ARRET
N° 885
S.A.S. [5]
C/
Organisme URSSAF DE [Localité 3]
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022
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N° RG 20/05557 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5CM - N° registre 1ère instance : 19/00547
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE AMIENS EN DATE DU 19 octobre 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
La S.A.S. [5] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Geoffroy DAVID, avocat au barreau de PARIS substituant Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELEURL Cabinet Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMEE
L'URSSAF DE [Localité 3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau D'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 19 Mai 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de :
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 10 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Mélanie MAUCLERE , Greffier placé.
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DECISION
Vu le jugement rendu le 19 octobre 2020, par lequel le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens, statuant dans le litige opposant la SAS [5] à l'URSSAF de [Localité 3] :
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de confirmation de la décision de la commission de recours amiable du 21 juin 2019,
- a débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur la participation des salariés,
- a débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur la réduction générale des cotisations,
- a dit que l'URSSAF de [Localité 3] devra procéder à un nouveau calcul des cotisatiosn réclamées au titre du chef de redressement n°4: réduction générale des cotisations,
- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société [5] à verser à l'URSSAF de [Localité 3] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [5] aux dépens de l'instance.
Vu l'appel du jugement relevé le 12 novembre 2020 par la société [5],
Vu les conclusions visées par le greffe le 19 mai 2022, soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [5] prie la cour de :
- recevoir l'appel de la société [5] et le dire bien fondé,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur la participation des salariés,
- débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur la réduction générale des cotisations,
- dit que l'URSSAF de [Localité 3] devra procéder à un nouveau calcul des cotisations réclamées au titre du chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations,
- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société [5] à verser à l'URSSAF de [Localité 3] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
- annuler l'ensemble de la procédure de redressement diligentée par l'URSSAF [Localité 4] en raison du contrôle irrégulier de l'inspecteur du recouvrement,
- annuler la mise en demeure en date du 28 août 2018 notifiée par l'URSSAF de [Localité 3] en raison de son imprécision et de l'imprécision de la lettre d'observations à laquelle elle se réfère,
- dire et juger irrecevable, nulle et infondée la mise en demeure du 28 août 2018,
- annuler les chefs de redressement n°s 3 et 4 de la lettre d'observations du 12 décembre 2017,
- condamner l'URSSAF de [Localité 3] à verser à la société [5] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions visées par le greffe le 19 mai 2022 , soutenues oralement à l'audience, par lesquelles l'URSSAF de [Localité 3] prie la cour de :
- dire recevable mais malfondée la société [5] en son appel et ses demandes,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de confirmation de la décision de la commission de recours amiable du 21 juin 2019,
- a débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur la participation des salariés,
- a débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur la réduction générale des cotisations,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'URSSAF devrait procéder à un nouveau calcul des cotisations réclamées au titre du chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations,
Statuant de nouveau,
- valider le chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations': entreprise de travail temporaire, à hauteur de 171 176 euros,
- en conséquence, condamner la société [5] au paiement des cotisations et majorations de retard afférentes pour un montant global de 193607 euros,
- condamner la société [5] à payer à l'URSSAF de [Localité 3] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens,
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SUR CE LA COUR,
L'URSSAF de [Localité 3] a procédé à un contrôle d'assiette des cotisations et contributions sociales concernant la société [5], se rapportant aux années 2014, 2015 et 2016, à la suite duquel une lettre d'observations en date du 12 décembre 2017 a été adressée à la société, lui notifiant un redressement d'un montant de 197238,00 euros.
Une mise en demeure en date du 28 août 2018 a dans ce cadre été adressée à la société [5], aux fins de paiement d'une somme globale de 193607 euros, majorations afférentes incluses.
Contestant la régularité de la procédure et le bien fondé de certains chefs de redressement, la société [5] a saisi la commission de recours amiable, qui a rejeté sa requête, puis la juridiction de la sécurité sociale.
Par jugement dont appel, le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens a statué comme indiqué précédemment.
La société [5] conclut à l'infirmation du jugement déféré et à l'annulation de l'ensemble de la procédure de redressement, invoquant l'irrégularité du contrôle opéré à son encontre.
Elle sollicite l'annulation de la mise en demeure du 28 août 2018, en raison de son imprécision et de celle de la lettre d'observations, ainsi que l'annulation des chefs de redressement n°s 3 et 4 de la lettre d'observations, qu'elle estime infondés.
L'URSSAF de [Localité 3] conclut à la confirmation du jugement déféré, excepté en ce qu'il a dit que l'organisme devrait procéder à un nouveau calcul des cotisations réclamées au titre du chef de redressement n°4, et à la validation du chef de redressement précité à hauteur de 171176 euros.
Elle oppose que la mise en demeure en date du 28 août 2018 est parfaitement régulière, et que les chefs de redressementn°s 3 et 4 sont bien fondés contrairement à ce que prétend la société.
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*Sur la régularité de la procédure :
Sur la régularité de la mise en demeure :
Aux termes de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
La mise en demeure doit ainsi permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.
En vertu de l'article L 244-2, la mise en demeure doit inviter le cotisant à régulariser sa situation dans le mois.
En l'espèce, la cour relève que la mise en demeure en date du 28 août 2018 mentionne le motif du recouvrement, à savoir un contrôle ayant donné lieu à chefs de redressement tels que notifiés par lettre d'observations du 12 décembre 2017, avec référence aux dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale.
Elle mentionne également les périodes visées, soit les années 2014 à 2016, ainsi que la nature des cotisations en ce qu'elles relèvent du régime général.
Le montant des cotisations et des majorations est distingué pour chaque année de la période contrôlée.
Enfin, le délai de régularisation mentionné à l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale figure au verso de la mise en demeure.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient la société [5], la mise en demeure est régulière.
Le moyen opposé de ce chef sera écarté.
Sur la lettre d'observations :
Contrairement à ce que prétend l'appelante, la lettre d'observation en date du 12 décembre 2017 ne souffre d'aucune imprécision, dès lors qu'elle indique dans quel cadre s'inscrit le contôle effectué, se réfère aux dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, mentionne les documents consultés, et précise pour chaque chef deredressement les constats effectués et les textes applicables.
Il s'ensuit que l'ensemble des griefs formulés par la société [5] quant à la régularité de la procédure seront écartés pour être inopérants.
*Sur le chef de redressement n°3 : participation-montants distribués non conformes aux règles derépartition légale s et contractuelles :
Aux termes de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations et contributions sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.
Par dérogation à ces dispositions, en application de l'article L 3325-1 du code du travail, les sommes allouées aux salariés au titre de la participation dans les conditions fixées par les règles qui la régissent sont exonérées de cotisations de sécurité sociale.
L'article 3324-5 du code du travail dispose que la répartition peut être :
- proportionnelle au salaire,
- uniforme,
- proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice
ou combiner ces différents critères.
Sont assimilées à des périodes de présence, quel que soit le mode de répartition retenu par l'accord, les périodes visées aux articles L1225-17 (congé maternité), L1225-37 (congé adoption), et L 1226-7 (congé suite à accident du travail) du code du travail.
En application des articles D 3324-10 et D 3324-11 du code du travail, le salaire servant de base à la répartition proportionnelle de la réserve spéciale de participation est égal au total des sommes perçues par chaque bénéficiaire au cours de l'execice considéré, sans que ce total puisse excéder une somme qui doit être identique pour tous les salariés et est au plus égale à quatre fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
Le salaire s'entend au sens de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale.
Pour les périodes d'absence mentionnées aux articles L 1225-17, L1225-37, et L 1226-7, les salaires à prendre en compte sont ceux qu'auraient perçus le bénéficiaire s'il n'avait pas été absent.
En l'espèce, il a été constaté lors des opérations de contrôle qu'un accord de participation avait été conclu en date du 2 juin 2004 entre l'[6] ([6]) composée d'une vingtaine de sociétés appartenant au groupe [5] et le Comité d'entreprise commun aux sociétés membres.
L'accord et les avenants permettant l'inclusion dans l'UES de nouvelles structures ont été régulièrement déposés auprès de l'autorité administrative (DIRECCTE) du lieu où il a été conclu pour ouvrir droit à l'exonération de cotisations.
En vertu de l'article 2 de l'accord de participation, le calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) s'effectue conformément aux dispositions de l'article 3324-1 du code du travail et s'exprime par la formule légale.
Le dernier alinéa de l'article 2 prévoit que la réserve globale de participation à répartir entre tous les salariés des sociétés appartenant à l'UES correspond à la somme des réserves spéciales de participation calculées dans chacune des sociétés signataires.
Selon les termes de l'article 3 de l'accord relatif aux salariés bénéficiaires, les membres du personnel bénéficiant de la répartition de la RSP afférente à un exercice sont tous les salariés comptant dans l'entreprise au moins trois ans d'ancienneté, cette ancienneté étant appréciée à la fin de l'exercice ou à la date de départ du salarié durant l'exercice.
En vertu des dispositions de l'article 4 de l'accord, la RSP est répartie entre les salariés bénéficiaires désignés à l'article 3, proportionnellement aux salaires perçus par chaque salarié au cours de l'exercice considéré.
Les agents du recouvrement ont constaté lors du contrôle qu'au titre de l'exercice comptable 12/2012-11/2013, suite à un problème informatique sur le logiciel d'extraction des bénéficiaires de la participation, 1034 salariés sur un total de 6159 salariés bénéficiaires, ont été initialement exclus de la répartition de la réserve globale de participation. La somme globale a ainsi été répartie sur 5125 salariés au lieu des 6159 bénéficiaires.
La fraction correspondant aux 1034 salariés exclus de la répartition représentait un montant de 136748 euros, distribué à tort au profit des 5125 autres bénéficiaires.
Afin de régulariser la situation auprès des 1034 salariés exclus , un traitement supplémentaire a été effectué par l'organisme gestionnairede la participation avant la fin de l'année 2014, l'UES ayant prévu de récupérer le trop perçu au titre de l'exercice 12/2012-11/2013, sur la participation 2014 versée en 2015. Le solde restant dû à l'issue de cette régularisation a été imputé successivement sur la participation 2015 versée en 2016.
Les agents du recouvrement ont estimé que la pratique retenue par l'UES consistant à répercuter sur les exercices successifs ultérieurs le trop perçu en 2014 par les salariés bénéficiaires de la RSP, avait pour effet de contrevenir aux dispositions de l'article L 3324-5 du code du travail et de l'article 4 de l'accord prévoyant une répartition proportionnelle aux salaires perçus pour chaque salarié au cours de l'exercice considéré.
La société cotisante oppose qu'elle a spontanément et de bonne foi régularisé la situation en élargissant le bénéfice de la participation à la totalité des salariés concernés par le biais d'un traitement supplémentaire versé avant la fin de l'année 2014 aux 1034 salariés exclus à tort de la répartition, et que tous les salariés de la société ont pu bénéficier de la répartition sous réserve de la condition d'ancienneté requise, dès la découverte du problème d'extraction informatique et avant la fin de l'exercice 2014.
Toutefois, le calcul de la réserve spéciale de participation et les modalités de répartition entre les salariés doit s'analyser au niveau de l'exercice comptable au titre duquel la participation aux résultats de l'entreprise est déterminée.
Compte tenu de l'erreur initiale dans la répartition, la participation distribuée en 2015 et 2016 comprend le trop perçu par les salariés au titre de l'exercice 2012/2013.
Dès lors, les salariés ont vu leur participation amputée chaque année d'une partie du trop-perçu, ce qui a eu pour conséquence de minorer le montant de la réserve spéciale de participation qui aurait dû leur être attribuée au titre des exercices 2013/2014 et 2014/2015.
En outre, la régularisation effectuée au cours des exercices ultérieurs n'a pas concerné les 5125 bénéficaires, mais seulement ceux encore présents dans l'entreprise au cours des exercices suivants ou ceux dont le nombre d'heures permettait de recevoir une quote-part de participation.
Un certain nombre de salariés ont ainsi définitivement perçu une quote part majorée sans qu'aucune régularisation ne soit effectuée à leur encontre.
Il en résulte une application non conforme de l'accord de participation en 2014, 2015 et 2016, et que ce chef de redressement est fondé.
La décision déférée sera par voie de conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté la société de sa demande d'annulation de ce chef de redressement.
*Sur le chef de redressement n° 4 : réduction générale des cotisations : entreprise de travail temporaire :
La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a mis en place à compter du 1 er juillet 2003 une réduction des cotisations patronales de sécurité sociale égale au produit de la rémunération mensuelle brute soumise à cotisations du salarié, multiplié par un coefficient déterminé par application d'une formule spécifique.
Le montant de la réduction est calculé chaque année civile pour chaque salarié.
Il est égal au produit de la rémunération annuelle, telle que définie à l'article L242-1 du code de la sécurité sociale par un coefficient.
Pour les salariés en contrat temporaire mis à disposition au cours d'une année auprès de plusieurs entreprises utilisatrices, le calcul de la réduction générale des cotisations s'effectue mission par mission, suivant les termes de l'article D 241-7 III du code de la sécurité sociale.
Les sommes issues d'un CET ont la nature d'éléments de rémunération et entrent dans l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que conformément à l'accord national étendu du 27 mars 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail pour le personnel intérimaire, l'entreprise avait mis en place un compte épargne temps -CET, que les dispositions prévues par l'accord permettaient aux salariés intérimaires d'affecter au CET des sommes d'argent telles que les indemnités de fin de mission, les indemnités compensatrices de congés payés, des primes conventionnelles, et que l'accord permettait aux salariés temporaires de retirer à tout moment de leur compte épargne temps tout ou partie des indemnités sous forme monétaire, cette utilisation sous forme monétaire permettant notamment au salarié de compléter sa rémunération.
Considérant qu'en matière d'abattement des cotisations patronales, les éléments monétisés n'étaient pas pris en compte dans la rémunération brute pour le calcul de la réduction générale et estimant que cette pratique engendrait un montant de réduction générale calculé par l'entreprise supérieur à celui qui résulterait de la bonne application des textes en vigueur, les inspecteurs du recouvrement ont procédé à une régularisation de ce chef.
Les agents du recouvrement ont , pour procéder à la régularisation , rattaché les sommes afférentes soit au contrat de mission correspondant lorsque la référence était mentionnée par l'employeur, soit au dernier contrat de mission précédant leur versement en l'absence d'une telle mention.
La société [5] conteste ce chef de redressement au motif que les sommes placées par les salariés sur le CET échappent aux cotisations de sécurité sociale et n'ont pas à être prises en compte pour le calcul de la réduction Fillon dans la mesure où elles ne constituent pas encore une rémunération au sens de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale.
Elle indique que les sommes issues du CET sont soumises aux cotisations de sécurité sociale au moment de leur versement aux taux et plafonds alors applicables, et que pour le calcul de la réduction Fillon, ces sommes ne peuvent être réintégrées à la rémunération de la dernière mission d'un salarié intérimaire.
Elle fait valoir qu'au lieu d'appliquer un calcul de la réduction Fillon mission par mission comme l'impose l'article D 241-7 du code de la sécurité sociale, l'URSSAF se fonde sur une lettre ministérielle du 14 novembre 2012 pour appliquer un mode dérogatoire de calcul de la réduction Fillon, que cette lettre ministerielle n'a pas été publiée et ne lui est pas opposable et qu'il convient d'annuler ce chef de redressement.
Elle estime qu'il est injustifié de rattacher artificiellement les sommes issues d'un CET au dernier contrat de mission tant pour le calcul des cotisations de sécurité sociale que pour le calcul de la réduction Fillon, et que l'URSSAF ne pouvait réintégrer les sommes issues du CET dans le cacul de la réduction Fillon.
Elle ajoute que le calcul opéré par l'URSSAF est imprécis, et qu'elle n'a pas été en mesure d'apporter la contradiction à l'URSSAF.
Elle considère que le versement des cotisations sociales rattachées aux sommes versées sur un compte épargne temps ne doit intervenir qu'au moment où le salarié décide de percevoir la rémunération épargnée jusqu'alors, et que les sommes versées sur un compte épargne temps constituent une rémunération différée ne devant pas être prise en compte pour le calcul de la réduction Fillon.
La société [5] fait valoir par ailleurs qu'aucun fondement juridique n'autorisait les premiers juges à faire injonction à l'URSSAF de procéder à un nouveau calcul des cotisations réclamées s'agissant de ce chef de redressement.
L'URSSAF, pour conclure à la validation de ce chef de redressement, expose que les calculs opérés par les inspecteurs du recouvrement l'ont été sur la base de documents produits par la société elle-même, que s'agissant des modalités de calcul, les rémunérations placées sur un CET ont été prises en compte dans l'assiette des rémunérations lors de leur monétisation, ce qui n'avait pas été fait par la société.
Elle indique que pour tenir compte de la pratique du secteur de l'interim tendant à affecter diverses indemnités sur le CET pour ne les monétiser que postérieurement, la lettre ministérielle du 14 novembre 2012 a instauré un mode de calcul dérogatoire concernant les éléments de rémunération afférents à une ou plusieurs missions placés sur un compte épargne temps (CET), en précisant que les monétisations des droits au CET, pour le calcul des allégements généraux, devaient être rattachés au dernier contrat de missions effectués.
Elle précise qu'en cas de versement de sommes sur un CET puis monétisation de ces sommes au cours ou postérieurement à la fin d'une mission, le Ministère admet que ces sommes soient rattachées au dernier contrat de mission effectuée (en cours ou passé), même si les sommes constituant le CET se rapportent à de précédentes missions (indemnité de fin de mission, jours de repos ou indemnité compensatrice de congés payés).
Elle considère que valider la pratique de la société [5] aurait pour conséquence de créer une iniquité de traitement entre les entreprises de travail temporaire au regard de la réduction générale , selon que leurs salariés affectent ou non ces indemnités sur leur compte épargne temps.
Elle observe qu'il importe peu que le recouvrement des cotisations afférentes au complément de salaire soit différé en raison de leur affectation à un Compte Epargne Temps, celles-ci devant entrer dans le calcul de la rémunération annuelle à prendre en compte pour le calcul du coefficient de réduction prévu par l'article L 241-13 III du code de la sécurité sociale.
Elle précise que l'inspecteur a en effet fait le choix de rattacher les sommes versées soit au contrat correspondant, lorsque le numéro de contrat était indiqué par l'employeur sur le bulletin de salaire mentionnant les éléments de salaire monétisés, soit au dernier contrat de mission précédant leur versement, que cette pratique a été validée par différentes juridictions, et que la société ne peut valablement prétendre que l'URSSAF dérogerait aux règles d'ordre public absolu pour l'application d'une tolérance ministérielle non publiée.
La cour relève en premier lieu, comme l'ont fait les premiers juges, que la lettre d'observations en date du 12 décembre 2017 montre que les agents en charge du recouvrement ont visé les textes applicables, à savoir les articles L 241-13, D241-7 modifiés du code de la sécurité sociale, et détaillé les modalités de calcul et le montant du redressement , de sorte que les moyens opposés de ce chef par la société sont inopérants.
Sur le fond, en vertu de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, les droits acquis au titre du compte-épargne temps sont assujettis aux cotisations et contributions sociales.
En vertu de l'article D 241-7 du code de la sécurité sociale, pour les salariés en contrat de travail temporaire mis à disposition au cours d'une année auprès de plusieurs entreprises utilisatrices, le coefficient servant de base de calcul est déterminé pour chaque mission.
La cour relève en l'espèce que la lettre ministerielle dont se prévaut l'URSSAF pour fonder le mode de calcul du redressement, est dépourvue de valeur normative et inopposable à la cotisante faute d'avoir été publiée.
Par suite, la réduction générale des cotisations n'a pas été calculée par l'URSSAF selon les règles prévues par le code de la sécurité sociale.
Il en résulte que la cour, par infirmation de la décision déférée, annulera le chef de redressement n° 4de la lettre d'observations : réduction générale des cotisations:entreprise de travail temporaire.
La société [5] sera dès lors condamnée au seul paiement envers l'URSSAF de la somme de 3694 euros, outre éventuelles majorations, correspondant au chef de redressement n°3.
*Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'équité.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elle en appel.
Les demandes faites sur ce fondement seront rejetées.
*Sur les dépens :
Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante , conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision déférée excepté en ce qu'elle a débouté la SAS [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations:entreprise de travail temporaire ;
STATUANT A NOUVEAU du seul chef infirmé et Y AJOUTANT,
ANNULE le chef de redressement n° 4 de la lettre d'observations : réduction générale des cotisations: entreprise de travail temporaire ;
CONDAMNE la société [5] au paiement envers l'URSSAF de [Localité 3] de la somme de 3694 euros, outre éventuelles majorations, correspondant au chef de redressement n°3 ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes contraires ;
DEBOUTE les parties de leur demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNE la société [5] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,