ARRET
N°919
CPAM DES FLANDRES
C/
S.A.S. [4]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
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N° RG 21/02873 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDYV - N° registre 1ère instance : 19/00981
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 10 mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
La CPAM DES FLANDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par mme [S] [T] dûment mandatée
ET :
INTIMEE
La société [4] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
A.T. : Mr [V] [W]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Gaëlle DEFER substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Juin 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 10 mai 2021 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, statuant sur le recours de la société [4] à l'encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la CPAM ou la caisse) de sa contestation de la prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts ayant fait suite à l'accident dont a été victime M. [V] [W] le 22 août 2017, a, après avoir désigné un médecin expert, M. [U], par jugement avant-dire droit du 15 septembre 2020 :
- dit que les soins et arrêts de travail prescrits à M. [V] [W] suite à son accident du travail du 22 août 2017 sont imputables à l'accident jusqu'au 4 septembre 2017,
- fixé au 4 septembre 2017 la date de consolidation de M. [V] [W] suite à son accident du travail du 22 août 2017,
- dit que les soins et arrêts prescrits à M. [V] [W] suite à son accident du travail du 22 août 2017 sont inopposables à la société [4] à compter du 5 septembre 2017,
- dit n'y avoir lieu à la mise en 'uvre d'une nouvelle mesure d'expertise médicale,
- condamné la CPAM des Flandres aux dépens de l'instance intégrant notamment les frais d'expertise d'un montant de 541 euros.
Vu l'appel interjeté le 27 mai 2021 par la CPAM des Flandres de cette décision qui lui a été notifiée le 12 mai précédent.
Vu la convocation des parties à l'audience du 20 juin 2022.
Vu les conclusions visées par le greffe le 20 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM des Flandres demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement,
- constater que la présomption d'imputabilité de prise en charge des soins et arrêts de travail est établie,
- dire opposable à la société [4] la prise en charge des soins et arrêts de travail dont a bénéficié son salarié M. [V] [W] au titre de l'accident du travail du 22 août 2017,
- débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- écarter l'avis rendu par le docteur [U] pour non-respect du principe du contradictoire,
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner la mise en 'uvre d'une nouvelle mesure d'expertise.
Vu les conclusions visées par le greffe le 20 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [4] demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- homologuer le rapport du docteur [U],
- dire et juger que l'ensemble des arrêts de travail et soins prescrits à M. [W] des suites de l'accident du travail du 22 août 2017 lui sont inopposables à compter du 5 septembre 2017,
- condamner la CPAM des Flandres aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
SUR CE, LA COUR :
Le 24 août 2017 la société [4] a transmis à la CPAM des Flandres une déclaration d'accident du travail pour son salarié, M. [V] [W], pour des faits survenus le 22 août précédent, laquelle faisait état de ce que le salarié aurait ressenti une douleur dans le dos en prenant une palette. Le certificat médical initial du même jour mentionne un lumbago.
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par une décision du 14 septembre 2017 et l'assuré a été déclaré guéri par le médecin conseil de la caisse à la date du 15 octobre 2018.
Par décision du 26 octobre 2017, la caisse a pris en en charge au titre de cet accident une nouvelle lésion, soit une lombosciatique droite mentionnée sur le certificat médical de prolongation du 5 septembre 2017.
L'employeur, après avoir saisi la commission de recours amiable d'une demande d'inopposabilité à son égard des soins et arrêts prescrits au titre de l'accident du travail, a saisi le 20 mars 2019 le pôle social du tribunal judiciaire de Lille d'un recours formé à l'encontre de la décision de rejet de la commission du 11 janvier 2019, lequel a statué comme précédemment exposé.
En application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail, pendant toute la période d'incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l'accident du travail.
Il appartient à l'organisme de sécurité sociale qui se prévaut de la présomption d'imputabilité de justifier de la continuité des soins, prestations et arrêts de travail depuis l'accident du travail jusqu'à la date de consolidation ou de guérison.
Pour détruire la présomption d'imputabilité, l'employeur doit rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, laquelle peut notamment résulter de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte et auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.
La seule durée, même apparemment longue, des arrêts de travail ne permet pas en soi à l'employeur de présumer que ceux-ci ne sont pas la conséquence de l'accident du travail.
Il ressort du rapport de M. [U], expert désigné par le tribunal, que celui-ci, entérinant le seul argumentaire du médecin conseil de la société [4] M. [R], au motif que la caisse ne lui avait pas communiqué l'entier dossier médical de la victime, a fixé la date de consolidation des lésions de M. [W], soit un lumbago, au 4 septembre 2017 et a dit qu'à compter du 5 septembre 2017 la lésion nouvelle, soit la lombosciatique, avait une cause totalement étrangère au travail au motif qu'elle n'apparaissait pas imputable de manière directe et certaine à l'accident eu égard au délai de survenue trop long, soit 14 jours après, que l'infiltration dont a bénéficié la victime le 24 octobre 2017 visait seulement le traitement d'une colonne vertébrale dégénérative avec conflit disco-radiculaire et non un lumbago et qu'enfin, la lombosciatique aurait dû faire l'objet d'une prise en charge au titre d'une lésion nouvelle à la seule condition d'un argumentaire étayé en ce sens. Il conclut son raisonnement en ces termes « après cette date [du 4 septembre 2017], ces soins et arrêts de travail sont en rapport avec un état antérieur et/ou indépendant, évoluant pour son propre compte ».
Nonobstant la non prise en compte de l'argumentaire du médecin conseil de la caisse par l'expert, pourtant transmis par courrier recommandé réceptionné par M. [U] le 22 octobre 2020, par lequel elle précisait également ne pas être en possession de l'entier dossier médical de M. [W], la cour rappelle que le délai d'apparition d'une lésion, qui plus est dans un temps proche de l'accident en l'espèce, ne constitue pas la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail et constate que M. [U], de manière contradictoire, dit que la lombosciatique est en rapport avec un état antérieur et/ou indépendant évoluant pour son propre compte, ce qu'il ne justifie ni ne fonde sur un quelconque élément médical dans ses conclusions expertales, tout en relevant que sa prise en charge au titre d'une nouvelle lésion imputable à l'accident de M. [W] était plausible si dument motivée.
Aussi, la nature contradictoire de ces conclusions commande, par infirmation du jugement entrepris, de ne pas homologuer le rapport de M. [U].
Ensuite, il résulte des certificats médicaux de prolongation successifs prescrits au bénéfice de M. [W], l'existence d'une continuité d'arrêts de travail et de symptômes pendant toute la durée de l'incapacité de travail et d'une identité de siège des lésions, s'agissant du lumbago et de la lombosciatique, et ce jusqu'à la date de guérison de sorte que la caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts successifs jusqu'à la date de guérison de la victime.
Cette présomption n'est pas détruite par l'employeur, celui-ci se bornant à émettre des doutes sur l'existence d'un lien entre l'accident initial et la prise en charge de la lombosciatique et ce sur la base de l'analyse de M. [R], son médecin conseil, lequel se réfère à un avis de la Haute autorité de santé de 2000 sur la prise en charge des lombalgies et lombosciatiques et expose, eu égard au délai selon lui trop long d'apparition de la lésion nouvelle de M. [W], qu'elle résulte d'un état antérieur lombaire qui interfère avec les conséquences cliniques de l'accident. L'employeur, qui se contente de s'appuyer sur sa propre lecture des certificats médicaux de prolongation, ne rapporte donc pas la preuve, par des éléments médicaux concrets, que les soins et arrêts prescrits à compter du 5 septembre 2017 se rattacheraient exclusivement à une pathologie préexistante dont l'existence n'est d'ailleurs pas démontrée.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Les soins et arrêts de travail prescrits au bénéfice de M. [V] [W] à compter du 22 août 2017 jusqu'au 15 octobre 2018, date de guérison, seront donc déclarés opposables à la société [4].
La société [4], qui succombe totalement, sera condamnée à supporter les dépens, comprenant les frais d'expertise, de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare opposable à la société [4] l'ensemble des soins et arrêts pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres en lien avec l'accident du travail du 22 août 2017 dont a été victime M. [V] [W] jusqu'à la date de guérison du 15 octobre 2018,
Déboute la société [4] du surplus de ses demandes,
Condamne la société [4] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire du docteur [U].
Le Greffier, Le Président,