ARRET
N° 179
Société [3]
C/
Organisme CARSAT [Localité 2]
COUR D'APPEL D'AMIENS
TARIFICATION
ARRET DU 07 OCTOBRE 2022
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N° RG 21/04681 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHHH
Décision de la CARSAT [Localité 2] EN DATE DU 07 juin 2021
PARTIES EN CAUSE :
DEMANDEUR
La Société [3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salariée: Mme [L] [K] - [U])
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée et plaidant par Me DOMET substituant Me Samuel COTTINET, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
DÉFENDEUR
La CARSAT [Localité 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et plaidant par Mme [P] [D] dûment mandatée
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Juillet 2022, devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président assisté de Monsieur Stéphane LANGLET et Madame Maud CHOQUENET, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.
Mme Jocelyne RUBANTEL a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 07 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey VANHUSE
PRONONCÉ :
Le 07 Octobre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Jocelyne RUBANTEL, Président et Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
La société [3] gère l'enseigne commerciale Leclerc de [Localité 5].
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] a pris en charge la maladie déclarée le 29 juillet 2020, selon certificat médical initial du 22 avril 2019, par Mme [U], salariée de la société [3] en qualité d'employée polyvalente de magasin, soit une rupture des rotateurs de l'épaule droite.
Les conséquences financières de cette pathologie ont été inscrites sur le compte employeur de la société [3].
Le 7 juin 2021, la CARSAT [Localité 2] a rejeté la demande d'inscription au compte spécial qu'avait formée la société [3].
Celle-ci a alors assigné la CARSAT devant la présente cour par acte d'huissier de justice en date du 30 juillet 2021 à l'audience du 4 mars 2022.
A cette date, un calendrier de procédure a été établi, l'ordonnance de clôture étant fixée au 30 juin 2022, et la date des plaidoiries au 1er juillet 2022.
Aux termes de ses dernières écritures, transmises au greffe le 1er juin 2022, la société [3] demande à la cour de :
- dire et juger son action recevable,
- déclarer son action bien fondée,
- constater qu'il n'est pas possible de déterminer quelle est la société au sein de laquelle l'exposition au risque de Mme [U] a provoqué la maladie,
- juger que les deux conditions posées par l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 sont réunies,
En conséquence
- juger que les prestations afférentes à la maladie du 22 avril 2020 déclarée par Mme [U] doivent être inscrites au compte spécial,
- ordonner l'inscription au compte spécial des prestations afférentes à la maladie de Mme [U],
- enjoindre la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'[Localité 2] de procéder au nouveau calcul des taux de cotisation accident du travail/maladie professionnelle de la société [3],
En conséquence,
- annuler la décision d'imputation de ce sinistre au compte employeur de la société [3],
- annuler la décision explicite de rejet du 7 juin 2021,
- condamner la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'[Localité 2] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'[Localité 2] à aux dépens.
Au soutien de ses demandes, la société [3] fait valoir que la déclaration de maladie professionnelle montre que la salariée a listé huit entreprises au sein desquelles elle a été exposée au risque de 1996 à 2015, le médecin traitant de la salariée ayant lui-même indiqué dans le certificat médical initial que l'exposition avait duré 23 ans.
Il précisait que Mme [U] présentait une atteinte chronique de la coiffe des rotateurs, avec décompensation aiguë récente. Pour autant, la date de première constatation a été fixée au 22 avril 2020 par la caisse primaire d'assurance maladie.
La CARSAT, aux termes de ses écritures transmises au greffe le 3 mars 2022, oralement développées à l'audience, demande à la cour de :
- constater que la société [3] n'apporte pas la preuve de la réunion des conditions d'inscription sur le compte spécial visés à l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995,
- débouter la société [3] de sa demande d'inscription sur le compte spécial de la maladie professionnelle déclarée le 29 juillet 2020 par Mme [U].
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que l'inscription au compte spécial suppose que l'employeur fasse la démonstration de ce que la maladie a été déclenchée par l'activité dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, et que par conséquent, il démontre les conditions de travail au sein de celles-ci.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, et la reprise des affirmations de l'assurée par le médecin prescripteur de l'arrêt de travail ne constitue pas une preuve de l'exposition antérieure.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs
Sur les demandes d'annulation des décisions de la commission de recours amiable
La présente cour n'a pas compétence pour annuler une décision de la commission de recours amiable de la CAR SAT à raison du caractère administratif de celle-ci.
Sur la demande d'inscription au compte spécial
Aux termes des articles D.242-6-5 et D.242-6-7 du Code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques des accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial.
L'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que « sont inscrites au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes : (...)
4) La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ».
Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non- exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.
Il ressort donc des articles ci-dessus cités deux conditions cumulatives pour que soit possible l'inscription au compte spécial :
- Le salarié doit avoir été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes,
- Il est impossible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie
Dans le cas d'une demande d'inscription au compte spécial, la charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à l'employeur.
En l'espèce, la société [3] fonde sa demande d'inscription sur deux éléments, d'une part, la déclaration de maladie professionnelle, et d'autre part le libellé du certificat médical initial.
En renseignant la déclaration de maladie professionnelle, Mme [U] a indiqué, dans la rubrique relative à la durée de l'exposition, et aux emplois ayant exposé au risque de la maladie, des fonctions d'employée libre-service, d'employée commerciale, de chef de magasin, de responsable de rayon occupés dans des entreprises tierces, depuis le 12 août 1996.
Il s'agit d'éléments purement déclaratifs renseignés par un assuré social qui souhaite obtenir la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une pathologie dont il est atteint et qui ne permet en aucune façon de déterminer l'exposition au risque de la maladie.
Mme [U] a de plus, décrit des emplois différents, dont trois de chef de magasin, soit des fonctions différentes de celle qu'elle occupait au sein de la société demanderesse, où elle était employée polyvalente de magasin.
Aucun élément n'établit que les fonctions d'employée de libre-service, d'employée commerciale, de responsable de rayon et d'employée polyvalente de magasin recouvrent exactement les mêmes activités.
Par ailleurs, cette seule liste ne permet aucunement de déterminer les conditions de travail, ni une éventuelle exposition au risque, étant observé que si un salarié occupe exactement les mêmes fonctions dans plusieurs entreprises, l'exposition au risque peut être totalement différente à raison notamment de l'organisation du travail, des équipements mis à sa disposition, de la configuration des lieux, mais aussi de la durée et de la cadence du travail.
Le certificat médical initial mentionne : «'atteinte chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite avec décompensation récente, mouvements répétés de l'épaule avec charges, exposition 23 ans'».
Le médecin a rédigé le certificat au vu des constatations médicales qu'il pouvait faire, mais aussi en fonction des déclarations de sa patiente, pour ce qui concerne la durée d'exposition au risque.
En effet, cet élément ne peut résulter que des dires de l'assurée.
Or, là encore, la simple affirmation de la salariée au médecin rédacteur du certificat médical initial ne peut constituer une preuve de l'exposition au risque.
Si le médecin fait état d'une atteinte chronique de l'épaule, il n'apporte aucune précision quant à cette chronicité. Or, Mme [U] travaillait au sein de la société [3] depuis 2013, tandis que la date de première constatation de la maladie a été fixée au 20 avril 2020.
La société [3] échoue ainsi à rapporter la preuve de la réunion des conditions fixées par l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, et il convient dès lors de la débouter de sa demande.
Dépens
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, elle doit être condamnée aux entiers dépens de l'instance.
Demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La société [3] qui succombe en ses demandes doit être déboutée de celle qu'elle formule au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, après débats publics, contradictoire, et en premier et dernier ressort,
Déboute la société [3] de ses demandes,
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
Le Greffier,Le Président,