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11/10/2022 | FRANCE | N°21/01976

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 octobre 2022, 21/01976


ARRET

N° 760





CPAM DE L'ARTOIS





C/



Société [5]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 OCTOBRE 2022



*************************************************************



N° RG 21/01976 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICBM



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D' ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 22 mars 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT

r>


La CPAM DE L'ARTOIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]







Représentée et plaidant par Mme [S] [E] dûment mandatée







ET :





INTIMEE




...

ARRET

N° 760

CPAM DE L'ARTOIS

C/

Société [5]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 OCTOBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/01976 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICBM

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D' ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 22 mars 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

La CPAM DE L'ARTOIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [S] [E] dûment mandatée

ET :

INTIMEE

La Société [5], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

MP : Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et plaidant par Me Thomas KATZ, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Mai 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Mélanie MAUCLERE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après la CPAM) a été destinataire d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle établie le 24 janvier 2019 par M. [U] [B], ancien salarié de la société [5] en qualité d'inspecteur, accompagnée d'un certificat médical initial du 8 janvier 2019 mentionnant une ' épicondylite droite tableau n°57'.

Par courrier du 16 avril 2019, après avoir procédé à une enquête administrative, la CPAM a notifié à l'employeur une décision de prise en charge de la pathologie ' tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit' au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

La société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM, puis a saisi le pôle social du tribunal de grande instance d'Arras d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission, laquelle a rendu une décision de rejet le 25 août 2020.

Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Arras, pôle social a :

- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de l'Artois du 11 avril 2019 de prise en charge de la maladie professionnelle 'tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit' déclarée par M.[U] [B] le 24 janvier 2019,

- condamné la CPAM de l'Artois aux dépens.

Par courrier expédié le 16 avril 2021, la CPAM a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 12 mai 2022.

Par conclusions visées par le greffe le 6 mai 2022 soutenues oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de :

- déclarer son appel bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris,

- déclarer la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [U] [B] opposable à la société [5],

- déclarer opposable la prise en charge des soins et arrêts de travail dont a bénéficié M. [U] [B] à la suite de la pathologie.

Par conclusions visées par le greffe soutenues oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :

- déclarer son recours recevable et bien fondé,

A titre principal

D'une part, Vu les dispositions des articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale,

Dans un premier temps :

- constater que la caisse primaire ne lui a pas adressé copie ni de la déclaration de maladie professionnelle, ni du certificat médical initial,

- constater que la caisse primaire n'a pas respecté le devoir d'information prévu aux articles R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale préalablement à sa décision prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie professionnelle déclarée par M. [B] le 8 janvier 2019,

- en conséquence, dire et juger que cette décision prise en charge est inopposable à son égard ainsi que l'ensemble de ses conséquences,

Dans un second temps :

- constater que la caisse a diligenté une instruction sous le numéro 190108597 pour une pathologie datée du 8 janvier 2019 au titre d'une 'épicondylite droite',

- constater que sur le courrier de prise en charge, la caisse primaire a changé le numéro de dossier ainsi que la date de la pathologie,

- constater que la caisse primaire n'a par conséquent pas respecté le principe du contradictoire lors de l'instruction de la pathologie de M. [B],

- en conséquence, déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de la pathologie de M. [B],

D'autre part, Vu le tableau numéro 57 des maladies professionnelles et vu l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,

- constater que la caisse primaire ne rapporte pas la preuve d'une constatation médicale de la maladie de M. [B] dans le délai de 14 jours visés par le tableau 57 B des maladies professionnelles,

- en conséquence, déclarer inopposable à son égard la décision prise en charge de la maladie du 8 janvier 2019 de M. [B],

A titre subsidiaire,

- constater que la caisse ne rapporte pas la preuve de la continuité de symptômes et de soins dans le dossier de M. [B],

- constater que la caisse ne peut donc se prévaloir de la présomption d'imputabilité,

- en conséquence, déclarer inopposable à son égard, l'intégralité des prestations soins et arrêts prescrits à M. [B] suite à sa maladie professionnelle du 8 janvier 2019.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Sur le principe du contradictoire

L'article R. 441-11 (ancien) du code de la sécurité sociale applicable au litige prévoit :

'(...) II. La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'.

En vertu de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, 'en ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;

3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.'.

- sur le changement de date de la pathologie

Il ressort du dossier que la notification de la décision de prise en charge de la maladie par courrier du 11 avril 2019 comporte une date de maladie (18 décembre 2018) et un numéro de dossier (181218595) qui ne sont pas les mêmes que ceux figurant sur les courriers précédents (8 janvier 2019 et 190108597).

Le tribunal a retenu qu'un tel changement de date faisait nécessairement grief à l'employeur dans la mesure où le tableau n°57B des maladies professionnelles conditionne la prise en charge de la pathologie litigieuse au respect d'un délai de 14 jours entre la fin de l'exposition au risque et la date de première constatation médicale, et que faute pour ce changement de date d'avoir figuré dans le courrier de clôture, la CPAM n'avait pas respecté le principe du contradictoire. Il a donc déclaré la décision de prise en charge inopposable à l'employeur sans qu'il soit nécéssaire d'examiner les autres moyens.

La CPAM oppose que conformément à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le changement de date correspond à la date de la première constatation médicale, prérogative du médecin-conseil qui figure sur la fiche de liaison médico-administrative, et que le changement de numéro de sinistre qui est un numéro interne à l'organisme ne peut intervenir que lors de la prise de décision ; que les changements opérés ne sont pas de nature à faire grief à l'employeur.

La cour relève que la date du 18 décembre 2018 est facilement identifiable dans les documents pouvant être consultés par l'employeur avant la prise de décision, en particulier le colloque médico-administratif, et que tous les courriers adressés par la CPAM à la société [5] comportaient les éléments d'identification du dossier (nom de l'assuré, tableau et pathologie concernés).

La société [5] qui avait la faculté de consulter les pièces du dossier au terme du courrier de clôture de l'instruction du 22 mars 2019, ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance des éléments justifiant la modification de la date de la pathologie. Elle ne peut davantage soutenir que le changement du numéro de dossier interne à l'organisme social lui fait grief alors que les autres éléments d'identification du dossier étaient inchangés de sorte qu'aucune confusion n'était possible quant au rattachement du courrier de prise en charge à l'instruction préalablement menée.

Ainsi, les changements de date et de numéro de dossier sont sans incidence sur le caractère contradictoire de la procédure.

Le moyen est rejeté et le jugement infirmé.

- sur la transmission de la déclaration de la maladie professionnelle et du certificat médical initial

La CPAM produit un courrier du 7 février 2019 réceptionné par la société [5] le 11 février 2019 justifiant de la transmission de la copie de la déclaration de la maladie professionnelle du 24 janvier 2019 et du certificat médical initial.

La société [5] ne saurait donc invoquer une quelconque violation du principe du contradictoire pour ce motif.

Su

r les conditions du tableau n° 57

- Sur le délai de prise en charge

Le tableau n°57 B des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail prévoit un délai de prise en charge de 14 jours, délai au cours duquel la maladie dont il est demandé réparation doit faire l'objet d'une constatation médicale.

Aux termes de l'article L. 461-2 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, ce délai ne court qu'à compter du jour où l'intéressé a cessé d'être exposé au risque.

En l'espèce, M. [B], salarié de la société [5] depuis 2003 en qualité d'inspecteur PF, a le 24 janvier 2019 déclaré une maladie d'origine professionnelle, soit une « épicondylite droite », selon certificat médical du 8 janvier 2019.

La société [5] soutient qu'aucun constat de la maladie n'est intervenu au sein du délai de prise en charge, soit avant le 26 décembre 2018, le salarié ayant cessé d'être exposé au risque le 12 décembre 2018 ; que le premier constat de la maladie daté du 8 janvier 2019 (certificat médical initial) est postérieur au terme du délai de prise en charge ; que ce n'est qu'à la notification de la décision de prise en charge que la caisse primaire a fixé la date de la pathologie de manière arbitraire au 18 décembre 2018.

En vertu des dispositions de l'article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale,la date de première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant que le diagnostic ne soit établi, et cette date est fixée par le médecin-conseil.

Le médecin-conseil dans le colloque médico-administratif a estimé que la date de première constatation de la maladie était celle du 18 décembre 2018, en se fondant sur une échographie du même jour. Le fait que la maladie ait été imputée par le médecin traitant plus tardivement au travail effectué par le salarié est sans incidence, dès lors qu'un élément objectif a permis au médecin conseil de fixer la date de première constatation.

Dès lors, le délai de prise en charge est respecté.

Les autres conditions du tableau n'étant pas contestées, la pathologie retenue relève bien du tableau n° 57. La décision de prise en charge est opposable à la société [5].

Sur l'opposabilité des soins et arrêts de travail

En application des dispositions des articles L.411-1, L.431-1 et L.433-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail qui s'attache à toutes lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Cette présomption trouve à s 'appliquer dès lors que l'arrêt de travail a été prolongé de manière ininterrompue ou qu'il est justifié de l'existence d'une continuité de soins et de symptômes.

Il appartient à l'employeur qui la conteste d'apporter la preuve contraire, à savoir l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie auquel se rattacheraient exclusivement les lésions.

La société [5] soutient que la présomption d'imputabilité ne s'applique pas à l'intégralité des prestations, soins et arrêts pris en charge au titre de la maladie en l'absence de preuve de la continuité des symptômes et soins par la CPAM qui n'a pas communiqué l'ensemble des pièces médicales (certificats initial, d eprolongation, final). Elle se prévaut en outre de la durée de l'arrêt de travail (153 jours) qu'elle estime excessive au titre d'une épicondylite droite.

La CPAM produit une attestation de paiement des indemnités journalières dont il résulte que M. [B] a été indemnisé pendant toute la période d'arrêts de travail, du 18 décembre 2018 au 19 mai 2019, et ce de façon ininterrompue.

Le certificat médical initial fait état de soins jusqu'au 30 avril 2019.

La présomption d'imputabilité trouve donc à s'appliquer.

La CPAM rappelle à juste titre que le simple fait de se prévaloir de l'absence de communication des certificats médicaux de prolongation, à laquelle elle n'est pas tenue postérieurement à la décision de prise en charge, n'octroie pas un droit à une inopposabiltié car il ne permet pas de rapporter la preuve contraire

Enfin, la seule durée d'un arrêt de travail ne constitue pas une preuve de la réalité d'un état antérieur.

En effet, quelles que soient les durées moyennes nécessaires à la guérison d'une lésion, celles-ci peuvent varier d'une personne à l'autre, sans être révélatrices d'un état antérieur.

La société [5] échoue donc à faire la preuve d'une cause étrangère des arrêts litigieux à la maladie.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande d'inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits au titre de la pathologie de M. [U] [B].

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure, la société [5] est condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Déboute la société [5] de ses demandes,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare opposable à la société [5] la décision de la CPAM de l'Artois du 11 avril 2019 de prise en charge de la maladie professionnelle ' tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit' déclarée par M. [U] [B] le 24 janvier 2019, et les soins et arrêts de travail dont il a bénéficié à la suite de la pathologie,

Condamne la société [5] aux entiers dépens.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/01976
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;21.01976 ?
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