ARRET
N° 53
[Z]
C/
MDPH DU NORD
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
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N° RG 20/04022 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H2OH - N° registre 1ère instance : 19/02583
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 08 juillet 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [T] [Z] agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur [O] [N], né le 31/10/2006
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Marion MANDONNET, avocat au barreau d'AMIENS, substituant Me Emilie CHRISTIAN, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 05
ET :
INTIME
MDPH DU NORD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Non comparante, non représentée,
Convoquée pour l'audience du 29 septembre 2022 par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 25 avril 2022
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2022 devant Madame Véronique CORNILLE , président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Myriam EL JAGHNOUNI, Greffier.
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DECISION
Le 27 mars 2018, [T] [Z] a établi une demande d' allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), de complément d'allocation et d'auxiliaire de vie scolaire auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Nord pour son fils [O] [N], né le 31 octobre 2006. Le dossier a été considéré comme complet à la date du 18 avril 2018.
Par décisions du 3 janvier 2019 de la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) notifiées par la MDPH le 11 janvier 2019, la demande d'AEEH a été rejetée au motif d'un taux d'incapacité inférieur à 50%, tout comme celle d'auxiliaire de vie scolaire au motif « qu'elle n'est pas une solution pérenne pour ce type de difficultés et qu'il relève de l'équipe enseignante de poursuivre les adaptations pédagogiques de droit commun par le biais d'un PAP ».
Par ailleurs, par une décision du même jour, le parcours de scolarisation/orientation a été refusé pour le motif suivant : « comparativement à un enfant du même âge dans la même situation, l'écart constaté ne permet pas d'inscrire l'enfant dans le champ du handicap ».
Saisi d'une contestation de ces décisions après recours administratif préalable obligatoire, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, par jugement du 8 juillet 2020, a :
- déclaré recevable le recours de Mme [T] [Z],
- rejeté la demande d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé,
- dit que l'enfant [O] [N] doit bénéficier d'une auxiliaire de vie scolaire pour l'année scolaire 2020-2021 à raison de 8 heures par semaine mutualisées,
- condamné la MDPH du Nord aux dépens.
Par déclaration d'appel enregistrée le 5 août 2020, [T] [Z] a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 9 février 2022, la cour a ordonné une mesure de consultation sur pièces et désigné à cet effet le Dr [W], lequel a établi son rapport le 5 avril 2022. Il conclut : « A la date du 18/04/2018, l'incapacité est inférieure à 50% ne permettant pas de prétendre à l'AEEH. Une auxiliaire de vie scolaire est justifiée. ».
Les parties ont été convoquées à l'audience du 29 septembre 2022.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience, Mme [T] [Z] demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement en ce qu'il a limité à 8 heures semaine l'intervention de l'AVS et fixé à moins de 50% le taux d'incapacité de [O] [N],
Statuant de nouveau,
- fixer à plus de 50% le taux d'incapacité de [O] [N],
- lui accorder le bénéfice de l'AEEH en sa qualité de représentante légale de son fils [O] [N], et ce avec rétroactivité à compter du mois de juillet 2017, date de la première demande,
- octroyer une AVS au bénéfice de [O] [N] à hauteur de 12 heures par semaine, si besoin mutualisée,
- statuer de droit quant aux dépens.
Elle expose que son fils qui va avoir 16 ans, scolarisé en 3ème dans un lycée agricole depuis septembre 2022, présente des troubles de la compréhension et de l'écriture depuis tout petit ; qu'il a bénéficié d'une AVS de 2012 à 2018 jusqu'à ce que son renouvellement soit refusé ; que le nombre d'heures alloué par le tribunal est insuffisant pour la bonne évolution de [O] qui avait une AVS à hauteur de 12 heures par semaine jusqu'en août 2018.
Elle rappelle qu'elle a bénéficié de l'AEEH jusqu'en juillet 2017 et soutient qu'au vu des pièces versées au dossier (certificat médical de 2016, certificat du docteur [B] de 2017, bilan orthophonique en janvier 2017 et 2019, bilan en psychomotricité, bilan d'ergothérapie du 11 février 2019), [O] a besoin d'un accompagnement quotidien que seul le bénéfice de l'AEEH peut permettre de mettre en place. Elle considère que le tribunal a injustement suivi l'avis du docteur [M] et que le taux d'incapacité doit être fixé entre 50 et 79%.
Elle précise que [K], le frère aîné de [O], qui est dans une situation similaire et qui vit chez son père, bénéficie de l'AEEH ; que [O], très stressé, prend toutes ses affaires dans son sac par peur d'oublier ; qu'il se sent « paumé » ; qu'il n'a pas eu d'AVS l'an dernier au collège malgré le jugement et que la 6ème s'est mal passée.
La MDPH du Nord n'était ni présente, ni représentée à l'audience.
La procédure étant orale, la cour n'est saisie d'aucune prétention de la MDPH du Nord.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur l'AEEH
Aux termes de l'article L.114-1-1 du code de l'action sociale et de la famille, la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quelle que soit l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.
Cette compensation consiste à répondre à ses besoins.
L'article L.541-1 du code de la sécurité sociale indique que toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé (taux au moins égal à 80% selon l'article R.541-1 du même code) qui est apprécié suivant le guide-barème applicable pour l'attribution de diverses prestations aux personnes handicapées.
Selon l'article L. 541-1 alinéa 3, la même allocation peut être allouée, si l'incapacité permanente de l'enfant, sans atteindre le pourcentage mentionné au premier alinéa reste néanmoins égal ou supérieur à un minimum, dans le cas où l'enfant fréquente un établissement d'enseignement adapté, ou dans le cas où l'état de l'enfant exige le recours à un dispositif adapté ou si l'état de l'enfant exige le recours à des soins préconisés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Pour l'application du troisième alinéa de l'article L.541-1 du code de la sécurité sociale, le pourcentage d'incapacité permanente de l'enfant doit être entre 50 et 79%.
Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire. (Article L. 541-1 alinéa 2).
Ainsi selon l' article R. 541-2 du code de la sécurité sociale, pour la détermination du montant du complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'enfant handicapé est classé, par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, au moyen d'un guide d'évaluation défini par arrêté, dans une des six catégories prévues ci-dessous (').
En l'espèce, le médecin consultant du tribunal a émis l'avis suivant :
'La documentation permet de prendre en considération des bilans ergothérapique, orthophonique et des bilans des équipes médico-psychologiques du milieu scolaire. L'orthophoniste souligne surtout une immaturité, une dysorthographie et une lenteur d'exécution et de compréhension. L'équipe médico-psychologique insiste sur un droit possible d'aide à la vie scolaire.
L'enfant est examiné en présence de sa maman, il est le cinquième d'une fratrie de cinq. Sa maman désigne un enfant qui doit être rassuré, à qui l'on doit donner beaucoup d'explications, qui ne peut faire des apprentissages que par fraction, qui a un bon sommeil et qui n'est pas hyperactif. L'enfant ne bénéficie pas d'un suivi médical spécialisé.
Au total, à la prise en considération de la documentation contemporaine de la date d'effet (18 avril 2018), il n'y a pas de justification à proposer un dispositif adapté ou un accompagnement scolaire au cadre de la pathologie et le taux d'incapacité peut être proposé inférieur à 50%'.
Le médecin consultant désigné par la cour a retranscrit dans son rapport l'essentiel du contenu des documents du dossier : certificats médicaux du docteur [B] des 1er avril 2016 et 24 janvier 2017, rapports de Mme [F] de janvier 2017 et février 2019, bilan psychomoteur du 9 octobre 201, compte-rendu du 4 octobre 2018 de l'équipe du suivi de scolarisation, comptes-rendus d'équipe de suivi de scolarisation des 12 février 2018 et 30 avril 2019, et bilan d'ergothérapie du 11 février 2019.
Il conclut qu'à la lecture de ces documents, l'incapacité de [O] [N] est modérée avec un taux inférieur à 50% ; qu'il ne peut donc prétendre à l'AEEH, que cependant, une auxiliaire à la vie scolaire est justifiée.
Les avis concordants des médecins consultants sont étayés et reposent sur une juste analyse des pièces transmises par Mme [T] [Z] qui révèlent chez le jeune [O] une dysorthographie, des troubles de la concentration, une immaturité, de l'anxiété, des difficultés en graphisme étant précisé qu'il n'y a pas au dossier de document médical diagnostiquant une dysgraphie et que le mineur ne fait pas l'objet d'un suivi médical spécialisé. Seuls un suivi en psychomotricité et un suivi en orthophonie depuis plusieurs années sont mentionnés, étant observé que la préconisation de séances d'ergothérapie n'existait pas à la date de la demande, le bilan d'ergothérapie datant du 11 février 2019.
Les éléments invoqués en cause d'appel ne sont pas de nature à remettre en cause les avis des médecins sur le taux d'incapacité, le fait que le frère de [O] soit bénéficiaire de l'AEEH n'étant de toute évidence pas suffisant. La cour observe par ailleurs que Mme [T] [Z] ne bénéficie plus de l'AEEH depuis 2017, une précédente demande pour [O] en 2017 ayant été rejetée en raison du taux d'incapacité insuffisant et qu'en tout état de cause, il y a lieu de se placer au jour de la demande (soit le 18 avril 2018) pour apprécier l'éligibilité au bénéfice d'une allocation déjà octroyée par le passé.
Au vu de ces éléments, le tribunal, relevant l'absence de suivi médical spécialisé, a à bon droit, entérinant l'avis du médecin consultant, retenu que les difficultés rencontrées par [O] génèrent un taux d'incapacité inférieur à 50% selon le guide barème.
Les conditions ne sont donc pas réunies pour ouvrir droit à l'AEEH.
Le jugement sera confirmé.
Sur la demande d'AVS
L'article L.111-1 du code de l'éducation affirme que le service public de l'éducation veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction quels que soient les besoins particuliers de l'élève, c'est à l'école de s'assurer que l'environnement est adapté à sa scolarité.
L'article L.351-3 du code de l'éducation prévoit que les élèves en situation de handicap peuvent se voir attribuer une aide humaine individuelle ou mutualisée. Cette aide est attribuée par la CDAPH.
En vertu de l'article D.351-16 du code de l'éducation, l'aide humaine individualisée est accordée aux élèves qui ont besoin d'une attention soutenue et continue dans les trois domaines d'activité : les actes de la vie quotidienne, l'accès aux activités d'apprentissage et les activités de la vie sociale et relationnelle.
C'est seulement s'il y a un besoin d'accompagnement dans ces trois domaines que l'on considère que le besoin d'accompagnement est soutenu et continu et justifie alors la présence d'une aide humaine individuelle.
Conformément à l'article D.351-16-2 du code de l'éducation, l'aide mutualisée est attribuée à un élève par la CDAPH, lorsqu'il a besoin d'un accompagnement sans qu'il soit nécessairement soutenu et continu.
La CDAPH détermine les activités principales de la personne chargée de l'aide humaine mutualisée, sans précision de quotité horaire. L'organisation de l'emploi du temps de ces personnels doit permettre la souplesse nécessaire à l'action de la personne chargée de l'aide humaine mutualisée, qui peut être mobilisée pour un ou plusieurs élèves à différents moments. Lorsqu'un personnel chargé de l'aide humaine mutualisée suit plusieurs élèves sur un même établissement scolaire, le partage de son temps en plages horaires fixes dédiées doit faire l'objet d'une concertation avec le directeur d'école ou le chef d'établissement (article D.351-16-3).
Enfin, d'après l'article D 351-16-4 du code de l'éducation, l'aide individuelle a pour objet de répondre aux besoins d'élèves qui requièrent une attention soutenue et continue sans que la personne qui apporte l'aide puisse concomitamment apporter son aide à un autre élève handicapé.
En l'espèce, la nécessité pour [O] d'un accompagnement en classe pour suivre sa scolarité n'est pas contestée. Le litige porte sur le nombre d'heures alloué.
Le tribunal a retenu une aide à raison de 8 heures par semaine mutualisées pour l'année 2020-2021.
Mme [T] [Z] estime que ce quota est insuffisant, qu'il était de 12 heures par semaine jusqu'au 31 août 2018 ([O] était alors en CM2) et elle indique que l'aide n'a pas été mise en place depuis.
Dans sa décision du 25 juillet 2017, la CDAPH a accordé une aide mutualisée jusqu'au 31 août 2018. Le nombre d'heures n'est pas précisé.
Le compte-rendu d'équipe de suivi de scolarisation du 12 février 2018 fait état de 12 heures par semaine et celui du 4 octobre 2018 de la présence d'une AESH dans la classe pour 3 élèves pour aider à la concentration, à l'organisation, à la reformulation des consignes. Il ressort du compte-rendu du 4 octobre 2018 que l'aide a cessé au cours de l'année de 6ème suite au rejet de la demande de renouvellement de la mesure et qu'au vu des nombreuses difficultés persistantes, seul un redoublement pouvait être envisagé à la fin de la première année de collège.
Au vu de ces éléments, la décision du tribunal d'allouer une aide mutualisée avec l'indication de 8 heures par semaine est bien fondée.
Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Sur les dépens
Les dépens sont laissés à la charge de la MDPH.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Lille, pôle social, en date du 8 juillet 2020,
Condamne la MDPH du Nord aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,