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01/09/2022 | FRANCE | N°22/00047

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 01 septembre 2022, 22/00047


ORDONNANCE







du 01 Septembre 2022













A l'audience publique des référés tenue le 27 Juillet 2022 par Madame Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la cour d'appel d'AMIENS en date du 9 mars 2022,



Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00047 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMM2 du rôle général.



ENTRE :



Monsieur [M] [C]

[Adre

sse 5]

[Localité 4]



Assignant en référé suivant exploits de la SCP Philippe HOELLE, Huissier de Justice, en date du 28 Mars 2022, d'un jugement rendu par le tribunal judiciaire de L...

ORDONNANCE

du 01 Septembre 2022

A l'audience publique des référés tenue le 27 Juillet 2022 par Madame Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente de la cour d'appel d'AMIENS en date du 9 mars 2022,

Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00047 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMM2 du rôle général.

ENTRE :

Monsieur [M] [C]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Assignant en référé suivant exploits de la SCP Philippe HOELLE, Huissier de Justice, en date du 28 Mars 2022, d'un jugement rendu par le tribunal judiciaire de LAON le 14 Décembre 2021.

Représenté, concluant et plaidant par Maître BERTHELOT, avocat au barreau de Saint-Quentin.

ET :

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Madame [Y] [U] épouse [X]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Madame [G] [X] veuve [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

G.F.A. LA HERONNIERE

[Adresse 6]

[Localité 1]

DÉFENDEURS au référé.

Représentés, concluant par Maître Caroline LETISSIER, avocat postulant au barreau de Laon et plaidant par Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT, avocat au barreau de Paris.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en ses assignation et plaidoirie : Maître BERTHELOT, conseil de M. [C],

- en ses conclusions et plaidoirie : Maître SOYER, conseil des consorts [X] et du GFA La Héronnière.

L'affaire a été mise en délibéré au 01 Septembre 2022 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe de la copie.

Par acte authentique du 31 décembre 1982, M. [W] [X] et Mme [G] [N] épouse [X] ont consenti à Mme [V] [O] veuve [C] et à son fils [M] [C] un bail rural sur corps de ferme, un hangar et de terres, ensemble réparti sur les communes de [Localité 4], [Localité 9], [Localité 7] et [Localité 3] (Aisne).

Par l'effet du décès de Mme [O], M. [M] [C] est devenu seul titulaire du bail rural.

Le 17 mars 2009, les époux [X] ont fait délivrer à M. [M] [C] un congé pour reprise au profit de leur fils.

M. [M] [C] a contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. En cours de procédure, les parties se sont rapprochées et sont parvenues le 21 octobre 2010 à un accord transactionnel aux termes duquel les époux [X] se sont engagés à vendre à M. [C] le corps de ferme et certaines parcelles, le bail devant être résilié pour le surplus des terres au 11 novembre 2018 et droit de préférence en cas de vente de tout ou partie de ces biens loués après la résiliation du bail pour une durée de 2 ans. Les parties se sont en outre accordées sur la désignation d'un expert agricole pour établir les comptes de sortie de ferme et évaluer les droits à paiement de base.

L'épouse de M. [M] [C] est intervenue à l'accord.

M. [W] [X] est décédé le 11 janvier 2011.

Aux termes d'un acte authentique du 11 avril 2012, Mme [X] et M. [C] ont réitéré les termes du protocole en actant la résiliation du bail au 11 novembre 2018 et en concluant la vente convenue.

Par acte reçu le 14 mai 2012 par Me Ribeyre, notaire à [Localité 8], Mme [X] et son fils ont établi les statuts d'un groupement foncier agricole La Héronnière (ci-après le GFA La Héronnière) dont le capital social a été fixé à la somme de 1 184 400 € correspondant pour l'essentiel à l'apport en nature par Mme [X] des parcelles objet du bail rural à long terme consenti à M. [C]. Cet apport en nature a fait l'objet d'une publicité foncière.

Par exploit du 19 novembre 2018, faisant valoir que cet apport en nature des terres visées au protocole revenait à les priver de leur droit de préférence prévu au protocole, les époux [C] ont fait assigner Mme [X], son fils [Z] [X], l'épouse de celui-ci et le GFA La Héronnière devant le tribunal judiciaire de Laon, à titre principal aux fins d'annulation du protocole d'accord transactionnel du 21 octobre 2010 au titre d'un vice du consentement, et à titre subsidiaire aux fins de résolution de ce protocole pour défaut d'exécution de bonne foi.

Suivant exploit du 7 mai 2019, Mme [Y] [X] a fait assigner M. et Mme [C] en paiement de la somme de 73 559 € en réparation de son préjudice d'exploitation au titre de l'année culturale 2018/2019. Les deux instances ont été jointes et le GFA La Héronnière est intervenue volontairement à l'instance.

Parallèlement, saisi d'une demande d'expulsion par les consorts [X], par ordonnance de référé du 24 janvier 2019, le président du tribunal paritaire des baux ruraux de Laon a dit n'y avoir lieu à référé compte tenu de la contestation sérieuse tenant à la remise en cause de la validité du protocole d'accord transactionnel soumise à l'examen du tribunal de grande instance de Laon.

Par jugement rendu le 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Laon a notamment :

- ordonné l'expulsion de M. [M] [C] ainsi que de tous occupants de son chef et de l'ensemble de ses biens, avec au besoin le concours de la force publique ;

- condamné M. [M] [C] à verser au GFA La Héronnière une indemnité d'occupation journalière de 150 € à compter du 18 novembre 2018 jusqu'à parfaite libération des lieux ;

Avant dire droit sur les autres demandes,

- ordonné une expertise de sortie de ferme et désigné pour y procéder Mme [P], experte inscrite sur la liste de la cour d'appel d'Amiens ;

- sursis à statuer sur le surplus des demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

- dit y avoir lieu à exécution provisoire ;

- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.

M. [M] [C] et Mme [L] [C] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel du 11 mars 2022.

Suivant actes d'huissier du 28 mars 2022, M. [M] [C] a fait assigné M. [Z] [X], Mme [Y] [X], Mme [G] [X] et le GFA La Héronnière devant Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens, au visa de l'article 524 du Code de procédure civile, aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire ordonnée par le jugement contradictoire et mixte du tribunal judiciaire de Laon en date du 14 décembre 2021 jusqu'à la date à laquelle il sera statué sur l'appel de M. [C] et dire que les frais du référé seront joints aux dépens de la procédure d'appel.

Au soutien de ses prétentions, par conclusions du 11 juillet 2022, M. [C] soutient qu'il existe des conséquences manifestement excessives justifiant l'arrêt de l'exécution provisoire dans la mesure où :

- en exécution du jugement il fait l'objet d'un commandement de quitter les lieux en date du 14 mars 2022 et d'un commandement de payer la somme de 180 572, 82 euros en date du 4 mars 2022, au titre de l'indemnité journalière ;

- sa situation financière ne lui permet pas d'exécuter la condamnation pécuniaire mise à sa charge, ainsi que cela résulte de ses derniers bilans et comptes de résultat ;

- l'expulsion compromettra irrémédiablement sa situation car il s'agit de la quasi-intégralité de son exploitation agricole et que les terres sont actuellement ensemencées ;

- son expert-comptable indique que la perte de 147 ha de terres sur 170 compromettrait la viabilité de l'entreprise.

Il fait valoir que contrairement à ce qu'indiquent les consorts [X] la perte des 147 ha sont bien imputables à l'exécution du jugement entrepris. L'étude prévisionnelle du cabinet Roffé versée aux débats par les défendeurs n'est pas réaliste'et en tout état de cause, M. [C] ne pouvait prendre le risque de laisser les parcelles incultes même si les audiences de plaidoiries étaient déjà intervenues, dans la mesure où cet état aurait pu ensuite lui être reproché par les bailleurs.

Par conclusions en défense du 7 juin 2022, actualisées par conclusions du 22 juillet 2022, les consorts [X] et la GFA La Héronnière demandent à Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens de débouter M. et Mme [C] de leurs demandes, fins et conclusions, de les condamner à payer à la GFA La Héronnière ainsi qu'à Mme [G] [X], M. [Z] [X] et Mme [Y] [X] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi par eux du fait des procédures abusives initiées par M. et Mme [C], au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance dont distraction sera faite au profit de Me Letissier avocat aux offres de droit.

Au soutien de leurs demandes, les consorts [X] et la GFA La Héronnière font valoir qu'aucune conséquence manifestement excessive ne saurait être attachée à l'exécution du jugement dès lors que la libération des lieux par M. [C] n'est que la conséquence des engagements pris dans le protocole d'accord transactionnel. M. [C] a procédé à l'ensemencement des parcelles en sachant qu'il ne pourrait en récolter les fruits. Ils soutiennent que M. [C] agit de façon abusive car le protocole d'accord transactionnel régularisé par les parties a autorité de la chose jugée, qu'il importe peu que le protocole d'accord soit contesté, que l'étude prévisionnelle du cabinet Roffe est parfaitement réaliste dans la mesure où le cours actuel du blé et du colza est très élevé et que la revente du matériel apportera nécessairement des liquidités permettant de désintéresser les créanciers.

Il ne justifie pas du dernier bilan comptable, l'étude prévisionnelle qu'il produit est critiquable et l'analyse réalisée par leur expert-comptable conclut à ce que l'exploitation même amputée de 147 ha est viable. Ils relèvent que M. [C] a contracté un nouvel emprunt le 2 juillet 2022 après que le jugement contesté a été rendu, aggravant ainsi sa situation financière. Et en tout état de cause, ils n'auraient pu lui reprocher à M. [C] d'avoir laissé les parcelles incultes puisque de tels agissement ne peuvent donner lieu qu'à la résiliation du bail rural, lequel était déjà résilié.

À l'audience du 9 juin 2022, l'affaire a été renvoyée au 27 juillet 2022.

À l'audience du 27 juillet 2022, les procédures ont été jointes.

Me Berthelot a conclu à l'existence de conséquences manifestement excessives sur le plan financier car son client ne peut verser la somme de 180 000 euros . L'exécution du jugement entraînerait en outre la perte de 85% des parcelles, c'est à dire qu'il resterait que 23 hectares à exploiter.

Me Soyer a rappelé que le protocole d'accord signé prévoyait la résiliation du bail portant sur ces 147 hectares et qu'en tout état de cause, aucune pièce comptable établissant la situation financière n'était versée aux débats.

Mme la présidente a demandé au conseil de l'appelant de produire ses trois derniers avis d'imposition sous quinzaine.

Ces pièces ont été produites contradictoirement le 1er août 2022.

L'affaire a été mise en délibéré au 1er septembre 2022.

SUR CE,

Au regard des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile, pour une bonne administration de la justice et compte tenu de leur lien de connexité, il y a lieu d'ordonner la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros RG 22/00047 à 22/00050 sous le numéro RG 22/00047.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

En application de l'article 524 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, par le premier président statuant en référé, que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces deux critères d'appréciation sont alternatifs et non cumulatifs.

Les conséquences manifestement excessives justifiant l'arrêt de l'exécution provisoire s'apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d'infirmation de la décision assortie de l'exécution provisoire.

Il incombe à la partie qui demande la suspension de l'exécution provisoire d'établir les conséquences manifestement excessives qu'elle risque d'entraîner.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d'infirmation.

En l'espèce, il ressort de ce qui précède que par l'effet de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement, M. [M] [C] est redevable d'une somme de plus de 180 000 euros au titre des indemnités d'occupation.

M. [C] fait valoir que sa situation financière ne lui permet pas d'exécuter la condamnation pécuniaire mise à sa charge et que la perte de 147 hectares de terres compromettrait la viabilité de l'entreprise.

Les consorts [X] soutiennent que l'appelant échoue à démontrer que l'exécution provisoire de la décision créerait une situation quasi irréversible ou disproportionnée.

Ils ajoutent que la libération des lieux par M. [C] ne serait que la conséquence de ses engagements pris aux termes du protocole d'accord transactionnel et que ce dernier dispose des capacités pour faire face au paiement de la somme de 180 572,82 euros .

Il ressort des éléments versés aux débats que le résultat net comptable relatif à l'exploitation agricole de 170 hectares s'élevait à 31 550 euros sur l'exercice du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 (pièce n°5 du demandeur) et à 63 444 euros sur l'exercice du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 (pièce n°6 du demandeur).

L'expertise prévisionnelle mesurant l'impact d'une perte d'exploitation de 147 hectares de terres pour M. [C] indique que la viabilité de l'entreprise serait compromise (pièce n°12 du demandeur) tandis que l'étude prévisionnelle de détermination de la rentabilité d'une exploitation de 23 hectares diligentée par les consorts [X] retient un excédent brut d'exploitation à 32 585 euros dont il convient de déduire l'amortissement sur le matériel estimé à 4 600 euros (pièce n°11 des défendeurs).

La contradiction totale entre ces deux analyses comptables ne permet nullement d'établir ou non la viabilité de l'exploitation en cas de diminution de la surface de 147 hectares de terres.

M.[C] produit diverses pièces établissant sa situation financière. Il ressort des avis d'impôts sur le revenu établis en 2020 et 2021 qu'il a déclaré 18 281 euros de revenus agricoles en 2019 (pièce n°20 du demandeur) et 22 058 euros en 2020 (pièce n°21 du demandeur). Pour l'année 2021, M. [C] a déclaré 25 321 euros de revenus agricoles (pièce n°22 du demandeur).

Selon le rapport de situation de l'épargne financière effectué par la Société Générale, il dispose d'une épargne financière globale de 41 053 euros et sa capacité d'épargne est fixée à 840 euros (pièce n°18).

Compte tenu de ces éléments, il convient de constater que M. [C] est dans l'incapacité de faire face à une condamnation d'un montant de 180 572, 82 euros au regard de sa situation financière actuelle, nonobstant le crédit qu'il a souscrit, la vente du matériel agricole n'étant pas envisageable dès lors qu'il doit continuer à exploiter ses terres, de sorte qu'est caractérisé le risque de conséquences manifestement excessives.

La demande de M. [C] d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 14 décembre 2021 est donc bien fondée.

Sur les dépens et frais irrépétibles,

Les consorts [X] succombant à l'instance seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Il n'est pas inéquitable que M. [M] [C] conserve la charge des frais irrépétibles qu'il a dû exposer. Il sera donc débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de l'espèce et le sens du présent arrêt justifient que chaque partie conserve la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

ORDONNONS la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros RG 22/00047 à 22/00050 sous le numéro RG 22/00047';

ORDONNONS l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 14 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Laon';

DISONS n'avoir pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISONS que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle aura exposés.

A l'audience du 01 Septembre 2022, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente et Mme PILVOIX, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 22/00047
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;22.00047 ?
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