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01/12/2022 | FRANCE | N°19/08430

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 01 décembre 2022, 19/08430


ARRET

N°1003





Société [6]





C/



CPAM DE L'ARTOIS















COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 01 DECEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 19/08430 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HSOJ - N° registre 1ère instance : 18/01337



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 22 juillet 2019




r>PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Société [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

A.T : Monsieur [H] [D]

[Adresse 5]

[Adresse 7]

[Localité 2]





Représentée et ...

ARRET

N°1003

Société [6]

C/

CPAM DE L'ARTOIS

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 01 DECEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 19/08430 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HSOJ - N° registre 1ère instance : 18/01337

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 22 juillet 2019

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Société [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

A.T : Monsieur [H] [D]

[Adresse 5]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me TAN, avocat au barreau de PARIS substituant Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1215

ET :

INTIME

CPAM DE L'ARTOIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [N] [J] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 23 Juin 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 01 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 21 février 2014, la société [6] a établi une déclaration d'accident du travail dont a été victime le 20 février 2014, M. [H] [D], son salarié, dans les circonstances suivantes : 'Départ avec son véhicule routier en livraison. Accident lors d'une manoeuvre. Autre personne décédée accidentellement.' ; objet dont le contact a blessé la victime 'Face avant du véhicule' ; nature des lésions 'choc psychologique'.

Le certificat médical initial du 20 février 2014 mentionne un 'stress post-traumatique'.

L'accident a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois et l'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé à la date du 7 avril 2018.

Par une décision du 4 mai 2018 notifiée à l'assuré et à l'employeur, la CPAM a fixé le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de M. [D] à 49% à compter du 8 avril 2018 pour : 'séquelles de l'accident du travail du 20/02/2014 chez un assuré sans état antérieur ayant présenté un accident de la voie publique : persistance d'un important état de stress post-traumatique avec état dépressif, trouble phobique persistant, troubles de la concentration et de l'adaptation avec retentissement socio-professionnel important'.

Saisi par la société [6] d'une contestation de cette décision, le pôle social du tribunal de grande instance de Lille, par jugement du 22 juillet 2019, a :

- déclaré recevable le recours de la société [6],

- l'a dit mal fondé et l'a rejeté,

- dit que les frais et dépens de la présente instance sont à la charge de la société [6].

Par courrier recommandé expédié le 10 décembre 2019, la société [6] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 12 novembre 2019.

Par ordonnance en date du 10 novembre 2020 rendue conformément aux dispositions des articles R.l42-16 et suivants du code de la sécurité sociale, une mesure de consultation sur pièces a été ordonnée et le docteur [P], expert près la cour d'appel d'Amiens, a été commis à cet effet.

Le médecin consultant a établi son rapport le 26 avril 2021 qui conclut que le taux d'IPP s'établissait à 40 % à la date du 7 avril 2018.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 février 2022, lors de laquelle l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 23 juin 2022.

Par conclusions visées par le greffe le 21 juin 2022 soutenues oralement à l'audience, la société [6] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- déclarer inopposable à son égard le taux d'incapacité de 49% octroyé à M. [D],

- débouter la CPAM de l'Artois de l'ensemble de ses demandes.

Elle fait valoir qu'en matière de séquelles psychonévrotiques, le barème indicatif d'invalidité prévoit la nécessité de recourir à un bilan neuropsychologique et à l'avis d'un neuropsychiatre ; que ce dernier est seul à même de préciser un éventuel état antérieur ; qu'en outre, le barème prévoit un taux de 20 à 40% en cas de névrose post-traumatique ; que le taux de 49% ne s'explique pas et n'est pas motivé ; qu'aucun avis spécialisé n'a été demandé par le médecin conseil qui ne s'est pas fait communiquer les avis du ou des psychiatres qui ont pris en charge l'assuré pendant quatre ans comme l'indique le docteur [S] ; que le docteur [P] indique qu'il n'y a aucun état antérieur, ce qui est bien assertif en l'absence d'intérêt pour le suivi psychiatrique de l'assuré.

Par conclusions soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Artois demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- à titre subsidiaire, entériner les conclusions du docteur [P],

- débouter la société [6] de toutes ses demandes.

Elle soutient que l'assuré présentait un stress post-traumatique qualifié d'important par le médecin conseil avec état dépressif justifiant une hospitalisation en Centre Médico Psychologique dans les suites d'une tentative de suicide en juin 2016 ; que le barème prévoit un taux de 20 à 40 % en cas de névroses post-traumatiques et de 20 à 100 % en cas de syndrome psychiatrique post-traumatique ; qu'en faisant abstraction du suicide, le médecin mandaté par l'employeur minimise les séquelles dont reste atteint M. [D] ; que contrairement aux allégations de l'employeur, le barème réglementaire n'impose pas le recours systématique à un psychiatre pour la fixation du taux d'incapacité permanente partielle.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé plus ample des moyens.

MOTIFS

En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'incapacité permanente partielle est déterminée à la date de la consolidation.

Le médecin conseil de la CPAM a retenu des séquelles d'un accident de la voie publique du 20 février 2014 chez un assuré sans état antérieur à type de persistance d'un important état de stress post-traumatique avec état dépressif, trouble phobique persistant, troubles de la concentration et de l'adaptation avec retentissement socio-professionnel important' et fixé le taux d'IPP à 49% à la date de consolidation du 7 avril 2018.

Le barème indicatif d'invalidité prévoit au paragraphe

' 4.2.1.11 Séquelles psychonévrotiques

Il est nécessaire de recourir à un bilan neuropsychologique détaillé et à l'avis d'un neuropsychiatre. Dans la majorité des cas, ces troubles sont les conséquences de lésions cérébrales diffuses, sans possibilité de focalisation, associées ou non à des troubles neurologiques précis.

En règle générale, les accidentés atteints de ces troubles intellectuels post-traumatiques ont présenté un coma plus ou moins prolongé et ont présenté en général d'emblée des troubles de la conscience ..............................................................................................................30 à 100

Syndromes psychiatriques

L'étiologie traumatique des syndromes psychiatriques est très exceptionnelle. Il ne faut qu'une enquête approfondie atteste l'intégrité mentale antérieure, et que le syndrome succède immédiatement à un traumatisme particulièrement important. Seul un psychiatre peut estimer valablement le déficit psychique de la victime

- Syndrome psychiatrique post-traumatique...............................................................20 à 100

Névroses post-traumatiques

- Syndrome névrotique anxieux, hypochondriaque, cénesthopatique, obsessionnel, caractérisé s'accompagnant d'un retentissement plus ou moins important sur l'activité professionnelle de l'intéressé ...................................................................................................................20 à 40"

Le médecin consultant désigné par le tribunal indique qu' il est fait référence au paragraphe 4.2.1.11 du barème et qu'il ne peut apporter aucune critique au taux d'IPP qui a été proposé sans référence à un avis psychiatrique ou à un bilan neuropsychologique qui aurait permis de connaître l'état antérieur et une éventuelle évolutivité associée.

Pour rejeter la contestation de l'employeur et maintenir le taux à 49%, le tribunal retient qu'aucune disposition particulière n'impose une expertise complémentaire qui demeure à l'appréciation de la juridiction ; qu'il ne résulte d'aucun élément que l'assuré avait des antécédents médicaux de nature psychiatrique ; que le médecin conseil s'est livré à une analyse exhaustive des symptômes et doléances de M. [D] et a repris les comptes-rendus de trois examens cliniques faisant état des prises en charge spécialisées de ce dernier lui permettant de retenir des 'troubles de l'attention et de la concentration, un retentissement social et professionnel, une irritabilité et des troubles du sommeil et un syndrome dépressif sévère qui nécessite la poursuite des prises en charge au titre des soins post consolidation' ; que cette analye caractérise un syndrome psychiatrique post-traumatique (pour lequel un taux compris entre 20 et 100 % est préconisé) et justifie le taux de 49 %.

Le docteur [P], médecin consultant de la cour, relate de manière détaillée dans son rapport :

- les trois examens pris en compte par le médecin conseil de la CPAM, à savoir:

- le 13/09/2016 relatant une hospitalisation du 15/06/2016 au 27/06/2016 pour une tentative de suicide dans le contexte de l'audience du tribunal de grande instance et mentionnant une phobie des véhicules automobiles, une agoraphobie, une irritabilité, des troubles du sommeil,

- le 16/05/2017 mentionnant la persistance d'un suivi psychologique et psychiatrique régulier avec une anxiété sous-jascente persistante, une amélioration de l'irritabilité, la persistance de réveils nocturnes, de troubles de la mémoire et de troubles de la concentration avec un traitement par Coversyl, Temerit et Effexor,

- le 17/10/2017 mentionnant un état de stress post-traumatique avec des troubles du sommeil importants, une irritabilité et une nouvelle décompensation ayant nécessité une réadaptation thérapeutique avec un traitement par Effexor, Tercian, Miansérine, Coversyl, Temerit, Cétirizine et Lercan ;

- le traitement médicamenteux lors du rapport du médecin conseil (daté du 16 avril 2018, la consolidation étant du 7 avril 2018), les doléances faites essentiellement d'une agoraphobie et un examen réalisé le 28 mars 2018 retrouvant la notion de troubles de la concentration, de troubles du sommeil avec réveils nocturnes, cauchemars, d'une agressivité au quotidien ;

- sur le plan professionnel, la réalisation d'un bilan de compétences dans le cadre du reconversion ;

- l'absence d'état antérieur interférant mentionnée dans le rapport du médecin conseil.

En considération de ces éléments, des certificats médicaux, des arguments développés par les parties et du docteur [S] pour la société [6], le docteur [P] conclut :

' M. [H] [D] a été victime d'un accident de travail le 20/02/2014 à l'origine du décès d'un de ses collègues.

Le certificat médical initial mentionne d'emblée un état de stress post-traumatique qui a évolué progressivement vers une dépression chronique avec des troubles psychotiques.

Il n'est relaté aucun état antérieur psychiatrique connu.

Le dernier examen communiqué est celui du médecin conseil du 28/03/2018 qui mentionne une agoraphobie, des troubles de la concentration, des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes et des cauchemars, une agressivité, un suivi psychiatrique et psychologique et un traitement conséquent. Il est également noté des répercussions socioprofessionnelles avec une tentative de reprise sans résultat, ayant nécessité une reconversion en cours, lors de l'examen du médecin conseil.

Au vu des éléments communiqués, il convient effectivement de se référer au barème prévu pour l'évaluation des névroses post-traumatiques, qui tient compte du retentissement plus ou moins important sur l'activité professionnelle.

Au vu de la symptomatologie décrite par le médecin conseil, du suivi psychologique et psychiatrique, du traitement conséquent et de la nécessité de la reconversion professionnelle, il semble raisonnable de retenir la fourchette haute, soit un taux de 40%.

A la date du 07/04/2018, le taux d'incapacité permanente partielle de 40% était justifié.'

Les conclusions du médecin consultant de la cour sont parfaitement claires et étayées quant à l'évaluation des séquelles en référence aux névroses post-traumatiques (taux de 20 à 40%) prévues par le barème précité, les séquelles importantes justifiant le taux maximum de 40%.

Ainsi, la cour reprend à son compte les conclusions du docteur [P], observant que le barème n'impose pas de recourir à l'avis d'un psychiatre contrairement à ce que soutient la société [6] et que les éléments produits permettent de statuer. La demande d'inopposabilité de la décision attributive de rente formée par la société [6] est donc rejetée.

Le jugement qui s'est référé aux syndromes psychiatriques prévus par le barème pour maintenir le taux de 49% est par ailleurs infirmé, étant observé comme indiqué par le barème, que c'est dans ce cas que le recours à un psychiatre est préconisé pour estimer valablement le déficit psychique de la victime. Le taux de 40% est retenu conformément au barème et à l'avis du médecin consultant de la cour.

La société [6] qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déboute la société [6] de sa demande d'inopposabilité de la décision de la CPAM de l'Artois du 4 mai 2018 fixant le taux d'incapacité permanente partielle de M. [H] [D],

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Fixe le taux d'incapacité permanente partielle de M. [H] [D] à 40% à compter du 8 avril 2018 au titre des séquelles de l'accident du travail du 20 février 2014,

Condamne la société [6] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/08430
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.08430 ?
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