ARRET
N°
[Z]
C/
S.A.R.L. MCK
copie exécutoire
le 14/12/2022
à
Me AYIKOUE
Me CATAKLI
EG/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 14 DECEMBRE 2022
*************************************************************
N° RG 21/05339 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIRN
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 18 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG 20/00056)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [B] [Z]
né le 08 Septembre 1970 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
concluant par Me Fabrice AYIKOUE, avocat au barreau de SENLIS
ET :
INTIMEE
S.A.R.L. MCK
[Adresse 2]
[Localité 3]
Me Alain-Emmanuel CATAKLI, avocat au Luxembourg,
Me Mike SÉZILLE, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant
DEBATS :
A l'audience publique du 19 octobre 2022, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 14 décembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 14 décembre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
M. [Z], né le 8 septembre 1970, a été embauché à temps partiel, en qualité de métreur, par la société MCK (la société ou l'employeur) du 8 décembre 2015 au 28 février 2016 par contrat à durée déterminée du 8 décembre 2015, puis du 8 mars 2016 au 7 mars 2017 par contrat à durée déterminée du 7 mars 2016.
Par courrier du 19 septembre 2016, la société a demandé au salarié de justifier de son absence depuis le 5 septembre 2016.
Le 30 septembre 2016, la société a adressé à Pôle emploi une attestation de fin de contrat visant une rupture d'un commun accord.
M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil, le 6 mars 2020, afin d'obtenir un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non payées.
Par jugement du 18 octobre 2021, le conseil a :
- constaté que la demande de M. [Z] n'était pas prescrite ;
- débouté M. [Z] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ;
- dit que la date de rupture était la date de fin de contrat à durée déterminée soit le 7 mars 2017 ;
- ordonné à la société MCK de remettre à M. [Z] l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et l'attestation de congés payés du bâtiment, conformes à la décision à intervenir ;
- condamné la société MCK à payer à M. [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société MCK aux entiers dépens ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit au titre de l'article R 1454-28 du code du travail ;
Par conclusions remises le 2 février 2022, M. [Z], régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 18 octobre par le conseil de prud'hommes de Creil en ce qu'il a :
- constaté que sa demande n'était pas prescrite ;
- dit que la date de rupture était la date de fin de contrat à durée déterminée soit le 7 mars 2017 ;
- ordonné à la société MCK de lui remettre l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et l'attestation de congés payés du bâtiment, conformes à la décision à intervenir ;
- condamné la société MCK à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société MCK aux entiers dépens ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit au titre de l'article R 1454-28 du code du travail ;
- infirmer le jugement rendu le 18 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Creil en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ;
Statuant à nouveau,
- condamner à titre principal, la société MCK à lui verser la somme de 7 157,28 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires le 8 décembre 2015 et le 31 août 2017, outre la somme de 715,72 euros au titre des congés payés y afférents ;
- condamner à titre subsidiaire, la société MCK à lui verser la somme de 4 732,03 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires le 8 mars 2016 et le 31 août 2017, outre la somme de 473,20 euros au titre des congés payés y afférents ;
- condamner la société MCK à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;
- assortir la remise de l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et l'attestation de congés payés du bâtiment, conformes à la décision à intervenir d'une astreinte journalière de 50 euros ;
- débouter la société MCK de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Par ordonnance du 30 juin 2022, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions remises par la société MCK le 3 mai 2022 ;
- débouté cette dernière de ses demandes ;
- rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens de l'incident à la charge de la société MCK.
Il est renvoyé aux conclusions de l'appelant pour le détail de son argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
Les conclusions de l'intimé valant appel incident ayant été déclarées irrecevables, la question de la prescription de l'action du salarié a été définitivement tranchée par les premiers juges.
L'intimé qui n'a pas conclu est réputé s'approprier les motifs du jugement et la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
1/ Sur la demande de rappel de salaire
M. [Z] soutient qu'alors qu'il a été embauché à temps partiel, il a été contraint de travailler à temps plein, ce qui a conduit à la réalisation d'heures supplémentaires attestées par une autre salariée de l'entreprise.
Il critique le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande alors qu'il avait produit un décompte précis que la société n'a pas valablement critiqué.
Le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de rappel de salaire au motif que le décompte et les attestations produits par le salarié ne sauraient être des éléments suffisants pour étayer la réalisation des heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En application de l'article L.3123-29 du code précité, à défaut de stipulation conventionnelle prévue à l'article L.3123-21, le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.
L'article L.3121-36 du même code dispose qu'à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L.3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
En l'espèce, il convient de constater que le dispositif des conclusions de l'appelant contient une erreur de plume qu'il y a lieu de rectifier en lisant, comme précisé dans la discussion :
- condamner, à titre principal, la société MCK à lui verser la somme de 7157,28 euros au titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires entre le 8 décembre 2015 et le 31 août 2016 outre la somme de 715,72 euros au titre des congés payés y afférents ;
M. [Z] affirme qu'il a accompli des heures supplémentaires non rémunérées dans le cadre de l'exécution des contrats de travail à durée déterminée signés le 8 décembre 2015 et le 7 mars 2016.
Avant examen des pièces produites, il convient de rétablir l'exacte qualification juridique des faits soumis à l'appréciation de la cour en précisant que le salarié ayant été embauché à temps partiel, les heures dont le paiement est réclamé correspondent à des heures complémentaires jusqu'à 35 heures, puis à des heures supplémentaires.
M. [Z] verse aux débats les contrats de travail fixant une base horaire de 103,92 heures de travail mensuel, les bulletins de paie de décembre 2015 à août 2016 reprenant cette base horaire sans paiement d'heures complémentaires ou supplémentaires, un récapitulatif du nombre d'heures complémentaires et supplémentaires réalisées pour chaque mois sur la même période, et un décompte du salaire dû.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant les siens.
Il convient de constater que la société est défaillante sur ce point.
Or, il ressort des contrats de travail signés par les parties pour une durée de travail de 103,92 heures mensuelle que M. [Z], embauché en qualité de métreur, devait travailler dans les locaux de la société et sur les chantiers dont il assurait le suivi, pouvait être temporairement affecté à d'autres tâches en cas de nécessité, et être amené à effectuer des heures supplémentaires pour satisfaire la bonne marche de l'entreprise.
Dans son attestation particulièrement circonstanciée, Mme [F], secrétaire de la société du 1er avril au 30 septembre 2016 ayant partagé son bureau avec M. [Z], témoigne que ce dernier travaillait du lundi au vendredi de 8h à 12h et de 13h à 18h, s'occupait du suivi des chantiers, des commandes de matériaux, des dossiers d'appels d'offre, et assistait aux réunions de chantier.
Elle ajoute avoir assisté, fin août 2016, à un échange verbal entre M. [Z] et le gérant de la société relatif au paiement des heures supplémentaires effectuées depuis le 8 décembre 2015 et à la transformation du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, l'employeur indiquant que ce n'était pas le moment au vu de la situation financière de l'entreprise mais qu'il étudierait la question à la fin du second contrat à durée déterminée en mars 2017.
Ce témoignage vient corroborer le récapitulatif d'heures complémentaires et supplémentaires produit par le salarié.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens du texte précité, que M. [Z] a bien effectué des heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées ouvrant droit, dans les limites de la demande, à une rémunération de 7 157,28 euros, outre 715,72 euros de congés payés afférents, pour la période considérée.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
2/ Sur la demande de remise de documents de fin de contrat sous astreinte
M. [Z] sollicite la confirmation du chef de jugement ayant ordonné à l'employeur la remise de documents de fin de contrat conformes, mais sollicite qu'une astreinte soit prononcée sans développer de moyen sur ce point.
L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la déclaration d'appel ne demandant pas l'infirmation de ce chef de jugement alors que la demande de condamnation sous astreinte était déjà formulée devant les premiers juges, la cour n'est pas saisie sur ce point.
3/ Sur les demandes accessoires
La société succombant totalement, il convient de confirmer le jugement entrepris sur les frais irrépétibles et dépens de première instance, et de mettre à sa charge les dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande de la condamner à verser à M. [Z] la somme de 1 000 euros pour les frais engagés en appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
confirme le jugement rendu le 18 octobre 2021 sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents,
statuant à nouveau et y ajoutant,
condamne la SARL MCK à payer à M. [Z] les sommes suivantes :
- 7 157,28 euros à titre de rappel de salaire ;
- 715,72 euros au titre des congés payés afférents ;
- 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejette toute autre demande,
condamne la SARL MCK aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.