ARRET
N° 43
[C]
C/
S.A.S. [7]
Caisse CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DE L'OISE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 10 JANVIER 2023
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N° RG 21/03937 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFYW - N° registre 1ère instance : 19/00106
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 24 JUIN 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [S] [C]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Ali HASSANI, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160
ET :
INTIMEE
S.A.S. [7], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me HUERTAS Marion, avocat au barreau de Lille substituant Me Christine CARON-DEBAILLEUL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LILLE
PARTIE INTERVENANTE
CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DE L'OISE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Madame [M] [B], dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 19 Septembre 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 10 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Myriam EL JAGHNOUNI, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement du tribunal judiciaire (Pôle social) de Beauvais en date du 24 juin 2021 qui a:
- déclaré M. [S] [C] recevable mais mal fondé en son recours,
- débouté M. [S] [C] de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société SAS [7] dans la survenance de l'accident dont il a été victime le 11 mars 2016,
- débouté M. [S] [C] de ses demandes indemnitaires subséquentes,
- débouté M. [S] [C] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné M. [S] [C] aux dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
Vu la notification du jugement parvenue le 6 juillet 2021 à M. [S] [C] ;
Vu la déclaration d'appel de M. [S] [C] adressée au greffe le 22 juillet 2021;
Vu la convocation des parties et leur comparution à l'audience du 19 septembre 2022 ;
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, M.[S] [C] demande à la cour de:
- infirmer le jugement dont appel rendu par le tribunal judiciaire de Beauvais le 24 juin 2021,
En conséquence,
- dire et juger M. [S] [C] recevable et bien fondé en son appel,
- reconnaître la faute inexcusable de l'employeur,
- faire droit à la demande d'indemnisation des préjudices à hauteur de la somme de 30 000 euros ou subsidiairement ordonner une expertise médicale,
- faire droit à sa demande de provision de 5000 euros,
- condamner la société [7] à payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [7] aux entiers dépens.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la société [7] demande à la cour de:
A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Beauvais en date du 24 juin 2021 qui a débouté M. [S] [C] de ses demandes, fins et conclusions concernant la faute inexcusable de son accident du travail en date du 11 mars 2016,
A titre subsidiaire,
- débouter M. [S] [C] de sa demande de majoration de rente,
- ordonner avant dire droit une expertise médicale en limitant la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices suivants:
- pretium doloris
- déficit fonctionnel temporaire
- tierce personne avant consolidation
- réduire à de plus justes proportions la provision demandée par M. [S] [C]
et la fixer à la somme de 2000 euros,
En tout état de cause,
- laisser aux parties la charge de leurs propres dépens.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise demande à la cour de:
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable,
En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,
- débouter M. [S] [C] de sa demande de majoration de la rente en l'absence de rente versée consécutivement à l'accident du 11 mars 2016,
- débouter M. [S] [C] de sa demande concernant la désignation d'un expert,
Subsidiairement,
- limiter la mission de l'expert à l'évaluation des préjudice limitativement énumérés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale et le cas échéant à ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale pour lequel l'assuré social justifierait de la nécessité d'obtenir l'avis d'un expert,
- ramener le montant de la provision à de plus justes proportions compte tenu de l'absence de séquelles indemnisables consécutivement à l'accident du 11 mars 2016,
- dire que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise pourra récupérer auprès de l'employeur le montant des indemnités en réparation des préjudices susceptibles d'être versées à M. [S] [C] en application de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
L'article L.452- 1du code de la sécurité sociale dispose que: ' lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, en ce qui concerne les accidents du travail.
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
Il ressort des pièces produites et des débats que M. [S] [C] a été engagé par la société [7] suivant contrat à durée indéterminée en date du 23 juillet 1990.
La société [7] a établi le 14 mars 2016 une déclaration d'accident du travail dans les termes suivants: ' la victime était en train de procéder au nettoyage du poste de travail. Lors de l'accident, la victime réceptionnait un bac de mortier ( vide) que lui passait ses collègues. Le bac a glissé des mains de ses collègues et la victime l'a reçu sur lui.'
Le certificat médical initial établi le 12 mars 2013 par le Docteur [Y] [H] mentionne ' céphalée'.
Par courrier en date du 7 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise a reconnu le caractère professionnel de l'accident.
M. [S] [C] a fait valoir ses droits à retraite le 31 mars 2016.
Le conseil de M. [S] [C] a saisi la caisse en vue d'une conciliation et un procès-verbal de carence ayant été établi en date du 12 octobre 2017, il a saisi le tribunal de sécurité sociale compétent.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel.
Au soutien de son appel, M. [S] [C] fait valoir qu'il sortait de l'immeuble en travaux lorsqu'il a reçu un bac de mortier pesant plus de 70 kg sur la tête d'une hauteur de plus de 5 mètres.
Il verse aux débats une attestation non datée ainsi libellée : ' Je soussigné [A] [F] atteste avoir vu un bac tomber sur M. [S] [C]'.
Une seconde attestation établie le 23 décembre 2016 par Monsieur [Z] indique 'avoir vu [D] et [V] jeter un bac à mortier à hauteur de quatre métres, sur le dessus de la porte de sortie du bâtiment . A ce moment M. [C] [S] est sorti du bâtiment et a reçu sur lui'.
Les faits ainsi relatés sont imprécis étant rappelé qu'il appartient au salarié qui invoque la faute inexcusable de l'employeur d'en rapporter la preuve.
Conscient de cette difficulté, M. [S] [C] verse aux débats une pièce n° 10 intitulé 'commentaire de la famille' qui n'a pas valeur de témoignage et qui reprend la version des faits telle que relatés par l'appelant.
Le seul témoignage précis relatif aux faits a été établi le 7 décembre 2020 par Monsieur [O] [Z], chef d'équipe au sein de la société [7] présent sur les lieux au moment des fait qui indique: ' [D] et [V] ont réussi à lever le bac pour le passer au-dessus du garde corps. Pendant qu'ils essayaient de lever le bac à béton pour le passer au dessus du garde corps, sur le côté juste au dessus de la porte de passage, j'ai immédiatement compris le danger et j'ai crié fortement: non ne le jetez pas au dessus de la porte. Il y a des gens qui passent! Ils m'ont entendu mais il ne m'ont pas écouté et ont quand même lâché la bac alors que [S] sortait à ce moment même de la porte dessous le garde-corps. Il l'a pris violemment sur la tête et le cou. (....) Quand j'ai entendu les gars crier, j'ai compris qu'il y avait eu un accident. Je suis descendu et je suis arrivé en bas 2/3 minutes plus tard. [V], [D], le chef de chantier, plusieurs artisans, donc plusieurs personnes. [S] était à terre, conscient, sonné et avec la main sur la tête.'
Ce témoignage tend à démontrer que, contrairement à ce qui été déclaré par la société [7] dans la déclaration d'accident du travail, M. [S] [C] n'était pas positionné pour récupérer le bac dans le cadre d'une action concertée entre lui et les deux salariés à l'origine de l'accident.
Par ailleurs, si des incertitudes persistent quant au poids du bac (70 kg selon l'appelant contre 17 kg selon la société [7]), l'employeur démontre que le poids de 17 kg correspond à la description par ailleurs fourni par le dernier témoin qui évoque un bac mesurant 'un bon mètre de long et un 60 cm de large'. Le témoin lui même reconnaît qu'il 'est incapable d'estimer le poids du bac'.
Sur ce point la société [7] entend se prévaloir du témoignage de Monsieur [G] qui indique : ' Le 11 mars 2016 en fin d'après- midi, M. [J] et moi-même nous trouvions sur le plancher haut du rez de chaussée afin de couler des acrotères en parpaing à bancher. Nous venions de finir le béton présent dans le bac à mortier avant de décider de le descendre, afin de le nettoyer. Le bac en question qui provenait de chez [L] SA était d'une contenance de 200L en plastique orange d'une masse d'environ, 15 kg et d'une hauteur d'environ 40 cm. Dans le but de descendre le bac, nous nous sommes agenouillés afin de le passer entre la seconde et la troisième lisse du garde corps. Nous l'avons ensuite rapproché au maximum du sol avant de le lâcher. La hauteur de plancher était d'environ 3,00m. Ayant les épaules proches du sol et les bras tendus vers le bas, en considérant la hauteur du bac, le bas du bac devait se trouver à environ 2,00/2,2 mètres du sol avant que nous le lâchions'.
Cette version est compatible avec les lésions telles que relatées au certificat médical initial
' céphalée', les troubles relatés par la famille de M. [S] [C] (pièce 10) à savoir apnée du sommeil et fatigue associée, baisse de la vue et perte d'audition, insomnies, confusions fréquentes, difficulté à parler, difficultés de respiration, n'étant pas confortés par des éléments médicaux permettant d'établir le lien entre ces troubles et l'accident qui n'a pas entraîné de perte de conscience, ce qui n'aurait pas manqué si l'intéressé avait effectivement été percuté par un bac de 70 kg, M. [S] [C] ayant été consolidé le 23 juin 2016, sans séquelle indemnisable.
L'analyse des causes de l'accident établi par M. [W] [X], responsable QSE au sein de la société [7] fait ressortir qu'aucun engin de levage n'était mis à disposition au moment de l'accident et qu'en raison de la fatigue, le chantier ayant démarré à 7 heures outre de nombreuses manipulations pendant la semaine, les intéressés ont décidé de descendre le bac à mortier depuis la dalle haute du rez de chaussée en le laissant tomber, le bac étant vide.
Or, l'absence de moyen de levage à disposition des salariés ne constitue pas une faute, le fait accidentel (déplacement d'un bac de mortier vide) n'imposant pas d'y recourir.
Il ressort de ce qui précède que M. [V] [G] et M. [D] [I], qui ont jeté le bac depuis le niveau supérieur du rez de chaussée, avaient été interpellés par le propre témoin cité par l'appelant, Monsieur [O] [Z], chef d'équipe, qui leur avait demandé de ne pas jeter le bac au dessus de la porte et qu'ils ont persévéré pour aller au plus vite, ces faits ayant justifié de la part de l'employeur une mise à pied d'une durée d'une journée pour chacun d'eux.
Ainsi, M. [S] [C] manque à faire la preuve de la connaissance que pouvait avoir l'employeur du risque lié à une initiative contraire aux règles élémentaires de sécurité de la part de ses salariés, le jugement ayant lieu d'être confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas de faire application en l'espèce de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément à la demande de la société [7], il y a lieu de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,
Déboute M. [S] [C] des fins de son appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Le Greffier, Le Président,