ARRET
N° 50
CPAM DE LA COTE D'OPALE
C/
[L]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
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N° RG 20/00144 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HTMI - N° registre 1ère instance : 18/02878
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 06 décembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM DE LA COTE D'OPALE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme [V] [Z] dûment mandatée
ET :
INTIME
Monsieur [H] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté et plaidant par Me Patrick LEDIEU de la SCP SCP LECOMPTE LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Le 14 juin 2017, M. [H] [L] a été victime d'un accident du travail, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale (ci-après la CPAM) au titre de la législation sur les risques professionnels.
La consolidation de son état de santé est en date du 2 novembre 2018 et par décision du 6 décembre 2018, la CPAM a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 6% pour les séquelles suivantes : «'Accident du travail avec chute de plusieurs mètres entraînant une perte de connaissance avec syndrome post-commotionnel sur hématome sous dural résorbé spontanément, fracture poignet gauche non dominante ostéosynthésée, disjonction acromio-claviculaire gauche opérée et hématome 'il gauche. Dans les suites rééducation kinésithérapique du membre supérieur gauche, AMOS du poignet. Séquelles : chez un droitier déficit de flexion 20° du poignet et manque de force du membre supérieur gauche objectivé par amyotrophie deltoïdienne et bicipitale (§ 1-1-2 et 1-1-4 et 1-2 du barème)'».
Contestant l'évaluation du taux d'incapacité réalisée par la caisse, M. [H] [L] a saisi le tribunal de grande instance de Lille.
Par jugement du 6 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Lille, pôle social, a :
- déclaré recevable le recours de M. [H] [L],
- accordé à M. [H] [L] l'aide juridictionnelle provisoire,
- fixé à 13% dont 3% d'incidence professionnelle, le taux d'incapacité permanente partielle de M. [H] [L] au 2 novembre 2018 avec toutes les conséquences de droit,
- rappelé que les frais résultant de la consultation médicale sont pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés,
- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale aux dépens.
Par courrier recommandé expédié le 7 janvier 2021, la CPAM a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 10 décembre 2019.
Par ordonnance du 18 janvier 2021, la cour a ordonné une mesure de consultation sur pièces et désigné à cet effet le docteur [N].
Le docteur [N] a établi son rapport le 8 janvier 2022. Il conclut qu'à la date du 2 novembre 2018, le taux d'incapacité permanente partielle était de 6%.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 mai 2022, date à laquelle l'affaire a été, à la demande de l'intimé, renvoyée à l'audience du 29 septembre 2022.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience du 29 septembre 2022, la CPAM de la Côte d'Opale demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lille,
- de recevoir la CPAM Côte d'Opale en son appel, l'en déclarer bien fondée et y faire droit,
- de confirmer le taux médical fixé à 6% pour les séquelles imputables à l'accident du travail de M. [H] [L] du 14 juin 2017 consolidé le 2 novembre 2018,
- fixer l'incidence professionnelle reconnue en première instance, à de plus justes proportions (1 à 2%), compte tenu de l'incapacité médicale.
A l'appui de ses demandes, elle indique que l'assuré ne rapporte dans ses doléances qu'un manque de force et que l'examen de l'épaule par le praticien conseil relève des mobilités normales.
Elle fait valoir que les séquelles de la colonne du pouce et de des lésions d'arthroses ne sont pas imputables à l'accident du travail du 14 juin 2017 et sollicite l'homologation de l'avis du docteur [N].
S'agissant de l'incidence professionnelle, la CPAM indique qu'elle devrait être limitée à 1 ou 2% dès lors que le taux médical est inférieur à 10%.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience du 29 septembre 2022, M. [H] [L] demande à la Cour de :
- confirmer la décision entreprise,
- à titre subsidiaire, lui accorder un taux d'incidence professionnelle de 3%, en sus du taux médical fixé par le docteur [N].
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Sur le taux d'incapacité permanente partielle
En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
La cour rappelle qu'en matière d'incapacité permanente partielle, il convient de se placer au jour de la consolidation pour évaluer le taux d'incapacité. Les éléments postérieurs, s'ils peuvent le cas échéant justifier une révision dans les conditions de l'article L 443-1 du code de la sécurité sociale, n'ont donc pas en principe à être pris en compte.
En l'espèce, M. [L], ouvrier qualifié du BTP, a été victime d'une chute de plusieurs mètres de hauteur le 14 juin 2017, ayant occasionné une fracture du poignet gauche, un traumatisme crânien, une disjonction acromio-claviculaire gauche selon le certificat médical initial du 22 juin 2017.
Le médecin conseil du service médical de la CPAM a évalué le taux d'incapacité permanente partielle à 6% en réparation des séquelles suivantes': «'chez un droitier, déficit de flexion de 20° du poignet et d'un manque de force du membre supérieur gauche objectivé par amyotrophie deltoïdienne et bicipitale (paragraphe 1.1.2, 1.1.4 et 1.2 du barème)'».
Le barème indicatif d'invalidité en son point 1.1.2 relatif aux atteintes des fonctions articulaires mentionne les éléments d'évaluation suivant':
«'Poignet :
Mobilité normale : flexion 80° ; extension active : 45° ; passive : 70° à 80°. Abduction (inclinaison radiale) : 15° ; adduction (inclinaison cubitale) : 40°.
Des altérations fonctionnelles peuvent exister sans lésion anatomique identifiable.
Blocage du poignet':
- en rectitude ou extension, sans atteinte de la prono-supination':15'% (dominant), 10'% (non dominant)
- en flexion sans troubles importants de la prono-supination': 35'% (dominant), 30'% (non dominant)
Pour les troubles fonctionnels associés à la main (voir la partie "La main").
Atteinte de la prono-supination :
Prono-supination normale : 180°.
- Limitation en fonction de la position et de l'importance':10 à 15'% (dominant), 8 à 12% (non dominant)
Ces deux taux s'ajoutent aux taux précédents.
Le docteur [U], médecin consultant désigné par le tribunal, a émis l'avis suivant': «'Monsieur [L] a été victime le 14 juin 2017 d'une chute avec traumatisme crânien avec hématome sous dural, hématome à l''il gauche et diminution temporaire de la vision, disjonction acromio-claviculaire gauche associée à une fracture de l'extrémité inférieure du radius gauche chez un droitier.
Une radiographie montrera une disjonction sterno-claviculaire droite. Monsieur [L] sera opéré au niveau de la fracture du radius gauche, par ostéosynthèse par plaque. Il bénéficiera également d'une plastie de l'articulation acromio-claviculaire gauche. Le médecin conseil dans son examen a constaté la diminution de la flexion palmaire du poignet gauche, une diminution globale de la force du membre supérieur gauche, mais n'a pas noté qu'il avait fait un examen de l'épaule gauche alors que persistent une diminution légère de l'élévation antérieure, des douleurs, une diminution des gestes complexes dans leur amplitude au niveau de la rotation-rétropulsion, ainsi que dans le mouvement main-tête-cou.
Si on peut admettre le taux de 6% pour le poignet gauche, il faut ajouter 5% pour l'épaule gauche soit un total de 10%.
Il s'avère que depuis l'examen, des lésions d'arthroses sont apparues au niveau de la colonne du pouce, expliquant les douleurs présentées à ce niveau. Il y a une diminution de l'extension du pouce gauche qui n'a pas de conséquence fonctionnelle.'»
Le docteur [N], médecin consultant commis par la cour, indique dans son avis : «' Monsieur [L] [H] a été victime d'un accident du travail le 14.06.2017 responsable d'un traumatisme crânien, une disjonction acromio-claviculaire gauche et une fracture du poignet gauche, côté non dominant. Son état a été consolidé le 02.11.2018 avec un taux d'IPP de 6% pour un déficit de flexion de 20° du poignet gauche et diminution de force au membre supérieur gauche. Le taux a été porté à 13%, dont 3% professionnel par le TGI après avis du médecin expert qui note une diminution des mobilités à l'épaule gauche. Cette limitation articulaire n'a pas été décrite par le médecin conseil à la date de consolidation. Elle peut éventuellement faire l'objet d'une aggravation, mais ne doit pas être prise en compte lors du calcul du taux d'IPP à la date du 02.11.2018. A cette date, les séquelles de l'accident du travail du 14.06.2017 consistent en une limitation modérée de la flexion du poignet gauche, non dominant avec diminution de force au membre non dominant. Pour ces séquelles, dans le respect du guide barème, le taux d'IPP médical est de 6%.
CONCLUSION :
à la date du 02/11/2018, le taux d'incapacité permanente partielle était de 6%.'»
En l'espèce, il ressort de l'examen du médecin conseil du 29 novembre 2018 que M. [L] présentait une flexion du poignet gauche à 60° (contre 80° à droite) avec des extensions et inclinaisons normales, une mobilité normale de l'épaule gauche, une mobilité normale de la colonne du pouce gauche avec des douleurs en fin de flexion et une diminution de la force à gauche.
Il découle de ces constatations que M. [L] présentait une limitation modérée de la flexion du poignet gauche et une diminution de force du membre supérieur gauche pour lesquels, tant les médecins désignés par le tribunal et la cour, que le médecin conseil, s'accordent sur un taux de 6%.
Contrairement à ce qu'affirme le médecin désigné par le tribunal, à la date de consolidation, il n'y avait pas de limitation de l'antépulsion et des mouvements complexes de l'épaule non dominante, ni de diminution de l'extension du pouce gauche. Ces séquelles intervenues postérieurement à la date de consolidation ne peuvent donc pas justifier une majoration du taux.
Dès lors, les séquelles de M. [L] justifient, conformément à l'avis du docteur [N], un taux médical de 6% à la date de consolidation du 2 novembre 2018.
Par ailleurs, l'existence d'un préjudice professionnel distinct n'est pas véritablement contestée. En effet, il est établi que les séquelles de l'accident du travail sont à l'origine de l'inaptitude définitive de l'assuré au poste de charpentier prononcée par le médecin du travail le 11 décembre 2018 avec restrictions au port de charges supérieures à 15 kilogrammes, aux élévations répétitives et aux efforts brusques des membres supérieurs, ainsi que du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement intervenu le 10 janvier 2019.
Un tel préjudice justifie la majoration du taux d'incapacité à hauteur de 3'% allouée par le tribunal.
En conséquence, tenant compte de l'ensemble des éléments produits, il y a lieu de fixer le taux d'incapacité permanente partielle de M. [L] à 9% dont 3% au titre de l'incidence professionnelle.
Le jugement est par conséquent infirmé sauf en ce qui concerne le taux relatif à l'incidence professionnelle.
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
M. [H] [L], qui succombe, est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt rendu contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé à 3% le taux d'incapacité relatif à l'incidence professionnelle,
Statuant à nouveau,
Fixe le taux d'incapacité permanente partielle de M. [H] [L] à 9% dont 3% au titre du taux professionnel,
Condamne M. [H] [L] aux dépens de l'instance.
Le Greffier, Le Président,