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27/09/2022 | FRANCE | N°19/04128

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 27 septembre 2022, 19/04128


ARRET

N° 705





[17]

[P]

[M]





C/



Société [15])

CPAM DES FLANDRES

S.A. [22]

S.A. [16]

S.A. [19]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 19/04128 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HK2C



JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU

20 septembre 2018





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE (RG 19/04128 ) ET INTIMEE (RG 19/04886)





La société. [17], ([18]) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 23]

[Loca...

ARRET

N° 705

[17]

[P]

[M]

C/

Société [15])

CPAM DES FLANDRES

S.A. [22]

S.A. [16]

S.A. [19]

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 19/04128 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HK2C

JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 20 septembre 2018

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE (RG 19/04128 ) ET INTIMEE (RG 19/04886)

La société. [17], ([18]) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 23]

[Localité 5]

Représentée parMe Olympe TURPIN substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101 et ayant pour avocat Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON

APPELANTE ( RG: 19/04886) ET INTIMEES (RG : 19/ 04128)

Madame [W] [P] veuve [K], en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [J] [K], décédé le 31 mars 2015

[Adresse 4]

[Localité 8]

Madame [X] [M] en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [J] [K], décédé le 31 mars 2015

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentées et plaidant par Me MOEHRING avocat au barreau de PARIS substituant Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

La société [22] (SA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 7]

Représentée et plaidant par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

La CPAM DES FLANDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée

La société [16] (SA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 10]

Convoquée à l'audience par lettre simple en date du 10 Mars 2021

Non comparante, non représentée

La société [19] (SA), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 27]

[Localité 2]

Convoquée à l'audience par lettre simple en date du 10 Mars 2021

Non comparante, non représentée

PARTIE INTERVENANTE

La Société [15] (SAS), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me Fabien BLONDELOT de la SELAS FIDAL, avocat au barreau D'AUBE

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Décembre 2021 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Février 2022.

Le délibéré de la décision initialement prévu au 10 Février 2022 a été prorogé au 27 Septembre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. Pierre DELATTRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 27 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Vu le jugement en date du 20 septembre 2018 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le tribunal des affaires de sécurité sociale du Nord, saisi par Mme [W] [P] et Mme [X] [M], respectivement veuve et fille de M. [J] [K], d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son dernier employeur, la société [22], en présence de la CPAM des Flandres et des sociétés [18] ([17]), [16] et [19], toutes trois mises en la cause par la société [22], a' :

- mis hors de cause la société [16] à la demande de la société [22],

- dit que la société [17] et la société [15] ont été les employeurs de M. [K],

- dit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est «'recevable pour ne pas être prescrite'»,

- dit que les consorts [K] ont un intérêt à agir,

-débouté les consorts [K] de l'ensemble de leurs demandes.

Vu l'appel interjeté le 5 octobre 2018 par Mme [W] [P] et Mme [X] [M] (consorts [K]) de cette décision.

Vu l'appel interjeté le 22 octobre 2018 par la société [17] de cette décision.

Vu l'ordonnance du 9 mars 2021 de jonction de ces deux appels.

Vu le renvoi au 9 mars 2021 accordé à l'audience du 14 mai 2020 à la demande des parties.

Vu le renvoi au 9 décembre 2021 accordé à l'audience du 9 mars 2021 à la demande des parties.

Vu les conclusions visées par le greffe le 3 décembre 2021 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles les consorts [K] demandent à la cour de :

- Rejeter les fins de non-recevoir invoquées par la société défenderesse et la caisse primaire d'assurance-maladie,

- Constater le non-respect, notamment, des dispositions du décret N° 77'949 du 17 août 1977,

- Constater la violation de l'obligation générale et légale de sécurité et de protection de la santé qui incombe à chaque employeur,

- Dire et juger que la maladie professionnelle dont a souffert M. [J] [K] est due à la faute inexcusable de son employeur la société [22],

- Fixer au maximum le montant de la majoration du capital et dire cette majoration attribuée à sa succession,

- Dans les rapports victime/employeur, fixer la date de consolidation au 31 mars 2015,

- En tout état de cause, constater l'existence d'une période ante consolidation indemnisable,

- Fixer la réparation du préjudice des ayants droits de M. [J] [K] au titre de l'action successorale comme suit :

*souffrance physique : 15'000 euros

* souffrance morale : 15'000 euros

* préjudice d'agrément : 15'000 euros

* préjudice sexuel 3 000 euros

* DFT : 5 000 euros

* PEV : 30'000 euros

- Dire et juger en vertu de l'article 1153'1 du code civil l'ensemble des sommes dues portera intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- Condamner, en cause d'appel, la société [22] à leur verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffe le 9 décembre 2021 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [17] ([18]) demande à la cour de :

- Lui donner acte de ce qu'elle se désiste de son appel en tant qu'il est dirigé à l'encontre de la société [16] en considération du désistement devant le tribunal de la société [22] à l'encontre de cette société [16],

- D'infirmer le jugement entrepris,

Au principal :

- Dire que la société [17] n'a jamais eu la qualité d'employeur de M. [K],

- Dire la société [22] mal fondée en son appel en garantie,

- Mettre la société [17] hors de cause,

Subsidiairement :

- Lui déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la réglementation professionnelle et les conséquences indemnitaires de la faute inépuisable cas échéant reconnue,

- Débouter la caisse primaire d'assurance-maladie des Flandres de son action récursoire éventuellement exercée au titre des articles L. 452'2 et L. 452'3 du code de la sécurité sociale.

Vu les conclusions visées par le greffe le 9 décembre 2021 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [22] demande à la cour de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- Débouter les consorts [K] de l'intégralité de leurs demandes,

- Débouter la société [17] de ses demandes,

À titre subsidiaire

- Fixer l'indemnisation du préjudice physique et moral de feu [J] [K], au titre de l'action successorale, à 1 000 euros,

- Débouter les consorts [K] leurs demandes de préjudice d'agrément et du préjudice sexuel,

- Ordonner la répartition des conséquences financières résultant de la faute inexcusable à hauteur de :

' 80 % pour la société [22],

' 15 % pour la société [17] ,

' 3 % pour la société [19].

En toute hypothèse

- Dire et juger nulle et de nul effet à l'égard de la société [22] la décision rendue le 11 décembre 2014 par la CPAM relative à la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [K],

- Dire et juger, à tout le moins, la décision de prise en charge la professionnelle déclarée par M. [K], inexistante, et par voie de conséquence ne pouvant produire aucun effet à l'égard de la société [22].

Vu les conclusions visées par le greffe le 9 décembre 2021 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société [15] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société [15] a été l'employeur de M. [K],

En conséquence :

- À titre principal et in limine litis, se déclarer incompétent du recours de garantie de la société [22] envers la société [15] en faveur du tribunal de commerce de Troyes,

- À titre subsidiaire, déclarer hors de cause la société [15] en ce qu'elle n'a jamais eu la qualité d'employeur de M. [J] [K]

À titre très subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté l'existence de la faute inexcusable envers la société [15],

- En tout état de cause, de condamner la société [22] à lui verser 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouter la CPAM des Flandres de son recours récursoire éventuellement exercé.

Vu les conclusions visées par le greffe le 9 décembre 2021 et soutenues oralement et complétées à l'audience, par lesquelles la CPAM des Flandres demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande faute inexcusable,

en cas de reconnaissance de la faute inexcusable,

- Lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur la demande de provision,

- Dire que la majoration de rente sera calculée à la date de la décision de justice reconnaissant la faute inexcusable et qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime,

- Dire la CPAM fondée à récupérer les sommes versées à l'assuré au titre de la majoration de rente, sous forme de capital, à l'égard de la société [22],

- Dans tous les cas, condamner la société [22] à rembourser à la CPAM toutes les sommes dont elle aura faire l'avance,

- Rejeter l'ensemble des demandes des sociétés [22] et [16],

Enfin, de rejeter la demande de contestation de la date de consolidation, le décès n'étant pas causé par les plaques pleurales et la date de consolidation étant fixée à celle du certificat médical initial en l'absence d'évolution possible de la pathologie.

Les sociétés [19] et [16] n'ont ni comparu, ni personne pour les représenter.

SUR CE, LA COUR :

M. [J] [K] a été employé successivement ainsi qu'il ressort de la déclaration de maladie professionnelle par la société [18], ensuite par des sociétés non appelées en la cause ([20], [30]) ou mise hors de cause ([16]), par la société [19] et enfin par la société [22] à compter du 15 janvier 1985 en qualité de monteur thermique industriel.

M. [K], né le 19 septembre 1952, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle liée à l'exposition à l'amiante inscrite au tableau n°30 (plaques pleurales) suivant décision de la CPAM des Flandres du 11 décembre 2014, avec un taux d'IPP fixé à 5%.

Il est décédé le 31 mars 2015, sans imputation de son décès à cette maladie.

Ses ayants-droit ont engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [22], et, après échec de la tentative de conciliation, ont saisi le 28 septembre 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Nord d'une action tendant à voir reconnaître, avec toutes conséquences de droit, que la maladie professionnelle a trouvé son origine dans une faute inexcusable de l'employeur de M. [K].

Par jugement du 20 septembre 2018, dont appel, le tribunal des affaires de sécurité sociale s'est déterminé comme indiqué ci-dessus.

Sur la mise hors de cause de la société [16] :

Il convient de constater que la société [17] renonce finalement à critiquer la disposition du jugement mettant hors de cause la société [16] et qu'aucune partie ne forme au demeurant de demande à l'encontre de cette dernière, si bien que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la qualité d'employeur de la société [15] :

Les Kbis produits au débat révèlent que si la société anonyme dénommée [19] ayant pour activité les fours industriels, crémation, fours à chaux de métallurgie, a fait l'objet à effet du 10 juillet 2018 d'une fusion-absorption par la société [25], l'activité de crémation et de fumisterie de cette dernière avait été cédée antérieurement à la société [15] le 1er avril 2003, en sorte que les éléments versés au débat ne permettent pas, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de démontrer que la société [15] a repris l'activité auparavant déployée par [19].

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a considéré la société [15], qui le conteste, comme l'un des employeurs de M. [K].

Il convient en conséquence de mettre hors de cause la société [15].

Sur la qualité d'employeur de la société [17] :

M. [K] a travaillé au sein de la société [18] de 1968 à 1971.

Les extraits Kbis produits au débat révèlent que cette société a été placée en redressement judiciaire le 14 décembre 1993 et l'activité de fumisterie industrielle dans laquelle le salariée travaillait a été cédée à la société [14], qui a cédé de nouveau cette activité en août 2001 à une société [18], immatriculée le 29 août 2001.

L'extrait kbis de la société [O] immatriculée le 27 mars 2008 mentionne quant à lui que l'origine de son fonds provient d'une activité auparavant exploitée de manière directe par la société [16].

Ainsi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'est pas démontré que la société [17] a repris l'activité de la société [18], en sorte qu'elle ne peut être considérée comme l'un des employeurs de M. [K].

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et la société [17] mise hors de cause.

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est établi que la société [22], spécialisée dans la fumisterie, utilisait néanmoins de façon habituelle et massive, pour les besoins de son activité de maintenance des fours industriels, des rouleaux d'amiante pour l'isolation des tuyauteries et pour la réfection des plafonds des fours, mais aussi des cordons d'amiante.

Il ressort par ailleurs des pièces et documents concordants du dossier et des témoignages produits de nombreux collègues, sans que leurs durées de travail communes sur de nombreux chantiers soient de nature à remettre en cause la véracité de leurs déclarations, soit MM. [E], [U], [C], [V], [R], [L], [Y], [I], [G] et [H], que dans le cadre de ses fonctions de monteur thermique industriel, M. [K], dont l'activité consistait selon les endroits dans la maintenance ou la démolition et la reconstruction de tous types de fours industriels dont la résistance à la chaleur et l'étanchéité étaient assurées par des matériaux contenant de l'amiante, au sein des différentes entreprises ayant eu recours aux services de la société [22] ([12], [28], [24], [29]...), a été directement exposé de façon habituelle, pendant une longue période à l'inhalation de poussières toxiques à l'origine de la maladie professionnelle. L'affirmation par la société [22] de son utilisation d'autres matériaux substitutifs de l'amiante, comme le [21], le Cartolane, le [26] et le Kerlane dont les spécificités sont produites au débat, n'est pas corroborée par des éléments suffisamment probants. De même, la société [22] ne démontre pas la fourniture à ses salariés, et plus particulièrement à M. [K], d'équipements de protection individuelle qu'elle prétend pourtant avoir fourni. La société [22] ne peut davantage et utilement de retrancher derrière son ignorance des conditions de travail et donc de la possible inhalation de poussières d'amiante par le salarié sur les sites de certains de ses clients ou encore de sa méconnaissance des dangers de l'amiante. A cet égard, la spécificité de l'activité de la société [22], qui impliquait une connaissance en matière de produit isolant et corrélativement une obligation de vigilance et de suivi concernant les matériaux utilisés, ne pouvait pas ne pas avoir conscience à l'époque des faits des risques sanitaires graves, d'ores et déjà révélés par de nombreuses publications (rapport [S] sur les conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante établi en 1906, étude publiée en 1930 par le docteur [A] intitulée «amiante et asbestose pulmonaire», études des docteurs [D] et [N] respectivement publiées en 1955 et 1960 sur le risque de cancer du poumon, travaux du congrès international de Caen sur l'asbestose de 1964 organisé par la Chambre syndicale de l'amiante), liés à la manipulation de matériaux à base d'amiante auxquels se trouvaient exposés ses salariés appelés à intervenir sur les fours contenant des parties amiantées devant être régulièrement changées, notamment en ce qui concerne la silicose et l'asbestose respectivement inscrites dès 1945 et 1951 au tableau des maladies professionnelles provoquées par le travail de l'amiante, étant observé que toutes ces publications et études sont bien antérieures à la période effective d'exposition déterminée pour M. [K].

Il est ainsi établi que la société employeur, qui ne pouvait ignorer à l'époque considérée les risques sanitaires liés au dégagement de poussières d'amiante auxquels se trouvait exposé M. M. [K] dans l'accomplissement des tâches qui étaient les siennes, n'a pas pris les mesures nécessaires, efficaces et suffisantes pour l'en préserver.

Que tenue en sa qualité d'employeur d'une obligation de sécurité vis à vis de ses salariés, cette société ne peut utilement opposer le silence et/ou de la carence d'organismes comme la médecine du travail ou la CRAM.

Il se déduit de l'ensemble de ces constatations que les éléments de la faute inexcusable de la société [22] à l'origine de la maladie professionnelle de M. [K] sont réunies.

Le jugement entrepris sera donc infirmé.

Il y a lieu de faire droit à la demande de majoration au taux maximum de l'indemnité en capital prévue à l'article L. 452'2 du même code et devant être versée à la succession.

S'agissant de l'appréciation des préjudices à caractère personnel de M. [K] et compte tenu des connaissances acquises concernant les symptômes et conséquences de l'affection en cause et son évolution, au vu des pièces médicales (taux d'IPP de 5%, altération sensible de la fonction respiratoire objectivée, prescription de bronchodilatateurs) et documents produits relativement aux répercussions de la maladie sur son état de santé ainsi que sur ses conditions de vie, notamment les attestations de ses proches, la cour dispose des éléments pour évaluer la juste réparation des souffrances physiques à 6 000 euros et celle des souffrances morales à 12 000 euros.

Il n'est en revanche produit aucun élément de nature et suffisant à démontrer l'existence d'autres préjudices comme le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, un déficit fonctionnel temporaire antérieur à la date de consolidation retenue par la CPAM, soit le 2 juillet 2014, ou encore et enfin un préjudice lié à des pathologies évolutives (PEV), dont ni les conclusions des consorts [K], ni les pièces versées au débat ne permettent de déterminer la spécificité et sa distinction avec les souffrances morales d'ores et déjà indemnisées.

Aucun élément ne permet de retenir une date de consolidation différente de celle du 2 juillet 2014, soit celle du certificat médical initial, qui n'a fait au moment de sa fixation l'objet d'aucune contestation, alors qu'il a été attribué à M. [K] le 28 janvier 2015 une indemnité en capital au 3 juillet 2014.

Sur la prise en charge de la maladie :

Si un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime ou ses ayants droit, que la maladie n'a pas d'origine professionnelle, il n'est en revanche pas recevable à invoquer l'absence de motivation de la décision de prise en charge de la maladie par la CPAM au titre de la législation professionnelle, son irrégularité pour absence de pouvoir de la personne l'ayant prise, son inexistence ou sa validité, pour tenter d'échapper à ce qu'elle lui soit opposable.

Les demandes formées par la société [22] à ce titre seront déclarées irrecevables.

Sur les autres dispositions :

Il n'est produit au débat par la société [22] aucun élément de nature à faire droit à sa demande de voir partager les conséquences indemnitaires de la faute inexcusable avec d'autres employeurs antérieurs de M. [K], si bien que cette demande sera rejetée.

L'action récursoire de la CPAM à l'encontre de la société [22] pour l'intégralité des sommes versées en application des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale sera accueillie.

La société [22], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel nés après le 31 décembre 2018 et à verser aux consorts [K] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité procédurale de 3 000 euros.

Les demandes formées sur ce dernière fondement par d'autres parties seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement entrepris, à l'exception de la disposition mettant hors de cause de la société [16] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Mets hors de cause la société [15] et la société [17] qui n'ont pas la qualité d'employeur ;

Dit que la société [22] est l'auteur d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle dont a souffert M. [J] [K] ;

Alloue aux consorts [K] les sommes suivantes au titre de la réparation des préjudices subis par M. [J] [K] :

souffrances physiques : 6 000 euros,

souffrances morales : 12 000 euros ;

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes de réparation ;

Dit que l'indemnité en capital prévue à l'article L. 452'2 du code de la sécurité sociale devant être versée à la succession de M. [K] sera majorée au taux maximum ;

Dit la société [22] irrecevable à contester l'opposabilité de la décision de la prise en charge du 11 décembre 2014 par la CPAM des Flandres au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [J] [K] ;

Fait droit à l'action récursoire de la CPAM des Flandres à l'encontre de la société [22] pour toutes les sommes dont elle aura à faire l'avance ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne la société [22] aux dépens d'appel nés après le 31 décembre 2018 et à verser aux consorts [K] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité procédurale de 3 000 euros.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/04128
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;19.04128 ?
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