ARRET
N° 748
Association [8]
C/
[S]
CPAM DE L'OISE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 06 OCTOBRE 2022
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N° RG 21/01407 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IA64
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 28 janvier 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Association [8] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me VIOLEAU, avocat au barreau d'ANGERS subsituant Me Pierre NAITALI de la SELARL ACCENS AVOCATS, avocat au barreau D'ANGERS
ET :
INTIMES
Madame [K] [S]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Murielle SIMON, avocat au barreau de BEAUVAIS
CPAM DE L'OISE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et plaidant par Mme [V] [H] dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Avril 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Audrey VANHUSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 06 Octobre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 28 janvier 2021 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais, saisi par Mme [K] [S] d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, l'association [8], a notamment :
- dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [K] [S] le 19 février 2016 est dû à la faute inexcusable de l'association [8] ;
- fixé au taux maximum la majoration de l'indemnité en capital de Mme [S] sur la base d'un taux d'IPP de 7% ;
- dit que la majoration de l'indemnité en capital devra suivre l'aggravation du taux d'incapacité permanente partielle ;
- avant dire droit, ordonné une expertise médicale clinique de Mme [K] [S] et désigné pour y procéder Mme [P] [W], praticien hospitalier à l'unité médico-judiciaire du CHU d'[Localité 7] ;
- dit que les frais d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise ;
- fixé à 5 000 euros l'indemnité provisionnelle due à Mme [S] à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
- dit que la CPAM de l'Oise versera directement à Mme [S] les sommes dues au titre de la majoration de l'indemnité en capital et de l'indemnité provisionnelle ainsi que toute somme qui pourrait lui être due au titre de l'indemnisation complémentaire à venir ;
- dit que la CPAM pourra recouvrer auprès de l'association [8] les frais d'expertise dont elle aura fait l'avance, le montant de l'ensemble des indemnisations accordées à Mme [S] ainsi que les sommes versées au titre de la majoration de l'indemnité en capital ;
- condamné cette dernière au paiement de ces sommes ;
- rejeté les demandes plus amples et contraires ;
- réservé les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Vu l'appel régulièrement interjeté le 4 mars 2021 par l'association [8] de cette décision qui lui a été envoyée le 8 février précédent.
Vu les conclusions visées par le greffe le 25 avril 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles l'association [8] demande à la cour de:
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau :
- juger qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable ;
- condamner Mme [K] [S] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions visées par le greffe le 25 avril 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles Mme [S] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Beauvais en toutes ses dispositions ;
- condamner l'association [8] à lui verser 2 000 euros en au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu les conclusions visées par le greffe le 22 avril 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM de l'Oise demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable ;
En cas de reconnaissance d'une telle faute, confirmer le jugement en ce que compris que la caisse pourra récupérer auprès de l'employeur les ferais d'expertise avancés, le montant de la majoration de l'indemnité en capital et le provision sur l'indemnisation des préjudices avancés par la CPAM ;
En cas d'infirmation sur la reconnaissance de la faute inexcusable, condamner Mme [S] à lui rembourser la provision et la somme de 2 966,40 euros au titre de la majoration de l'indemnité en capital.
SUR CE, LA COUR :
Mme [K] [S], employée par l'association [8] en qualité de travailleuse sociale, puis de déléguée régionale, responsable d'une résidence sociale, a été le 19 février 2016 victime d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Elle a été victime d'une agression avec arme blanche de la part d'un résident dans le centre dont elle était alors responsable.
Un taux d'incapacité permanente de 7% lui a été reconnu.
Le 18 septembre 2018, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident avec toutes les conséquences s'y rattachant.
La juridiction a, par le jugement entrepris, fait droit à ses demandes.
Les premiers juges, après avoir rappelé qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents survenus au temps et au lieu du travail et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452'1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ont par une exacte appréciation des éléments de preuve produits au débat, considéré que la victime a démontré sans être utilement contredite que l'association avait ou aurait dû avoir conscience du danger que constituait pour l'intéressée d'être en contact avec des résidents rencontrant de grandes difficultés sociales et devant gérer ceux-ci et que les mesures propres à préserver la salariée de ce danger étaient inexistantes au jour de jour de l'accident, aucun bouton d'alarme ou système de vidéo-surveillance n'étant installés et ce alors que Mme [S] était chargé de la gestion de cette résidence avec une seule autre salariée.
Les éléments constitutifs de la faute inexcusable de l'employeur sont ainsi réunis à l'égard de l'association [8] et cette faute ayant été l'une des causes nécessaires de l'accident, sa responsabilité se trouve pleinement engagée, l'employeur ne pouvant pour s'exonérer de cette responsabilité utilement invoquer que la gendarmerie avait été informée du public accueilli et de la nécessité de devoir intervenir en cas d'urgence, que le contrat d'hébergement signé par chacun des résidents prévoit son exclusion en cas d'infraction, que les résidents sont suivis par le biais d'enquêtes et que l'usager violent, M. [T] avait fait l'objet d'une étude préalable de comportement. Il convient à cet égard de relever qu'il ressort de l'ordonnance renvoyant l'intéressé devant le tribunal correctionnel pour les faits de violence sur Mme [S] mais également Mme [Y], sa collègue, et un autre résident qui s'est interposé pour les protéger, M. [U], et du jugement de condamnation que M. [T] avait déjà été condamné à trois reprises, notamment pour violences, et présentait selon l'expert psychologique une personnalité dite « borderline »,avec une instabilité d'humeur, des troubles de la perception de soi et des autres, des difficultés relationnelles, une instabilité de comportement et une perte de contrôle. Ces éléments démontrent l'insuffisance de l'étude préalable de comportement réalisée selon l'employeur, même si effectivement le bulletin n°3 du casier judiciaire qu'il s'est procuré ne comportait aucune mention.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu dans les circonstances particulières de la cause l'existence d'une faute inexcusable commise par l'association [8].
Il sera également confirmé en ses dispositions relatives à la majoration de l'indemnité en capital.
Ensuite, le recours à l'expertise médicale pour apprécier et évaluer les différents préjudices indemnisables subis par Mme [S] étant justifié, la mission de l'expert étant précise et complète notamment sur l'incidence éventuelle d'un état antérieur et le montant de la provision étant en rapport avec l'importance des conséquences de l'accident et les éléments médicaux produits, les demandes de l'employeur seront, par confirmation du jugement entrepris, rejetées.
Le jugement, non autrement et utilement contesté, sera confirmé pour le surplus de ses dispositions.
Il convient de condamner l'association [8] aux dépens d'appel et de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] et de condamner l'association [8] à lui payer une indemnité de 2 000 euros.
La demande indemnitaire présentée sur ce même fondement par l'association [8], qui succombe, ne sera pas accueillie.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne l'association [8] aux dépens d'appel ;
Déboute l'association [8] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne à verser à Mme [K] [S] une indemnité procédurale de 2 000 euros.
Le Greffier,Le Président,