ARRET
N°490
CPAM DU HAINAUT
C/
S.A.S. RANDSTAD
RD
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 27 JUIN 2022
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N° RG 19/08630 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HS2Y
JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE VALENCIENNES EN DATE DU 10 octobre 2019
ARRET DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI EN DATE DU 31 MAI 2018
ARRET DE LA COUR DE CASSATION EN DATE DU 10 octobre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM DU HAINAUT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
63 rue du Rempart
BP 60499
59321 VALENCIENNES CEDEX
Représentée et plaidant par Mme [S] [I], dûment mandatée
ET :
INTIMEE
S.A.S. RANDSTAD
Salarié : M. [Z]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
276 Avenue du Président Wilson
93211 LA PLAINE SAINT DENIS CEDEX
Représentée et plaidant par Me DEFER, avocat au barreau d'AMIENS Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2022 devant :
Madame Elisabeth WABLE, Président,
Madame Graziella HAUDUIN, Président
Monsieur Renaud DELOFFRE, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 JUIN 2022.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [U] [F]
PRONONCE :
Le 27 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Audrey VANHUSE, Greffier.
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DECISION
La société Randstad (l'employeur) a transmis, le 15 décembre 2005, à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut (la caisse), une déclaration d'accident du travail concernant l'un de ses salariés, M. [Z], en émettant des réserves sur l'origine professionnelle de l'accident ;
Après avoir diligenté une enquête, la caisse a, le 30 mars 2006, pris en charge ce dernier au titre de la législation professionnelle ;
L'employeur a, le 30 juin 2015, contesté devant la commission de recours amiable de la caisse l'opposabilité de la décision de prise en charge ;
Sa contestation ayant été rejetée, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Devant le Tribunal, la caisse a contesté la recevabilité du recours de la société RANDSTAD en faisant valoir la prescription de cette action en application de l'article 2224 du Code Civil et en soutenant que le point de départ de la prescription est la date du 30 mars 2006 à laquelle elle a informé l'employeur de la prise en charge.
Par jugement du 9 mars 2016, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes a déclaré recevable la demande d'inopposabilité au motif que la caisse ne produisait aucune notification de la décision de prise en charge et elle a déclaré la décision de prise en charge inopposable à la société RANDSTAD au motif que la caisse n'avait procédé à aucune mesure d'instruction à l'égard de cette dernière.
Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt du 31 mai 2018 de la Cour d'Appel de Douai.
Sur pourvoi en cassation contre cet arrêt la Cour de Cassation l'a par arrêt du 10 octobre 2019 casséet annulé, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes ayant déclaré recevable le recours de la société Randstad et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens ;
Au soutien du rejet des moyens du pourvoi contestant la recevabilité de la demande d'inopposabilité présentée par la société RANDSTAD la Cour de Cassation relève que si la décision de la caisse primaire qui reconnaît le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute fait grief à l'employeur qui est recevable à en contester l'opposabilité ou le bien-fondé dans les conditions fixées par les articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le recours de l'employeur ne revêt pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil ;
Pour admettre le bien fondé du pourvoi de la caisse critiquant l'inopposabilité de la décision de prise en charge retenue par la Cour d'Appel, la Cour de Cassation relève que pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, l'arrêt retient que si la caisse a bien procédé à une enquête à la suite des réserves formulées par l'employeur dans le cadre de la déclaration d'accident du travail, elle s'est contentée de recueillir les déclarations du seul salarié sans associer l'employeur à ces mesures d'investigation, ni respecter le principe du contradictoire et qu'en statuant ainsi, alors que la caisse qui choisit de recourir à une enquête peut, dans ce cadre, adresser un questionnaire à la victime sans être tenue d'en adresser un à l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé de l'article R.441-11 du Code de la sécurité sociale.
Par courrier du 12 décembre 2019 reçu par le greffe le 23 décembre 2019 la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut déclare saisir la présente Cour en sa qualité de juridiction de renvoi.
Par conclusions du 8 mars 2022 enregistrées par le greffe à la date du 9 mars 2022, la société RANDSTAD demande à titre principal de constater que la caisse n'a accompli pendant deux ans aucune diligence de nature à faire progresser l'instance et de déclarer l'instance périmée à défaut de diligences effectuées dans le délai de deux ans de la saisine de la Cour et sur le fond elle sollicite le prononcé de l'inopposabilité de la décision de prise en charge faute pour la caisse d'avoir interrogé l'employeur dans le cadre de l'enquête et faute pour elle d'avoir mis à sa disposition un dossier complet, la caisse ayant produit dans le cadre de la procédure judiciaire une demande d'enquête administrative, le procès-verbal du CHSCT et le procès-verbal d'audition de Monsieur [Z] qui ne figuraient pas dans le dossier consulté par elle.
Par conclusions visées par le greffe le 14 mars 2022 et soutenues oralement par sa représentante, la caisse primaire d'assurance maladie du HAINAUT demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire la décision de prise en charge de l'accident de Monsieur [Z] opposable à l'employeur et de condamner ce dernier à lui verser la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .
Elle fait valoir qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Cassation que lorsqu'elle a choisi la voie de l'enquête la caisse n'est pas tenue d'envoyer un questionnaire à l'employeur et soutient à l'appui de ses prétentions au titre des frais irrépétibles le caractère tardif et donc abusif de la demande d'inopposabilité qui aurait dû être présentée dans le cadre de la procédure en reconnaissance de faute inexcusable et non dix ans plus tard.
Le magistrat chargé de l'instruction de la cause a relevé d'office ce qui suit :
En ce qui concerne l'incident de péremption d'instance, l'article R.142-10-10 a rétabli le principe posé par l'ancien article R.142-22 qu'en matière de sécurité sociale l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du Code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Ce nouvel article est applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date.
La péremption a donc commencé à courir le 19 décembre 2019, date de saisine de la Cour en qualité de cour de renvoi, jusqu'au 1er janvier 2020 soit 11 jours et n'a ensuite plus couru faute de diligences mises à la charge des parties.
Les parties ont été autorisées à adresser à la Cour une note en délibéré sous un mois sur ce moyen relevé d'office.
Aucune note en délibéré n'a été reçue par la Cour.
MOTIFS DE L'ARRET.
Attendu que l'article R.142-10-10 du Code de la sécurité sociale a rétabli la règle posée par l'ancien article R.142-22 selon laquelle l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du Code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Que ce nouvel article est applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date.
Que cependant, contrairement à ce qui avait relevé d'office à l'audience par le Président, ce texte n'est applicable que devant le Tribunal judiciaire et non devant la Cour.
Qu'il ne résulte par contre d'aucun texte relatif à la procédure devant la Cour spécialement désignée en matière de sécurité sociale et notamment les articles R.142-11 à R..142-12-1 que la péremption d'instance devant elle soit soumise à un régime spécial en vertu duquel elle ne s'appliquerait qu'à la condition que les parties se soient abstenues d'accomplir les diligences mises à leur charge par la juridiction et qu'à défaut d'un texte spécial subordonnant l'application de l'article 386 du code de procédure civile à une injonction particulière du juge, la péremption devant cette Cour est constatée lorsque les parties n'ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n'en aurait pas mis à leur charge ( en ce sens devant la Cour nationale de l'incapacité 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-17.978 / Egalement 2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-22.548 et 2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-10.527 ).
Attendu qu'il résulte de l'article 387 du Code de procédure civile que la péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties et qu'elle peut être opposée par voie d'exception à la partie qui accomplit un acte après l'expiration du délai de péremption et qu'il résulte de l'article 388 qu'elle est de droit et que le juge peut la constater d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
Considérant qu'il résulte du texte de l'article 386 précité que la diligence requise pour faire échec à la péremption de l'instance n'est pas nécessairement un acte de procédure et que lorsque tel est le cas il n'est pas requis qu'il soit régulier, que l'acte doit être de nature à faire progresser ou avancer l'instance, être accompli au sein de l'instance et non dans le cadre d'une autre instance, sauf lorsqu'il existe un lien de dépendance directe et nécessaire entre les deux instances, auquel cas l'acte accompli par une partie dans le cadre d'une instance interrompant alors la péremption de l'autre instance, que pour être de nature à faire progresser l'instance la diligence doit révéler la volonté de son auteur de faire avancer la procédure (dans le sens que la diligence doit donner une impulsion processuelle Civ. 1 2 juillet 2014, n° 13-18649 ou révéler la volonté de donner une impulsion à l'instance " Civ. 2 2 juin 2016, n° 15-17354 ou être de nature à " faire avancer l'instance " 2e Civ., 23 novembre 2000, pourvoi n° 98-20.631 Com., 3 octobre 2018, pourvoi n° 17-10.225), que constitue ainsi notamment une diligence l'envoi d'un mémoire au secrétariat de la Cour Nationale ou la demande de fixation de l'affaire à plaider (en ce sens 2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-10.527 ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-17.978 ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-21.401 ( demande de fixation à l'audience) 2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-22.548 / Mais en sens contraire pour la demande de fixation de l'affaire 2 Civ, 18 octobre 2000, n 98-11.042, le dépôt de conclusions emportant rétablissement de l'affaire au rôle 2 Civ, 3 mai 2001, n° 99-12.445, Bull n° 83), les demandes successives de réinscription au rôle et de radiation administrative 2 Civ, 8 novembre 2001, n° 99-20.159, la demande de rétablissement de l'affaire au rôle 2 Civ, 22 octobre 2002, n° 00-22.054, les conclusions ayant pour seul objet la demande de réinscription de l'affaire au rôle 2 Civ, 30 avril 2003, n° 01-10.632), que constitue également une diligence le fait de solliciter un délai auprès du juge pour examiner des éléments de droit afin de pouvoir conclure ou le fait de solliciter les pièces de la partie adverse (ainsi constitue une diligence la lettre adressée par une partie au juge de la m examiner des éléments de droit américain applicables au litige Civ. 2ème 18 janvir ise en état afin d'obtenir un renvoi dès lors que l'intéressé précise qu'il forme cette demande afin de disposer du temps nécessaire pour 2007, no 06-11610 et dans le sens que constitue une diligence une lettre par laquelle une partie demande à son adversaire de lui transmettre les pièces de son dossier Civ. 2e, 29 nov. 1995, no 93-16.641 / Mais dans le sens contraire que ne constitue pas une diligence une demande d'information du conseil d'une partie à la partie adverse 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-21.284), que constituent également des diligences les demandes de renvoi de la cause afin d'obtenir des éléments de preuve complémentaires (Com., 3 octobre 2018, pourvoi n° 17-10.225) que la demande de sursis à statuer est susceptible de constituer une diligence ( 2e Civ., 18 octobre 2018, pourvoi n° 17-20.544), que ne constituent pas une diligence des conclusions déposées à seules fins de réinscription de l'affaire au rôle et motivées par le souhait des sociétés demanderesses de préserver leurs intérêts (2e Civ., 23 novembre 2000, pourvoi n° 98-20.631) ou l'envoi au greffe de conclusions non assorties d'une demande de rétablissement de l'affaire au rôle (2e Civ., 1 septembre 2016,pourvoi n°15-14.551,Bull. 2016, II, n°197), que les diligences de l'une quelconque des parties interrompent le délai de péremption (Civ. 2e, 28 juin 2012, no 11-17.873), que l'acte interruptif de péremption peut émaner de la partie ayant opposé l'incident de péremption (Civ. 2e, 28 juin 2012, précité - Civ. 2e, 22 févr. 2007 ), qu'il importe peu que la partie adverse ait reçu notification de l'acte ou qu'il en ait eu connaissance (s'agissant d'un courrier adressé à l'expert judiciaire Civ 2e 15 octobre 1975 n° 7411078, s'agissant d'une demande de réinscription au rôle par l'une des parties en application de l'article 383, alinéa 2, du code de procédure civile avec dépôt au greffe de conclusions comportant cette demande de réinscription 2e Civ., 16 mars 2017, pourvoi n° 16-10.059).
Attendu qu'en l'espèce le courrier simple du 12 décembre 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie du HAINAUT saisissant la présente Cour en qualité de Cour de renvoi et reçu par la Cour le 23 décembre 2019 a fait courir le délai de péremption de l'instance d'appel à partir de cette dernière date.
Que la caisse, dont les écritures ont été visées par le greffe le 14 mars 2022, ne conteste pas l'affirmation de la société RANDSTAD selon laquelle elle a établi ses conclusions le 28 février 2022.
Qu'elle ne fait état d'aucune diligence antérieure de sa part ou de la part de RANDSTAD qui aurait interrompu le délai de péremption.
Qu'il s'ensuit qu'à la date d'établissement des conclusions de la caisse, et à plus forte raison à celle de leur visa par le greffe, la péremption de l'instance était acquise.
Qu'il convient donc de constater cette dernière.
Attendu qu'aux termes de l'article 390 du Code de procédure civile la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de chose jugée, même s'il n'a pas été notifié.
Qu'il convient en conséquence de dire que le jugement du 9 mars 2016 est passé en force de chose jugée.
Attendu qu'aux termes de l'article 393 du Code de procédure civile les frais de l'instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance.
Qu'il convient de condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut aux dépens d'appel et de la débouter de ses prétentions au titre des frais non répétibles.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,
Constate la péremption de l'instance d'appel.
Dit que le jugement du 9 mars 2016 du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes est passé en force de chose jugée.
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut de ses prétentions au titre des frais non répétibles et la condamne aux dépens d'appel.
Le Greffier,Le Président,