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05/12/2022 | FRANCE | N°21/03774

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 05 décembre 2022, 21/03774


ARRET

N° 1023





S.A. [5]





C/



CPAM DE LA SOMME













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 05 DECEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 21/03774 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFOJ - N° registre 1ère instance : 20/00134



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 14 juin 2021





PARTIES EN CAUSE :



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APPELANTE





S.A. [5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

A.T : Monsieur [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représentée et plaidant par Me BACQUET substituant Me Jérémy CREP...

ARRET

N° 1023

S.A. [5]

C/

CPAM DE LA SOMME

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 05 DECEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/03774 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFOJ - N° registre 1ère instance : 20/00134

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 14 juin 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. [5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

A.T : Monsieur [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me BACQUET substituant Me Jérémy CREPIN de la SELARL JC AVOCAT, avocat au barreau de NIMES, vestiaire : E107

ET :

INTIME

CPAM DE LA SOMME agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme [C] [R] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Septembre 2022 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 05 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Madame Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

M. [L] [V], salarié de la société [5] (ci-après : la société [5]), a été victime d'un accident du travail le 23 décembre 2017, pris en charge au titre des risques professionnels par décision du 15 janvier 2018 et lui ayant occasionné une lombalgie aiguë non déficitaire selon le certificat médical initial établi le 23 décembre 2017.

Il a bénéficié d'un premier arrêt de travail jusqu'au 1er janvier 2018.

M. [V] a ensuite tenté de reprendre le travail mais a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 13 janvier 2018 jusqu'à sa guérison, fixée le 13 juillet 2018.

Par courrier du 18 décembre 2019, la société [5] a contesté l'opposabilité à son égard des soins et arrêts de travail prescrits au titre de cet accident devant la commission de recours amiable, laquelle a implicitement rejeté cette demande.

Contestant cette décision, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens lequel, par jugement du 14 juin 2021, a :

- déclaré son incompétence pour statuer sur la décision de la commission de recours amiable ;

- débouté la société [5] de sa demande d'expertise ;

- débouté la société [5] de sa demande d'inopposabilité des soins et arrêts de travail de M. [V] au titre de son accident du travail du 23 décembre 2017 ;

- condamné la société [5] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné la société [5] aux dépens.

Ce jugement est pour l'essentiel motivé comme suit :

La présomption d'imputabilité au travail s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la victime jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ou de sa guérison, le simple doute porté sur la longueur des arrêts étant insuffisant à remettre en cause leur imputabilité en l'absence d'éléments permettant de la remettre en cause, ce que n'est pas, en l'espèce, le certificat d'un médecin sollicité par l'employeur qui estime au vu de la déclaration d'accident du travail que l'accident aurait dû produire un arrêt d'un mois maximum.

Quant à la demande d'expertise, les premiers juges ont retenu que celle-ci n'avait pas vocation à se substituer aux parties dans l'administration de la preuve et que, faute d'un commencement de preuve, l'employeur serait débouté de cette demande.

Il a été notifié à la société [5] le 15 juin 2021, qui en a relevé appel le 7 juillet 2021.

Par conclusions enregistrées au greffe le 20 avril 2022 et soutenues oralement par avocat, la société [5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 14 juin 2021 ;

En conséquence,

- dire et juger que le pôle social du tribunal judiciaire est compétent ;

- constater l'absence de présomption d'imputabilité des arrêts de travail de M. [L] [V] depuis le 23 décembre 2017 ;

- ordonner avant dire droit un expertise médicale judiciaire aux frais de la caisse permettant de déterminer la durée des arrêts de travail de M. [L] [V] en lien de causalité directe avec le prétendu accident du travail initial;

- se faire remettre tous documents médicaux ou pièces utiles concernant l'accident de travail dont a été victime M. [L] [V] le 23 décembre 2017 et décrire les lésions présentées par l'intéressé ;

- préciser la nature de l'affection dont la victime a souffert à la suite de l'accident et indiquer si la totalité des sons et arrêts de travail pris en charge par la CPAM de la Somme sont imputables à l'accident ;

- dans la négative, préciser ceux qui sont en relation directe avec cet accident et ceux qui au contraire sont totalement étrangers à l'accident de travail initial;

- dresser de ces opérations un rapport précis contenant ses conclusions ;

En tout état de cause,

- condamner la caisse à verser à la société 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire.

La société fait valoir que selon le certificat du docteur [T] seulement un mois d'arrêt de travail pouvait être justifié, qu'en conséquence les 155 jours dont a bénéficié son salarié sont disproportionnés et laissent apparaître un doute sérieux sur l'existence d'un lien entre l'accident et l'ensemble de ces arrêts.

Elle expose par ailleurs que le pôle social du tribunal judiciaire est compétent pour connaître des litiges relatifs au contentieux de la sécurité sociale et que c'est à bon droit qu'elle a saisi la commission de recours amiable puis le pôle social du tribunal judiciaire ; que le pôle social s'étant déclaré incompétent pour statuer sur la décision de la commission de recours amiable, il est nécessaire d'infirmer le jugement sur ce point.

Enfin, elle indique que l'avis médical du docteur [T] constitue un commencement de preuve lui permettant de solliciter une expertise judiciaire.

Par conclusions enregistrées au greffe le 22 août 2022 et soutenues oralement à l'audience par sa représentante, la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens le 14 juin 2021 ;

- dire mal fondées les demandes de l'employeur et les rejeter ;

- dire que l'employeur ne renverse pas la présomption d'imputabilité des lésions au travail ;

- déclarer opposable à l'employeur l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits et pris en charge au titre de l'accident du travail du 23 décembre 2017 depuis le certificat médical initial jusqu'à la guérison fixée au 13 juillet 2018;

- condamner la société [5] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus des 500 euros déjà fixés par le jugement déféré.

La caisse primaire d'assurance maladie fait valoir qu' au simple constat de la prescription d'un arrêt de travail initial, la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer aux arrêts et soins précédant la guérison ou la consolidation de l'assuré ; qu'au surplus elle démontre la continuité des soins et arrêts dont a bénéficié M. [V] ; qu'enfin, l'employeur, qui disposait au demeurant de moyens de contrôle de la justification des arrêts de travail en application de l'article 1er de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, ne produit aucun élément de nature à renverser la présomption d'imputabilité.

Quant à la mesure d'expertise judiciaire, la caisse expose que la mesure d'expertise ne doit pas avoir pour objet de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve et que l'employeur ne fournit aucun élément pertinent au soutien de cette demande.

MOTIFS DE L'ARRET

* Sur la demande de statuer sur la compétence du pôle social du tribunal judiciaire

Attendu que le pôle social du tribunal judiciaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la décision de la commission de recours amiable.

Attendu que si l'article L. 142-4 du code de la sécurité sociale subordonne la saisine du tribunal judiciaire à la mise en 'uvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée par l'article R. 142-1 au sein du conseil d'administration de chaque organisme social, ces dispositions ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de la décision de cette commission qui revêt un caractère administratif.

Que c'est donc à bon droit que le pôle social du tribunal judiciaire s'est déclaré incompétent de ce chef, qu'il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement de chef et de débouter l'employeur de sa demande sur ce point.

* Sur l'opposabilité à l'employeur des soins et arrêts

Attendu qu'il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de démontrer que les nouvelles lésions ou les soins et arrêts successifs procèdent d'une cause totalement étrangère à l'accident ( dans le sens que constituent des motifs impropres à écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail litigieux, le fait que la caisse a pris en charge les arrêts de travail pendant 288 jours sans jamais s'interroger sur leur durée excessive, au regard de la tâche confiée à la victime à l'aide de machines professionnelles, sur l'existence d'un état pathologique antérieur ou d'une cause totalement étrangère, ni sur une autre date de guérison ou de stabilisation et le fait qu'une durée de prise en charge de cinquante jours paraît raisonnable au regard de la lésion subie, du travail physique et de l'âge de la victime 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.490)

Qu'il résulte également du texte précité que pour détruire la présomption, l'employeur peut obtenir que soit ordonnée une mesure d'instruction mais à la condition de produire au préalable des éléments concrets permettant de susciter un doute sur l'imputabilité à l'accident déclaré des soins et arrêts de travail.

Que la simple longueur des arrêts de travail ne permet pas, en l'absence d'autres éléments, de considérer qu'ils ne sont pas la conséquence de la lésion résultant de l'accident du travail.

Qu'une éventuelle absence de continuité des symptômes et soins est, de même, impropre à écarter la présomption d'imputabilité.

Attendu qu'en l'espèce la caisse produit le certificat médical initial du 23 décembre 2017, lequel est assorti d'un arrêt de travail.

Qu'il s'ensuit que les soins et arrêts successifs litigieux sont présumés imputables à l'accident du travail.

Attendu que pour combattre cette présomption d'imputabilité, l'employeur invoque la note d'un médecin sollicité par lui, produite en pièce n° 7.

Que cette note émane du docteur [G] [T] dont il est indiqué qu'il est " médecin de recours " exerçant à [Localité 6], et qu'elle comporte les énonciations suivantes : " Je ne connais que la déclaration d'AT [accident du travail], avec notion d'un faux mouvement avec lombalgies sans description d'une atteinte radiculaire ou médullaire. Nous ne connaissons rien de l'éventuel état antérieur anatomique ou événementiel antérieur. Nous ne connaissons pas la fiche de poste du blessé ouvrier polyvalent. Alors, nous avons cherché les référentiels les plus proches du cas clinique de présomption, sans rapport CPAM " pour en conclure " nous sommes en situation de pouvoir au maximum comprendre sur dossier un arrêt d'un mois " avec la mention " certificat remis directement au conseil et sur sa demande ".

Qu'en l'état de ces constatations, la seule production de cette note, établie sur la seule lecture de la déclaration du travail à travers l'emploi d'un référentiel indiquant lui-même être indicatif et à adapter en fonction de la situation de chaque patient et qui n'est corroborée par aucun autre élément, n'emporte pas la démonstration de l'imputabilité à une cause étrangère des soins et arrêts pris en charge par la caisse au titre de l'accident du 23 décembre 2017 et qu'elle n'apparaît pas non plus suffisante à susciter un doute sur l'imputabilité des soins et arrêts successifs à l'accident et ce d'autant moins que les certificats médicaux produits font apparaître des particularités de la pathologie de nature à la faire échapper aux durée habituelles de guérison, à savoir l'existence d'un caractère aiguë de la lombalgie ( certificat médical et quatre des certificats de prolongation ) et de complications ( certificat du 5 mars 2018 faisant apparaître des lombalgies avec blocage itératif).

Qu'ainsi l'employeur doit être débouté tant de sa demande d'expertise que d'inopposabilité des soins et arrêts successifs litigieux, et le jugement confirmé de ces chefs.

* Sur la demande d'exécution provisoire en appel

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire à hauteur d'appel, l'employeur sera débouté de cette demande.

* Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700

Attendu que la société [5] succombant en l'intégralité de ses prétentions, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déféré la condamnant aux dépens et à la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et ajoutant au jugement, de la condamner aux dépens d'appel et à une somme supplémentaire de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la caisse en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel ;

Condamne la société [5] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/03774
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;21.03774 ?
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