ARRET
N°612
[S]
C/
MDPH DU NORD
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022
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N° RG 21/02691 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDNG
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 02 avril 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [V] [S] épouse [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante en personne,
ET :
INTIME
La MDPH DU NORD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Convoquée à l'audience par lettre recommandée en date 03 novembre 2021 dont l'accusé de réception a été tamponné 08 novembre 2021
Non comparante, non représentée
DEBATS :
A l'audience publique du 31 Mars 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2022.
Le délibéré de la décision initialement prévu au 05 Juillet 2022 a été prorogé au 06 septembre 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Blanche THARAUD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION, en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Madame Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 06 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
Vu la demande de Mme [V] [P] née [S] en date du 29 février 2020 et les pièces jointes,
Vu la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en date du 18 juin 2020 par laquelle la demande de Mme [V] [P] née [S] a été rejetée au motif qu'après évaluation de sa situation, il est apparu que ses difficultés ne correspondent pas aux critères d'attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) mentionnés à l'annexe 2-5 de code de l'action sociale et des familles (présence d'une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité de la vie quotidienne ou difficultés graves pour la réalisation d'au moins deux activités de la vie quotidienne);
Vu le recours administratif (RAPO) formé par Mme [V] [P] née [S] en date du 21 août 2021 et l'absence de réponse;
Vu le jugement du tribunal judiciaire (Pôle social) de Lille en date du 2 avril 2021;
Vu la notification du jugement par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 8 avril 2021;
Vu l'appel formé par Mme [V] [P] née [S] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 7 mai 2021 au greffe de la cour;
Les parties ayant été convoquées à l'audience du 31 mars 2022, seule Mme [V] [P] née [S] a comparu.
Mme [V] [P] née [S] demande à la cour de:
Dans la forme,
- dire son appel recevable,
Dans le fond,
- dire qu'il y a force de chose jugée dans cette affaire,
- dire qu'elle présente une difficulté absolue et définitive pour la réalisation d'une activité de la vie quotidienne et subsidiairement qu'elle présente une difficulté grave qui ne lui permet pas de réaliser deux activités, celle du domaine 1 ( la mobilité) et celle du domaine 4 ( la sécurité) et par conséquent que le handicap dont elle est atteinte répond aux critères mentionnés dans l'annexe 2-5 du code de l'action sociale,
- dire qu'elle peut bénéficier de la prestation de compensation du handicap relativement à l'aménagement de son véhicule,
- dire que cela justifie le remboursement de la somme de 4159,33 euros, soit 3405 euros au titre du surcoût d'un véhicule avec boite automatique et 754,33 euros au titre de l'inversion des pédales,
- dire qu'il y a eu demande de prestation de compensation du handicap avant la commande et l'aménagement du véhicule et donc qu'il n'y pas lieu d'évoquer l'absence d'entente préalable de la MDPH.
Le MDPH 59, régulièrement convoquée, n'a pas comparu mais a fait parvenir les pièces du dossier de Mme [V] [P] née [S].
Motifs:
Il résulte des articles R.142-11 du Code de la sécurité sociale et 946 du code de procédure civile, que la procédure devant la Cour d'Appel en matière de protection sociale et d'aide sociale est sans représentation obligatoire.
La cour ou le magistrat chargé d'instruire l'affaire qui organise les échanges entre les parties comparantes peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile.
Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès de la cour dans les délais qu'elle impartit.
La MDPH 59, non comparante, a été régulièrement convoquée par courrier du greffe du 14 août 2020 pour l'audience du 3 novembre 2021 reçu par elle le 8 novembre 2021 comme en fait foi l'accusé de réception revêtu du tampon ' MDPH du Nord courrier arrivé'' et d'une signature.
Ainsi, le présent arrêt doit être qualifié de réputé contradictoire.
La présente procédure étant orale, seules les conclusions écrites revendiquées ou soutenues à l'audience des débats saisissent la cour, l'envoi d'un dossier et des pièces ne pouvant suppléer le défaut de comparution de la partie.
En conséquence, il y a lieu d'écarter des débats les pièces adressées par la MDPH 59.
En application de l'article L.245-1 du code de l'action sociale et des familles, toute personne handicapée dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret ( 60 ans art D.245-3) et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant en compte notamment la nature et l'importance des besoins de compensation au regard du projet de vie, a droit à une prestation de compensation ayant le caractère d'une prestation en nature pouvant être versée en nature ou en espèces, selon le choix du bénéficiaire.
L'article D.245-4 du code de l'action sociale et des familles stipule qu'a droit à la prestation de compensation du handicap, la personne qui, au titre de son handicap, présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation de deux activités telles que définies par le référentiel de l'annexe 2-5 du même code et dans les conditions précisées dans ce référentiel, à savoir:
- la mobilité: se mettre debout, faire des transferts, marcher, se déplacer, avoir la préhension de la main dominante, avoir la préhension de la main non dominante, avoir des activités motrices fines,
- l'entretien personnel: se laver, s'habiller, prendre ses repas,
- la communication: parler, entendre, voir, utiliser des appareils et techniques de communication,
- les tâches et exigences générales dont les relations avec autrui: s'orienter dans le temps, s'orienter dans l'espace, gérer sa sécurité, maîtriser son comporteemnt dans les relations avec autrui.
Une difficulté est dite grave lorsque l'activité est réalisée difficilement et de façon altérée par rapport à l'activité habituellement réalisée.
Une difficulté est dite absolue quand elle ne peut pas du tout être réalisée sans aide, y compris par stimulation, par la personne elle même; aucune des composantes de l'activité ne pouvant être réalisée.
Ces difficultés doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an.
Pour rejeter la demande de Mme [V] [S] épouse [P], née le 4 octobre 1979, le tribunal s'est fondé sur l'avis du Docteur [L] qui a retenu l'existence d'une difficulté grave dans le secteur de la mobilité.
Au soutien de son appel, Mme [V] [P] née [S] fait valoir qu'elle est atteinte d'une pathologie handicapante depuis sa naissance à savoir une 'diastématomyélie dorso-lombaire, associée à une moelle épinière basse' opérée à trois reprises en 1984, 1985 et 1992 et qu'elle présente un halux valgus très prononcé à droite avec une griffe du 5ème orteil droit, outre une scoliose thoracique de 60°, une gibosité très prononcée à droite et une hyperlordose thoraco-lombaire.
Elle indique avoir du se soumettre à une expertise en 2006 pour passer son permis de conduire et produit le rapport établi à cette occasion par le Docteur [N] en date du 11 avril 2006 qui indique que: ' le problème essentiel des séquelles de Mme [S] sont essentiellement des séquelles neuro-orthopédiques affectant la distalité du membre inférieur droit, avec un déficit de commande des releveurs, retentissant de façon significative sur la vitesse, l'amplitude et la force du mouvement.
La force des fléchisseurs plantaires est suffisante pour obtenir un freinage mécaniquement efficace.
Le problème essentiel est donc celui de l'altenance rapide, en cas de nécessité impérative, de passage de la position du pied droit sur la commande d'accélérateur à celle de la commande de frein.'
Dans ces conditions, le Docteur [N] a préconisé l'utilisation d'un véhicule équipé d'un embrayage automatique et aménagé avec une inversion de commande de frein-accélération au pied gauche, ce qui a justifié une mention sur le permis de conduire de Mme [V] [P] relative au changement de vitesse et au mécanisme d'accélération adaptés.
Mme [V] [P] née [S] se prévaut également de l'avis du Docteur [Z] [T] qui l'a examinée à l'occasion du recours qu'elle a formé devant le tribunal de contentieux de l'incapacité de Besançon contre le refus de lui accorder la prestation de compensation du handicap de la MDPH de la Haute Garonne, où elle résidait antérieurement, qui a relevé à propos du poste de conduite automobile: ' le membre inférieur droit est celui qui accélère mais surtout qui freine.
La puissance des extenseurs du pied est très déficitaire, inférieure à 3 et ne permettrait pas une sécurité de freinage. S'il permet une possibilité d'accélération, celle-ci est peu modulable compte tenu de la faiblesse musculaire.
Le passage rapide de l'accélération au freinage doit poser pour un tel segment de membre et de pied des difficultés qui pourraient entraîner des risques, à la fois pour elle dans son poste de conduite, mais aussi pour les autres.'
Mme [V] [P] née [S] produit le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Besançon en date du 3 mars 2010 qui, statuant au vu du rapport du Docteur [T], a dit qu'à la date du 14 avril 2008, Mme [S] [V] présente une difficulté absolue et définitive pour la réalisation d'un activité quotidienne et peut bénéficier à ce titre de la compensation du volet aménagement de son véhicule.
Toutefois, cette décision n'a pas l'autorité de la chose jugée au sens où elle ne s'impose pas à la MDPH du Nord dans le cadre de la nouvelle demande formée par Mme [V] [P] au titre du rachat d'un véhicule adapté, plus de 10 ans après l'achat d'un premier véhicule devenu inutilisable à la suite d'un accident de la voie publique.
Il n'en demeure pas moins que la cour ne peut ignorer ce jugement définitif qui a retenu que Mme [V] [P] née [S] présente une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité de la vie quotidienne au 14 avril 2008 et peut bénéficier à ce titre de la prestation de compensation, volet aménagement du véhicule, seuls des éléments nouveaux survenus depuis pouvant justifier une appréciation différente.
Le tribunal s'est fondé, pour rejeter la demande de Mme [V] [P], sur l'avis du Docteur [L] qui indique: ' Mme [V] [P], au cadre d'une malformation congénitale chez l'intéressée âgée maintenant de 41 ans, il s'agit d'une déficience à la marche, la mobilité et au déplacement pas atteinte d'un membre inférieur en sa partie distale. Cette déficience s'associe à une déficience importante du tronc. Le contexte est celui d'un pied droit qui a été multiopéré, qui est en position fixée en talus équin avec une limitation de la mobilité varius valgus et au niveau du tronc il s'agit d'une scoliose lordose grave avec antécédent chirurgical de stabilisation. Au total, il s'agit d'une difficulté grave dans le critère de la mobilité dans les règles de possible droit à la PCH. Une difficulté grave dans le secteur de la mobilité'.
Ainsi, le Docteur [L] ne constate pas d'élement nouveau s'agissant du handicap de Mme [V] [P] née [S] tout en retenant une difficulté grave dans le secteur de la mobilité, l'appelante faisant justement observer qu'elle présente une difficulté absolue à se déplacer et qu'elle justifie, dans tous les cas, d'une difficulté grave dans le domaine de la mobilité et dans le domaine de la sécurité s'agissant d'effectuer les actions, simples ou complexes, et coordonnées, qu'une personne doit accomplir pour réagir comme il le faut en présence d'un danger, telle que définie à l'annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles, la conduite sans aménagement du véhicule s'évérant dangereuse en raison de l'impossibilité d'assurer le passage rapide de l'accélération au freinage à droite, avec des risques à la fois pour Mme [V] [P], mais aussi pour les autres usagers de la route.
En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement et de dire que Mme [V] [P] a droit à la prestation de compensation du handicap au 29 février 2020 dont le calcul sera opéré par la MDPH du Nord en fonction de la situation de Mme [V] [P], la cour prononçant un sursis à statuer quant au montant de ladite prestation.
La MDPH qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, par mise à disposition au greffe de la cour,
Déclare irrecevables les pièces adressées le 17 novembre 2021 par la MDPH du Nord,
Réforme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [V] [P] a droit à la prestation de compensation du handicap au 29 février 2020,
Sursoit à statuer s'agissant du montant de la prestation de compensation du handicap,
Renvoie l'affaire à l'audience du 02 Mars 2023 à 13 heures 30, et dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à se présenter à l'audience de la cour,
Condamne la MDPH du Nord aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier,Le Président,