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11/10/2022 | FRANCE | N°20/05159

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 11 octobre 2022, 20/05159


ARRET

N° 757





[E]





C/



S.A.R.L. [9]

CPAM DE L'ARTOIS













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 11 OCTOBRE 2022



*************************************************************



N° RG 20/05159 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4J4



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D' ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 03 septembre 2020





PARTIES EN CAUSE :



APPELANT>




Monsieur [C] [E]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 5]





Représenté et plaidant par Me Alix GUILLIN, avocat au barreau de PARIS







ET :







INTIMES





La société [9] (SARL), prise en la personne de son représentant légal domocilié ...

ARRET

N° 757

[E]

C/

S.A.R.L. [9]

CPAM DE L'ARTOIS

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 11 OCTOBRE 2022

*************************************************************

N° RG 20/05159 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4J4

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D' ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 03 septembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [C] [E]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté et plaidant par Me Alix GUILLIN, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

La société [9] (SARL), prise en la personne de son représentant légal domocilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

En présence de M. [G], gérant de la SARL [9]

Assisté et plaidant par Me Valentin Guislain substituant Me Xavier BRUNET de la SELARL BRUNET-VÉNIEL-GUISLAIN-LAUR, avocat au barreau de BETHUNE

La CPAM DE L'ARTOIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [Y] [O] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Mai 2022 devant Mme Véronique CORNILLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Mélanie MAUCLERE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 11 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 1er avril 2015, M. [C] [E], salarié de la société [9] depuis 2011 en qualité d'ouvrier chauffeur d'engins, a été victime d'un accident du travail dont les circonstances sont ainsi décrites dans la déclaration du travail : 'écrasement de la jambe droite par la mini-pelle'. Le service des urgences a constaté un 'écrasement de la jambe droite par une mini pelle à chenille avec douleur cheville et genou droit, pas de fracture'.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après la CPAM) a reconnu le caractère professionnel de l'accident. L'état de santé de M. [C] [E] a été déclaré consolidé à la date du 5 août 2016 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 5%.

Le 19 juillet 2018, M. [C] [E] a déclaré une rechute qui a été prise en charge au titre de l'accident du travail par décision du 27 août 2018. Les lésions résultant de cette rechute ont été consolidées le 8 septembre 2018 et un taux d'incapacité permanente partielle de 12% a été alloué.

Suite à l'échec de la procédure de conciliation avec la société [9] sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable de M. [C] [E], ce dernier a, par requête adressée le 7 février 2017, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras.

Le contentieux de la sécurité sociale a été transféré en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et à compter du 1er janvier 2019, au tribunal de grande instance, pôle social, devenu tribunal judiciaire.

Par jugement du 3 septembre 2020, le tribunal judicaire d'Arras, pôle social, a :

- débouté M. [C] [E] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [C] [E] aux dépens,

- condamné M. [C] [E] à payer à la société [9] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par courrier recommandé réceptionné le 15 octobre 2020. M. [C] [E] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 24 septembre 2020.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 9 novembre 2021, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 12 mai 2022.

Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience du 12 mai 2022, M. [C] [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 3 septembre 2020,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dire que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis,

- dire que l'accident de travail dont il a été victime le 1er avril 2015 est dû à la faute inexcusable de la société [9],

En conséquence,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire, aux frais avancés de la CPAM de l'Artois, afin d'évaluer ses préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale,

- commettre pour y procéder un expert médical avec pour mission de :

- prendre connaissance de son dossier médical,

- procéder à l'examen clinique, et, après avoir consulté tous les documents et recueilli toutes les informations utiles, décrire les lésions ou affections l'ayant atteint par l'effet de l'accident en cause,

- donner une évaluation des souffrances endurées, physiques et morales,

- donner une évaluation du préjudice esthétique (temporaire et permanent),

- donner une évaluation du déficit fonctionnel temporaire,

- donner un avis sur le préjudice d'agrément,

- donner une évaluation du préjudice sexuel,

- donner un avis sur la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

- donner un avis sur les aménagements nécessaires pour permettre à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap, les décrire et les chiffrer,

- dire si l'état de la victime nécessitait, avant la consolidation, l'assistance d'une tierce personne, et en décrire la durée et le quantum par jour,

- dire s'il existe des préjudices permanents exceptionnels correspondants à des préjudices atypiques et/ou à des pathologies évolutives directement liés au handicap permanent,

- dire que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix,

- dire que l'expert présentera un pré-rapport aux parties avant le dépôt de son rapport définitif au greffe,

- dans l'attente du rapport d'expertise, lui allouer une provision de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices à caractère personnel,

- dire que la CPAM de l'Artois en fera l'avance,

- condamner la société [9] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

M. [C] [E] demande en outre à l'audience la fixation au maximum de la majoration de la rente.

Il fait essentiellement valoir que le jour de l'accident, M. [G], gérant de la société, conduisait une mini-pelle afin de réaliser la finition de travaux de terrassement et a roulé sur sa jambe droite en effectuant une marche arrière ; qu'il ne s'est pas assuré que la zone était libre et qu'aucun ouvrier ne se trouvait à proximité de la mini pelle ; qu'il était lui-même en train de piocher, ne pouvant donc être accroupi ; que les conditions de la faute inexcusable de l'employeur sont réunies ; que la manipulation d'engins de chantier est intrinsèquement dangereuse ; que la mini-pelle ne disposait d'aucun signal sonore ou visuel en marche arrière et une bâche recouvrait la vitre arrière qui avait été cassée, empêchant toute visibilité en dehors des rétroviseurs latéraux ; que l'engin ne disposait donc pas des équipements de sécurité nécessaires à la protection des personnes situées à proximité. Il souligne à cet égard que les pelles hydrauliques entrent dans le champ d'application de la directive européenne 'machines' 2006/42/CE, comme le rappelle le manuel de sécurité de l'INRS, qui oblige les engins de chantier à avoir un signal sonore ou visuel en marche arrière ; que le document unique de la société préconise d'ailleurs la vérification des systèmes sonores des engins pour prévenir les risques lors des travaux de terrassement.

Il soutient que M. [G] n'a pas effectué les vérifications qui s'imposent et ne l'a donc pas vu alors que lui-même ne pouvait être alerté par la manoeuvre en l'absence de tout signal sonore et/ou visuel ; qu'ainsi en utilisant un engin de chantier non sécurisé et en ne procédant pas aux vérifications nécessaires et préalables à l'utilisation d'un tel engin, l'employeur avait nécessairement conscience du danger auquel il exposait son salarié et n'a pas pris les mesures pour l'en préserver.

Par conclusions visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience, la société [9] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [C] [E] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, si la faute inexcusable était reconnue,

- juger que les préjudices invoqués par le requérant ne sont ne sont pas démontrés,

- limiter la réparation de la faute inexcusable à la majoration du capital en vertu de l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale,

En tout état de cause,

- condamner M. [C] [E] au paiement de la somme de 2 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

La société [9] oppose qu'elle n'a manqué à aucune règle de sécurité ou de prudence et que l'accident était imprévisible de sorte qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié.

Elle développe que le remplacement de la vitre arrière par une bâche temporaire qui était blanche transparente et non noire est un faux débat puisque la visibilité à l'arrière du conducteur est assurée par les rétroviseurs latéraux de l'engin et que la cabine de conduite de la mini-pelle se trouve à un niveau d'élévation trop important pour permettre un contrôle direct de l'arrière du véhicule. Elle expose comme en atteste la déclaration de conformité, que la mini pelle était conforme aux normes de visibilités ISO 5006 : 2017 et EN 474-1+A5 tirées de la directive 2006/42/CE, la visibilité à l'arrière étant assurée par les rétroviseurs latéraux de sorte qu'elle n'était pas soumise à l'obligation d'équipement d'un signal sonore ou visuel.

Elle soutient que la sécurité est au coeur de ses préoccupations et qu'elle met à jour annuellement le document unique d'évaluation des risques établi dès 2012 dans lequel est identifié le risque lié à la manoeuvre d'engins au cours de travaux de terrassement, la solution proposée étant d''interdire la présence de personnes dans la zone d'évolution des engins' ; que M. [C] [E], expérimenté et titulaire du CACES 4 pour la conduite d'engins, connait les règles de sécurité et la consigne de ne jamais se mettre autour des engins en train de travailler.

Elle considère que l'accident n'est pas en lien avec une anomalie de la mini pelle ou un non-respect par l'employeur de ses obligations mais qu'il était imprévisible ; qu'en effet, M. [C] [E] ne devait pas se trouver derrière la mini pelle en position accroupie et lui tourner le dos alors que M. [G] et le chef de chantier avaient demandé à tous de sortir de la zone de manoeuvre ; que les témoignages de salariés démontrent que M. [C] [E] avait l'habitude de ne pas respecter les consignes de sécurité et s'abstenait régulièrement de porter ses équipements de protection individuelle.

Elle ajoute qu'elle n'a jamais eu d'accident du travail et que la procédure judiciaire se déroule sur fond de vengeance dans le cadre d'un conflit familial, M. [C] [E] étant le beau frère du gérant.

Par observations oralement présentées à l'audience, la CPAM de l'Artois indique s'en rapporter à justice sur la faute inexcusable imputable à la société [9] et sollicite le bénéfice de son action récursoire à l'encontre de l'employeur pour l'ensemble des préjudices dont elle aurait à faire l'avance.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur la faute inexcusable

Aux termes de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les

mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concourru à la survenance du dommage.

La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié.

En l'espèce, il est constant que le 1er avril 2015, lors de travaux de terrassement sur un chantier, M. [E] a été heurté au niveau de la jambe droite (écrasement) par une mini-pelle conduite par M. [G], gérant de la société [9], qui effectuait une marche arrière pour sortir l'engin du chantier. Le chantier prenait fin et M. [E] se trouvait dans la tranchée derrière la mini-pelle pour la finition du terrassement.

S'agissant de la conscience du danger, la cour relève comme les premiers juges, que le travail sur un chantier impliquant des engins en mouvement est nécessairement dangereux pour la sécurité des salariés évoluant aux alentours et comporte des risques que la société [9] ne pouvait ignorer.

Dès lors que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du risque d'accident, il convient de vérifier s'il avait pris les mesures nécessaires pour prévenir ce risque.

La société [9] indique que M. [G] avant de manoeuvrer, avait demandé à tous de s'éloigner le temps de sortir l'engin du chantier.

Elle produit l'attestation de M. [R] qui déclare le 17 janvier 2019 : 'Mon patron [G] [V] a remis en route la mini pelle pour la sortir du chantier et nous a demandé de se bouger pour pouvoir manoeuvrer. M. [C] [E] n'a pas fait attention et était dos à la mini pelle dans la tranchée et accroupi alors qu'il n'y avait pas lieu d'y être, c'est là qu'il y a eu l'accrochage'. Les témoignages de Messieurs [F] et [B] décrivent M. [C] [E] dos à la mini pelle et affirment qu'il n'aurait pas du être là.

L'attestation de M. [M] figurant au dossier de l'appelant décrit les faits ainsi : 'M. [E] pioché (sic) dans une tranchée, il se situait à un mètre sur ma droite, dos à la mini pelle (Kubota) dont le conducteur était M. [G]. M. [G] a reculé en se dirigeant vers M. [E] et comme la mini pelle n'était pas équipée de bip de recul, M. [E] ne l'a pas entendu arriver donc il s'est fait écraser la jambe droite par l'engin. De plus, le carreau arrière de la mini pelle était cassé en ce temps là et avait été remplacé par une bâche verte qui ne donnait pas de visibilité sur l'arrière de l'engin du poste de conduite.'

Au vu de ce qui précède, M. [C] [E] n'a manifestement pas entendu la consigne et les attestations produites par l'employeur ne démontrent pas que M. [G] s'était assuré que chacun des salariés présents sur le chantier avait bien intégré l'information pour lui permettre d'effectuer sa manoeuvre, ce qu'il aurait du faire dans un contexte bruyant et en l'absence de dispositif sonore et/ou visuel en cas de recul de la mini pelle. La discussion relative au positionnement de M. [E] dans la tranchée (debout ou accroupi) importe peu. Il en est de même de celle portant sur la couleur de la bâche recouvrant la vitre arrière de l'engin dès lors que cette vitre n'aurait pas permis compte tenu de sa hauteur de vérifier la présence d'une personne derrière la mini pelle.

Si la société [9] justifie de la conformité de la mini pelle aux normes EN 474-1 et EN 474-5 en application de la directive 2006/42/CE par une déclaration de conformité du constructeur, il n'en demeure pas moins que le document unique d'évaluation des risques préconise pour prévenir les risques liés aux manoeuvres de camions et engins pour les travaux de terrassement, l'interdiction de la présence de personnes dans la zone d'évolution des engins et la vérification des systèmes sonores des engins.

L'utilité des systèmes sonores et/ou visuel en cas de recul en complément des deux rétroviseurs latéraux ne saurait être contestée.

Il appartient à l'employeur de mettre en place les mesures de prévention et de s'assurer de leur respect.

La présence d'un salarié dans la tranchée concernée par les travaux de terrassement du chantier et la manoeuvre de la mini pelle ne peut être considérée comme imprévisible dès lors que l'employeur pouvait y remédier en s'assurant que personne ne se trouvait dans la zone de manoeuvre, mesure s'avérant d'autant plus nécessaire à défaut d'équipement sonore ou visuel alertant du recul de l'engin.

Il y a lieu au surplus de rappeler que la faute de la victime, à la supposer établie, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable. Seule une faute inexcusable de la victime, au sens de l'article L.453-1, soit une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, peut permettre de réduire la majoration de sa rente.

Or, le fait que M. [C] [E] soit titulaire du CACES 4 et qu'il n'ignorait pas les règles de sécurité sur un chantier, ne permet pas de qualifier sa présence dans la tranchée comme fautive en l'absence de preuve d'une transmission correcte à son endroit des consignes de M. [G].

Dès lors que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu'il n'a pris les

mesures de prévention de nature à préserver le salarié, sa faute inexcusable doit être retenue.

Le jugement doit en conséquence être infirmé.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

- Sur la majoration de rente

M. [C] [E] s'est vu attribuer un taux d'IPP de 5% porté à 12% après rechute.

La faute inexcusable étant reconnue, il convient d'ordonner la majoration au taux maximum légal de la rente servie en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale.

Cette majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité permanente partielle reconnu à M. [C] [E].

- Sur les préjudices personnels

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu'en cas de faute inexcusable de

l'employeur, et indépendamment de la majoration de rente, la victime d'un accident du travail ou

d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la victime d'un accident du travail, demande également à l'employeur, la réparation, outre des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi celle de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale comprenant notamment le déficit fonctionnel temporaire.

Il convient donc d'ordonner une expertise médicale avec la mission prévue au dispositif.

- Sur la provision

A l'appui de sa demande de provision à hauteur de 3 000 euros, M. [C] [E] soutient qu'il justifie des souffrances endurées, l'accident l'ayant contraint à consulter à de nombreuses reprises le corps médical et à être hospitalisé à la fin de l'année 2015.

Il verse au dossier des pièces établissant une hospitalisation du 31 août 2015 au 18 septembre 2015 et du 28 septembre 2015 au 16 octobre 2015 pour une 'prise en charge en rééducation pour gonalgies droites et éviction du membre inférieur droit à la marche', ce qui justifie l'octroi d'une provision de 1 000 euros dont la CPAM assurera l'avance en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Sur l'action récursoire de la CPAM

Il convient de condamner l'employeur à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie les sommes dont elle aura fait l'avance.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande d'allouer à M. [C] [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [9], partie succombante, sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société [9] a commis une faute inexcusable dans la survenance de l'accident de travail dont a été victime M. [C] [E] le 1er avril 2015,

Ordonne la majoration de la rente allouée à M. [C] [E] à son taux maximum en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,

Fixe à la somme de 1 000 euros le montant de la provision au profit de salarié,

Dit que la CPAM de l'Artois en application des dispositions de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale fera l'avance des sommes dues à M. [C] [E],

Dit que la CPAM de l'Artois pourra exercer son action récursoire à l'encontre de la société [9] de toutes les sommes dont elle aura fait l'avance pour l'indemnisation des préjudices subis par M. [C] [E],

Avant dire droit sur la réparation des préjudices extra-patrimoniaux de M. [C] [E],

Ordonne une expertise médicale judiciaire,

Désigne pour procéder à l'expertise, le docteur [J] [K], avec pour mission, les parties convoquées, de :

- prendre connaissance du dossier médical de M. [C] [E] après s'être fait communiquer par toute personne physique ou morale concernée l'ensemble des pièces et documents constitutifs de ce dossier,

- procéder à un examen physique du salarié et recueillir ses doléances,

-fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d'études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l'accident,

- à partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

- décrire de façon précise et circonstanciée l'état de santé de avant et après l'accident en cause les lésions dont celui-ci s'est trouvé atteint consécutivement à cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués,

- décrire précisément les lésions dont il demeure atteint et le caractère évolutif, réversible ou irréversible de ces lésions,

- retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution,

- prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,

- décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

- procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité,

indiquer si des dépenses liées à la réduction de l'autonomie sont justifiées et l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation,

- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l'accident ou la maladie, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles, ; si l'incapacité

fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux,

- Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et et les analyser;

- Décrire les souffrances physiques ou morales avant consolidation résultant des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles de l'accident, et les évaluer selon l'échelle de sept degrés,

- Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire ou définitif ; l'évaluer selon l'échelle de sept degrés ;

- Lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif , sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation,

- Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),

- Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

- Indiquer le degré d'autonomie intellectuelle, psychologique et physique conservé par l'intéressé en terme d'activité et de faculté participative ainsi que pour exécuter seul les actes élémentaires et élaborés de la vie quotidienne,

- indiquer en cas de maintien à domicile si l'état de santé de la victime implique l'utilisation ou la mise à disposition d'équipements spécialisés, d'un véhicule spécialement adapté, ou impose de procéder à des aménagements du logement,

Fixe à 600 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui sera avancée par la CPAM de l'Artois entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Amiens dans le mois de la notification du présent arrêt,

Dit que l'expert ne débutera les opération d'expertise qu'à réception de l'avis de consignation,

Dit que l'expert devra dresser un rapport qui sera déposé au greffe de la chambre de protection sociale de la cour dans les six mois de sa saisine et qu'il devra en adresser copie aux parties,

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour d'appel d'Amiens afin de surveiller les opérations d'expertise,

Condamne la société [9] à payer à M. [C] [E] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la sociéte [9] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Renvoie la présente affaire à l'audience du 15 Juin 2023 à 13h30,

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation à cette audience,

Réserve les dépens.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/05159
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;20.05159 ?
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