ARRET
N°918
CPAM DES FLANDRES
C/
Société [5]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
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N° RG 21/02872 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDYT -
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) - RG : 19/00811 EN DATE DU 10 mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
La CPAM DES FLANDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme [H] [T] dûment mandatée
ET :
INTIMEE
La Société [5], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salarié : M. [Z] [Y])
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Me Gaëlle DEFER substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Juin 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 10 mai 2021 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, statuant sur le recours de la société [5] à l'encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la CPAM ou la caisse) de sa contestation de la prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts ayant fait suite à l'accident du travail dont a été victime M. [Z] [Y] le 6 juillet 2018, a, après avoir désigné un médecin expert, M. [O], par jugement avant-dire droit du 15 septembre 2020 :
- dit que les soins et arrêts de travail prescrits à M. [Z] [Y] suite à son accident du travail du 6 juillet 2018 sont imputables à cet accident jusqu'au 15 août 2018,
- fixé au 15 août 2018 la date de consolidation de M. [Z] [Y] suite à son accident du travail du 6 juillet 2018,
- dit que les soins et arrêts de travail prescrits à M. [Z] [Y] suite à son accident du travail du 6 juillet 2018 sont inopposables à la société [5] à compter du 16 août 2018,
- dit n'y avoir lieu à la mise en 'uvre d'une nouvelle mesure d'expertise médicale,
- condamné la CPAM des Flandres aux dépens de l'instance intégrant notamment les frais d'expertise d'un montant de 541 euros.
Vu l'appel interjeté le 27 mai 2021 par la CPAM des Flandres de cette décision qui lui a été notifiée le 12 mai précédent.
Vu la convocation des parties à l'audience du 20 juin 2022.
Vu les conclusions visées par le greffe le 20 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM des Flandres demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement,
- constater que la présomption d'imputabilité de prise en charge des soins et arrêts de travail est établie,
- dire opposable à la société [5] la prise en charge des soins et arrêts de travail dont a bénéficié son salarié M. [Z] [Y] au titre de l'accident du travail du 6 juillet 2018,
- débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, ordonner la mise en 'uvre d'une nouvelle mesure d'expertise.
Vu les conclusions visées par le greffe le 10 juin 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [5] demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- dire que les soins et arrêts de travail prescrits à M. [Z] [Y] suite à son accident du travail du 6 juillet 2018 sont imputables à cet accident jusqu'au 15 août 2018,
- fixer au 15 août 2018 la date de consolidation de M. [Z] [Y] suite à son accident du travail du 6 juillet 2018,
- dire que les soins et arrêts prescrits à M. [Z] [Y] suite à son accident du travail du 6 juillet 2018 lui sont inopposables à compter du 16 août 2018,
- condamner la caisse aux dépens de première instance et d'appel intégrant notamment les frais d'expertise,
- entériner le rapport d'expertise du docteur [O].
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
SUR CE, LA COUR :
Le 11 juillet 2018 la société [5] a transmis à la CPAM des Flandres une déclaration d'accident du travail pour son salarié, M. [Z] [Y], pour des faits survenus le 6 juillet précédent, laquelle faisant état de ce que le salarié aurait ressenti une douleur au dos alors qu'il « alimentait des trémies avec des sacs aux abords des tanks de fabrication ». Le certificat médical initial du 9 juillet 2018 mentionne des lombalgies.
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par une décision de la caisse du 26 octobre 2018 et l'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé par le médecin conseil le 15 janvier 2020 avec un taux IPP de 5%.
Deux nouvelles lésions ont été prises en charge par la caisse au titre de cet accident, une contracture para-vertébrale gauche mentionnée sur le certificat médical de prolongation du 24 août 2018 et une sciatique gauche mentionnée sur celui du 14 septembre 2018.
La caisse a en revanche refusé de prendre en charge au titre de l'accident du 6 juillet 2018 la hernie discale L4L5 mentionnée sur le certificat médical de prolongation du 22 octobre 2018
L'employeur, après avoir saisi la commission de recours amiable d'une demande d'inopposabilité à son égard des soins et arrêts prescrits au titre de l'accident du travail, a saisi le 6 mars 2019 le pôle social du tribunal judiciaire de Lille d'un recours formé à l'encontre de la décision de rejet de la commission du 22 février 2019, lequel a statué comme précédemment exposé.
En application des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail, pendant toute la période d'incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l'accident du travail.
Il appartient à l'organisme de sécurité sociale qui se prévaut de la présomption d'imputabilité de justifier de la continuité des soins, prestations et arrêts de travail depuis l'accident du travail jusqu'à la date de consolidation ou de guérison.
Pour détruire la présomption d'imputabilité, l'employeur doit rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, laquelle peut notamment résulter de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte et auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.
La seule durée, même apparemment longue, des arrêts de travail ne permet pas en soi à l'employeur de présumer que ceux-ci ne sont pas la conséquence de l'accident du travail.
Il ressort du rapport de M. [O], expert désigné par le tribunal, que celui-ci a fixé la date de consolidation des lésions de M. [Y] au 15 août 2018 et a dit qu'à compter du 16 août 2018 les lésions avaient une cause étrangère au travail, au seul motif que, selon les recommandations professionnelles, pour une lésion de type lumbago survenue chez un travailleur manuel exposé à la manipulation de charges lourdes, l'arrêt de travail pris en charge au titre de l'accident aurait dû être d'une durée de 35 jours.
Or il lui était demandé, à l'aide d'éléments médicaux de nature à apporter une réponse aux questions posées par le tribunal, de dire jusqu'à quelle date l'arrêt de travail et les soins directement causés par l'accident étaient médicalement justifiés et de déterminer la date à partir de laquelle les arrêts de travail ont une cause étrangère à l'accident du 6 juillet 2018.
Il y a lieu de constater que l'expert s'est basé non pas sur l'état de santé de M. [Y] mais sur des recommandations de portée générale s'agissant de la prise en charge, en terme de nombre de jours d'arrêt, d'un lumbago, et n'identifie pas précisément quel serait l'état pathologique antérieur qui causerait exclusivement les lésions dont souffrait l'assuré à compter du 16 août 2018. Il a d'ailleurs écarté, sans s'en expliquer, les deux lésions prises en charge au titre de l'accident, à savoir la contracture para-vertébrale gauche et la sciatique gauche. Plus encore l'expert a, sans justification aucune, fixé la date de consolidation de la lésion « lombalgies » découlant de l'accident du travail de M. [Y] au 15 août 2018 alors même qu'un certificat initial de prolongation, daté du 4 août 2018 et mentionnant cette lésion initiale prescrivait à l'assuré un arrêt de travail jusqu'au 24 août suivant. La fixation de la date de consolidation au 15 août 2018, qui interrompt donc l'arrêt de travail prescrit par un certificat médical de prolongation, lequel mentionne la lésion « lombalgies » pourtant reconnu par l'expert comme imputable à l'accident, ne répond donc à aucune logique.
Aussi, la nature non circonstanciée de ces conclusions commande, par infirmation du jugement entrepris, de ne pas homologuer le rapport de M. [O].
Ensuite, il résulte des certificats médicaux de prolongation successifs prescrits au bénéfice de M. [Y], l'existence d'une continuité d'arrêts de travail et de symptômes pendant toute la durée de l'incapacité de travail et d'une identité de siège des lésions, s'agissant des lombalgies, de la contracture para-vertébrale gauche et de la sciatique gauche, et ce jusqu'à la date de consolidation de sorte que la caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts successifs jusqu'à la date de consolidation de l'état de santé de la victime.
Cette présomption n'est pas détruite par l'employeur, celui-ci se bornant à émettre des doutes sur l'existence d'un lien entre l'accident initial et la prise en charge de la sciatique gauche et ce sur la base de l'analyse de M. [N], son médecin conseil, lequel se réfère à un avis de la Haute autorité de santé de 2000 sur la prise en charge des lombalgies et expose que la sciatique gauche, eu égard à son long délai d'apparition, est imputable à un état antérieur évoluant pour son propre compte, soit la hernie discale L4L5 que la caisse a refusé de prendre en charge au titre de l'accident. Le médecin conseil de la caisse précisait d'ailleurs dans la décision relative à l'attribution à M. [Y] d'un taux IPP de 5% du 24 janvier 2020 que cette lésion était localisée à droite, contrairement aux autres lésions quant à elles prises en charge au titre de l'accident. L'employeur ne démontre donc pas que les soins et arrêts prescrits dont il conteste l'opposabilité à son égard se rattachent exclusivement à une cause totalement étrangère au travail, la seule existence d'un état antérieur qui n'a pas été pris en charge au titre de l'accident ne constituant pas la preuve attendue.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Les soins et arrêts de travail prescrits au bénéfice de M. [Z] [Y] à compter du 9 juillet 2018 jusqu'au 15 janvier 2020, date de la consolidation, seront donc déclarés opposables à la société [5].
La société [5], qui succombe totalement, sera condamnée à supporter les dépens, comprenant les frais d'expertise, de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare opposable à la société [5] l'ensemble des soins et arrêt pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres en lien avec l'accident du travail du 6 juillet 2018 dont a été victime M. [Z] [Y] du 9 juillet 2018 jusqu'à la date de consolidation du 15 janvier 2020,
Déboute la société [5] du surplus de ses demandes,
Condamne la société [5] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire du docteur [O].
Le Greffier, Le Président,