ARRET
N° 187
S.A.S. [9]
C/
Organisme CRAMIF
COUR D'APPEL D'AMIENS
TARIFICATION
ARRET DU 07 OCTOBRE 2022
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N° RG 22/01546 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMWA
PARTIES EN CAUSE :
DEMANDEUR
La société [9] ( SAS), prise en son établissement situé [Adresse 8], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salarié : M. [F] [Y])
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ET :
DÉFENDEUR
LA CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme [D] [X] dûment mandatée
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Juillet 2022, devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président assisté de Monsieur [V] [G] et Madame Maud CHOQUENET, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.
Mme [W] [Z] a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 07 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey VANHUSE
PRONONCÉ :
Le 07 Octobre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Jocelyne RUBANTEL, Président et Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
La société [9] est spécialisée dans le secteur d'activité de la construction de véhicules automobiles.
Le 17 octobre 2017 M. [Y], salarié en qualité de mécanicien de 1981 à 2003, a complété une déclaration de maladie professionnelle pour un mésothéliome pulmonaire, pathologie prise en charge par la caisse primaire au titre du tableau n°'30 des maladies professionnelles le 6 février 2018.
Les conséquences financières de cette affection ont été imputées sur le compte employeur 2018 de la demanderesse, impactant ses taux de cotisation AT/MP 2020, 2021 et 2022.
Contestant le refus de la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France (la CRAMIF) de retirer cette maladie de son compte employeur, la société [9] l'a fait assigner devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 26 juin 2020.
Cette affaire, enregistrée sous le numéro de répertoire général 20/02078, a fait l'objet d'un retrait du rôle par ordonnance du 4 septembre 2020.
Suite à la réception de son taux de cotisation AT/MP 2021, et par acte d'huissier de justice délivré le 26 février 2021, la société [9] a fait assigner la CRAMIF devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 5 novembre 2021.
Cette affaire, enregistrée sous le numéro de répertoire général 21/01883, a fait l'objet d'un retrait du rôle par ordonnance du 5 novembre 2021.
Suite à la réception de son taux de cotisation AT/MP 2022, et par acte d'huissier de justice délivré le 16 février 2022 et visé par le greffe le 4 avril suivant, la société [9] a fait assigner la CRAMIF devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 1er juillet 2022.
Aux termes de son assignation, soutenue oralement à l'audience, la société [9] demande à la cour de :
-'dire que les dépenses de la maladie de M. [Y] doivent être imputées au compte spécial,
-'ordonner à la CRAMIF de réviser ses taux de cotisation impactés par le retrait du compte employeur de son établissement d'[Localité 6] des frais de la maladie de M. [Y],
-'condamner la CRAMIF aux dépens.
Par conclusions communiquées au greffe le 10 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CRAMIF demande à la cour de :
-'constater que la société [9] est le dernier employeur ayant exposé M. [Y] au risque de sa maladie,
-'constater que la société [9] ne justifie pas que M. [Y] a été exposé à ce risque au sein d'autres entreprises,
-'dire et juger que les conditions cumulatives d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies,
-'dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a inscrit et maintenu sur le compte employeur de la société [9] les incidences financières de la maladie de M. [Y],
-'rejeter le recours de la société [9].
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
La société [9] expose qu'avant son embauche, M. [Y] a été maçon au sein de la société [5] et mécanicien sur le chantier naval de [Localité 10] ainsi qu'au sein de la société [7].
Elle soutient qu'il ressort de l'enquête administrative de la caisse primaire, et notamment des déclarations du salarié et du rapport d'enquête, que M. [Y] aurait été exposé à l'amiante chez ses précédents employeurs.
La CRAMIF réplique que la demanderesse est bien le dernier employeur de M. [Y] et qu'elle ne démontre pas l'exposition multiple au risque amiante.
Elle soutient que la société [9] ne justifie pas des conditions de travail effectives de son salarié chez ses précédents employeurs et que les déclarations du salarié et celles retranscrites par l'agent enquêteur dont elle se prévaut sont insuffisantes.
Aux termes des articles D.242-6-5 et D.242-6-7 du code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques des accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial.
L'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que «'sont inscrites au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes': (...)
4) La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie'».
Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.
Il ressort donc des articles ci-dessus cités deux conditions cumulatives pour que soit possible l'inscription au compte spécial':
-'Le salarié doit avoir été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes,
-'Il est impossible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie
Dans le cas d'une demande d'inscription au compte spécial, la charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à l'employeur.
Pour en justifier, la société [9] produit aux débats la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, des courriers de la caisse primaire, le dossier d'instruction de la maladie et un relevé de carrière.
La cour rappelle d'abord que la seule mention des postes précédemment exercés par un salarié, figurant généralement dans la déclaration de maladie professionnelle ou dans un relevé de carrière, ne constitue, ni la preuve des conditions de travail réelles qu'il a pu rencontrer, ni celle de l'exposition au risque de sa pathologie chez de précédents employeurs.
Par ailleurs, les seules déclarations à l'agent enquêteur de la caisse du salarié, lequel recherche la prise en charge de sa pathologie par l'assurance maladie, ne constituent pas une preuve objective des conditions de travail dans lesquelles il a exercé ses anciens emplois avant son embauche au sein de la société [9].
En outre, contrairement aux dires de la demanderesse, il ne ressort pas plus du rapport d'enquête de l'agent enquêteur une preuve objective des conditions de travail rencontrées par le salarié chez ses précédents employeurs et, par conséquent, la preuve d'une exposition multiple au risque amiante.
Il résulte en effet de la synthèse de l'enquête que l'agent s'est entretenu avec M. [Y] et a essayé de contacter la société [9], que les seules pièces figurant au dossier sont le questionnaire renseigné par l'assuré ainsi que le relevé de carrière de ce dernier. L'agent enquêteur a donc repris les seules déclarations du salarié, insuffisantes en l'espèce pour justifier d'une exposition multiple au risque amiante.
Sans autre élément que les seules déclarations du salarié sur les activités exercées chez ses différents employeurs, sur les moyens mis à sa disposition ou encore sur les différents lieux où M. [Y] réalisait ses missions, il est impossible pour la cour d'apprécier la réalité d'une exposition au risque amiante lorsqu'il était maçon ou mécanicien au sein d'établissements d'entreprises différentes. D'ailleurs, ces emplois distincts impliquent nécessairement des conditions de travail différentes et, par conséquent, une exposition au risque différente.
Ainsi, il est constaté que la société [9] ne produit aucun élément pertinent pour justifier du bien-fondé de sa demande d'inscription au compte spécial, au titre de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995, des conséquences financières de la maladie professionnelle de M. [Y] et sera par conséquent déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Le recours est rejeté.
La société [9], succombant totalement, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en premier et dernier ressort,
Dit que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16'octobre'1995 ne sont pas réunies,
Dit bien fondée la décision de la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France de maintenir sur le compte employeur de l'établissement d'[Localité 6] de la société [9] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [Y],
Rejette par conséquent la demande d'inscription au compte spécial de la société [9] et la déboute du surplus de ses demandes,
Condamne la société [9] aux entiers dépens de l'instance.
Le Greffier,Le Président,