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16/06/2022 | FRANCE | N°22/00053

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 16 juin 2022, 22/00053


ORDONNANCE







du 16 Juin 2022













A l'audience publique des référés tenue le 28 Avril 2022 par Mme HAUDUIN, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 13 avril 2022,



Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00053 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INEK du rôle général.





ENTRE :



S.A.R.L. FAN-FAN Prise en la personne de son représent

ant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Assignant en référé suivant exploit de la SELARL BOIDIN BURGEAT, Huissier de Justice, en date du 08 Avril 2022, d'un jugement rendu par le TJ d'Am...

ORDONNANCE

du 16 Juin 2022

A l'audience publique des référés tenue le 28 Avril 2022 par Mme HAUDUIN, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 13 avril 2022,

Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00053 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INEK du rôle général.

ENTRE :

S.A.R.L. FAN-FAN Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Assignant en référé suivant exploit de la SELARL BOIDIN BURGEAT, Huissier de Justice, en date du 08 Avril 2022, d'un jugement rendu par le TJ d'Amiens le 09 Février 2022.

Représentée, concluant par la SELARL LEXAVOUÉ, avocat postulant au barreau d'Amiens et plaidant par Maître de LAMARLIERE, substituant Maître VERAGUE, avocat au barreau d'Arras.

ET :

Madame [M], [Y], [V] [E] veuve [Z], présente,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [T], [L], [W], [Y] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Monsieur [S], [O], [P] [Z], présent,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Mademoiselle [G], [A], [K] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

DÉFENDEURS au référé.

Représentés, concluant et plaidant par Maître RUELLAN, avocat au barreau d'Amiens.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en ses assignation et plaidoirie : Maître de LAMARLIERE, conseil de la SARL FAN-FAN,

- en ses conclusions et plaidoirie : Maître RUELLAN, conseil des consorts [Z].

L'affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe de la copie.

La SARL Fan-Fan est issue de la transformation de l'EARL Fan-Fan, elle-même issue de la transformation du GAEC constitué en 1991 entre Mme [K] [Z] et son fils, M. [S] [Z].

Située aux environs de [Localité 5], la société exerçait une activité polyculture, sur une surface d'environ 276 hectares, qui faisaient quasiment tous l'objet de deux baux à long terme, consentis au profit de M. [S] [Z], lequel les avait mis à disposition de l'EARL.

M. [S] [Z] est décédé le [Date décès 1] 2017, laissant pour héritiers son épouse survivante Mme [M] [E] et ses trois enfants (ci-après l'indivision [Z]).

À la fin du mois de septembre 2017, l'indivision [Z] a mis fin à la mise à disposition des terres, laissant à l'EARL Fan-Fan 9 hectares seulement.

Mme [K] [Z] disposait de 698 parts au sein de l'EARL Fan-Fan et son fils [S] [Z] de 2 172 parts.

Les héritiers ayant souhaité le remboursement des parts ayant appartenu à M. [S] [Z], ils ont proposé à Mme [K] [Z] que la valeur des parts sociales soit évaluée à dire d'expert choisi d'un commun accord.

Faute d'accord, l'indivision [Z] a sollicité du président du tribunal de grande instance d'Amiens la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance du 13 juin 2018, le juge des référés a désigné un expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 30 juillet 2020.

Saisi par l'indivision [Z] par acte d'huissier en date du 13 octobre 2020, d'une demande tendant à voir fixer à 398,58 euros la valeur de la part sociale de la SARL Fan-Fan et par conséquent de condamner celle-ci à leur verser la somme de 865 721,31euros au titre de la valorisation de 2 172 parts sociales détenus par feu M. [S] [Z], le tribunal de commerce d'Amiens, par jugement du 9 février 2021, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire d'Amiens.

Par conclusions récapitulatives en date du 31 mai 2021, l'indivision [Z] a formulé les mêmes demandes par-devant le tribunal judiciaire d'Amiens, lequel, par jugement rendu le 9 février 2022, a :

- fixé à 218,24euros la valeur unitaire des parts sociales de l'EARL Fan-Fan ;

- fixé la créance de l'indivision [Z] contre la SARL Fan-Fan venant aux droits de l'EARL Fan-Fan à la somme de 474 017, 28 euros au titre des parts sociales dont l'indivision est créancière suite au décès de M. [S] [Z] ;

- condamné la SARL Fan-Fan, venue aux droits de l'EARL Fan-Fan, à payer cette somme à l'indivision successorale [Z] ;

- dit que cette créance produirait intérêts à compter de la date de l'assignation, soit le 13 octobre 2020 ;

- condamné la SARL Fan-Fan aux dépens de l'instance ;

- débouté les parties de leurs demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision était exécutoire à titre provisoire.

La SARL Fan-Fan a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 25 février 2022.

Par acte d'huissier du 8 avril 2022, actualisé par conclusions du 27 avril 2022, la SARL Fan-Fan a fait assigner l'indivision [Z] devant Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, aux fins de voir :

- arrêter l'exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Amiens le 9 février 2022 ;

- dire et juger n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laisser à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SARL Fan-Fan fait valoir que :

- il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement dont appel dans la mesure où :

- le tribunal de première instance a écarté, sur moins d'une page d'argumentaires, l'erreur grossière commise par l'expert judiciaire dans la valorisation des parts puisqu'il n'a pas pris en compte le fait que la SARL Fan-Fan n'exploitait plus rien à la date du décès de M. [S] [Z] ;

- les héritiers qui ne deviennent pas associés, comme en l'espèce, n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur ;

- la mission de l'expert judiciaire consistait à une évaluation des titres au jour du décès alors que la loi et la jurisprudence impose d'évaluer les titres à la date la plus proche du remboursement des droits sociaux ;

- les héritiers devaient solliciter au préalable à leur demande de paiement, une assemblée générale aux fins que soit mise à l'ordre du jour l'annulation des parts sociales détenues par M. [S] [Z] ;

- la mise à disposition des terres louées ou occupées par M. [S] [Z] était conditionnée à sa qualité d'associé, celle-ci a donc cessé de plein droit à son décès ;

- l'expert a comptabilisé dans son estimation des améliorations culturales, lesquelles ne pouvaient être intégrées dans la valeur des parts sociales ;

- la société, au jour du décès ne valait plus rien puisque Mme [K] [Z] dispose à l'encontre de la EARL Fan-Fan d'un compte courant d'associé largement créditeur et surtout supérieur à l'actif de la société ;

- les calculs de l'expert sur les excédents bruts d'exploitation sont douteux et infondés dans la mesure où la société n'a plus aucune activité ;

- les baux ruraux n'ont aucune valeur patrimoniale ou économique et constituent des droits purement personnels non valorisables ;

- le tribunal ne pouvait faire droit à une demande de condamnation pécuniaire de la société ;

- l'exécution du jugement entrepris entraînerait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où :

- la société n'exploite quasiment plus rien et ne génère pas de revenus ;

- elle se retrouverait nécessairement en état de cessation des paiements.

Par conclusions en date du 27 avril 2022, les consorts [Z] ont demandé à madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens de bien vouloir :

- rejeter comme irrecevable et en tout cas mal fondée la demande en arrêt d'exécution provisoire du jugement rendu le 9 février 2022 par le tribunal judiciaire d'Amiens ;

- condamner la SARL Fan-Fan à leur payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, les consorts [Z] font valoir que :

- la SARL Fan-Fan ne justifie d'aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision querellée ;

- la SARL Fan-Fan est manifestement en état de cessation des paiements.

À l'audience du 28 avril 2022, la SARL Fan-Fan était représentée par Me [X]. Mme [M] [E] veuve [Z] et M. [S] [Z] étaient présents, Mme [T] [Z] et [G] [Z] n'étaient pas présentes, les consorts [Z] étaient représentés par Me Ruellan.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 juin 2022.

SUR CE,

En application de l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Celles-ci sont appréciées au regard de la situation du débiteur de l'obligation compte tenu de ses facultés de paiement et au regard des facultés de remboursement du créancier de l'obligation.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Sur les moyens sérieux de réformation de la décision entreprise :

La SARL Fan-Fan soutient que les héritiers de M. [Z] n'ont pas sollicité la qualité d'associé au décès de celui-ci, que la mise à disposition des terres louées ou occupées par M. [Z] était conditionnée à sa qualité d'associé, que cette mise à disposition a cessé de plein droit à la date du décès de celui-ci, que l'expert judiciaire a établi un rapport en partant du postulat inverse, lequel se trouve donc entaché d'une erreur grossière, que la valorisation des parts prises en compte par l'expert n'est due que par le bailleur au preneur à la fin du bail et enfin qu'au jour du décès de M. [Z], la l'EARL n'exploite plus rien.

Il ressort des pièces versées au dossier (notamment n°1 du demandeur) que les baux ruraux en cause ont été consentis à M. [S] [Z] et non à l'EARL Fan-Fan. En tout état de cause, il convient donc de considérer effectivement que la mise à disposition a cessé de plein droit au décès de ce dernier. Le rapport d'expertise et le jugement dont appel comprennent, dès lors, des incohérences qui constituent des moyens sérieux de réformation de la décision entreprise au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile.

Sur les conséquences manifestement excessives :

La SARL Fan-Fan fait valoir que l'exécution du jugement entrepris entraînerait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où la société n'exploite quasiment plus rien et ne génère pas de revenus et qu'elle se retrouverait nécessairement en état de cessation des paiements.

La SARL Fan-Fan justifie d'une situation financière particulièrement fragile ne permettant pas de supporter la charge de la condamnation financière de première instance à hauteur de 474 000 euros. En effet, la demanderesse verse aux débats son dernier bilan, lequel fait état d'un résultat comptable négatif à hauteur de 128 520,59 euros (pièce n°11). Elle apporte également les éléments probants permettant d'attester que la saisie-attribution réalisée par les défendeurs leur a permis de saisir la somme de 19 026,02 euros sur les comptes de la SARL Fan-Fan, portant le solde de celui-ci à 0 euro le 21 mars 2022. Ainsi, il apparaît que l'exécution de la décision entreprise entraînerait un état de cessation des paiements de la société, et qu'une telle conséquence priverait, de surcroît, les défendeurs d'un potentiel paiement en cause d'appel.

Au vu de l'importance des montants concernés par la condamnation et de l'état financier obéré de la SARL Fan-Fan tel qu'établi par les pièces versées au dossier, il convient de considérer l'exécution des mesures provisoires attachées au jugement dont appel comme consécutive de conséquences manifestement excessives au sens des dispositions légales précitées.

Les conditions cumulatives de l'article 514-3 du code de procédure civile étant réunies, il sera fait droit à la demande de la SARL Fan-Fan sollicitant la suspension des mesures provisoires de droit attachées au jugement rendu le 9 février 2022 par le tribunal judiciaire d'Amiens.

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Chacune des parties conserve la charge des dépens exposés par elle.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées de leur demande respective.

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement et contradictoirement,

CONSTATONS l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision et de conséquences manifestement excessives attachées au jugement dont appel ;

SUSPENDONS en conséquence l'exécution provisoire du jugement rendu le 9 février 2022 par le tribunal judiciaire d'Amiens ;

DISONS que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;

DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience du 16 Juin 2022, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme HAUDUIN, Présidente et Mme PILVOIX, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 22/00053
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;22.00053 ?
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