ARRET
N° 54
[I]
C/
MDPH DU [Localité 5]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
*************************************************************
N° RG 20/04130 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H2R5 - N° registre 1ère instance : 19/00507
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES EN DATE DU 26 juin 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [V] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me CASSEL, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65
ET :
INTIME
MDPH DU [Localité 5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Non représentée
Convoquée par lettre recommandée le 20 avril 2022 dont l'accusé réception a été tamponné le 25 avril 2022
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
*
* *
DECISION
Le 14 mai 2018, M. [V] [I] a sollicité de la Maison départementale des personnes handicapées du [Localité 5] ( ci-après la MDPH) le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du volet aide humaine de la prestation de compensation du handicap (PCH) au titre de pathologies visuelles sévères dans le cadre de la maladie de Basedow dont il est atteint.
Par une décision du 15 janvier 2019, notifiée le 28 janvier 2019, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a rejeté la demande d'AAH au motif d'un taux d'incapacité inférieur à 50%.
Par une décision du 15 janvier 2019, notifiée le 25 janvier 2019, la CDAPH a rejeté la demande de PCH au motif que l'assuré ne présentait pas une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité référencée ou une difficulté grave pour la réalisation de deux activités référencées.
Saisi par M. [I] d'un recours contre ces décisions et après rejet du recours administratif préalable, le tribunal de grande instance de Valenciennes, pôle social, a, par jugement du 26 juin 2020 :
- débouté M. [I] de ses demandes,
- condamné M. [I] aux dépens.
Par courrier recommandé expédié le 30 juillet 2020, M. [I] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 30 juin 2020, l'appel a été enregistré sous le n° RG 20/04130.
Par courrier recommandé reçu au greffe le 3 août 2020, le conseil de M. [I] a également interjeté appel du jugement. L'appel a été enregistré sous le n° RG 20/04308.
Enfin, un troisième dossier a été ouvert sous le n°20/05708 concernant la même décision.
Par une ordonnance de jonction, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné la jonction des procédures sous le numéro 20/04130.
Par une ordonnance du 9 février 2022, la cour a ordonné une mesure de consultation sur pièces et désigné à cet effet le docteur [O].
Le docteur [O] a rendu un avis le 7 avril 2022. Il conclut qu'à la date du 15 janvier 2019, l'incapacité est inférieure à 50% ne permettant pas de prétendre à l'AAH.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 29 septembre 2022.
Par conclusions reçues le 27 juin 2022 soutenues oralement à l'audience, M. [I] demande à la cour de:
- réformer la décision dont appel,
- A titre principal, constater que son état de santé entraîne une incapacité au moins égale à 80% et ce faisant lui accorder:
- le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés,
- le bénéfice de l'aide humaine,
- A titre subsidiaire, constater que son état de santé entraîne une incapacité comprise entre 50 et 79% et une restriction substantielle et durable à l'emploi et ce faisant lui accorder:
- le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés,
- le bénéfice de l'aide humaine,
- A titre infiniment subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée pour trancher le litige, désigner un médecin expert spécialisé en endocrinologie ou ophtalmologie en vue de procéder à une mesure de consultation sur pièces.
Au soutien de ses demandes, il indique présenter une forme sévère et agressive de la maladie de Basedow, maladie auto-immune due à l'attaque par le système immunitaire de la glande thyroïde et qui se caractérise par quatre pathologies:
- une ophtalmopathie, 'dème au niveau des tissus orbitaires,
- une exophtalmopathie, avancement des globes oculaires,
- une diplopie, fait de voir double,
- une paralysie oculomotrice, diminution de la force d'un muscle.
Il fait valoir que par certificat médical du 21 mai 2021, son médecin traitant, le docteur [N], atteste qu'il est gêné au quotidien par sa maladie invalidante en raison de pertes de mémoire, de pertes d'équilibre et vertiges, d'une marche difficile non améliorée malgré de nombreuses séances de kinésithérapie l'empêchant de sortir seul, de céphalées, de la nécessité de vivre en permanence dans la pénombre, d'une fatigue chronique, d'un sommeil perturbé, de crises d'angoisse, d'un isolement social, de troubles de l'attention.
Il précise que toute concentration oculaire nécessitée par la lecture ou le fait de regarder un écran par exemple se solde par un larmoiement intense des deux yeux et des douleurs à l'oeil gauche ; qu'il est suivi par un endocrinologue et par le docteur [Y], expert d'ophtalmologie basedowienne au CHRU de [Localité 4].
Il reproche au docteur [H], médecin désigné par le tribunal, d'indiquer que l'acuité visuelle serait conservée sous prisme pour conclure à un taux d'incapacité inférieur à 50% sans apporter aucun élément médical en ce sens et souligne que ce dernier ne saurait se prévaloir des données cliniques relevées dans le cadre de son examen du 31 janvier 2020 dès lors qu'il n'est pas concomitant à la date de la demande d'AAH.
Il soutient qu'il est particulièrement dépendant de ses proches dans la réalisation des actes de la vie quotidienne comme en justifient les attestations de M. [S] qui réalise ses tâches ménagères et de sa mère qui l'accompagne dans tous ses déplacements ; que son taux d'incapacité est au moins égal à 80% ; qu'il présente une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, une mobilité pédestre réduite et qu'il ne peut être considéré comme totalement autonome.
Il conteste l'avis particulièrement lacunaire du docteur [O] qui n'a pas pris la peine de répondre aux arguments soulevés à l'appui de son recours et qui tout en relevant une « discordance importante » entre les conclusions du docteur [H] et celles du docteur [N], semble se prévaloir de l'avis du docteur [H] sans en expliquer la raison de sorte que la cour ne pourra qu'écarte l'avis du docteur [O].
La MDPH du [Localité 5], régulièrement convoquée, est absente et non représentée. Elle a adressé des pièces par courrier reçu au greffe le 14 mars 2022 mais n'a pas comparu et n'a pas demandé de dispense de comparution.
La procédure étant orale, la cour n'est saisie d'aucune prétention de la MDPH du [Localité 5].
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Sur la demande d'allocation aux adultes handicapés
En vertu des dispositions de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles, constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.
Il résulte de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale que l'allocation aux adultes handicapés est due à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est supérieur à 80%, ou dont le taux est inférieur à 80% et supérieur ou égal à 50%, et qui, compte tenu de son handicap, présente une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.
Le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.
Ce guide barème définit la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 80% comme étant une incapacité sévère entravant de façon majeure la vie quotidienne et entraînant une perte d'autonomie pour les actes de la vie courante.
Seules les pièces médicales contemporaines de la décision contestée peuvent être prises en considération pour l'évaluation du taux d'incapacité de la personne.
En l'espèce, le tribunal a rejeté la demande formée par M. [I], né le 30 juin 1973, en se fondant sur le rapport du docteur [H], médecin consultant, dont il ressort que : « Monsieur [I] pose donc le problème d'une hyperthyroïdie, responsable d'une exophtalmopathie Basedowienne, à l'origine d'une diplopie par défaut d'élévation de l''il gauche et de l'abduction, stabilisée à la mi-2018 après un traitement corticoïde et qui donc perturbe durablement la vision et la perception du relief. L'acuité visuelle reste cependant conservée sous prisme et compte tenu de ces seuls éléments au dossier, le taux d'incapacité reste inférieur à 50% à la date de sa demande (20 juin 2018). »
Le docteur [O], médecin consultant désigné par la cour, a émis l'avis suivant : « Monsieur [I] a été victime d'une ophtalmopathie dysthyroïdienne responsable d'une exophtalmie modérée, d'une diplopie sur paralysie oculomotrice gauche associée à une baisse de l'acuité visuelle bien corrigée par le port de lunettes.
Il existe une discordance importante (aggravation' pathologie intercurrentes') entre l'examen réalisé lors de son expertise par le docteur [H] et le certificat médical du docteur [N], postérieur à la date d'évaluation et sans aucune documentation objective.
À la date du 15/01/2019, le taux d'incapacité en rapport avec les problèmes ophtalmologiques est inférieur à 50%, de l'ordre de 25%.
Conclusion:
À la date du 15/01/2019, l'incapacité est inférieure à 50% ne permettant pas de prétendre à l'AAH. »
A l'appui de son appel, M. [I] soutient que le rapport du docteur [O] est lacunaire et qu'il ne répond pas à ses arguments basés essentiellement sur le certificat du docteur [N], son médecin traitant, en date du 21 mai 2021, qui mentionne des pertes de mémoire et d'équilibre, des difficultés à la marche, la nécessité de devoir occulter l'oeil gauche et de vivre dans la pénombre, l'impossibilité de sortir seul et de reprendre son ancien emploi d'informaticien, la nécessité d'être aidé pour les tâches ménagères, les déplacements notamment, soit une absence d'autonomie dans les actes de la vie quotidienne.
La cour relève, comme le tribunal, que le certificat médical du 21 mai 2021 est largement postérieur à la date de la demande et qu'il ne peut être pris en compte. Par ailleurs, les attestations de M. [K] [S] qui indique réaliser les tâches ménagères de M. [I] et de la mère de ce dernier, Mme [L] [I], qui indique l'aider dans les déplacements et les formalités administratives, établies en octobre 2019, ne sont pas suffisantes pour contredire les avis médicaux des médecins consultants et justifier un taux d'incapacité supérieur à 50%.
Les deux médecins consultants ont analysé les pièces médicales produites qu'ils ont listées dans leur rapport, dont les certificats médicaux du docteur [D] (endocrinologie) établis entre août 2017 et août 2018, les comptes-rendus d'IRM des orbites des 13 mars 2018 et 29 septembre 2018 et le rapport du docteur [N] de sorte qu'il ne peut être valablement soutenu qu'ils ne sont pas étayés. Le docteur [H] a en outre entendu et examiné M. [I] à son cabinet le 31 janvier 2020. Il a décrit les difficultés engendrées par la maladie qui perturbent durablement la vision et la perception du relief tout en relevant à l'examen une mobilité normale et une acuité visuelle conservée avec la correction optique
Au surplus, il apparaît que les taux préconisés par le barème 2-4, annexé au code de l'action sociale et des familles, s'agissant de la diplopie et de la paralysie du regard ne permettent pas, même additionnés, d'atteindre le seuil de 50%.
Dans ces conditions, la cour adoptant les avis concordants des docteurs [H] et [O], retient que l'état de M. [V] [I] à la date du 14 mai 2018, ne justifiait pas un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50%.
Par conséquent, le tribunal a, à juste titre, débouté M [I] de sa demande d'AAH.
Le jugement sera confirmé.
Sur la demande de prestation de compensation du handicap
Aux termes de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles, la prestation de compensation du handicap peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges :
1° liées à un besoin d'aides humaines, y compris le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ;
2° liées à un besoin d'aides techniques, notamment aux frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides techniques relèvent des prestations prévues au 1° de l'article L.160-8 du code de la sécurité sociale ;
(...).
La PCH n'est pas soumise à une condition de taux d'incapacité mais le handicap doit répondre aux critères de l'article D. 245-4 du code précité :
'A le droit ou ouvre le droit à la prestation de compensation, dans les conditions prévues au présent chapitre pour chacun des éléments prévus à l'article L. 245-3, la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l'annexe 2-5 et dans les conditions précisées dans ce référentiel', à savoir :
- la mobilité : se mettre debout, faire ses transferts, marcher, se déplacer, avoir la préhension de la main dominante, avoir la préhension de la main non dominante, avoir des activités de motricité fine,
- l'entretien personnel : se laver, s'habiller, prendre ses repas,
- la communication : parler, entendre, voir, utiliser des appareils et techniques de communication,
- les tâches et exigences générales dont les relations avec autrui : s'orienter dans le temps, s'orienter dans l'espace, gérer sa sécurité, maîtriser son comportement dans les relations avec autrui.
Les difficultés doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an.
Une difficulté est dite grave lorsque l'activité est réalisée difficilement et de façon altérée par rapport à l'activité habituellement réalisée.
Une difficulté est dite absolue quand elle ne peut pas du tout être réalisée sans aide, y compris par stimulation, par la personne elle même, aucune des composantes de l'activité ne pouvant être réalisée.
En l'espèce, M. [I] sollicite le bénéfice du volet aide humaine de la PCH et évoque pour ce faire des difficultés à la marche l'empêchant de sortir seul, un isolement social, une impossibilité de reprendre son ancien emploi du fait de son handicap et de ses problèmes visuels en s'appuyant sur le certificat médical de son médecin traitant en date du 21 mai 2021 et sur les attestations de M. [K] [S] et de Mme [L] [I].
M. [S] atteste qu'il fait le ménage, balaie, lave le sol, les vitres, repassage, cuisine, repas, fait les courses et Mme [I] qu'elle emmène son fils chez le dentiste, psychologue, dermatologue, opticien, pour les courses plus importantes, les papiers importants, soit tout ce que son fils ne peut plus faire.
Or, comme indiqué précédemment, la cour ne peut tenir compte du certificat médical du 21 mai 2021 dès lors qu'il est postérieur de trois ans à la date de la demande, étant ajouté que le certificat médical joint à la demande ne figure pas au dossier.
En outre, la réalisation des tâches ménagères n'entre pas dans la liste des activités prévues à l'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles et l'attestation de Mme [L] [I] ne permet pas de caractériser une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour réaliser deux activités, étant relevé que le docteur [H] indique dans son rapport que l'acuité visuelle reste conservée sous prisme.
Dès lors, les conditions d'octroi de la PCH n'étaient pas remplies à la date de la demande.
Le jugement qui a débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes sera confirmé.
Sur la demande d'expertise
A titre infiniment subsidiaire, M. [I] sollicite la désignation d'un médecin expert spécialisé en endocrinologie ou ophtalmologie en vue de procéder à une mesure de consultation sur pièces.
La cour disposant des avis des docteurs [H] et [O], respectivement désignés en première instance et en appel, dont les avis sont clairs, circonstanciés et dénués d'ambiguïté, et s'estimant suffisamment informée, la demande d'expertise sera rejetée.
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
M. [I], qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes, pôle social, en date du 26 juin 2020,
Y ajoutant,
Déboute M. [V] [I] de sa demande d'expertise,
Condamne M. [V] [I] aux dépens.
Le Greffier, Le Président,