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14/12/2022 | FRANCE | N°21/05401

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 14 décembre 2022, 21/05401


ARRET







[Y]





C/



S.A. CREDIT DU NORD

S.A. CREDIT DU NORD

S.A. BANQUE CREDIT DU NORD S.A



























































copie exécutoire

le 14/12/2022

à

Me BIBARD

Me SICARD (3)

EG/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

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ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



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N° RG 21/05401 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIVH



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 18 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG F21/00020)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [K] [Y]

né le 25 Août 1958 à [Localité 9]

[A...

ARRET

[Y]

C/

S.A. CREDIT DU NORD

S.A. CREDIT DU NORD

S.A. BANQUE CREDIT DU NORD S.A

copie exécutoire

le 14/12/2022

à

Me BIBARD

Me SICARD (3)

EG/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/05401 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIVH

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERONNE DU 18 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG F21/00020)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [K] [Y]

né le 25 Août 1958 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 6]

comparant en personne,

concluant et plaidant par Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEES

S.A. CREDIT DU NORD

[Adresse 7]

[Localité 5]

S.A. CREDIT DU NORD

[Adresse 1]

[Localité 3]

S.A. BANQUE CREDIT DU NORD

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentées, concluant et plaidant par Me Frédéric SICARD de l'AARPI VATIER & ASSOCIES Association d'Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 19 octobre 2022, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 14 décembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 14 décembre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

* * *

DECISION :

M. [Y], né le 25 août 1958, a été embauché par la société Crédit du nord (la société ou l'employeur) à compter du 26 juillet 2005 par contrat à durée indéterminée, en qualité de gestionnaire de portefeuille.

Le 28 février 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 9 mars 2018.

Par courrier du 15 mars 2018, l'employeur lui a notifié un blâme.

M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Péronne, le 3 mars 2021, afin de contester la légitimité du blâme dont il a fait l'objet.

Par jugement du 18 octobre 2021, le conseil a :

- dit que le blâme du 15 mars 2018 infligé à M. [Y] était non nul ;

- débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la banque Crédit du nord de toutes ses demandes ;

- dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens.

Par conclusions remises le 29 juin 2022, M. [Y], régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Péronne en date du 18 octobre 2021 en ce qu'il :

- a dit que le blâme du 15 mars 2018 qui lui avait été infligé était non nul ;

- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes ;

- a dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger nul le blâme qui lui a été infligé le 15 mars 2018 ;

En conséquence,

- condamner la société Crédit du nord à lui payer les sommes suivantes :

- 9 940,21 euros à titre de dommages-intérêts résultant du préjudice subi du fait de la sanction injustifiée ;

- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Crédit du nord aux entiers frais et dépens, en ce compris ceux éventuels d'exécution.

Par conclusions remises le 12 mai 2022, la société Crédit du nord demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- le condamner aux dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur le bien fondé de la sanction disciplinaire

M. [Y] affirme ne pas avoir menacé son supérieur hiérarchique personnellement lors de son entretien d'évaluation annuel mais seulement l'avoir informé qu'il allait assigner son employeur pour discrimination syndicale.

Il critique le jugement entrepris en ce qu'il a traduit le terme «pugnacité» employé dans son courrier de contestation par «menace» alors qu'il faisait seulement état de sa combativité à défendre son bilan, et ajoute que la seule attestation de son supérieur ne peut suffire à établir les faits, le doute devant lui profiter.

Il demande à être indemnisé du préjudice subi du fait de cette sanction vexatoire et injustifiée par référence à la moyenne des primes versées par la société sur les trois dernières années et dont il a été privées.

L'employeur se prévaut de l'attestation de M. [X], supérieur hiérarchique du salarié, pour soutenir que M. [Y] a menacé ce dernier de l'assigner en justice ainsi que la société, lors de son entretien annuel d'évaluation, afin d'obtenir la révision à la hausse de sa note générale.

Il ajoute que M. [Y] n'ayant saisi le conseil de prud'hommes de l'action pour discrimination syndicale que postérieurement à l'entretien d'évaluation et à l'envoi de ces commentaires sur cette évaluation, il a bien usé de menaces envers son employeur et son supérieur hiérarchique pour obtenir une meilleure note et ne saurait prétendre à une quelconque immunité du fait de son action en justice postérieure.

Sur le montant des dommages et intérêts demandés, il fait valoir que M. [Y] ne justifie d'aucun préjudice financier en lien avec le blâme notifié, les primes évoquées ayant été fixées en rapport avec les évaluations annuelles.

L'article L.1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L'article L.1333-1 du même code dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur a notifié un blâme au salarié dans les termes suivants :

«Le mercredi 10 janvier dernier, au terme de votre entretien annuel d'évaluation « EPDI » (entretien de Parcours et de Développement individuel » avec votre responsable hiérarchique, celui-ci vous a fait part de son appréciation concernant votre « performance globale sur le objectifs métiers » à savoir « performance moyenne ».

Vous lui avez demandé avec insistance de modifier cette appréciation générale, relevant de la «synthèse d'évaluation » en lui enjoignant expressément de lui substituer la mention «performance bonne ».

Plus encore, vous avez précisé à votre responsable que, faute de quoi, il pourrait être personnellement visé dans le cadre du contentieux à l'encontre du crédit du Nord que vous lui avez annoncé, pour la première fois, avoir l'intention d'initier.

Votre responsable a refusé de modifier son évaluation.

Par la suite, le Lundi 22 janvier 2018, vous avez verbalement confirmé à celui-ci, au moment de lui transmettre votre formulaire d'évaluation (« EPDI ») complété de votre commentaire, que vous aviez pris la décision d'assigner le Crédit du Nord.

Nous sommes avant tout pour le moins surpris que vous puissiez considérer que votre hiérarchie pourrait être influencée par de telles man'uvres.

Votre commentaire précise en effet : « ces évaluations contrastent étonnement avec celles des années précédentes. Le 1ier effet de l'action en justice que j'engage devant le Conseil des Prud'hommes à l'encontre du Crédit du Nord ' ».

Or, il nous semble relever d'une particulière mauvaise foi que de tenter de laisser supposer que lesdites évaluations pourraient avoir été affectées par votre intention d'intenter une action en justice contre le Crédit du Nord.

En effet comme le relève votre responsable hiérarchique de second niveau (« n+2 »), un tel procès d'intention ne saurait résister au seul examen de la chronologie de votre évaluation : le commentaire final de votre responsable (« n+1 ») s'appuie sur chacun des critères d'appréciation énoncés et des objectifs décrits dans le formulaire d'évaluation dédié, dont il constitue la synthèse.

Or il est incontestable que ces critère et objectifs ont été appréciées avant de connaitre vos velléités contentieuses.

Force est surtout de constater que vous avez menacé votre responsable de représailles judiciaires en vue d'obtenir de sa part l'évaluation que vous souhaitiez.

Vous nous avez indiqué au cours de notre entretien avoir uniquement argumenté face à votre responsable, pour que l'appréciation de l'année soit jugée « bonne » et non « moyenne » et ne reconnaissez pas avoir tenu les propos repris ci-dessus.

Nous attirons néanmoins votre attention sur le fait que nous avons toute confiance dans la retranscription par votre manager des échanges intervenus avec vous, tels que relatés dans la présente.

Une telle conduite est parfaitement inacceptable et relève de méthodes totalement inédites.

Nous n'avons jusqu'à ce jour et fort heureusement, jamais eu à relever de telles pratiques au sein de notre établissement.»

Il ressort de ce courrier que l'employeur a sanctionné le salarié pour avoir menacé d'une instance judiciaire son supérieur hiérarchique direct, lors de l'entretien d'évaluation, à défaut de revoir à la hausse la note envisagée.

Il est constant que cet entretien d'évaluation s'est déroulé sans autre présence que celle du salarié et de ce supérieur hiérarchique, et il convient de constater que M. [Y] a contesté les menaces invoquées dès l'entretien préalable du 9 mars 2018 et encore dans son courrier de réclamation du 20 avril 2018, le terme «pugnacité» qu'il contient étant synonyme de combativité et non de comportement menaçant.

Face à ces dénégations constantes et en l'absence de toute autre élément que l'attestation de ce même supérieur hiérarchique, dont la force probante est insuffisante comme étant dépourvue de l'objectivité nécessaire, un doute subsiste quant à la matérialité des faits reprochés par l'employeur, doute qui doit profiter au salarié.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, d'annuler la sanction prise le 15 mars 2018 à l'encontre de M. [Y].

En l'absence d'élément permettant d'établir un lien de causalité entre le blâme notifié et le montant des primes versées en 2018, 2019 et 2020, ou de justifier d'un préjudice moral, le salarié est débouté de sa demande de dommages et intérêts.

2/ Sur les demandes accessoires

La société succombant partiellement, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur les frais irrépétibles et dépens de première instance, et de mettre à sa charge les dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité commande de la condamner à verser à M. [Y] la somme de 1 500 euros pour les frais engagés en première instance et en appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

infirme le jugement du 18 octobre 2021 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et y ajoutant,

annule la sanction disciplinaire notifiée à M. [Y] le 15 mars 2018,

condamne la société Crédit du nord à verser à M. [Y] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette le surplus des demandes,

condamne la société Crédit du nord aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/05401
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;21.05401 ?
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