ARRET
N°
Association AID'AISNE
C/
[M]
copie exécutoire
le 29/06/2022
à
SELARL CLAVEL
SELARL CARNAZZA
FB/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 29 JUIN 2022
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N° RG 20/05154 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4JS
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 16 SEPTEMBRE 2020 (référence dossier N° RG F20/00012)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Association AID'AISNE
venant aux droits de l'Association d'Aide et de Garde à Domicile de l'Aisne
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée et concluant par Me Stéphanie CLAVEL de la SELARL CLAVEL-DELACOURT, avocat au barreau de SOISSONS
ET :
INTIMEE
Madame [S] [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
concluant par Me David CARNAZZA de la SELARL CARNAZZA DAVID, avocat au barreau de GRASSE
DEBATS :
A l'audience publique du 04 mai 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Fabienne BIDEAULT indique que l'arrêt sera prononcé le 29 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Fabienne BIDEAULT en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 29 juin 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Vu le jugement en date du 16 septembre 2020 par lequel le conseil de prud'hommes de Soissons, statuant dans le litige opposant Mme [S] [M] à son ancien employeur, l'association Aid'Aisne, a débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement, a dit le licenciement de Mme [M] justifié par une cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement avec cause réelle et sérieuse (6 387 euros) et congés payés afférents (638,70 euros) et indemnité de procédure (300 euros), a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné l'employeur aux entiers dépens ;
Vu l'appel interjeté par voie électronique le 16 octobre 2020 par l'association Aid'Aisne à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 25 septembre précédent ;
Vu la constitution d'avocat de Mme [M], intimée, effectuée par voie électronique le 23 février 2021 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 novembre 2021 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 1er décembre 2021 ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 2 février 2022 ordonnant la réouverture des débats à l'audience de mise en état du 1er mars 2022, invitant les parties à conclure pour cette date sur le moyen soulevé d'office par la cour tiré du principe de la séparation des pouvoirs pour ce qui concerne les demandes de Mme [M] au titre de la nullité et subsidiairement de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement après autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail le 23 mai 2018 ;
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2022 par lesquelles l'employeur appelant, soutenant à titre principal le juge judiciaire incompétent pour statuer sur les demandes de la salariée au titre de la nullité et subsidiairement de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement au regard de l'autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail le 23 mai 2018, contestant subsidiairement l'existence de toute discrimination de la salariée en raison de son état de grossesse ou de son mandat, considérant que la cause économique de la rupture du contrat de travail est établie et qu'il a loyalement rempli son obligation de reclassement, observant que les premiers juges ont retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement tout en le condamnant au paiement d'une indemnité pour licenciement pour cause réelle et sérieuse, sollicite l'infirmation partielle du jugement entrepris, demande que la salariée soit déboutée de ses demandes, qu'elle soit condamnée au paiement d'une indemnité de procédure (2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et 2 000 euros au titre de ceux engagés devant la cour d'appel) ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2022 aux termes desquelles la salariée intimée, appelante incidente, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, soutenant à titre principal que la décision de l'inspectrice du travail du 23 mai 2018 est nulle et non avenue en vertu du code du travail, qu'elle doit être écartée des débats, excluant ainsi la question portant sur la séparation des pouvoirs, affirmant à titre principal avoir été victime de discrimination en raison de son état de grossesse et de la violation d'un mandat protégé ce qui a pour effet de juger nul son licenciement, contestant à titre subsidiaire la légitimité du licenciement prononcé aux motifs d'une part que la cause économique n'est pas avérée, d'autre part que l'employeur n'a pas rempli loyalement son obligation de reclassement, qu'en outre il n'a pas respecté les critères d'ordre et qu'enfin il a procédé à un licenciement verbal, sollicite pour sa part l'infirmation de la décision déférée, requiert, à titre principal de juger nul le licenciement et de condamner l'employeur au paiement de :
- 25 548 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice né de la nullité du licenciement économique pour discrimination à la grossesse,
- 53 225 euros à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi au titre de la nullité du licenciement économique d'un salarié protégé,
- 2129 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice né de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
- 2129 euros à titre d'indemnité pour licenciement brutal et vexatoire,
et, à titre subsidiaire, de confirmer la requalification du licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'association au paiement de:
- 8 516 euros à titre de dommages et intérêts ,
- 851,60 euros au titre des congés payés afférents,
- 2129 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice né de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
- 2129 euros à titre d'indemnité pour licenciement brutal et vexatoire,
sollicitant en tout état de cause la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure (2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et 2 500 euros au titre de ceux engagés devant la cour d'appel), demandant qu'il soit ordonné à l'employeur de lui remettre les documents de fin de contrat conformes et qu'il soit condamné aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 avril 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 4 mai 2022 ;
Vu les conclusions transmises le 27 avril 2022 par l'appelante et le 21 avril 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
SUR CE, LA COUR
Mme [M] a été embauchée par l'association d'Aide et de Garde à Domicile de l'Aisne ( AAGDA) en qualité d'animateur qualité aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (24 heures par semaine) pour la période comprise entre le 1er avril et le 30 septembre 2014. Ce contrat a été prorogé jusqu'au 31 mars 2015 par avenant du 25 mars 2014.
Par avenant du 29 septembre 2014, il est ajouté à la fonction d'animateur qualité occupée par la salariée la fonction de chargée de développement, la durée de travail étant portée à 35 heures par semaine.
Par avenant du 30 mars 2015, le contrat de travail à durée déterminée est transformé en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er avril 2015.
Par avenant signé le 2 janvier 2017, Mme [M] se voit attribuer la fonction de cadre technique exerçant en qualité de responsable qualité.
Cet avenant précisait en outre qu'à son retour de congé maternité, la salariée travaillerait à temps partiel (80% soit 7 heures par jour du lundi au jeudi inclus) pendant 6 mois. Il était précisé que la salariée exercerait principalement ses fonctions au siège social de l'AAGDA et que dans le cadre du rapprochement avec l'Office Social, elle se déplacerait régulièrement ( entre 2 et 4 fois par mois, selon les besoins en 2017 puis 2 fois par mois en 2018) à [Localité 5].
L'association d'Aide et de Garde à Domicile de l'Aisne ( AAGDA) avait pour objet l'accompagnement et la fourniture de services à des personnes à domicile.
Le 31 décembre 2017 l'AAGDA a fusionné avec une autre association de services à la personne, l'Office Social, la nouvelle association étant dénommée Aid'Aisne.
L'association Aid'Aisne emploie 245 salariés et applique la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.
A compter du 2 janvier 2016, Mme [M] a été élue au sein du CHSCT.
Elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 mars 2018 par lettre du 16 mars précédent.
L'employeur a demandé par courrier du 27 mars 2018 à l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de la salariée. Par décision en date du 26 avril 2018, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement de Mme [M].
Par nouvelle décision en date du 23 mai 2018, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement.
Mme [M] a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 mai 2018 motivée comme suit :
'Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. Celui-ci est justifié par les éléments suivants: Suppression de votre poste de responsable qualité, en raison d'une réorganisation des services, dans un souci de sauvegarde de la compétitivité de l'association après la perte des subventions apportées par la mairie de [Localité 5].
Nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement au sein de l'association. Nous vous avons proposé, le 27 mars 2018, un poste de responsable de secteur auquel vous n'avez pas donné suite. Aucune autre solution de reclassement n'a pu être trouvée.
Nous vous avons proposé le 27 mars 2017 d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle. Vous nous avez fait part de votre choix en faveur du dispositif avant la fin de votre délai de réflexion, soit avant le lendemain de la date de notification à l'employeur de la décision de l'autorité administrative. Dans ce cadre, vous n'avez pas à effectuer de préavis. Nous vous rappelons que toute contestation portant sur la rupture de votre contrat de travail ou son motif se prescrit par 12 mois à compter de votre adhésion.
En tant que salariée protégée, votre licenciement économique a fait l'objet d'une autorisation administrative de l'inspection du travail. Celle-ci nous est parvenue le 24 mai 2018.
Durant l'année qui suivra votre départ, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage dans l'association à condition que vous nous informiez, par courrier de votre désir d'en user.
Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après la rupture de votre contrat de travail. (...)'
Contestant la licéité et subsidiairement la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Soissons, qui, statuant par jugement du 16 septembre 2020, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.
Sur la compétence du juge judiciaire
Par arrêt de réouverture des débats en date du 2 février 2022, la cour a invité les parties à conclure sur le moyen soulevé d'office tiré du principe de la séparation des pouvoirs pour ce qui concerne les demandes de Mme [M] au titre de la nullité et subsidiairement de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement après autorisation de licenciement accordée par l'inspecteur du travail le 23 mai 2018.
Mme [M] demande à la cour de déclarer nulle la décision de l'inspectrice du travail du 23 mai 2018 et de l'écarter des débats.
En premier lieu, elle soutient que si la lettre de demande d'autorisation de licenciement par l'association Aid'Aisne est produite aux débats, l'accusé de réception n'est pas joint aux pièces communiquées alors qu'en application du code du travail la demande d'autorisation doit obligatoirement être transmise par courrier recommandé avec accusé de réception.
En second lieu, la salariée affirme que l'employeur ne justifie pas avoir communiqué à l'inspectrice du travail tous les éléments nécessaires la concernant, à savoir, ses coordonnées personnelles, sa date d'entrée dans l'entreprise, son emploi, son lieu de travail, ses mandats syndicaux et/ou de représentation du personnel sans en omettre aucun.
Enfin, l'intimée indique que le code du travail prévoit que l'inspecteur du travail doit rendre sa décision dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande de l'employeur, observe que la demande d'autorisation a été faite le 27 mars 2018, que la décision de l'inspecteur a été transmise le 23 mai 2018 soit bien au-delà du délai de 15 jours, ce qui doit conduire la cour à écarter la décision de l'inspecteur du travail des débats.
L'association Aid'Aisne rappelle que lorsqu'une autorisation de licenciement a été accordée, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, apprécier la validité du licenciement prononcé à la suite de cette autorisation, dès lors que le contrôle de l'autorité administrative a nécessairement porté sur le respect de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail du salarié protégé.
L'employeur observe que la salariée n'a pas contesté cette décision administrative de licenciement devant les juridictions administratives, de sorte qu'elle est devenue définitive, le juge judiciaire étant incompétent pour apprécier la légalité de la décision administrative qui lui est opposable.
La salariée n'ayant pas exercé les voies de recours dont elle disposait n'est plus recevable à contester la légalité de cette décision.
Sur ce ;
En vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique.
De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire.
Si le salarié entend demander la condamnation de l'employeur pour des chefs de préjudice échappant à la compétence du juge judiciaire, il doit alors contester la légalité de la décision administrative et demander à ce que la juridiction judiciaire décide de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif amené à se prononcer sur la légalité de la décision administrative par le mécanisme du recours en appréciation de légalité.
En l'espèce, si Mme [M] soutient la nullité de l'autorisation administrative délivrée par l'inspecteur du travail, il ressort des éléments produits qu'elle n'a formé aucun recours à l'encontre de cette décision, qu'elle n'a pas contesté cette autorisation devant le ministre du travail, devant le tribunal administratif.
La décision administrative étant définitive, au vu du principe de séparation des pouvoirs, il n'appartient pas à la présente cour de statuer sur sa demande de nullité.
Lorsqu'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive a été accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de séparation des pouvoirs apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement.
Si le juge judiciaire reste compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, il ne peut apprécier ces fautes lorsque les manquements invoqués par le salarié ont nécessairement été contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation.
En l'espèce, Mme [M] a été licenciée pour motif économique.
D'une part, elle soutient la nullité de son licenciement au motif qu'elle a été victime de discrimination en raison de son état de grossesse et de la violation de son mandat et, d'autre part, elle conteste la réalité de la cause économique de son licenciement, soutient que l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre du licenciement, n'a pas rempli loyalement son obligation de reclassement et qu'elle a fait l'objet d'un licenciement verbal préalablement à la notification de la rupture de son contrat de travail.
La cour constate que Mme [M] ne forme pas de demande de dommages pour intérêts en raison de la discrimination prétendument subie mais forme uniquement des demandes au titre de la nullité de son licenciement.
En l'espèce, dès lors que le contrat de travail a été rompu le 28 mai 2018 à la suite de l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail par décision non contestée du 23 mai 2018 du licenciement pour motif économique faisant obstacle à toute compétence du juge judiciaire pour connaître du caractère réel et sérieux des motifs de licenciement, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a dit celui-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge judiciaire étant incompétent pour statuer sur les demandes formées par la salariée au titre de la rupture de son contrat de travail.
Sur la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement
Mme [M] sollicite la condamnation de son ancien employeur au paiement d'une indemnité équivalente à un mois de salaire au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement aux motifs d'une part que la lettre de convocation à l'entretien préalable n'indique pas l'adresse de la mairie ou de l'inspection du travail où elle pouvait se procurer la liste des conseillers du salarié et d'autre part que la lettre de licenciement ne prévoit pas la possibilité de bénéficier d'un contrat de sécurisation processionnelle mais évoque que cette possibilité a été évoquée lors de l'entretien préalable.
L'employeur conclut au débouté de la demande indiquant d'une part que l'association disposant de représentants du personnel la salariée avait l'obligation d'être représentée par un des membres de la délégation du personnel en application de l'article L 1233-13 du code du travail et, d'autre part, qu'en application de l'article L 1233-66 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer au salarié lors de l'entretien préalable le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle, ce qui a été effectué.
Sur ce ;
L'article L1235-2 du code du travail dispose notamment que lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Le principe de séparation des pouvoirs ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire apprécie la régularité de la procédure de licenciement d'un salarié protégé postérieure à la notification par l'administration de son autorisation.
En l'espèce, Mme [M] invoque au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement un manquement commis par l'employeur antérieurement à la notification de l'autorisation administrative.
En effet, la salariée reproche à l'employeur de ne pas avoir mentionné dans la lettre de convocation à l'entretien préalable du 16 mars 2018 l'adresse de la mairie ou de l'inspection du travail où elle pouvait se procurer la liste des conseillers du salarié. L'autorisation administrative de licenciement ayant été délivrée le 23 mai 2018, le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur cette irrégularité.
La salariée soutient que la possibilité de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) ne pouvait être évoquée qu'au stade de la lettre de licenciement et non lors de l'entretien préalable.
L'article L 1233-66 du code du travail dispose que dans les entreprises non soumises à l'article L. 1233-71, l'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique.
Il est établi que l'employeur a remis un dossier de CSP à la salariée, lui a proposé le bénéfice du CSP lors de l'entretien préalable au licenciement. Il n'est pas contesté que Mme [M] n'a pas accepté le bénéfice du CSP.
En conséquence, aucune irrégularité ne peut être invoquée à ce titre.
Mme [M] doit être déboutée de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
La salariée sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire indiquant que dès mars 2018, l'employeur a annoncé au sein du journal interne 'A vos côtés' son licenciement.
L'employeur soutient que le licenciement de la salariée étant de nature économique, dans un contexte de fusion, il était normal que la structure communique sur les éventuelles restructurations en résultant, que le journal a été édité fin mars 2018, Mme [M] ayant déjà été reçue en entretien préalable.
Il précise qu'en mars 2018, le nom de la salariée n'a pas été cité au sein du journal interne, le licenciement n'étant officiellement annoncé que dans le journal de juin 2018.
Sur ce;
Le salarié peut réclamer la réparation d'un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure.
Il lui appartient d'établir à cet égard un comportement fautif de l'employeur.
En l'espèce, il est établi qu'au sein du journal interne daté de mars 2018 l'information suivante était précisée: ' (...) Conséquence directe de cette décision: le licenciement économique de la responsable qualité de la structure et une réorganisation du service deux mois après la fusion.'
Si le nom de Mme [M] n'était pas mentionné, son poste était précisé et son identification était en conséquence possible.
L'employeur n'établit pas, tel qu'allégué, que le journal soit paru après la tenue de l'entretien préalable.
En tout état de cause, l'annonce du licenciement de la salariée a été effectuée avant que la rupture du contrat de travail ne soit effective, ce qui a causé un préjudice à Mme [M] au regard de ses fonctions.
En conséquence, au regard du caractère brutal de l'annonce de ce licenciement à l'ensemble des salariés avant son effectivité, il y a lieu de condamner l'employeur au paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme mentionnée au dispositif.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens pour l'ensemble de la procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Soissons du 16 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:
Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître des demandes de nullité et d'illégitimité du licenciement, du non respect de la procédure de licenciement antérieure à la décision administrative ;
Déboute Mme [S] [M] de sa demande au titre de l'irrégularité de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle ;
Condamne l'association Aid'Aisne à verser à Mme [S] [M] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail,
Rejette toute autre demande ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens pour l'ensemble de la procédure.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.