ARRET
N° 49
[O]
C/
MDPH DU [Localité 4]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
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N° RG 19/08634 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HS26 - N° registre 1ère instance : 18/02309
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 27 novembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [E] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jérôme POLLET, avocat au barreau de LILLE substituant Me Kamel ABBAS, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0018
ET :
INTIME
MDPH DU [Localité 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non représentée
Avis de renvoi envoyé le 01 avril 2022
DEBATS :
A l'audience publique du 29 Septembre 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Estelle CHAPON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Le 14 mai 2018, M. [E] [O] a sollicité de la Maison départementale des personnes handicapées du [Localité 4] (ci-après la MDPH) le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Par une décision du 31 mai 2018, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a rejeté la demande au motif d'un taux d'incapacité inférieur à 50%.
Saisi par M. [O] d'un recours contre cette décision, le tribunal de grande instance de Lille, pôle social, a, par jugement du 7 décembre 2019 :
- déclaré recevable la demande de M. [O],
- rejeté la demande de M. [O], - condamné M. [O] aux dépens.
Par courrier recommandé réceptionné le 26 décembre 2019, M. [O] a interjeté appel du jugement.
Par une ordonnance du 23 novembre 2020, la cour a ordonné une mesure de consultation sur pièces et désigné à cet effet le docteur [F].
Le docteur [F] a rendu un avis le 29 janvier 2021 dans lequel il indique : 'Le seul document fourni est une photocopie illisible du jugement du 27/11/2019. En conséquence, il n'est pas possible de modifier l'avis du pôle social'.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 novembre 2021, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la demande de l'appelant au 31 mars 2022 puis au 29 septembre 2022.
A l'audience, M. [O], par l'intermédiaire de son conseil, dépose son dossier et s'en rapporte à ses écritures par lesquelles il demande à la cour de :
- avant dire droit, ordonner une expertise,
- à défaut d'expertise, infirmer le jugement,
- par conséquent, lui allouer l'AAH rétroactivement à compter de la demande,
- en tout état de cause, lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire.
Il expose être pris en charge pour une obésité (130 kg pour 1 mètre 80) et présenter les antécédents médicaux suivants : hypertension artérielle, fracture de la cheville gauche opérée en 2014 avec pause d'une broche, nombreux antécédents cardiovasculaires avec mort subite de deux frères à 36 et 38 ans, douleurs thoraciques de dyspnée depuis 5 ans et de palpitation depuis 2 ans, adénome tubulo avec un contrôle en 2021.
Il ajoute souffrir de problèmes psychiatriques et psychologiques liés à la guerre en Serbie et se plaint de douleurs testiculaires dans un contexte d'antécédents familiaux de cancer de tescticules. Il précise que ces frères et père sont décédés à la suite de problèmes cardiaques.
Il fait valoir que l'avis du médecin sur lequel se base le jugement n'a pas objectivé de restriction substantielle à l'emploi dans la mesure où il ne corrèle pas de manière adéquate les pathologies physiques avec la problématique psychologique et psychiatrique de sorte qu'une nouvelle expertise s'impose.
Il indique avoir obtenu l'AAH suite à sa demande en juillet 2020 pour la période d'août 2020 au 31 juillet 2022.
La MDPH du [Localité 4], régulièrement convoquée, est absente et non représentée. Elle a adressé des pièces et sollicité une dispense de comparution par courrier reçu au greffe le 16 juin 2022.
Elle n'a toutefois jamais comparu. Il convient de rappeler que la procédure est orale devant la cour et que seule la partie comparante peut former devant le juge chargé d'instruire l'affaire une demande en application de l'article 946 du code de procédure civile tendant à être dispensée de comparaître dans le cadre de l'organisation des échanges entre les parties.
La demande de dispense de comparution et les pièces ne sont donc pas recevables.
MOTIFS
M. [O] s'est vu reconnaître un taux d'incapacité permanente compris entre 50 et 79 %.
Le litige porte sur l'appréciation de la restriction substantielle et durable à l'emploi compte tenu du handicap de l'appelant.
En vertu des dispositions de l'article L 114 du code de l'action sociale et des familles, constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de la vie en société subie dans un environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.
Selon l'article D 821-1-2 du code de la sécurité sociale, « Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit:
1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :
a) Les déficiences à l'origine du handicap ;
b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences;
c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;
d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.
2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :
a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;
b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;
c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.
3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.
4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.
5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;
c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L 245-1 du code de l'action sociale et des familles ».
L'appréciation des conditions d'éligibilité à l'AAH s'effectue au jour de la demande en date du 14 mai 2018.
En l'espèce, le médecin consultant du tribunal a émis l'avis suivant : 'M. [O] est âgé de 40 ans. Il présente une gêne à la marche du fait de douleurs chroniques secondaires à des fractures polyfragmentaires de la cheville droite traitées chirurgicalement. Ceci est aggravé par une importante surcharge pondérale (ce jour 130 kg pour 1,76 m) avec indication de chirurgie concernant cette obésité. Il présente des troubles anxio-dépressifs chroniques du fait de problèmes conflictuels faisant suite à des faits de guerre (Serbie). Du point de vue cardio-vasculaire légère hypertension artérielle non compliquée jusqu'à ce jour. On peut retenir qu'à la date de la demande, le taux d'incapacité était de l'ordre de 65% avec aptitude à des activités adaptées'.
Le tribunal a entériné l'avis du médecin consultant et rejeté la demande d'allocation adulte handicapé, considérant qu'il n'y avait pas de restriction substantielle et durable à l'emploi.
A l'appui de son appel, M. [O] soutient que le médecin consultant ne corrèle pas de manière adéquate les pathologies physiques avec la problématique psychologique et psychiatrique et que la restriction substantielle et durable à l'emploi a été reconnue par la MDPH qui lui a accordé l'AAH du 1er août 2020 au 31 juillet 2022.
Il verse aux débats, un courrier du docteur [B], psychiatre, en date du 7 septembre 2016.
Le docteur [B] écrit : 'J'ai vu en consultation M. [O], né le 09/07/78, habitant [Adresse 3]. Les antécédents psychiatriques sont apparemment sans particularité. M. [O] dit souffrir de trouble du sommeil grave depuis un an, il déclare entendre des voix le soir, qui l'empêchent de dormir, qui l'insultent, disputent entre elles, et le provoquent au point où il y a un passage à l'acte violent (il a cassé son poignet en tapant sur un radiateur), en outre, il y a des hallucinoses olfactives.
L'examen clinique permet de trouver des éléments dépressifs pouvant faire partie d'un épisode dépressif majeur ; la proximité de la période du sommeil et les insomnies ressemble aux hallucinations qu'on peut éprouver lors des insomnies graves. J'ai conseillé à Monsieur [O] un traitement associant le Tercian 100mg essentiellement le soir et Noctamide 2mg.'.
Les autres documents contemporains de la demande produits sont un compte rendu de consultation en cardiologie du 28 mars 2018 qui ne comporte que la première page laquelle reprend les facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme, hérédité, poids, hypertension artérielle) étant observé qu'aucune insuffisance cardiaque n'est relevée dans un compte rendu postérieur du 29 avril 2019, ainsi qu'un compte rendu de fibroscopie oeso gastro-duodénale du 18 octobre 2016 qui conclut 'quelques lésions de gastro duodénite chez un patient fumeur, biopsies effectuées, pas d'autre lésion visualisée'.
La cour relève d'une part qu'aucune prescription ou suivi de nature psychologique ou psychiatrique après la consultation par le docteur [B] qui a eu lieu deux ans avant la demande et qui semble donc isolée ne figure au dossier, étant rappelé que le médecin consultant du tribunal a pris en compte les troubles anxio-dépressifs chroniques liées au conflit en Serbie et les autres pathologies ou difficultés (gêne à la marche, obésité, problèmes cardio vasculaires). D'autre part, la cour a ordonné une mesure de consultation qui n'a pas été effectuée en raison de la carence du demandeur dans la transmission des pièces à l'expert.
Enfin, l'obtention de l'AAH sur une nouvelle demande du 27 juillet 2020 ne permet pas de caractériser l'existence d'une restriction substantielle et durable à l'emploi en mai 2018.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'appelant ne justifie ni du bien-fondé de sa demande, ni de celui d'une nouvelle mesure de consultation étant précisé qu'il n'appartient pas à la juridiction de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.
Il convient dès lors de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Succombant en son appel, M. [O] est condamnée aux dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, réputé contradictoire, en dernier ressort,
Déboute M. [O] de ses demandes,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Condamne M. [O] aux dépens de l'instance d'appel.
Le Greffier, Le Président,