ARRET
N°948
S.A.S. [4]
C/
CPAM DE L'OISE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022
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N° RG 20/05600 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5FD - N° registre 1ère instance : 19/00358
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 12 octobre 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La S.A.S. [4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
(M.P. : M. [U] [C] [T] [P])
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Me Frédérique BELLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0881
ET :
INTIMÉE
La CPAM DE L'OISE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Mme [S] [V], dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Juin 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de :
Mme Elisabeth WABLE, Président de chambre,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 24 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Mélanie MAUCLERE, Greffier placé.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 12 octobre 2020 par lequel le Pôle Social du tribunal judiciaire d'Amiens, statuant dans le litige opposant la SAS [4] à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (ci-après la CPAM) a':
- débouté la SAS [4] de sa demande d'annulation du rapport du docteur [J],
- entériné le rapport du docteur [J],
- débouté la SAS [4] de sa demande de voir fixer le taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [U] - [C] [T] [P] à 5 %,
- déclaré le taux d'incapacité permanente partielle de 25 % alloué à Monsieur [T] [P] , pour la maladie professionnelle du 19 février 2016, opposable à la SAS [4],
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la SAS [4] aux dépens,
- précisé que les frais de consultation seront pris en charge par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie.
Vu l'appel relevé à l'encontre de ce jugement par la SAS [4] le 12 novembre 2020,
Vu l'ordonnance rendue le 6 octobre 2021 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, désignant le docteur [N] [Z] en qualité de médecin consultant et le rapport déposé par celui-ci le 15 janvier 2022.
Vu les conclusions visées le 17 mai 2020, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la SAS [4] prie la cour de':
- la dire et juger recevable et bien-fondée en ses demandes,
Sur la nécessité d'une mesure d'instruction,
- constater que la juridiction peut ordonner toute mesure d'instruction, laquelle peut prendre la forme d'une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l'audience, ou d'une expertise médicale judiciaire,
- constater que le mouvement d'antépulsion est limité chez M. [T],
- constater que le supra-épineux a un impact sur le mouvement d'abduction et non sur le mouvement d'antépulsion,
En conséquence, ':
- ordonner la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire, avec mission reprise dans ses écritures
- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, afin qu'il soit débattu du caractère professionnel des lésions, prestations, soins et arrêts en cause, après dépôt du rapport de l'expert judiciaire,
En tout état de cause, sur les frais d'expertise
- mettre à la charge de la caisse, les frais et honoraires d'expertise,
- lui donner acte qu'elle n'est pas opposée à avancer les frais d'expertise, - sous réserve qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve la possibilité de demander à être remboursée par la caisse de l'avance qu'elle aura faite,
Vu les observations orales à l'audience, par lesquelles la société [4], par son conseil, sollicite l'entérinement du rapport de l'avis du médecin consultant désigné par la cour et la fixation du taux d'IPP à 5%,
Vu les conclusions visées le 9 juin 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM de l'Oise prie la cour de':
- confirmer le jugement entrepris,
- déclarer sa décision attribuant un taux d'incapacité permanente de 25 % à Monsieur [U] - [C] [T] [P] opposable à la société [4],
- dire qu'au regard des dispositions légales et réglementaires et des séquelles décrites dans le rapport, le taux d'incapacité permanente de 25 % a été correctement évalué et est conforme aux dispositions du code de la sécurité sociale et aux préconisations du barème indicatif d'invalidité,
- écarter l'avis du docteur [Z],
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement':
- ordonner une nouvelle mesure de consultation médicale afin de dire si le taux IP de 25% attribué à Monsieur [U] - [C] [T] [P] est justifié au regard des séquelles qu'il présentait à la consolidation du 30 avril 2018 de la maladie professionnelle du 19 février 2016,
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SUR CE LA COUR,
Monsieur [U] [C] [T] [P], salarié de la SAS [4] en qualité d'ouvrier spécialisé, a effectué le 22 février 2016 une déclaration de maladie professionnelle assortie d'un certificat médical initial du 19 février 2016, faisant état d'une tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs des deux épaules.
Les pathologies affectant l'épaule droite et l'épaule gauche ont fait l'objet d'une instruction distincte et ont toutes deux été prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
La date de consolidation de l'état consécutif à la tendinopathie de l'épaule gauche a été fixée au 31 janvier 2017, sans séquelle indemnisable.
La date de consolidation de l'état consécutif à la tendinopathie de l'épaule droite a été fixée au 30 avril 2018.
Par décision notifiée le 26 juin 2018, un taux d'incapacité permanente partielle de 25 % a été attribué à Monsieur [U] [C] [T] [P] pour des séquelles d'une «'tendinopathie de l'épaule droite ' limitation sévère de tous les mouvements omoplate mobile ' douleurs intenses'».
Contestant l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle, la SAS [4] a saisi la juridiction de la sécurité sociale.
Par jugement dont appel, le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens a statué comme indiqué précédemment.
La SAS [4] conclut à l'infirmation du jugement déféré et à la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire.
Elle considère que la consultation effectuée par le docteur [J], médecin désigné par les premiers juges, n'est pas contradictoire en ce que ni les parties ni son médecin-conseil n'ont été convoqués pour les opérations d'expertises, et qu'elle est au surplus incomplète.
Elle produit le rapport médical de son médecin-conseil, le docteur [H], lequel retient un taux de 5 % en estimant qu'une tendinite du supra-épineux est assimilable à une périarthrite d'épaule en l'absence de complications (rupture tendineuse ou capsulite).
La CPAM de l'Oise conclut à la confirmation du jugement déféré, subsidiarement à la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure de consultation médicale.
Elle produit les observations médicales de son médecin-conseil, le docteur [W], lequel conclut à un taux de 25 % pour une limitation moyenne de tous les mouvements de l'épaule, ce qui correspond à un taux de 20 % conformément au barème, auquel s'ajoute un taux de 5 % pour les douleurs.
Elle indique que les séquelles ont eu un impact conséquent sur la profession de l'assuré dans la mesure où il a été déclaré inapte et que, compte tenu de la sévérité de la limitation pour un membre dominant, le taux de 25 % n'est pas surévalué.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
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*Sur la mesure de consultation effectuée par le médecin désigné en première instance
Ainsi que l'a constaté à juste titre le tribunal, la société avait la possibilité d'adresser tout élément au soutien de ses prétentions au médecin consultant désigné, et la note de son médecin conseil produite pour l'instance lui a permis de faire valoir sa position .
La convocation en personne n'était pas nécessaire s'agissant d'une mesure de consultation sur pièces.
Le principe du contradictoire ayant été respecté, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société [4] de sa demande d'annulation du rapport du docteur [J].
*Sur la détermination du taux d'incapacité permanente partielle'et la nécessité d'une nouvelle mesure de consultation médicale
En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
En l'espèce, et aux termes de son rapport le médecin consultant désigné par les premiers juges, conclut : «'aucun élément médical présent au dossier ne justifie une modification du taux' ' 'à la date du 30.04.2018, le taux d'incapacité permanente partielle était de 25 %'».
La SAS [4], pour contester cette évaluation, produit le rapport du docteur [H], lequel fait état notamment d'une importante discordance anatomo-clinique entre l'existence d'une tendinite isolée du supraépineux et la limitation majeure des mobilités de l'épaule en expliquant qu'une tendinopathie du supra épineux ne peut aucunement expliquer une limitation de l'antépulsion. Il ajoute que': «'Le médecin conseil indique que l'examen clinique est très difficile à réaliser avec un «'manque de participation'».
En d'autres termes, cet examen n'a aucune fiabilité ce qui n'empêche pas le médecin conseil de fixer un taux de 25 %'!!!.
A l'inverse de ce qu'indique le docteur [J], dont l'avis est pour le moins non motivé et peu utilisable, de nombreuses incohérences sont présentes dans ce dossier ne permettant de suivre l'avis médical de 25 % proposé par le médecin conseil de la Caisse.
Si on se réfère au chapitre 1.1.2, une périarthrite douloureuse d'épaule est indemnisée par un taux de 5 %.'».
Le docteur [Z], médecin désigné par la présente cour, indique quant à lui que': «'Monsieur [T] [P] présente un état intercurrent important à type de sarcoïdose pulmonaire. L'on ne connaît pas s'il existe d'autres localisations, en particulier articulaires, car les polyarthrites aiguës font partie du tableau clinique et peuvent évoluer vers la chronicité. La bilatéralité de l'atteinte scapulaire serait en faveur d'une possible atteinte de cette pathologie.
Le certificat médical initial fait état d'une tendinopathie aiguë bilatérale de la coiffe des rotateurs.
Une IRM de 2017 montre une atteinte unique du supra-épineux. Le rapport médical d'évaluation rapporte deux comptes-rendus d'IRM à 8 jours d'intervalle d'un seul côté': à gauche (côté opposé à celui pris en charge dans le rapport médical d'évaluation fourni': droite). Il s'agit probablement d'une erreur de plume. Il existe cependant une discordance entre «'importante tendinopathie'» d'un côté et «'l'évocation'» d'une tendinopathie sur le 2e examen. Cette différence d'atteinte apparaît peu compatible avec les données rapportées de l'examen clinique montant montrant une limitation symétrique des mobilités.
Le Professeur [M] aurait réalisé une expertise en 2017. Il est malheureux que nous n'ayons pas le rapport de cette expertise. A-t-il lui aussi soulevé le lien possible entre la sarcoïdose et l'atteinte tendineuse'' Qu'elles étaient ces constatations cliniques''
Une simple tendinopathie aiguë du supra-épineux aurait dû évoluer favorablement sous corticothérapie.
La kinésithérapie aurait amélioré la mobilité articulaire. Au vu de la mobilité lors de l'examen par le Médecin conseil qu'elle était-elle'' L'assuré a-t-il bénéficié d'une tierce personne''
L'examen clinique réalisé avec «'un manque de participation'» évoque un tableau de capsulite rétractile. Ce tableau apparaît peu compatible avec une simple tendinite d'un seul des muscles de la coiffe des rotateurs': le supra-épineux sert de starter à l'abduction qui doit pouvoir être poursuivie au-dessus de 90° par la prise en charge par le deltoïde ce mouvement ayant été débuté passivement.
La man'uvre main-nuque peut être réalisée quasiment coude au corps, contrairement à la man'uvre main-oreille controlatérale en passant par le vertex qui demande une abduction dans minimal de 120°. Comment expliquer que cette man'uvre n'ait pas été réalisée''
Il existe donc dans ce dossier de nombreuses incertitudes et incohérences.
A la lecture du certificat médical initial, régulièrement reproduit sans modification sur tous les certificats de prolongation, ce qui vu l'évolution dans le temps se rapproche plus du caractère chronique qu'aigu, il semble que l'on soit plutôt devant une épaule douloureuse simple dont le taux d'IPP à retenir est de 5 %'».
La cour rappelle que l'estimation médicale doit faire la part entre ce qui revient à l'état antérieur et ce qui revient à la maladie professionnelle.
La cour relève que Monsieur [U] [C] [T] [P] présentait à la date de consolidation une limitation sévère de tous les mouvements de l'épaule dominante, au vu des pièces médicales produites , notamment une antépulsion et une abduction passives ne dépassant pas le plan horizontal, avec rétropulsion également très limitée et certains mouvements non réalisés (mouvements mains nuque et mains lombes), outre des douleurs intenses.
En considération de ces éléments et des préconisations du guide barème, la décision déférée ayant fixé le taux d'IPP de Monsieur [U] [C] [T] [P] mérite d'être confirmée nonobstant l'avis du médecin consultant désigné par la cour, sans nécessité d'ordonner une nouvelle mesure de consultation médicale.
*Sur les dépens
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [4] partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS'
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique et mis à disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
DÉBOUTE la société [4] de ses demandes contraires ;
CONDAMNE la société [4] aux entiers dépens de l'instance.
Le Greffier, Le Président,