
Il affirme que la mise à pied de cinq jours, prononcée le 7 avril 2014, sanctionnait le comportement du salarié qui consistait à refuser de manière réitérée les missions de référent territoire qui lui étaient confiées et pour la dernière fois le 11 février 2014 en ne se présentant pas à la réunion des référents, ces agissements constituant des actes d'insubordination caractérisée.
Une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur, qui a la charge de fournir les éléments retenus pour prendre la sanction par application de l'article L. 1333-1 du code du travail, le salarié fournissant pour sa part les éléments à l'appui de ses allégations.
Au cas d'espèce, l'avertissement du 3 février 2014 est motivé par le fait que lors de la réunion du 10 décembre, M. [C] a jugé bon d'aborder plusieurs sujets d'organisation interne qui n'avaient pas à être exposés auprès de tiers dans le cadre d'une journée de formation, que les élus de la caisse présents ont été très mal à l'aise face à ce comportement, certains envisageant de quitter la salle, d'autres exprimant clairement leur désapprobation en indiquant que les points soulevés ne les regardaient pas, que cet incident a eu des répercussions auprès des élus puisque le sujet a été abordé lors du comité départemental du 18 décembre 2014 et que ce comportement avait non seulement mis en cause la cohésion et le professionnalisme des acteurs de la MSA de Picardie devant les élus mais aussi nuit à l'adhésion de ces derniers à la démarche en cours.
M. [C] ne conteste pas avoir évoqué le différend personnel qui l'opposait à l'employeur ainsi que les dysfonctionnements internes entre les services impliqués dans le projet de charte solidarité toutefois il verse aux débats l'attestation d'un élu qui a participé à la dite réunion et qui n'a pas jugé anormal son comportement.
A défaut d'autre élément utile émanant de l'employeur cet avertissement apparaît injustifié et doit être annulé.
La mise à pied est motivée par le refus réitéré du salarié de remplir la mission de référent territoire et la mission « charte des territoires de solidarité avec les aînés » qui y étaient incluses, refus manifesté par des courriels et son absence à des réunions sur le sujet.
Il est acquis que le 17 janvier 2014, M. [C] a déclaré qu'il n'assurerait plus la fonction de référent territoire. Il expose dans une série de courriels et de courriers que ce refus résulte du fait que cette fonction n'est pas définie et très exposée aux critiques voire aux sanctions disciplinaires et qu'il a pris sa décision à la suite d'un entretien avec la directrice adjointe de la caisse, Mme [E], qu'il accuse de l'avoir évincé et de se livrer à du harcèlement moral à son encontre.
Dès lors qu'il a été dit que les missions de référent territorial n'entraient pas dans les attributions initiales du contrat de travail de M. [C] qui n'avait fait l'objet d'aucun avenant en ce sens, ni même d'une fiche de poste pourtant plusieurs fois réclamée, le refus du salarié ne peut être considéré comme fautif. La mise à pied sera donc annulée et l'employeur devra régler à M. [C] la somme non spécifiquement contestée dans son quantum de 560,14 euros étant observé qu'il n'est rien sollicité au titre des congés payés afférents.
Par ailleurs, à l'occasion de sa contestation des sanctions disciplinaires, M. [C] évoque simplement le fait que « le comportement déplacé de son supérieur hiérarchique » l'a conduit à alerter la hiérarchie sur « une situation de harcèlement », toutefois, il ne présente pas les éléments de fait qui selon lui seraient constitutifs de harcèlement moral et ne formule aucune demande de ce chef.
4/ Sur la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur :
Au soutien de sa demande M. [C] invoque la modification unilatérale de son contrat de travail à la suite de la fusion opérée le 1er avril 2019 qui a conduit à lui confier de nouvelles missions dans un but d'uniformisation des métiers, ce sans que lui soit proposé la signature d'un avenant.
L'employeur conteste le manquement invoqué et affirme que le salarié s'est désengagé de lui-même d'une action collective et stratégique sous de faux prétextes et parce qu'il n'a pas supporté d'être repris sur son comportement inapproprié en public.
La voie de la résiliation judiciaire est ouverte au salarié qui invoque que l'employeur a gravement manqué à son égard à ses obligations contractuelles, légales ou conventionnelles La voie de la résiliation judiciaire est ouverte au salarié qui invoque que l'employeur a gravement manqué à son égard à ses obligations contractuelles, légales ou conventionnelles.
Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie et produit, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse ou nul et avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu'à cette date le contrat de travail est toujours en cours.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.
Dans ce cas, la date d'effet de la résiliation doit être fixée à la date de rupture effective du contrat, c'est à dire à la date du licenciement.
Ainsi qu'il a été dit supra la caisse a modifié le contrat de travail de M. [C] sans son accord, sans lui proposer d'avenant et sans même accéder à ses demandes d'élaboration d'une fiche de poste.
Ce manquement est suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat à ses torts.
Produisant tous les effets d'un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, la résiliation judiciaire ouvre doit pour le salarié aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés) ainsi qu'à des dommages et intérêts appréciés, selon les cas, sur le fondement de l'article L.1235-3 ou de l'article L1235-5 du code du travail dans leur version applicable à la date du licenciement.
En l'espèce, ainsi que le fait remarquer la caisse, M. [C] maintient des demandes d'indemnités de licenciement et de préavis alors qu'il ne conteste pas avoir déjà été rempli de ses droits à ce titre à la suite de son licenciement pour inaptitude.
Il n'expose pas sa situation postérieure à son licenciement et a fortiori ne justifie d'aucun préjudice distinct de la seule perte de son emploi.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié au cours des six derniers mois travaillés, de son âge, de son ancienneté dans l'entreprise (plus de 30 ans) et de l'effectif de celle-ci, la cour fixe à la somme indiquée au dispositif les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
M. [C] ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
5/ Sur les demandes accessoires :
La caisse, qui perd le procès, doit en supporter les dépens, sera condamnée à payer à M. [C] la somme précisée au dispositif sur le fondement de l'article 700 et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté la MSA de ses demandes et M. [C] de ses demandes de reclassification, d'indemnité compensatrice de préavis et de remboursement des frais professionnels,
statuant à nouveau et y ajoutant,
prononce la résiliation du contrat de travail de M. [C] à effet du 9 septembre 2016,
annule l'avertissement du 3 février 2014 et la mise à pied du 10 au 16 avril 2016,
condamne la MSA de Picardie à payer à M. [C] les sommes de :
- 4 534,51 euros à titre de rappel de salaire relatif à la revalorisation du point de rémunération outre 453,45 euros au titre des congés payés y afférents,
- 560,14 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied,
- 29 500 à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamne la MSA de Picardie à régler à M. [C] un rappel de salaire correspondant à 10 points de rémunération par mois pour la période du 4 septembre 2015 au 9 septembre 2016,
ordonne à la MSA de Picardie de rectifier les bulletins de paie de M. [C] pour la période du 1er avril 2009 au 9 septembre 2016 pour y faire figurer l'emploi de conseiller ASS,
ordonne à la MSA de Picardie de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à M. [C] depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations,
rejette toute autre demande,
condamne la MSA de Picardie à payer à M. [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.