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12/01/2023 | FRANCE | N°19/00506

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 12 janvier 2023, 19/00506


ARRET

N° 47





CPAM DE L'ARTOIS





C/



S.A. [6]















COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 12 JANVIER 2023



*************************************************************



N° RG 19/00506 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HFQO - N° registre 1ère instance : 3120170021



JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 06 décembre 2018



ARRET DE LA

COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 26 janvier 2021



ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 02 décembre 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





CPAM DE L'ARTOIS agissant poursuites et diligences de ses représentants lég...

ARRET

N° 47

CPAM DE L'ARTOIS

C/

S.A. [6]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 12 JANVIER 2023

*************************************************************

N° RG 19/00506 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HFQO - N° registre 1ère instance : 3120170021

JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 06 décembre 2018

ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 26 janvier 2021

ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 02 décembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE L'ARTOIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Mme [F] [H] dûment mandatée

ET :

INTIMEE

S.A. [6] anciennement dénommée société [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 29 Septembre 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 12 mars 2015, M. [T] [G], salarié de la société [6] depuis le 20 août 1971 en qualité de chaudronnier soudeur, a effectué une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du 12 mars 2015 faisant état d'un cancer broncho-pulmonaire.

La pathologie a été prise en charge au titre de la législation professionnelle dans le cadre du tableau 30bis et selon décision du 23 septembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après, la CPAM) a fixé le taux d'incapacité permanente du salarié à 70 % en réparation des séquelles d'un « adénocarcinome lobaire moyen droit traité chirurgicalement sans traitement adjuvant ».

Saisi par l'employeur d'un recours contre cette décision, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille, par jugement prononcé le 6 décembre 2018, a dit inopposable à la société [6] la décision prise par la CPAM de l'Artois fixant à 70 % le taux d'incapacité permanente partielle de M. [T] [G] à la suite de sa maladie professionnelle déclarée le 28 janvier 2015 .

Par courrier recommandé expédié le 18 janvier 2019, la CPAM a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 19 décembre 2018.

Suite au rapport de carence du docteur [M] désigné par ordonnance comme médecin consultant, la présente cour a, par un arrêt du 26 janvier 2021, ordonné une mesure de consultation sur pièces et désigné à cet effet le docteur [R].

En l'absence de rapport du médecin désigné et compte tenu de ses explications, la cour, par un arrêt du 2 décembre 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé plus ample du litige, a procédé à une nouvelle désignation de l'expert en ces termes :

Avant dire droit,

Vu les articles L.141-1, L.141-2, L.142-2, L.142-11, R.142-16 à R.142-16-3 du code de la sécurité sociale et les articles 256 à 282 du code de procédure civile,

- ordonne une mesure de consultation sur pièces,

- commet à cet effet, le docteur [W] [R], expert près la cour d'appel d'Amiens, domicilié [Adresse 4], à charge pour ce médecin consultant de prendre connaissance du dossier soumis à la cour, de donner son avis sur les éléments médicaux de celui-ci et de rendre son rapport dans le délai de quatre mois, à compter de la réception de la mission par le greffe,

(...)

- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de plaidoiries du 29 septembre 2022 à 13h30 après dépôt au greffe du rapport du médecin consultant,

- dit que la notification de la décision vaut convocation à l'audience de plaidoiries.

Le médecin consultant a établi son rapport le 8 avril 2022 et a conclu qu'à la date du 28 janvier 2015, les séquelles décrites justifiaient le maintien d'un taux d'IPP de 70 %.

A l'audience du 29 septembre 2022, par conclusions soutenues oralement, la CPAM de l'Artois demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable,

- constater que le tribunal du contentieux de l'incapacité ne s'est pas conformé aux dispositions légales prévues en matière de contestation de taux suite à une maladie professionnelle 30 bis,

- infirmer le jugement rendu par le TCI de Lille le 6 décembre 2018,

- entériner le rapport d'expertise rendu par le docteur [R] le 8 avril 2022.

A l'appui de ses demandes, elle expose que les articles D. 461-5 et D. 461-21 du code de la sécurité social disposent que la juridiction saisie d'une contestation du taux d'incapacité attribué à la suite d'une affection due à l'amiante est tenue d'ordonner une expertise avant dire droit en pneumologie.

Elle fait valoir que le tribunal du contentieux de l'incapacité s'est soustrait à ses obligations en prétextant que la caisse demandant une telle expertise, avait avoué sa propre carence et qu'il appartenait au médecin conseil de mettre en oeuvre cet examen, et en jugeant que la lacune de la caisse rendait de facto la décision attributive de rente inopposable à l'employeur.

La CPAM constate que l'avis du docteur [R], expert en pneumologie, est conforme à sa décision et en sollicite l'homologation.

Par conclusions n° 2 transmises le 8 septembre 2022 soutenues oralement, la société [6] anciennement dénommée société [6], demande à la cour de :

- écarter les conclusions du docteur [R],

- prendre acte des rapports médico-légaux du docteur [I],

- juger qu'à son égard, le taux médical de 70% doit être ramené à 12% dans les rapports CPAM/employeur,

- condamner la CPAM aux dépens de l'instance.

Elle se prévaut de l'avis médico légal de son médecin, le docteur [I], selon lequel le taux d'incapacité doit être fixé en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques : en l'occurrence, il s'agit d'un cancer découvert à un stade précoce avec des suites thérapeutiques tout à fait favorables, l'assuré ne présentant aucun signe de récidive loco-régionale à 5 ans du traitement, ce qui permet de parler de rémission complète, voire de guérison. Le docteur [I] estime qu'une lobectomie entraîne un syndrome restrictif discret justifiant un taux de 10% (barème 6.9.1) pour troubles fonctionnels légers et que selon le barème 6.8.2.2, le taux doit être multiplié par 1,2 en cas de douleurs thoraciques (cicatricielles), ce qui porte le taux d'incapacité à 12%.

Elle reproche au médecin consultant, le docteur [R], de faire application de la fourchette de 67 à 100% préconisée par le point 6.6.1 du barème alors qu'il n'existe qu'un trouble ventilatoire restrictif entrant dans le cadre des insuffisances respiratoires chroniques légères et que l'obésité y participe.

Elle ajoute que le docteur [I], n'a jamais proposé de faire application du point 6.6.2 du barème contrairement à ce qu'affirme le docteur [R] et rappelle que le barème n'est qu'indicatif.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé plus ample des moyens.

MOTIFS

Sur l'inopposabilité de la décision de la caisse prononcé par le tribunal du contentieux de l'incapacité

Selon l'article D. 461-8 du code de la sécurité sociale applicable en vertu de l'article D. 461-5 du même code aux maladies professionnelles provoquées par l'inhalation de poussières d'amiante : « La déclaration de la maladie à la charge de l'intéressé en vertu de l'article L.461-5 doit être faite à la caisse primaire d'assurance maladie ou à l'organisation spéciale de sécurité sociale, même si le certificat médical prévu audit article ne conclut qu'au changement d'emploi.

Le médecin-conseil du service du contrôle médical de la caisse primaire ou l'organisation spéciale de sécurité sociale détermine s'il y a lieu de solliciter l'avis d'un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en médecine du travail possédant des connaissances particulières dans le domaine des pneumoconioses. Le médecin-conseil lui adresse le dossier. »

Aux termes de l'ancien article D. 461-21 du même code (abrogé au 1er janvier 2019) : « En cas de contestation portant sur le taux d'incapacité permanente de travail, le tribunal du contentieux de l'incapacité mentionné à l'article L. 143-2 doit obligatoirement soumettre le dossier de la victime à un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en médecine du travail possédant des connaissances particulières dans le domaine des pneumoconioses, qui examine la victime.»

Les premiers juges ont estimé « qu'en sollicitant la désignation d'un médecin pneumologue, la caisse primaire d'assurance maladie avoue sa propre carence car il appartenait au médecin conseil de mettre en oeuvre cet examen et qu'en ne le faisant pas, cette lacune rend de facto inopposable à l'employeur au titre du tableau 30 bis des maladies professionnelles la maladie professionnelle déclarée par le salarié ».

En statuant ainsi, alors que la désignation d'un sapiteur pneumologue est une faculté pour le médecin conseil selon l'article D. 461-8 du code de la sécurité sociale et une obligation pour le tribunal selon l'article D. 461-21, ils ont méconnu les dispositions applicables.

Le jugement sera par conséquent infirmé.

Sur le taux d'incapacité permanente partielle

En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Le barème indicatif d'invalidité (maladies professionnelles) en son point 6.6.1 indique : « Cancers broncho-pulmonaires primitifs en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques : 67 à 100 % »

Le médecin conseil du service médical de la caisse a évalué le taux d'incapacité de M. [G] à 70% pour un adénocarcinome lobaire moyen droit traité chirurgicalement sans traitement adjuvant

Le docteur [R], pneumologue, commis par la cour, a émis l'avis suivant : « Monsieur [G] a été victime d'un cancer broncho-pulmonaire primitif de type adénocarcinome ayant subi une lobectomie moyenne droite sans traitement complémentaire.

Ce cancer broncho-pulmonaire, se développe chez un sujet obèse (IMC = 30,72 kg/m2). Il existe un trouble ventilatoire restrictif entrant dans le cadre des insuffisances respiratoires chroniques légères dans laquelle participe l'obésité.

Il existe des douleurs cicatricielles avec allodynies justifiant d'un traitement au long cours.

Le barème indicatif de l'UCANSS note au paragraphe 6.6.1: Cancer broncho-pulmonaire primitif en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques : 67 à 100%.

En l'absence de traitement complémentaire conformément au barème, le taux d'IPP à retenir est de 67%.

À ce taux il convient d'ajouter la prise en charge des douleurs post-opératoires ce qui permet d'expliquer le taux de 70% retenue par le médecin conseil.

Si l'on utilise le barème, paragraphe 6.6.2, comme le suggère le Docteur [I], le taux d'IPP devrait être porté à 80% (67 x 1,2).

C'est lors de l'indemnisation par le [7] que le taux d'IPP, à cinq ans en cas de rémission, est évalué en fonction du retentissement fonctionnel respiratoire. Dans cette situation, le taux d'IPP est de 100% pendant les deux ans après le diagnostic, puis 70% pendant trois ans puis évalué en fonction du retentissement fonctionnel ventilatoire. En général, pour une lobectomie un taux d'IPP de 40% est retenu.

CONCLUSION :

À la date du 28/01/2015, les séquelles décrites justifient le maintien d'un taux d'IPP de 70%. »

Le docteur [I], médecin conseil de la société [6], critique l'évaluation retenue et l'application du point 6.6.1 du barème qui n'est qu'indicatif compte tenu des suites thérapeutiques favorables en l'absence de signe de récidive loco-régionale à 5 ans de traitement. Il se réfère au barème 6.9.1 pour tenir compte de la lobectomie entraînant des troubles fonctionnels légers justifiant un taux de 10% et au barème 6.8.2.2 pour tenir compte des douleurs thoraciques cicatricielles justifiant que le taux soit porté à 12%. Il considère que la dyspnée retrouvée est à relier au tabagisme et à l'obésité.

Cependant dès lors que la pathologie a été reconnue au titre du tableau 30bis désignant le cancer broncho-pulmonaire primitif et que les séquelles décrites à la date de consolidation sont un trouble ventilatoire restrictif et des douleurs post-opératoires, l'application du point 6.6.1 du barème d'invalidité, certes indicatif, qui vise les cancers broncho-pulmonaires primitifs en fonction du code TNM et des suites thérapeutiques, est justifiée.

Le docteur [R] a tenu compte des suites thérapeutiques favorables et de la participation de l'obésité dans le trouble ventilatoire pour appliquer la fourchette la plus basse du barème de 67%. Sur le plan du tabagisme, il relate une cessation en 2008 de l'intoxication débutée à l'âge de 16 ans.

Par ailleurs, les douleurs cicatricielles post-opératoires avec allodynies ne sont pas contestées et le docteur [R] note qu'elles justifient un traitement au long cours et une indemnisation.

Dès lors, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, contradictoirement débattus, les séquelles de M. [G] justifient la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 70% à la date de consolidation du 28 janvier 2015.

Sur les dépens

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [6], partie succombante, est condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt rendu contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Fixe à 70% le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [T] [G] en réparation des séquelles de la maladie professionnelle consolidée à la date du 28 janvier 2015,

Déclare ce taux opposable à la société [6],

Condamne la société [6] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/00506
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;19.00506 ?
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