ARRET
N° 913
URSSAF DE PICARDIE
C/
S.A. [12]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022
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N° RG 21/02310 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICWH - N° registre 1ère instance : 18/00340
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON EN DATE DU 01 avril 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
URSSAF DE PICARDIE ayant siège social [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 20]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 09
ET :
INTIMEE
S.A. [12] agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Présence du gérant de la société assisté de Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON
DEBATS :
A l'audience publique du 16 Mai 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Mélanie MAUCLERE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 15 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
A la suite d'un contrôle portant sur l'application de la législation de la sécurité sociale pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, l'Urssaf de Picardie a adressé à la société [12] une lettre d'observations en date du 29 avril 2016 portant sur six points de redressement pour un montant total de 169 046 euros outre une majoration de retard de 631 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juin 2016, la société [12] a contesté différents chefs de redressement.
Par courrier en date du 26 juillet 2016, l'inspecteur du recouvrement a indiqué annuler les points n°1et 2 et réduit le point n°3 à la somme de 85 125 euros, les points n°4 et 5 étant maintenus.
Le 25 août 2016, l'Urssaf de Picardie a notifié à la société [12] une mise en demeure pour un montant de 135 442 euros y compris les majorations d'un montant de 17 911 euros.
La société [12] a saisi la commission de recours amiable et, à défaut de réponse, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon dont le contentieux a été transféré au tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire.
Par décision en date du 11 avril 2017, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [12].
Par jugement en date du 1er avril 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Laon a annulé le redressement et condamné l'Urssaf de Picardie aux dépens.
Le jugement lui ayant été notifié le 2 avril 2021, l'Urssaf de Picardie a formé appel par déclaration adressée le 30 avril 2021 au greffe de la cour.
Convoquées à l'audience du 16 mai 2022, les parties ont comparu.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, l'Urssaf de Picardie demande à la cour de:
- dire son appel recevable et bien fondé,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire
de Laon le 1er avril 2021,
Statuant à nouveau,
- valider la procédure de contrôle,
- valider les chefs de redressement notifiés à la société [12] par lettre d'observations du 29 avril 2016 en ce compris les chefs de redressement contestés à savoir les points n°4, 5 et 6,
- condamner la société [12] au paiement des cotisations et majorations de retard afférentes au redressement pour un montant de 135 442 euros,
- condamner la société [12] à payer à l'Urssaf de Picardie la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [12] en tous les dépens.
Par conclusions préalablement communiquées et développées oralement à l'audience, la société [12] demande à la cour de:
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Laon en date du 1er avril 2021,
A titre subsidiaire,
- annuler les chefs de redressement contestés,
Encore plus subsidiairement,
- ramener les chefs de redressement contestés comme suit:
au titre de la prise en charge des frais de dépenses personnelles du salarié
*10 397,68 euros en 2013
*17 071,34 euros en 2014
au titre de la prise en charge par l'employeur des contraventions
*1756,60 euros
au titre des avantages en nature nourriture
*10 337,60 euros en 2013
* 9922,20 euros en 2014
En toutes hypothèse,
- condamner l'Urssaf de Picardie au paiement d'une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs:
L'article L242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable aux faits de l'espèce dispose que: 'Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire.'
Il ressort des pièces produites et des débats que sur les montants réclamés au titre de la mise en demeure du 25 août 2016, qui renvoie expressément aux chefs de redressement visés par la lettre d'observations notifiée le 3 mai 2016, les chefs de redressement n°1et 2 ont été annulés par l'Urssaf de Picardie, le chef de redressement n°3 n'étant pas contesté par la société [12] s'agissant de la réintégration dans l'assiette de calcul des cotisations des sommes au paiement desquelles la société [12] a été condamnée par arrêt du 22 mai 2013 de la chambre sociale de la cour d'appel qui a donné lieu à régularisation pour un montant de 17289 euros.
S'agissant de la contestation dont la cour est saisie, l'Urssaf de Picardie critique le jugement qui a retenu qu'elle a manqué à son devoir d'information, tel qu'il résulte des articles L.114-19 et L.114-20 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elle ne méconnaît pas avoir sollicité de Maître [S], avocat, la transmission de la proposition de rectification fiscale de sa cliente, la société [12], mais qu'elle n'a pas fait figurer ce document dans la liste de ceux figurant dans la lettre d'observations du 29 avril 2016.
L'appelante fait valoir que les dispositions précitées autorisent les agents chargés du contrôle à obtenir communication auprès de tiers de documents sans que leur soit opposé le secret professionnel. Par ailleurs, elle n'a pas à mentionner dans sa lettre d'observations l'ensemble des documents consultés de manière exhaustive, mais seulement ceux sur lesquels elle s'est fondée pour fonder son redressement.
La société [12] réplique que lors du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a consulté les grands-livres et surligné en jaune les factures dont il a sollicité la communication, ce qui a été fait par la société [12] à l'exclusion de toutes autres factures, alors que le tableau reprenant pour chaque compte les factures réintégrées dans l'assiette des cotisations comporte des factures non communiquées, ce qui démontre que l'Urssaf de Picardie a obligatoirement repris les éléments de la proposition de rectification fiscale qui lui a été communiquée à sa demande par Maître [S], sans la viser dans la lettre d'observations.
Or, la proposition de rectification notifiée le 15 juillet 2015 par l'administration fiscale concerne une période différente de celle ayant donné lieu au redressement opéré par l'Urssaf de Picardie s'agissant des exercices clos 2011, 2012 et 2013, ce qui est confirmé par l'échange de mails entre Maître [S] et Mme [P], inspecteur du recouvrement, en date du 20 janvier 2016 aux termes duquel, l'avocat fiscaliste de la société [12] indique
que 'le contrôle fiscal mené pendant les années 2014 et 2015 n'a pas concerné l'année 2015 ni l'année 2014 ni les 3/4 de l'année 2013".
Enfin, Mme [P] n'est pas sérieusement démentie lorsqu'elle indique dans sa lettre du 26 juillet 2016 que, s'agissant du contrôle du respect de la législation en matière de sécurité sociale pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, les factures ont été visualisées ou ont fait l'objet d'une réintégration pour certaines d'entre elles sur la base du libellé identique figurant au grand livre comptable qui figure à la lettre d'observations parmi les pièces consultées.
Dès lors, la cour retient que la société [12] ne démontre pas en quoi l'information donnée par Maître [S] a eu une incidence sur le redressement notifié et devrait à ce titre figurer à la lettre d'observations dans la liste des pièces communiquées.
Enfin, s'agissant du défaut de loyauté reproché à l'Urssaf de Picardie et tenant au lien personnel ayant existé entre Mme [P] et une ancienne salariée de la société mère de la société [12], la cour retient que ces liens qui remontent à plusieurs années ne peuvent justifier la nullité du redressement.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur le chef de redressement n°4: prise en charge des dépenses personnelles du salarié
Lors du contrôle, l'inspecteur de l'Urssaf a pu constater à la lecture du grand livre comptable des années 2013 et 2014 que de nombreuses factures personnelles étaient prises en charge au profit des dirigeants de la société [12] relevant de plusieurs comptes pour un montant de 109 876 euros en 2013 et 106 007 euros en 2014 qui doivent être assujettis à charges sociales pour leur montant brut soit 136 964 euros en 2013 et 132 394 euros en 2014 ( factures [11], [17], [10], [7], [8], [9], [13], [18], [14], [15], [5], [6], [19], [16] etc....).
Sans contester la nature personnelle de ses dépenses, la société [12] fait valoir que ces sommes ont été régularisées en 2015 sous forme de débit en compte courant comme suit:
Au titre des factures 2013
- pour M. [K] [M]: 16 517,84 euros
- pour M. [X] [M]: 2602,27 euros
- pour M. [W] [M]: 3182,40 euros
soit un total de 22 302,51 euros
Au titre des factures 2014
- pour M. [K] [M]: 13 133,85 euros
- pour M. [X] [M]: 11 407,57 euros
- pour M. [W] [M]: 3280,40 euros
soit un total de 27 821,82 euros.
Or, l'inscription en compte courant au titre de l'année 2015 de factures incombant personnellement aux dirigeants salariés ne permet pas de déroger aux règles du calcul de l'assiette des cotisations au titre de l'année concernée, soit 2013 et 2014.
Par ailleurs, la société [12] fait valoir que certaines des factures prises en compte correspondent à des frais exposés dans l'intérêt de l'entreprise mais se contente de produire un tableau récapitulatif qu'elle a elle même établi et qui ne fait pas preuve au regard des constatations faites par l'inspecteur du recouvrement, reprises en annexe à la lettre d'observations.
Dans tous les cas, si des frais ont été exposés exceptionnellement dans l'intérêt de l'entreprise et en dehors de l'exercice normal de l'activité du salarié, il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve, ce que ne fait pas la société [12].
En conséquence, il y a lieu de valider le chef de redressement n°4 pour un montant de 45 609 euros en 2013 et 44 272 euros en 2014 soit au total 89 881 euros, ramené à 85 125 euros, l'Urssaf de Picardie ayant admis avoir retenu à deux reprise la somme de 11 463 euros dans l'assiette servant de base au calcul des cotisations.
Sur le chef de redressement n°5: prise en charge par l'employeur de contraventions
L'inspecteur de l'Urssaf a pu constater en 2013, la prise en charge des contraventions consécutives à des excès de vitesse de certains salariés et dirigeants de la société [12].
Considérant qu'il s'agit de dépenses personnelles de ses salariés, un redressement de 1183 euros a été notifié à ce titre à la société [12].
La société [12] ne conteste pas le principe de la réintégration mais sollicite que l'assiette retenue soit ramenée à 1756 euros, correspondant au solde des ' pénalités et amendes'.
Toutefois, les sommes prises en compte et ayant donné lieu à régularisation correspondent au cumul des pénalités et amendes enregistrées comme telles au compte 671200000 du grand livre comptable 2013.
Dès lors, ce chef de redressement sera confirmé.
Sur le point de redressement n°6: avantage en nature nourriture salariés nourris à l'extérieur hors cas de déplacement et mission de réception
L'inspecteur du recouvrement a constaté qu'en 2013 et 2024, la société [12] a assuré directement le paiement au restaurateur de repas pris par ses collaborateurs sur le site de [Localité 1], siège de l'entreprise, dans les restaurant ' Chez Sylvie', ' La petite brasserie' et 'Le parc', s'agissant de salariés qui ne sont pas en déplacement et a procédé à la réintégration dans l'assiette pour le calcul des cotisations d'un forfait de 4,55 euros par repas en 2013 et 4,60 euros en 2014 multiplié par le nombre de repas soit:
pour 2013: 2785x4,55=12 672 euros de base régularisée
pour 2013: 2477x4,60= 11 394 euros de base régularisée
La société [12] fait valoir que l'évaluation d'un avantage en nature ne peut concerner que ses salariés et que certains repas ont bénéficié à des personnes extérieures à l'entreprise et demande à ce titre de réduire les sommes régularisées.
Or, elle produit un simple tableau qui ne constitue pas une preuve, les sommes régularisées correspondant aux montants figurant sur les originaux des factures fournies par le comptable de la société [12], l'entreprise ayant fait antérieurement l'objet d'un redressement pour ce même motif, rien ne venant confirmer les faits qu'elle allègue au soutien de sa demande de réduction.
En conséquence, ce chef de redressement sera validé pour un montant de 13 299 euros.
Enfin, l'Urssaf de Picardie a appliqué une majoration de 10% pour absence de mise en conformité prévue par les articles L.243-7-6 et R.243-18-1 du code de la sécurité sociale
de 6311 euros soit 631 euros au motif non contesté qu'un précédent redressement avait été notifié à la société [12] pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 relativement aux avantages en natures sous forme de repas pris en charge.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède de valider le contrôle opéré par l'Urssaf de Picardie et de condamner la société [12] à lui payer la somme de 116 896 euros, celle de 631 euros de pénalités et 17 911 euros de majorations de retard.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf de Picardie les sommes qu'elle a dû exposer non comprises dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner la société [12] à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [12] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe de la cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Valide le redressement opéré par l'Urssaf de Picardie,
Condamne en conséquence la société [12] à payer à l'Urssaf de Picardie la somme de 116 896 euros, celle de 631 euros de pénalités et 17 911 euros de majorations de retard,
Condamne la société [12] à payer à l'Urssaf de Picardie la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [12] aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
Le Greffier, Le Président,