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17/11/2022 | FRANCE | N°21/02876

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 17 novembre 2022, 21/02876


ARRET

N°920





Société [12]





C/



[O]

[O]

[O]

[O]

[O]-[A]

CPAM DE L'OISE













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022



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N° RG 21/02876 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDY6 - N° registre 1ère instance : 19/00119



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (Pôle Social) EN DA

TE DU 22 avril 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





La Société [12], venant aux droits de la société [11], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]'

[Adresse 2]...

ARRET

N°920

Société [12]

C/

[O]

[O]

[O]

[O]

[O]-[A]

CPAM DE L'OISE

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/02876 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDY6 - N° registre 1ère instance : 19/00119

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (Pôle Social) EN DATE DU 22 avril 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La Société [12], venant aux droits de la société [11], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]'

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée et plaidant par Me Annabelle HUBERT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Joumana FRANGIÉ MOUKANAS de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461

ET :

INTIMES

Madame [Y] [O], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de M. [K] [O] décédé le 11 Juin 2014

[Adresse 1]

[Localité 6]

Monsieur [F] [O], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de M. [K] [O] décédé le 11 Juin 2014

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 3]

Monsieur [X] [O], agissant tant en son nom personnel, qu'en sa qualité d'ayant droit de M. [K] [O] décédé le 11 Juin 2014,

[Adresse 16]

[Localité 5]

Mademoiselle [S] [O]-[A], mineure, représentée par son père, Monsieur [X] [O]

[Adresse 16]

[Localité 5]

Madame [P] [O] épouse [B], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de M. [K] [O] décédé le 11 Juin 2014

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentés et plaidant par Me Cyril DE WANQUE, avocat au barreau de PARIS substituant Me Elisabeth LEROUX de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

La CPAM DE L'OISE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 20 Juin 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Vu le jugement en date du 22 avril 2021 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais, saisi par les ayants droit de M. [K] [O] de demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [12], et d'indemnisation des préjudices personnels de leur auteur et de leurs préjudices moraux, a :

- dit que la maladie professionnelle de M. [K] [O] est imputable à la faute inexcusable de la société [12] venant aux droits de la société [11] ;

-fixé au maximum légal la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, Mme [Y] [O] ;

- fixé l'indemnisation des préjudices subis par M. [K] [O] à 5 000 euros au titre du préjudice esthétique et 100 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- alloué aux ayants droit de M. [O] l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation à laquelle celui-ci aurait pu prétendre avent son décès conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

-fixé l'indemnisation des préjudices moraux des ayants droit de M. [O] comme suit :

Mme [Y] [O] : 45 000 euros

M. [F] [O] : 15 000 euros

M. [X] [O] : 15 000 euros

Mme [P] [O] : 15 000 euros

[S] [O]-[C], mineure, représentée par son père [X] [O] : 9 000 euros ;

- débouté les consorts [O] de leur demande tendant à la réparation du préjudice d'agrément subi par M. [K] [O] ;

- dit que la caisse devra les sommes allouées directement aux ayants droit de M. [K] [O] ;

- dit que la caisse pourra exercer son action récursoire à l'encontre de la société [12] afin de récupérer les sommes avancées au titre de l'indemnisation des préjudices subis par M. [K] [O], l'indemnité forfaitaire des ayants droit, la majoration de la rente servie au conjoint survivant ainsi que les préjudices moraux des ayants droit ;

- rejeté les demandes plus amples et contraires ;

- condamné la société [12] aux dépens de l'instance nés postérieurement au 31 décembre 2018 et à payer aux consorts [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 28 mai 2021 par la société [12] de cette décision qui lui a été notifiée le 11 mai précédent.

Vu les conclusions enregistrées par le greffe le 20 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [12] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

- reconnaître que le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [K] [O] n'est pas établi ;

- constater que la faute inexcusable n'est pas démontrée ;

- débouter les ayants droit de M. [O] de l'ensemble de leurs demandes ;

A titre subsidiaire,

- réduire le quantum des indemnisations au titre des souffrances physiques et morales et du préjudice esthétique ;

- confirmer le jugement qui a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément ;

- réduire la quantum des indemnisations au titre du préjudice moral des ayants droit de M. [O] ;

- confirmer le décision de refus de prise en charge de la maladie dans ses rapports avec la CPAM .

- rejeter l'action récursoire de la CPAM en l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [O] dans les rapports caisse/employeur.

Vu les conclusions enregistrées par le greffe le 8 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles les consorts [O] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris à l'exception de sa disposition relative au préjudice d'agrément et statuant à nouveau de fixer l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 50 000 euros et de condamner la société [12] à payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions visées par le greffe le 20 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM de l'Oise demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien-fondé de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable qui ne pourra intervenir qu'après constatation du caractère professionnel de la pathologie de M. [K] [O], sur la demande de majoration de rente de la conjointe et sur l'allocation forfaitaire au titre de l'action successorale,

- en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y compris celle ayant rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément, quelque soit la décision sur l'opposabilité ;

- dire qu'elle disposera en tout état de cause d'une action récursoire à l'encontre de la société [12] pour l'intégralité des sommes avancées, soit le préjudice personnel de M. [O] et celui de ses ayants droit, les sommes versées à la succession au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et le capital représentatif de la majoration de la rente de veuve allouées à Mme [Y] [D], veuve [O].

SUR CE, LA COUR :

M. [K] [O], employé par la société [10] sur le site de Montataire de 1974 à 2013 en qualité d'aide emballeur, cariste, empileur et enfin opérateur, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle liée à l'inhalation de poussières d'amiante inscrite au tableau n°30 bis (cancer bronco pulmonaire primitif), après avis favorable du CRRMP du Nord Pas de Calais en date du 26 juillet 2017, suivant jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 12 juillet 2018, la CPAM de l'Oise ayant initialement refusé la prise en charge par décision du 17 novembre 2014.

M. [O] est décédé le 11 juin 2014 à l'âge de 60 ans.

Sur la recevabilité de l'appel de la société :

Il sera déclaré recevable, aucune contestation n'étant élevée au demeurant à ce titre.

Sur la maladie professionnelle et la faute inexcusable :

Après avoir rappelé qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452 ' 1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, les premiers juges ont par une exacte appréciation des éléments de fait et de preuve du dossier, non utilement critiquée en cause d'appel, à bon droit considéré que les éléments constitutifs de la faute inexcusable de l'employeur étaient réunis en l'espèce.

Il ressort en effet des déclarations concordantes d'anciens collègues de M. [O] sur leurs conditions de travail communes, soit celles de MM. [H], [N], [I], [E] et [M] recueillies lors de l'enquête par la caisse, et des attestations les confortant de MM. [V] et [U] produites par les consorts [O], que la société exerce une activité de sidérurgie dont la mise en 'uvre a pour effet de répandre dans l'atmosphère, notamment dans les ateliers, des poussières toxiques contenant des fibres d'amiante et que dans le cadre de ses différents emplois occupés successivement lors de sa très longue carrière sur le site de [Localité 17] et plus particulièrement celui de cariste M. [O] a été exposé de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante lors du ravitaillement des lignes de production de pièces amiantées et lors de sa présence sous les ponts roulants en mouvement générant des poussières d'amiante.

Compte tenu de son importance et des moyens corrélatifs dont elle disposait pour recueillir les informations nécessaires à la prévention des dangers sanitaires liés à la présence d'amiante dans ses outils de production, la société [12], dont l'activité impliquait une connaissance en matière de produit isolant et corrélativement une obligation de vigilance et de suivi concernant les matériaux utilisés, ne pouvait pas ne pas avoir conscience à l'époque des faits des risques sanitaires graves, d'ores et déjà révélés par de nombreuses publications (rapport [T] sur les conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante établi en 1906, étude publiée en 1930 par le Dr [G] intitulée «amiante et asbestose pulmonaire», études des [15] et [W] respectivement publiées en 1955 et 1960 sur le risque de cancer du poumon, travaux du congrès France de [Localité 14] sur l'asbestose de 1964 organisé par la Chambre syndicale de l'amiante), liés à la manipulation de matériaux à base d'amiante auxquels se trouvaient exposés ses salariés appelés à intervenir sur les fours contenant des parties amiantées devant être régulièrement changées, notamment en ce qui concerne la silicose et l'asbestose respectivement inscrites dès 1945 et 1950 au tableau des maladies professionnelles provoquées par le travail de l'amiante, étant observé que toutes ces publications et études sont en majorité antérieures à la période effective d'exposition déterminée pour M. [O].

Ensuite, la société employeur, qui ne pouvait ignorer à l'époque considérée les risques sanitaires liés au dégagement de poussières d'amiante auxquels se trouvait exposé M. [O] dans l'accomplissement des tâches qui étaient les siennes, n'a pas pris les mesures nécessaires, efficaces et suffisantes pour l'en préserver, comme le démontrent les attestations concordantes de MM. [U], [J] et [N] sur l'absence de port de masque de protection et d'extracteur.

Tenue en sa qualité d'employeur d'une obligation de sécurité vis à vis de ses salariés, cette société ne peut utilement opposer l'absence de réglementation spécifique, l'éventuelle responsabilité encourue à ce titre par l'État et d'autres organismes à raison notamment de leur silence et/ou de leur carence ou invoquer le respect de normes relatives au seuils d'exposition autorisés par les pouvoirs publics.

Enfin, si un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que la maladie n'a pas d'origine professionnelle, il n'est en revanche pas recevable à contester à la faveur de cette instance l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie par la CPAM au titre de la législation professionnelle, ni invoquer le refus initial de l'organisme de prendre en charge la maladie.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dans les circonstances de l'espèce retenu, comme l'une des causes nécessaires de la maladie dont s'est trouvé atteint M. [O] et son décès subséquent, la faute inexcusable de la société [12].

Sur les autres dispositions :

Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives à la majoration de la rente allouée au conjoint survivant et à l'indemnité forfaitaire qui ne font l'objet d'aucune contestation par la société appelante et par la caisse, même subsidiairement.

Les préjudices ont été exactement appréciés par les premiers juges et ne font l'objet d'aucune contestation sérieuse de nature à minorer les montants alloués, si bien que le jugement sera confirmé sur ces points.

En revanche, pour ce qui a trait au préjudice d'agrément, écarté en première instance, les attestations de ses proches, membres de sa famille et amis, permettent de retenir que M. [O] a cessé de s'adonner en raison de sa fatigue au bricolage et à la marche, ce qui justifie qu'il soit alloué, par infirmation du jugement déféré, la somme de 5 000 euros.

Le jugement, non utilement remis en cause, sera enfin confirmé en ses dispositions relatives à l'action récursoire de la caisse à l'encontre de la société appelante, la décision de refus de prise en charge initiale de la caisse étant à cet égard inopérante, mais aussi à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société [12], appelante qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser aux consorts [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité procédurale de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe ;

Déclare l'appel de la société [12] recevable ;

Confirme le jugement entrepris sauf pour ce qui concerne le prédudice d'agrément ;

Statuant dans cette mesure et y ajoutant :

Fixe le préjudice d'agrément de M. [K] [O] à la somme de 5 000 euros ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société [12] aux dépens d'appel et à verser aux consorts [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité procédurale de 3 000 euros.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/02876
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.02876 ?
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