La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2023 | FRANCE | N°21/02562

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 26 janvier 2023, 21/02562


ARRET

N° 113





S.A.S.U. [3]





C/



CPAM D'ILLE ET VILAINE













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 26 JANVIER 2023



*************************************************************



N° RG 21/02562 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDFN - N° registre 1ère instance : 19/01008



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 13 avril 2021





PARTIES EN CAUSE :

r>


APPELANTE





S.A.S.U. [3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représentée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d'AMIENS substituant ...

ARRET

N° 113

S.A.S.U. [3]

C/

CPAM D'ILLE ET VILAINE

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 26 JANVIER 2023

*************************************************************

N° RG 21/02562 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDFN - N° registre 1ère instance : 19/01008

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 13 avril 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S.U. [3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

CPAM D'ILLE ET VILAINE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Mme [H] [J] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Novembre 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 26 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 30 novembre 2015, M. [T] [E], salarié de la société [4] en qualité de coordinateur technique terrain au statut cadre, a effectué une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial en date du 2 novembre 2015 mentionnant " syndrome burn out, épuisement émotionnel, état anxio-dépressif réactionnel".

Par courrier en date du 16 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine (ci-après, la CPAM) a notifié à la société [4] une décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels, après avis favorable rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 6] Bretagne le 6 juin 2017.

Saisi par la société [4] d'un recours contre la décision implicite de rejet de sa contestation de la décision devant la commission de recours amiable de la CPAM, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a, par un jugement rendu le 13 avril 2021, :

- déclaré la société [4] devenue la société [3] recevable,

- rejeté les demandes de nullité inopposabilité de la décision de la CPAM du 16 juin 2017 de reconnaissance de la maladie de M. [E] au titre de la législation professionnelle pour cause d'irrégularités de la procédure,

Avant dire droit sur le fond :

- dit n'y avoir lieu de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1,

- désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Normandie aux fins de dire si la maladie de M. [E], maladie hors tableau, est directement et essentiellement causée par le travail habituel de ce dernier,

(...),

- sursis à statuer sur la demande d'inopposabilité de la société [3] de la décision de la CPAM du 16 juin 2017 ainsi que sur les autres demandes,

- dit que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état du pôle social du tribunal judiciaire de Lille (...),

- réservé les dépens et les autres demandes.

La société [3] a relevé appel du jugement le 12 mai 2021.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 13 juin 2022, lors de laquelle l'affaire a été renvoyée à celle du 14 novembre 2022 à la demande des parties.

Par conclusions n°3 visées par le greffe le 14 novembre 2022 soutenues oralement à l'audience, la société [3] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- infirmer le jugement entrepris,

- statuant à nouveau, dire la décision de la CPAM inopposable à son égard.

Elle invoque plusieurs irrégularités de procédure qui rendent la décision inopposable à son égard, en précisant qu'elle a été informée de la décision de prise en charge de la maladie seize mois après la demande. Elle fait ainsi valoir le défaut de qualité de signataire de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont le tribunal n'a pas tiré les conséquences, le non-respect du délai d'instruction de six mois, la violation du principe du contradictoire dès lors qu'elle n'a pas été informée de l'étude psychiatrique diligentée par le CRRMP de sorte qu'elle n' a pas été en mesure de répliquer sur ce point. Elle reproche au tribunal d'avoir considéré que la seule sanction serait la nullité de l'avis et non celle de la décision alors qu'elle en est l'acte subséquent. Elle ajoute que la violation du contradictoire réside également dans le fait que l'employeur n'a pas eu communication de l'avis du médecin du travail qui n'a pas été communiqué au CRRMP.

Par conclusions visées par le greffe le 14 novembre 2022 soutenues oralement, la CPAM d'Ille et Vilaine demande à la cour de :

Sur la forme,

- constater qu'aucune irrégularité n'est à déplorer dans l'instruction du dossier,

- constater que la décision de prise en charge de la maladie de M. [E] est régulière,

- constater qu'elle n'a méconnu aucune obligation à l'égard de la société [3] et a respecté le principe du contradictoire,

Au fond,

- dire et juger qu'elle a respecté les critères pour la transmission du dossier au CRRMP,

- qu'elle est liée par l'avis rendu par le CRRMP et que c'est à bon droit qu'elle a pris en charge la maladie déclarée par M. [E] le 2 novembre 2015 au titre de la législation professionnelle,

- débouter la société [3] de toute ses demandes,

- confirmer le jugement,

- rejeter la demande de la société [3] de la voir condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [3] aux dépens de l'instance.

La CPAM réplique que le fait que le destinataire d'un acte soit en mesure de connaître l'organisme à l'origine de la décision suffit à assurer la validité de l'acte et qu'il importe peu que la décision soit signée par le directeur de l'organisme ou par son délégué dès lors que l'employeur a la faculté de contester la décision. Elle soutient que l'inobservation du délai d'instruction n'est sanctionnée que par la reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie dont seul l'assuré peut se prévaloir. Enfin, elle considère que sa décision est conforme aux exigences de motivation de l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale et qu'elle a rempli son obligation d'information vis à vis de l'employeur relative à la transmission du dossier au CRRMP et à la possibilité de consulter le dossier avant sa transmission ; que le CRRMP a conformément à l'article D. 461-27 alinéa 5 du code de la sécurité sociale fait appel à l'avis d'un médecin psychiatre dont l'employeur ne pouvait prendre connaissance puisqu'il est postérieur à la transmission du dossier au CRRMP et qu'il ne saurait être reproché un manquement de la CPAM à son obligation d'information.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé plus ample des moyens.

MOTIFS

Sur le défaut de qualité du signataire de la décision de prise en charge de la maladie

L'article R.441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable fait obligation à la caisse de notifier à l'employeur une décision motivée en cas de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

En l'espèce, la décision du 16 juin 2017 de la CPAM reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [E] après avis du CRRMP, s'agissant d'une maladie hors tableau, est signée par la responsable du Service Risques Professionnels, Mme [V] [B].

Aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obligation à la caisse de justifier du pouvoir de son agent, la notification de la décision liant la caisse et l'employeur conservant la possibilité de contester le bien-fondé et les modalités de mise en oeuvre de la décision. Il s'ensuit que les développements de l'appelante relatifs à la délégation de signature sont inopérants.

Les premiers juges ont donc par des motifs pertinents rejeté ce moyen d'inopposabilité.

Sur les délais d'instruction et le principe du contradictoire

En application de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, la caisse dispose d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie.

Sous réserve des dispositions de l'article R441-14, en l'absence de décision de la caisse dans ce délai, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

Selon l'article R441-14 précité, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai susvisé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et à l'expiration d'un nouveau délai de trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), mentionné au cinquième alinéa de l'article L461-1, le délai imparti à ce comité, pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Il s'ensuit que la caisse dispose d'un délai maximal de six mois pour procéder à l'instruction d'un dossier en matière de maladie professionnelle ; que l'inobservation de ce délai n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, à l'exclusion de l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'employeur, qui peut toujours contester son bien-fondé devant le juge.

En l'espèce, la CPAM a réceptionné le 10 décembre 2015 la déclaration de maladie professionnelle de M. [E] accompagnée d'un certificat médical initial au titre d'une maladie hors tableau, et a notifié à l'employeur le 7 mars 2016, soit avant l'expiration du premier délai de trois mois, la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction de sorte qu'elle disposait d'un délai d'instruction jusqu'au 7 juin 2016.

Par courrier du 13 mai 2016, soit avant l'expiration du délai d'instruction, la CPAM a informé la société [3] de la transmission du dossier de M. [E] au CRRMP, la maladie n'étant pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles, et l'a invitée à venir consulter les pièces constitutives du dossier jusqu'au 2 juin 2016 avant sa transmission.

Le CRRMP a rendu son avis le 6 juin 2017, et la CPAM, au vu de l'avis favorable du CRRMP, a notifié le 16 juin 2017 sa décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Il résulte de ces éléments que la CPAM a respecté le principe du contradictoire lors de la transmission du dossier au CRRMP, la mise à disposition du dossier suffisant à caractériser le respect de son obligation, et que le délai de six mois dans lequel elle devait statuer a été dépassé.

Toutefois comme indiqué précédemment, l'inobservation du délai de six mois pour prendre la décision n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie à l'égard de la victime.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'employeur ne pouvait en tirer aucune conséquence telle l'inopposabilité de la décision.

Sur l'absence de transmission de l'avis du médecin du travail au CRRMP

L'article D. 461-29-2° du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige précise que le dossier constitué par la caisse doit comprendre un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises.

Il appartient dès lors à la caisse de solliciter cet avis, sauf à elle d'établir, à défaut, qu'elle a été dans l'impossibilité matérielle de l'obtenir avant transmission du dossier au CRRMP.

En l'espèce, le CRRMP de Bretagne s'est prononcé sans disposer de l'avis du médecin du travail.

Or la CPAM ne verse aucune pièce tendant à établir qu'elle a sollicité cet avis et ne conclut d'ailleurs pas sur ce point.

Il s'ensuit que l'avis du CRRMP est irrégulier, le dossier lui ayant été adressé ne répondant pas aux exigences de l'article D. 461-29 précité.

En conséquence, la décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à la société [3].

Le jugement sera donc infirmé.

Sur les dépens

La caisse qui succombe à l'instance, doit être condamnée aux dépens.

Enfin la cour n'est saisie d'aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le dispositif des conclusions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 13 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare inopposable à la société [3] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine du 16 juin 2017 de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie du 2 novembre 2015 déclarée par M. [T] [E],

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine aux dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/02562
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.02562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award