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18/10/2022 | FRANCE | N°20/05626

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 18 octobre 2022, 20/05626


ARRET

N° 810





S.A.S. [6]





C/



[J]

CPAM DE [Localité 3] [Localité 4]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 18 OCTOBRE 2022



*************************************************************



N° RG 20/05626 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5G6



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 01 octobre 2020





PARTIES EN CAUSE :





APP

ELANTE





S.A.S. [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Me RONNA, avocat au barreau de PARIS substituant Me Brigitte BEAUMONT d...

ARRET

N° 810

S.A.S. [6]

C/

[J]

CPAM DE [Localité 3] [Localité 4]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

*************************************************************

N° RG 20/05626 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5G6

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 01 octobre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me RONNA, avocat au barreau de PARIS substituant Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372

ET :

INTIMES

Madame [S] [J]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Nathalie MOREAU de la SCP HACHE-MOREAU, avocat au barreau d'AMIENS

CPAM DE [Localité 3] [Localité 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Mme [D] [A] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Mélanie MAUCLERE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

La SAS [6] est spécialisée dans la fabrication de plaques, tubes et profilés en matière plastique.

Elle a engagé Mme [S] [J] par contrat à durée déterminée pour une durée de 6 mois à compter du 1er février 2016 en qualité de conductrice de machines simples.

Le 17 mars 2016, Mme [S] [J] a été victime d'un accident du travail ayant engendré une fracture ouverte des deux os de l'avant bras gauche ayant nécessité la pose d'une broche.

La déclaration d'accident du travail fait état de la mention suivante " Mme [S] [J] a voulu enlever une feuille de papier coincée dans la machine et son bras a été entraîné dans la machine".

Par courrier du 13 mars 2018 Mme [S] [J] a saisi la caisse primaire d'assurance maladie d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Un procès verbal de carence a été établi en date du 11 juin 2018

Par courrier adressé le 10 juillet 2018, Mme [S] [J] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Lille devenu Pôle social du Tribunal Judiciaire de Lille.

Par jugement rendu en date du 1er octobre 2020, le Tribunal a décidé ce qui suit :

DIT que l'accident du travail de Mme [S] [J] en date du 17 mars 2016 est imputable à la faute inexcusable de la SAS [6] ;

FIXE au maximum la majoration de la rente qui sera allouée au bénéfice de Mme [S] [J] ;

DIT que l'avance en sera faite par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 3] [Localité 4] SAS [6] devant ensuite rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie la majoration de la rente en fonction du taux d'IPP qui lui sera opposable ;

DIT que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité en cas d'aggravation de l'état de santé de Mme [S] [J] dans les limites des plafonds de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale ;

ORDONNE, avant dire droit sur les demandes d'indemnisation des préjudices une expertise médicale judiciaire qui sera mise en place après que Mme [S] [J] ait informé l'expert de sa consolidation ;

COMMET pour y procéder le Docteur [Y] [B], [Adresse 12] à [Localité 10] avec pour mission de :

convoquer les parties,

de prendre connaissance de tous les éléments utiles en ce compris les éléments du dossier médical de l'assuré :

.déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, préciser la durée des périodes d'incapacité totale ou partielle et le taux ou la classe (de 1 à 4) de celle-ci;

.préjudice de tierce personne : dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne et si oui s'il s'est agi d'une assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) Ou si elle a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne en indiquer la nature et la durée quotidienne ;

.souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer dans une échelle de 1 à 7;

.préjudice esthétique : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 les préjudices temporaires et définitifs;

.préjudice d'agrément : donner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préudice d'agrément résultant de l'impossibilité pour la victime, du fait des séquelles, de pratiquer régulièrement une ou plusieurs activité spécifiques sportives ou de loisirs, antérieures à la maladie ou &l'accident ;

.préjudice sexuel : donner un avis sur l'existence, la nature et l'étendue d'un éventuel préjudice sexuel;

.frais de logement et/ou frais de véhicules adaptés : indiquer si, compte tenu de l'état séquellaire, il y a nécessité d'envisager un aménagement du logement et, si c'est le cas, préciser quels types d'aménagements seront indispensables au regard de cet état ; dire si l'état séquellaire de la victime lui permet la conduite d'un véhicule automobile, au besoin aménagé, en précisant quels types d'aménagements seront nécessaires ;

faire toute observations utiles ;

.établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission.

DIT que dans le cadre de sa mission, l'expert désigné pourra s'entourer, à sa demande, d'un à cinq sapiteurs de son choix, notamment un spécialiste en expertise psychologique.

DIT que l'expert adressera son rapport en quatre exemplaires au greffe du Pôle social, situé au Tribunal judiciaire de LILLE, [Adresse 5] à [Localité 11].

DIT que le rapport d'expertise dès réception sera adressé aux parties par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de LILLE par lettre simple.

DIT que les frais d'expertise seront avancés par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 3] [Localité 4] qui pourra en récupérer le montant auprès de la SAS [6] au titre des dépens.

DIT que l'affaire est renvoyée à l'audience du JEUDI 11 MARS 2021 à 14 heures devant la chambre du Pôle social du TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE, [Adresse 5] à [Localité 11].

DIT que le présent jugement notifié vaut convocation des parties à l'audience du JEUDI 11 MARS 2021 à 14 heures.

SURSEOIT à statuer sur la liquidation dans l'attente de l'expertise.

ALLOUE une provision de 5 000 euros (CINQ MILLE euros) à Mme [S] [J]

DIT que ces sommes seront avancées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 3] [Localité 4] à Mme [S] [J] et porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement devenu définitif

DIT que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie pourra récupérer le montant de l'ensemble des sommes dont elle devra faire l'avance à Mme [S] [J] à l'encontre de l'employeur, la SAS [6] dans le cadre de son action récursoire.

CONDAMNE la SAS [6] à payer la somme de 1 500 euros à Mme [S] [J] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS [6] aux dépens de l'instance.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus ample ou contraires.

RAPPELLE que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du présent jugement est d'un mois à compter du jour de sa notification.

DIT que le .présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l'article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille.

Notifié à la société [6] le 26 octobre 2020, ce jugement a fait l'objet d'un appel de cette dernière par courrier de son avocat expédié au greffe de la Cour le 19 novembre 2020.

Par conclusions visées par le greffe le 10 mai 2022 et soutenues oralement par avocat , l'appelante demande à la Cour de :

RECEVOIR la Sté [6] en ses conclusions,

Les disant bien fondées,

DECLARER que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de moyen;

DECLARER que la Société [6] a pris toutes les mesures pour préserver la santé et la sécurité de sa salariée ;

DECLARER que Madame [J] ne rapporte pas la preuve d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité ;

En conséquence,

INFIRMER le jugement rendu par le pôle social de LILLE le ler octobre 2020 en toutes ses dispositions ;

DEBOUTER Madame [J] et, en tant que de besoin, toute autre partie de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la Société [6]

Elle fait valoir en substance que :

Madame [J] a reçu une formation complète et adaptée avec des conditions de travail strictement encadrées, excluant tout manquement de la Société [6], que le livret d'accueil rappelle qu'à chaque poste de travail, le chef d'équipe informe les salariés des consignes relatives à la sécurité, parmi lesquelles l'interdiction pour les opérateurs d'intervenir sur les machines et de shunter les sécurités, que le règlement intérieur est par ailleurs parfaitement clair sur ce que les salariés peuvent faire ou non sur les équipements de la Société.

Ainsi, si les salariés sont tenus de conserver propre leur espace de travail pour des raisons évidentes de préservation de l'état des machines, mais également de sécurité, ils ne peuvent en aucune manière intervenir en cas d'incident sans en référer à leur supérieur hiérarchique.

Cette consigne était connue de Madame [J].

Par ailleurs et contrairement à ce que prétend Madame [J], il était exclu que les opérateurs puissent travailler capot ouvert, c'est-à-dire sans que les sécurités soient effectives.

La Société [6] conteste radicalement que la formation dispensée par Madame [O] [Z] ait été faite " capot ouvert ", que l'accident ne résulte pas plus d'un défaut de conformité de la machine, laquelle a été acquise par la Société [6] en 2004 et est conforme aux normes en vigueur comme l'atteste la déclaration de conformité du 26 octobre 2004 de la [9], S.p.A, que l'accident résulte en réalité d'un évènement extérieur, tenant au non-respect par la salariée des consignes de sécurité, imprévisible pour l'employeur, que comme cela a été développé, les règles de sécurité imposent que les opérateurs travaillent capot fermé, que prétendre le contraire comme le fait Mme [N] dans son attestation sur laquelle le Tribunal s'est basé, est une contre vérité (pièce adverse n°23), que cette dernière n'a pas pu être témoin de l'accident comme elle l'indique puisque de l'endroit où elle travaillait elle ne pouvait pas voir la machine CAVALLERI sur laquelle Mme [J] intervenait, qu'en outre, elle n'a jamais été formée sur cette machine dont elle ignorait tout, que le comportement de Mme [J], quel que soit le but recherché, est totalement contraire aux règles de sécurité les plus élémentaires et aux consignes mises en place par l'employeur, que ce comportement, totalement imprévisible pour l'employeur, est seul à l'origine de l'accident, que dans ces conditions et pour l'ensemble des ces raisons, il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement rendu et de dire que l'accident ne résulte pas d'une faute inexcusable de l'employeur.

Par conclusions reçues par le greffe le 12 avril 2022 et soutenues oralement par avocat, Madame [S] [J] demande à la Cour de :

Confirmer le jugement du ler octobre 2020 attaqué en toutes ses dispositions et par conséquent :

Dire et juger que l'accident de travail dont a été victime Madame [S] [J] le 17 Mars 2016 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [6]

Fixer au maximum la majoration de la rente qui sera allouée au bénéfice de Madame [S] [J] ;

Dire que l'avance en sera faite par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 3] [Localité 4], la SAS [6] devant ensuite rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie la majoration de la rente en fonction du taux d'IPP qui lui sera opposable ;

dire que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité en cas d'aggravation de l'état de santé de Madame [S] [J] dans les limites des plafonds de l'article L 452-2 du Code de la Sécurité Sociale ;

Ordonner avant dire droit sur les demandes d'indemnisation des préjudices, une expertise médicale judiciaire qui sera mise en place après que Madame [S] [J] ait informé l'Expert de sa consolidation ;

- commettre pour y procéder Le Docteur [Y] [B], [Adresse 12] à [Localité 10]

avec mission de :

- Convoquer les parties

- Prendre connaissance de tous les éléments utiles en ce compris les éléments du dossier médical de l'assurée

DEFICIT FONCTIONNEL TEMPORAIRE : Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit temporaire, dans l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, préciser la durée des périodes d'incapacité totale ou partielle et le taux ou la classe (de 1 à 4) de celle-ci

v PREJUDICE DE TIERCE PERSONNE : dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne et si oui, s'il s'est agi d'une assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) ou si elle aété nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne en indiquer la nature et la durée quotidienne ;

$gt;SOUFFRANCES ENDUREES : décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer dans une échelle de 1 à 7 ;

$gt;PREJUDICE ESTHETIQUE : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Evaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 les préjudices temporaires et définitif ;

PREJUDICE D'AGREMENT : donner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité pour la victime, du fait des séquelles, de pratiquer régulièrement une ou plusieurs activités spécifiques, sportives ou de loisirs, antérieures à la maladie ou à l'accident ;

$gt; PREJUDICE SEXUEL : donner son avis sur l'existence, la nature et l'étendue d'un éventuel préjudice sexuel ;

$gt;FRAIS DE LOGEMENT ET/OU FRAIS DE VEHICULES ADAPTES : indiquer si compte tenu de l'état séquellaire, il y a nécessité d'envisager un aménagement du logement et, si c'est le cas, préciser quels types d'aménagements seront indispensables au regard de cet état ; dire si l'état séquellaire de la victime lui permet la conduite d'un véhicule automobile, au, besoin aménagé, en précisant quels types d'aménagements seront nécessaires ;

$gt;Faire toutes observations utiles

$gt;Etablir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission

- Dire que dans le cadre de sa mission, l'Expert désigné pourra s'entourer à sa demande, d'un à cinq sapiteurs de son choix, notamment un spécialiste en expertise psychologique

- Sursoir à statuer sur la liquidation dans l'attente de l'expertise ;

- Allouer une provision à Madame [S] [J]

- Dire que ces sommes seront avancées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 3] [Localité 4] à Madame [S] [J] et porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement devenu définitif ;

- Dire que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie pourra récupérer le montant de l'ensemble des sommes dont elle devra faire l'avance à Madame [S] [J] à l'encontre de l'employeur, la SAS [6] dans le cadre de son action récursoire ;

- Condamner la SAS [6] à payer la somme de 1.500 € à Madame [S] [J] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la SAS [6] aux dépens de l'instance ;

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité le montant de la provision à Madame [J] à 5.000 € pour porter la condamnation à 8.000 € comme demandé initialement ;

AJOUTANT A LA DECISION ATTAQUEE :

Condamner la SAS [6] à payer la somme de 2.000 € à Madame [S] [J] à titre d'indemnité procédurale d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la SAS [6] aux entiers dépens d'appel ;

Elle fait valoir que l'accident n'a eu lieu que parce que la sécurité avait été shuntée et l'avait été par un intervenant doté des compétences et du matériel adéquat ce que l'employait savait.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 11 octobre 2021 et soutenues oralement par sa représentante, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 11] [Localité 8] demande à la Cour de :

Donner acte à la CPAM de [Localité 3]-[Localité 4] de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Dans l'hypothèse où la Cour d'appel d'AMIENS retiendrait la faute inexcusable de l'employeur comme étant à l'origine de l'accident du travail, il est demandé à la présente juridiction de:

- Constater que la Société [6] n'a formulé aucune

demande sur l'action récursoire de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 3]-[Localité 4],

- Condamner l'employeur à rembourser à la Caisse Primaire

d'Assurance Maladie toutes les sommes dont elle aura à faire l'avance, dans le cadre de l'action récursoire,

Faire injonction à l'employeur de communiquer les coordonnées de son assurance responsabilité civile pour le risque " faute inexcusable ",

Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte sur l'existence d'une faute inexcusable, qu'à ce jour Madame [J] n'est toujours pas consolidée ou guérie de sorte qu'à ce jour aucune majoration ne pourra être prononcée.

MOTIFS DE L'ARRET.

Attendu qu'il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 du code du travail qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable , au sens du premier de ces textes, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver et qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ou par la personne qu'il s'est substituée ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;

Attendu qu'il appartient à l'employeur de mettre en 'uvre des contrôles suffisant pour s'assurer que le matériel qu'il met à la disposition de ses salariés est conforme aux règles de sécurité et ne présente aucune défectuosité et qu'il lui appartient notamment dans cette perspective de prendre toutes les mesures d'organisation du travail et de prévention propres à garantir le respect des consignes de sécurité ( en ce sens notamment 2e Civ., 19 décembre 2013, pourvoi n° 11-26.558).

Attendu qu'en l'espèce l'employeur ne conteste aucunement avoir eu conscience du danger auquel il exposait les salariés amenés à travailler sur la machine à l'origine de l'accident survenu à Madame [J] puisqu'il consacre, dans ses conclusions soutenues à l'audience, de longs développements sur les mesures de sécurité qu'il aurait prises pour éviter tout accident et évoque ainsi " justifier d'une formation complète de sa salariée tant aux règles de sécurité et notamment celles relatives au risque qu'il y aurait à travailler capot ouvert sur une machine en mouvement, contrairement à ce qu'à pu estimer le Tribunal, qu'au poste occupé ".

Attendu qu'il est constant et qu'il résulte expressément du procès-verbal de constat n° 130/2016 de l'inspection du travail que l'accident du 17 mars 2016 est survenu alors que Madame [J] tentait de débloquer une feuille de papier mal engagée dans la machine, en introduisant le bras gauche dans cette dernière dont le capot protection était levé et le dispositif d'asservissement électrique neutralisé.

Attendu qu'entendu par les services de police le 4 mars 1999, Madame [W] indique qu'avant l'accident le carter de sécurité était souvent ouvert mais qu'il ne pouvait dire s'il l'était " en général " c'est-à-dire en permanence, ajoutant " vous savez, on passe devant les appareils sans vraiment les voir ", qu'elle ne savait pas si la neutralisation était antérieure à l'intervention du technicien le jour de l'accident.

Attendu qu'il résulte de l'audition de Madame [W] par les services de police le 23 mai 2019 que le dispositif de sécurité de la machine à l'origine de l'accident avait était " shunté " c'est-à-dire désactivé, depuis quelque temps avant l'accident et qu'une enquête interne n'avait pas permis de dater le moment où le système avait été shunté, que d'après l'enquête il semble qu'il arrivait que le technicien oublie de remettre la sécurité, que ce dernier a indiqué que la machine était shuntée avant son intervention et que quelqu'un avait " trouvé la solution en coupant la sécurité ".

Que Monsieur [F], directeur de production de la société [6], indique aux services de police avoir constaté le lendemain de l'accident que le carter ( capot ) était shunté, que cela n'empêchait pas la machine de poursuivre son activité ce qui constituait une anomalie, que le shuntage du carter n'avait pu se faire que par une personne avertie avec l'aide de l'outillage nécessaire, que l'enquête réalisée en interne n'avait pas permis d'en déterminer l'auteur, que le technicien intervenu sur la machine ( Monsieur [I] ) avait peut-être oublié de remettre la sécurité.

Que Monsieur [L], responsable sécurité, a indiqué aux services de police que le dispositif de coupure d'alimentation électrique de la machine avait été neutralisé avant même l'intervention du technicien, Monsieur [I], le jour de l'accident, qu'il savait que précédemment il était arrivé que le technicien de maintenance oublie de remettre la sécurité, que des salariés savaient que l'appareil était shunté, que l'enquête interne n'a pas permis de dater l'absence de remise en sécurité, qu'il y a eu une erreur, que les opératrices ont appris " à vivre avec " et à en tirer profit, que " beaucoup ont profité du système " et que " le système avait été volontairement tu par les opératrices ".

Que le Directeur de la société a quant à lui indiqué aux policiers qu'il ne savait pas depuis quand la sécurité avait été neutralisé mais que si c'était de longue date on n'en connaissait pas l'auteur mais que si elle avait été neutralisée le jour de l'intervention, cette neutralisation serait le fait du technicien ( dont il a indiqué ignorer le nom).

Que la victime, Madame [J], a déclaré pour sa part aux policiers qu'on lui avait toujours dit que le capot restait en position ouverte et que le technicien était intervenu le jour de l'accident pour resserrer une vis à la suite d'un dysfonctionnement dans le pinçage des feuilles par la machine mais qu'il n'est pas intervenu sur le capot.

Que dans son attestation remise aux services de police par le conseil de Madame [J], Madame [N] indique avoir constaté que la machine à l'origine de l'accident avait toujours une porte ouverte côté gauche et qu'il lui a été confirmé par une collègue que lors de l'accident la sécurité n'était pas mise mais qu'elle l'a été ensuite.

Que Madame [M] épouse [U] indique aux policiers avoir constaté, s'agissant du carter, que " des fois, il était laissé ouvert " mais qu'elle ne savait pas qui prenait cette initiative, qu'elle-même ne le baissait pas tout le temps et que si la sécurité ne fonctionnait alors le bon sens interdit de mettre les mains dedans quand la machine tourne et que si l'on n'y met pas les mains il n'y a aucun danger, qu'on a toujours répété au personnel de ne pas mettre les mains dans la machine.

Que Madame [O] explique aux policiers que le capot de la machine n'était pas toujours ouvert mais que cela arrivait et elle indique que cela lui permettait, en faisant fonctionner la machine au ralenti, de retirer une feuille gênante sans arrêter la machine mais que cette man'uvre n'était pas autorisée.

Que Monsieur [I], technicien intervenu sur la machine le jour de l'accident, indique avoir souvent constaté que le capot de la machine était resté ouvert ce qui permettait aux ouvrières d'intervenir sur un petit problème sans pour autant arrêter la machine, que quelqu'un avait trouvé la solution en coupant la sécurité mais qu'il ne savait pas qui et qu'en tous cas ce système était connu et utilisé, que le capot de la machine était toujours ouvert et que le système de sécurité était neutralisé mais que son rôle n'était pas de remettre en fonction ce système ce qui incombait à un électricien et il conclut son audition en indiquant " cela arrangeait tout le monde, vous savez ".

Attendu qu'il résulte par voie de présomptions graves précises et concordantes des auditions et témoignages qui précèdent que la sécurité de la machine sur laquelle s'est produite l'accident était neutralisée, qu'il arrivait que cette machine soit utilisée avec le capot ouvert notamment pour permettre d'intervenir sur la machine sans devoir l'arrêter et la remettre en route et que cette situation était connue de tout le personnel de l'entreprise en ce compris la hiérarchie dont on soulignera que le responsable de la sécurité de l'entreprise a reconnu qu'il arrivait au technicien chargé de la maintenance de ne pas remettre la sécurité et que les opératrices avaient appris à vivre avec la neutralisation de la sécurité et à en tirer profit.

Attendu que les responsables de la société, informés de la déconnection mise en place sur cette machine et de l'utilisation dangereuse de cette dernière par les salariés, n'ont pris aucune mesure pour remédier à cette situation en prenant des mesures d'organisation et de contrôle permettant d'assurer le rétablissement du coupe circuit installé sur la machine pour en interdire l'utilisation capot ouvert et permettre l'utilisation de la machine en toute sécurité.

Qu'en l'absence de mise en place par la société des mesures d'organisation et de contrôle s'imposant en toute hypothèse mais rendues en l'espèce d'autant plus nécessaires qu'il était avéré que le dispositif de sécurité de la machine était habituellement déconnecté, il apparaît que la société n'a pas pris les mesures permettant de protéger la salariée d'un risque qu'elle avait pourtant parfaitement identifié.

Que cette situation est constitutive d'une faute inexcusable.

Que cette faute est directement à l'origine de l'accident puisque ce dernier n'a été rendu possible que par la possibilité qui a été offerte à Madame [J], du fait de la neutralisation du système de sécurité, d'introduire son bras à l'intérieur de la machine et qu'elle constitue donc une des causes nécessaires de l'accident sans laquelle ce dernier ne serait pas survenu.

Qu'il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement déféré disant que l'accident du travail de Mme [S] [J] en date du 17 mars 2016 est imputable à la faute inexcusable de la SAS [6]

Attendu qu'aux termes de l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale la victime ou ses ayants droits reçoivent, en cas de faute inexcusable de l'employeur, une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre .

Qu'il résulte également de la combinaison du texte précité et de l'article L.453-1 du code de la sécurité sociale que seule la faute inexcusable du salarié est de nature à limiter la majoration de la rente à laquelle ses ayants droits peuvent prétendre en raison de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu qu'en l'espèce, en l'absence de toute faute inexcusable de Madame [J] il n'y a pas lieu de limiter la majoration du capital ou de la rente qui lui sera éventuellement versée en fonction du taux d'incapacité qui lui sera éventuellement reconnu.

Qu'il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement déféré portant sur la majoration des indemnités revenant à la victime en application de l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale sauf à en réformer la formulation, compte tenu de l'absence de guérison ou de consolidation à ce jour de la victime, et à dire par voie de conséquence qu'il y aura lieu à majoration à son maximum du capital ou de la rente qui seront éventuellement versées à Madame [J] par la caisse.

Que la Cour ne disposant pas de suffisamment d'éléments pour statuer sur l'indemnisation des préjudices éventuels de la victime sur le fondement de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré ordonnant une mesure d'expertise sauf à désigner le Docteur [K] [X] [R] Orthopédie et Traumatologie Hôpital [13] CHRU [Adresse 14] inscrit sur la liste des experts judiciaire près la Cour d'Appel de [Localité 8] en lieu et place du Docteur [Y], décédé, étant souligné que l'expert ne commencera ses opérations qu'après avoir été rendu destinataire de la décision de guérison ou de consolidation de la victime par la caisse, à l'initiative de l'une ou de l'autre.

Qu'il convient également de confirmer les dispositions du jugement déféré relative à la provision devant être versée par la caisse à la victime et aux intérêts légaux revenant à la victime au titre des indemnisations qui lui reviendront éventuellement au vu du rapport d'expertise.

Attendu qu'il résulte des articles L.452-2, L .452-3, D.452-1 et R.454-1 du Code de la sécurité sociale qu'en ce qui concerne les majorations de rente et d'indemnités en capital fixées à compter du 1er avril 2013 et sauf lorsqu'une décision de justice passée en force de chose jugée a reconnu, dans les rapports entre la caisse et l' employeur , que l'accident ou la maladie n'avait pas de caractère professionnel, la caisse récupPre auprPs de l'employeur les sommes versées B la victime au titre des préjudices extra-patrimoniaux ainsi que la majoration de capital ou le capital représentatif de la majoration de rente, lesquels font l'objet d'une évaluation forfaitaire prévue par l'arrLté du 27 décembre 2011 modifié par l'arrLté du 29 janvier 2013 et de tous autres textes pris pour l'application des articles R.376-1 et R.454-1 du Code précité.

Attendu qu'en l'espèce il n'est intervenu dans les rapports entre la caisse et l'employeur aucune décision passée en force de chose jugée reconnaissant l'absence de caractère professionnel de la maladie.

Qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'action récursoire de la caisse sauf à en réformer la formulation en disant que la caisse pourra recouvrer à l'encontre de la société [6], outre la provision accordée à la victime, les indemnisations qui seront éventuellement mises à la charge de la caisse au titre des préjudices personnels de la victime et les frais de l'expertise qui vient d'être ordonnée ainsi que, s'il y a lieu, la majoration de capital ou le capital représentatif de la majoration de rente revenant à la victime.

Attendu aux termes de l'article 6 du Code de procédure civile qu'à l'appui de leurs prétentions les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.

Qu'il résulte de ce texte que la prétention doit être rejetée si tous les faits concluants nécessaires à son succès ne sont pas allégués ( sur ce point Messieurs [G] et [E] [H] au Dalloz Action Droit et pratique de la procédure civile 2021/2022 n° 321.91 et la jurisprudence ainsi que la doctrine citées ).

Attendu qu'au soutien de sa demande d'injonction à l'employeur de communiquer les coordonnées de son assurance responsabilité civile pour le risque " faute inexcusable ", la caisse ne fait valoir aucun fait, ce qui justifie le rejet de cette demande pour défaut d'allégation de tout fait concluant.

Attendu que la société [6] succombant en ses prétentions, il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré la condamnant aux dépens et à la somme de 1500 €, y ajoutant, de la condamner aux dépens d'appel et à une somme supplémentaire de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Confirme les dispositions du jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à :

- Dire qu'il y aura lieu à majoration du capital ou de la rente qui seront éventuellement versées à Madame [J] par la caisse.

- Désigner le Docteur [K] [X] [R] Orthopédie et Traumatologie Hôpital [13] CHRU [Adresse 14] inscrit sur la liste des experts judiciaires près la Cour d'Appel de [Localité 8], en lieu et place du Docteur [Y], décédé, et sauf à prévoir que l'expert ne commencera ses opérations qu'après avoir été rendu destinataire de la décision de guérison ou de consolidation de la victime par la caisse, à l'initiative de l'une ou de l'autre, les autres dispositions du jugement déféré relatives à l'expertise étant purement et simplement confirmées et la cause devant revenir devant les premiers juges à l'issue des opérations d'expertise.

- Dire que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] [Localité 4] pourra recouvrer à l'encontre de la société [6] au titre de son action récursoire les indemnisations qui seront éventuellement versées par la caisse au titre des préjudices personnels de la victime, en ce compris la provision accordée à cette dernière et les frais de l'expertise ainsi que, s'il y a lieu, au titre de la majoration de capital ou du capital représentatif de la majoration de rente revenant à la victime.

Et ajoutant au jugement déféré,

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] [Localité 4] de sa demande d'injonction à l'employeur de communiquer les coordonnées de son assurance responsabilité civile pour le risque " faute inexcusable ".

Condamne la société [6] à verser à Madame [J] une somme supplémentaire de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/05626
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.05626 ?
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