ARRET
N°
[X]
C/
S.A.R.L. GARAGE DU POTEAU DE SENLIS DEPANNAGE
copie exécutoire
le 15/06/2022
à
Cabinet GILLES
SCP DRYE
LDS/IL/SF
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 15 JUIN 2022
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N° RG 19/04333 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HLEH
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE CREIL DU 17 MAI 2019 (référence dossier N° RG 17/00151)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [Y] [X]
né le 27 Juillet 1971
331 Rue Henri Delaplace
60870 BRENOUILLE
représenté, concluant et plaidant par Me Jean-marie GILLES de la SELEURL CABINET GILLES, avocat au barreau de PARIS
représenté par Me CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIMEE
S.A.R.L. GARAGE DU POTEAU DE SENLIS DEPANNAGE
Avenue du Poteau
60300 CHAMANT
représentée, concluant et plaidant par Me Bruno DRYE de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS
DEBATS :
A l'audience publique du 27 avril 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Madame [O] [D] en son rapport,
- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Madame [O] [D] indique que l'arrêt sera prononcé le 15 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame [O] [D] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 15 juin 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
La société Garage du Poteau de Senlis Dépannage a pour activité le dépannage de véhicules légers et de poids-lourds, intervenant à la demande des particuliers, des professionnels et des compagnies d'assurance et d'assistance. Elle est liée aussi à la société d'autoroute Sanef, assurant une permanence 24h/24 pour intervenir sur une portion délimitée de la voie de circulation.
M. [X], né le 27 juillet 1971, a été embauché par la société à compter du 16 février 2004 par contrat à durée indéterminée, en qualité de mécanicien dépanneur, puis à compter de 2010 en qualité de dépanneur seulement.
Son contrat est régi par la convention collective du commerce et de la réparation automobile.
Le 21 octobre 2016, M. [X] a été victime d'un accident de la route, alors qu'il circulait avec le véhicule d'intervention qui lui était confié. Le 2 mars 2017, il a été déclaré inapte par la médecine du travail.
Il a été convoqué par la SARL Garage du poteau de Senlis dépannage à un entretien préalable fixé au 23 mars 2017 et, par courrier du 28 mars 2017, il a été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Creil, le 18 avril 2017, afin de voir requalifier le licenciement pour inaptitude dont il a fait l'objet en licenciement abusif avec toutes conséquences de droit.
Le conseil de prud'hommes de Creil par jugement rendu en formation de départage du 17 mai 2019, a :
- débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [X] aux dépens.
Ce dernier a relevé appel de ce jugement.
En parallèle de la procédure prud'homale, M. [X] a déposé plainte contre X. avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Senlis, pour mise en danger de la vie d'autrui le 23 juin 2017. Dans le cadre de cette plainte, la société a été mise en examen pour non-respect de la durée du travail et mise en danger de la vie d'autrui. Par ordonnance du 7 mars 2022, le juge d'instruction a renvoyé la société devant le tribunal correctionnel pour avoir entre le 21 septembre 2016 et le 21 octobre 2016 mis en danger la vie de M. [X] par des violations manifestement délibérées d'une obligation particulière de prudence de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en ne respectant pas la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire du salarié, exposant directement ce dernier à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
Par ordonnance du 20 avril 2021, le conseiller de la mise en état a :
- débouté M. [X] de sa demande de sursis à statuer ;
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ;
- condamné M. [X] aux dépens de l'instance.
Par conclusions récapitulatives n°5 remises le 8 avril 2022, M. [X], qui est régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes (manquement à l'obligation de sécurité, licenciement sans cause réelle et sérieuse, heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateur, congés payés afférents, travail dissimulé, non-respect de la durée légale du travail, retenue abusive de trois jours sur le solde de tout compte, congés payés afférents, intérêts au taux légal, article 700 du code de procédure civile, dépens) ;
- a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamné aux dépens ;
- dire et juger que son licenciement est le fruit du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et, de ce fait, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- constater que l'effectif de la société Garage du poteau est de 11 salariés, avec toutes conséquences de droit ;
En conséquence,
- condamner la société Garage du poteau à lui verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 100 000 euros ;
- condamner en sus la société Garage du poteau à lui verser la somme de 31 854,40 euros correspondant au solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
- 244 107,25 euros au titre des heures supplémentaires ;
- 24 410 euros au titre des congés payés afférents ;
- 70 025 euros au titre du repos compensateur ;
- 7 002 euros au titre des congés payés afférents ;
- 29 400 euros au titre du travail dissimulé ;
- 8 000 euros au titre du non-respect de la durée légale du travail ;
- 5 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- 681,45 euros au titre des trois jours de retenue abusive sur son solde de tout compte ;
- 68,14 euros au titre des congés payés afférents ;
- dire et juger que toutes les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Creil ;
- dire et juger que son salaire de référence est de 5 400 euros par mois ;
- condamner la société Garage du poteau à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Par conclusions récapitulatives n°6, remises le 13 avril 2022, la SARL Garage du poteau de Senlis dépannage demande à la cour de :
- déclarer mal fondé M. [X] en son appel du jugement rendu par le juge départiteur de la section industrie du conseil de prud'hommes de Creil du 17 mai 2019 ;
- l'en débouter ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- déclarer irrecevable et en tous les cas mal fondé M. [X] en ses demandes à son encontre ;
- l'en débouter ;
- condamner M. [X] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- lui donner acte en ce qu'elle a réglé à M. [X] l'intégralité de l'indemnité de licenciement qui lui était due ;
- condamner M. [X] aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur les demandes au titre du temps de travail :
- Sur la recevabilité des demandes :
L'employeur soulève la prescription des demandes antérieures au 19 avril 2014.
L'article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Ces dispositions du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l'espèce, l'action ayant été engagée le 18 avril 2017 et la rupture du contrat de travail étant intervenue le 28 mars 2017, M. [X] n'est recevable qu'en ses demandes portant sur les sommes dues postérieurement au 28 mars 2014.
- Sur l'organisation du travail dans l'entreprise :
Le traitement de l'ensemble des demandes du salarié suppose que soit déterminé le régime sous lequel il travaillait.
M. [X] affirme, en substance, qu'il était constamment tenu de rester à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles car il devait répondre immédiatement aux demandes d'interventions et devait être sur les lieux dans les 30 minutes de l'appel en cas de panne ou d'accident. Il soutient qu'il ne travaillait donc pas selon le régime de l'astreinte mais selon celui de la permanence de sorte que l'intégralité de son temps de travail constitue du temps de travail effectif ; que les dispositions de la convention collective en matière d'astreinte n'étaient pas respectées puisque la possibilité d'astreintes n'était pas prévue au contrat de travail et que l'employeur ne lui remettait pas de document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte effectuées au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.
La société expose que, comme tous les dépanneurs, M. [X] avait une organisation d'astreinte qui variait tous les 15 jours : une quinzaine il était d'astreinte du lundi au vendredi de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 17h30 et la quinzaine suivante, il était d'astreinte en dehors de ces horaires, c'est-à-dire entre 12 heures et 14 heures et entre 17h30 et le lendemain 8 heures ainsi que le week-end. Elle affirme que dans l'un ou l'autre cas, il n'était pas tenu de rester à sa disposition permanente étant libre de vaquer à ses obligations personnelles mais pouvait être joint à tout moment pour effectuer des interventions dans un délai maximum de 30 minutes ; qu'ainsi seuls les temps d'intervention constituent du temps de travail effectif.
Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Il se distingue de l'astreinte.
Les demandes de M. [X] portent sur la période antérieure à son accident du 21 octobre 2016 de sorte que deux régimes de l'astreinte sont susceptibles de s'appliquer.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, l'astreinte était définie par l'article L. 3121-5 du code du travail selon lequel une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise et la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. Depuis le 10 août 2016, l'astreinte est définie par l'article L.3121-9 du code du travail selon lequel l'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
Dans les deux cas, l'astreinte est mise en place par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut une convention ou un accord de branche et l'accord collectif fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information, les délais de prévenance des salariés, le délai doit être au minimum un délai raisonnable, et la compensation sous forme financière ou sous forme de repos. A défaut de conclusion d'un accord collectif, les conditions de l'astreinte et les compensations auxquelles elle donne lieu sont fixées par l'employeur après avis du comité d'entreprise ou, en son absence, des délégués du personnel s'il en existe, et, depuis 2016, après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail.
L'article 1.10 e) de la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile, du cycle et du motocycle prévoit :
« 1. Permanences de service
Le service à la clientèle en dehors des heures d'ouverture, notamment dans les activités de dépannage de véhicules, peut nécessiter la mise en place d'une organisation permettant d'offrir ce service à tout instant. Le contrat de travail peut donc comporter une clause d'astreinte.
Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
Pour le calcul de la durée du travail et des éventuelles heures supplémentaires, sont du temps de travail effectif :
' la durée des déplacements effectués dans le cadre des missions exécutées par le salarié ;
' la durée des trajets à partir du domicile du salarié sous astreinte pour se rendre directement sur les lieux d'intervention ou pour y retourner après une intervention, par dérogation à l'article 1.09 a ;
' la durée des interventions sur site.
Les périodes d'astreinte proprement dite ne sont pas du temps de travail effectif.
La programmation individuelle des périodes d'astreinte doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné 15 jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins 1 jour franc à l'avance. Le salarié est tenu de justifier de la nature, du moment et de la durée des interventions effectuées au cours d'une période d'astreinte, selon les modalités pratiques que l'employeur lui aura préalablement communiquées par écrit.
En fin de mois, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d'heures d'astreinte effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.
Les salariés dont le contrat de travail prévoit une clause d'astreinte doivent être normalement assurés de bénéficier, entre chaque période quotidienne de travail, d'un repos au moins égal à 11 heures consécutives. Une compensation en repos devra être donnée d'un commun accord chaque fois que l'interruption entre deux périodes quotidiennes de travail aura été au moins égale à 11 heures, mais non consécutives ; cette compensation devra être plus importante lorsque l'interruption quotidienne sera demeurée au total inférieure à 11 heures.
Les périodes d'astreinte doivent faire l'objet d'une compensation financière, indépendamment du fait qu'elles donnent lieu ou non à des interventions. Cette compensation peut prendre la forme d'une prime mensuelle fixe ou bien d'une prime calculée en fonction du nombre, du moment et de la durée des astreintes effectivement tenues.
La rémunération spécifique des astreintes, leurs modalités (permanence tenue au domicile ou en tout lieu autre que le lieu de travail, contact programmé avec une centrale d'appel...), les conditions de repos journalier et hebdomadaire et les compensations en repos visées ci-avant doivent être indiquées dans le contrat de travail ».
Aucune disposition de la convention collective n'impose à peine de nullité que l'astreinte soit formalisée au contrat de travail. Il suffit que le salarié soit informé de celle-ci et de ses conditions de travail, ce qui est le cas en l'espèce, ces éléments n'étant pas utilement contredits par M. [X] qui n'a pas dénoncé au cours de l'exécution de son contrat de travail un manquement de son employeur quant aux modalités de mise en 'uvre des astreintes.
Il n'est versé aux débats aucune pièce objective, tel qu'un règlement intérieur, établissant l'organisation du temps de travail dans l'entreprise et notamment les modalités selon lesquelles les dépanneurs assuraient leur « permanence de service » au sens de la convention collective.
Les parties s'entendent néanmoins pour dire que M. [X], sans être assigné dans ou à proximité de locaux désignés par l'employeur, devait pendant ses périodes de « permanence », se tenir prêt à répondre à l'appel du dispatcheur de manière à se trouver sur les lieux de l'intervention qui lui était désigné, dans un délai de 30 minutes. Il avait à sa disposition un téléphone portable et son véhicule d'intervention dont il ne conteste pas qu'il pouvait l'utiliser à des fins privées. Il n'avait ainsi d'autre sujétion que celle de répondre immédiatement aux appels et pouvait donc, entre les interventions, vaquer librement à ses occupations personnelles de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'il était tenu de se maintenir de manière permanente et immédiate à la disposition de l'employeur.
Il était ainsi soumis au régime de l'astreinte tel que défini par la convention collective et seule la durée des interventions et des trajets qui l'entourent doit être considérée comme du temps de travail effectif.
- Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
M. [X] soutient que le fait pour la société de rémunérer les heures supplémentaires sous forme de commissions sur le chiffre d'affaires réalisé contrevient aux dispositions d'ordre public du code du travail, qu'il n'y a pas consenti, cette forme de rémunération lui ayant été imposée et que par conséquent elle ne peut lui être opposée.
L'employeur répond que conformément à la convention collective, il était convenu avec l'ensemble des salariés en 2000, le versement de commissions sur le chiffre d'affaires réalisé sur les dépannages en dehors des heures habituelles d'ouverture de la société destiné à rémunérer les astreintes, les heures supplémentaires ainsi que les repos compensateurs dus lors du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures, que lors de son embauche M. [X] a bénéficié de cette formule particulièrement avantageuse sans que cela suscite la moindre observation de sa part pendant toute la durée de la relation contractuelle.
Aux termes de l'article 1.09 bis de la convention collective applicable, « lorsque les dépassements fréquents ou répétitifs de l'horaire collectif sont prévisibles, le paiement des heures supplémentaires peut être inclus dans la rémunération mensuelle sous forme de forfait, le nombre d'heures sur lequel est calculé le forfait doit être déterminé en respectant la limite du nombre d'heures prévu par le contingent annuel d'heures supplémentaires visé 1.09 bis ou exceptionnellement d'un nombre supérieur autorisé par l'inspection du travail. L'inclusion du paiement des heures supplémentaires dans la rémunération forfaitaire ne se présume pas, elle doit résulter d'un accord de volonté non équivoque des parties, d'une disposition expresse du contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci.
La rémunération forfaitaire convenue doit être au moins égale au minimum mensuel garanti applicable au salarié, complété par une majoration pour les heures supplémentaires comprises dans le forfait, majoration calculée comme indiqué à l'annexe 'salaires minima'. Ce forfait s'accompagne d'un mode de contrôle de la durée réelle du travail, qui doit être conforme aux prescriptions de l'article 1.09.a » .
La société ne produit pas l'accord expresse de M. [X] à l'application d'une clause de forfait conduisant à la rémunération de ses heures supplémentaires sous forme d'une commission sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé de nuit, l'absence de contestation n'équivalant pas à un accord de volonté non équivoque. De plus, elle n'a pas mis en place de mode de contrôle de la durée réelle du travail. En conséquence, la clause de forfait est inopposable au salarié qui est fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires réalisées.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [X] verse aux débats des récapitulatifs des heures supplémentaires qu'il réclame, les décomptes mensuels des pourcentages sur chiffre d'affaires versés par l'employeur au titre des astreintes auxquels il a ajouté manuscritement des décomptes d'heures, des calendriers de semaines de permanence, le rapport remis par l'inspection du travail sur demande d'avis technique du parquet de Senlis ainsi que ses bulletins de paie.
Même s'il compte à tort ses temps d'astreinte hors intervention comme du temps de travail effectif, il présente ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
Ce dernier fait valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué des heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été payées et qu'en toute hypothèse la rémunération fixe ajoutée à la rémunération variable qu'il a perçue lui ont permis de percevoir une rémunération supérieure à son salaire de base majoré des heures supplémentaires qu'il aurait pu effectuer et des repos compensateurs associés pour heures dépassant le contingent.
Il verse aux débats les données de géolocalisation du véhicule d'intervention mis à la disposition du salarié, le rapport de la mission de contrôle des heures d'interventions effectuées et indemnisées durant les années 2014, 2015 et 2016, les plannings et calendriers des dépanneurs, des attestations de collaborateurs.
L'expert-comptable expose qu'il a basé son analyse sur le récapitulatif des heures supplémentaires établi par le salarié, l'ensemble des bulletins de paie et les états détaillés papier et informatique des relevés d'interventions de dépannage des 42 derniers mois de travail de M. [X] issus du logiciel de gestion des dépannages dont il n'est pas démontré qu'il serait falsifiable de sorte que le résultat de cette étude n'est pas utilement contesté par le salarié.
Il résulte de ce rapport que le cumul annuel d'heures effectivement travaillées a été systématiquement largement inférieur au cumul d'heures d'interventions payées :
Année
Heures d'intervention annuelles
Heures payées
2014
1 468,14
1 818,55
2015
1 448,58
1 808,45
2016 sur 10 mois
1 329,26
1 580,00
Les factures d'interventions comprennent nécessairement le temps aller et retour pour se rendre sur les lieux de la panne ou de l'accident.
Les « récapitulatifs salaires » annuels rédigés manuscritement par le salarié aux termes desquels il récapitule le « temps de travail éfféctif durant l'astreinte » montrent également une durée de travail effectif bien inférieure à celle qui a été rémunérée par l'employeur, la durée de 151,67 heures plus 10,83 heures supplémentaires à 25% n'étant jamais atteinte. Selon ces tableaux, le temps de travail effectif a même été bien moindre que celui retenu par l'expert-comptable.
Par ailleurs, le rapport de l'inspection du travail n'est pas probant dès lors que le soit-transmis du juge d'instruction ne vise la mise à disposition de l'inspecteur d'autre pièce que celles fournies par le salarié lui-même de sorte qu'il n'est pas certain que cette étude ait été menée contradictoirement et que son auteur conclut en tout état de cause que ces pièces ne permettent pas de connaître la réalité du temps de travail de M. [X].
La cour, au vu des éléments produits de part et d'autres et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, a la conviction que M. [X] n'a pas exécuté les heures supplémentaires dont il réclame le paiement et a été rempli de ses droits.
En l'absence d'heures supplémentaires, les demandes au titre des repos compensateurs ne sont pas fondées.
De même, la demande au titre du travail dissimulé, qui repose sur le postulat que des heures supplémentaires ont été exécutées et non payées, ne peut qu'être rejetée.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a rejeté les demandes de ces chefs.
- Sur la demande au titre de la durée légale du travail :
Le salarié soutient que le Garage du poteau le faisait travailler au-delà des limites légales exécutant régulièrement des semaines de plus de 48 heures voire souvent de plus de 100 heures et des journées de plus de 10 heures pouvant aller jusqu'à 15 à 20 heures. Il ajoute que l'employeur ne respectait pas non plus les règles d'ordre public concernant le repos journalier et le repos hebdomadaire. Il s'appuie notamment sur une attestation qu'il attribue à la société certifiant qu'il a travaillé 278 jours au cours de l'année 2013.
La société répond qu'elle a toujours respecté les règles sur le repos quotidien et le repos hebdomadaire lorsque le salarié n'était pas de permanence et qu'elle était autorisée à y déroger lorsqu'il était de permanence par application des dispositions des articles L. 3132-4 et D. 3131-5 du code du travail et qu'en toute hypothèse, il a eu des périodes de repos conséquentes. Elle dénie la véracité de l'attestation invoquée par le salarié, estimant que celle-ci doit être écartée des débats.
Le document litigieux est une attestation employeur selon laquelle le Garage du poteau certifie que M. [X] a été présent 278 jours dans l'entreprise pour l'année 2013 congés et jours fériés déduits. La signature n'est pas identifiable néanmoins est apposé sur ce document le tampon de la société ce qui permet de l'authentifier.
La cour rappelle que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
En application de l'article L.3121-10 du code du travail, en dehors des périodes d'intervention, qui sont décomptées dans le temps de travail effectif, le temps d'astreinte est pris en compte pour le calcul du repos quotidien et du repos hebdomadaire de sorte que le temps d'astreinte est intégralement décompté comme temps de repos.
Par ailleurs, un régime particulier est applicable au repos hebdomadaire et au repos quotidien lorsque l'intervention faite au cours de l'astreinte répond aux besoins de travaux urgents destinés à préserver la sécurité des biens et des personnes. Dans ce cas, le repos hebdomadaire peut être suspendu avec un repos compensateur prévu ultérieurement et il peut être dérogé au repos quotidien.
L'article L. 3132-1 du code du travail interdit d'occuper un même salarié plus de 6 jours par semaine.
Selon l'article L. 3132-2, le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de 24 heures auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1er.
L'article L. 3131-1 dispose que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.
En application de l'article L. 3131-2, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut de convention ou un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions déterminées par décret notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnée.
Aux termes de la convention collective déjà citée les salariés dont le contrat de travail prévoit une clause d'astreinte doivent être normalement assurés de bénéficier, entre chaque période quotidienne de travail, d'un repos au moins égal à 11 heures consécutives. Une compensation en repos devra être donnée d'un commun accord chaque fois que l'interruption entre deux périodes quotidiennes de travail aura été au moins égale à 11 heures, mais non consécutives ; cette compensation devra être plus importante lorsque l'interruption quotidienne sera demeurée au total inférieure à 11 heures.
Au cas d'espèce, l'employeur reconnaît que l'astreinte était organisée par période de 15 jours au cours de laquelle le dépanneur pouvait être joint à tout moment pour effectuer des interventions de jour comme de nuit et le week-end, prioritairement en dehors des horaires habituels d'ouverture de la société, mais également pendant ces horaires, lorsque l'autre équipe de dépanneurs était totalement occupée (cf page 7 des conclusions de la société).
Cette organisation de l'astreinte peut conduire à ce que le salarié qui y est soumis dépasse la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail puisqu'il est susceptible de travailler de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 17h30 puis entre 17h30 et 8 heures le lendemain matin ceci pendant 15 jours d'affilé.
Or, l'analyse des tableaux récapitulatifs des heures effectuées rédigés par l'expert-comptable montre que, sur toute la période considérée, il arrivait souvent que le salarié ne bénéficie pas d'un temps de repos quotidien de 11 heures. Ainsi, par exemple, le 5 janvier 2015, la première intervention a eu lieu à 8h32, elle a été suivie de six autres, la dernière s'étant terminée à 0h15. La première intervention le 6 janvier a eu lieu à 6h30. Le 13 septembre 2016, la première intervention a commencé à 1h30 du matin, le salarié en a eu neuf dans la journée, il a terminé à 19h25 pour reprendre le mercredi 14 septembre à 0h50. Le 22 septembre 2016, le salarié a commencé ses interventions à 10h45, en a eu six dans la journée, a terminé à 20 heures10 pour reprendre à 5h45 le lendemain. Le 21 novembre 2015, le salarié a débuté sa journée par une intervention à 0h30, il a enchaîné neuf interventions jusqu'à 22 heures avant de reprendre le lendemain à 1h15.
La lecture des tableaux montre également que M. [X] était amené régulièrement à travailler plus de sept jours sans bénéficier de jour de repos.
Les dispositions dérogatoires relatives aux travaux urgents n'est pas applicable en l'espèce.
Il incombe donc à la société de rapporter la preuve de ce qu'elle a respecté les dispositions de la convention collective à ce sujet, or, elle ne produit pas de pièce en ce sens se contentant de procéder par voie d'affirmation alors que, selon la convention collective, elle était tenue de remettre au salarié à la fin de chaque mois undocument récapitulant le nombre d'heures d'astreinte effectuées par le salarié au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.
Le non-respect de ces obligations essentielles à la santé de M. [X] a privé celui-ci d'une partie de son droit à repos et l'a exposé à une fatigue accrue, caractérisant l'existence d'un préjudice qui sera réparé par l'octroi de la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts.
2/ Sur le licenciement :
- Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité :
M. [X] fait valoir que le non-respect par l'employeur de l'obligation de sécurité pesant sur lui est à l'origine de l'accident survenu le 21 octobre 2016 dont la cause directe est à la fois une surcharge habituelle du véhicule signalée par la société Dekra et le temps de travail colossal qui lui était imposé à l'origine d'une fatigue excessive et de ses conséquences sur sa santé, de l'atteinte psychologique grave l'ayant simultanément affecté et de la durée excessive de travail qui lui était imposée. Il affirme que la veille de l'accident il avait travaillé de 6h31 à 21h27 soit une durée de travail de 12h55 et qu'il a effectué son premier dépannage à 6h15 sans avoir bénéficié d'une coupure de 11 heures minimum et que cela a nécessairement eu un rôle causal dans l'accident.
Il ajoute que son état de santé s'est considérablement altéré du fait du harcèlement et de la discrimination endurée.
Il sollicite des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et soutient que son inaptitude d'origine professionnelle provient exclusivement du manquement de l'employeur ce qui a pour conséquence de priver son licenciement de cause réelle et sérieuse.
La société soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts comme nouvelle en appel.
Sur le fond, elle allègue que le salarié n'était pas soumis à une cadence de travail exceptionnelle le jour où l'accident est intervenu puisque, au cours des quatre semaines qui ont précédé celui-ci son temps de travail s'est élevé à 22,4 heures par semaine, qu'il a été en repos deux jours consécutifs les 15 et 16 octobre 2016, que la veille de l'accident il avait travaillé 7h35 et que le jour même il avait effectué deux interventions pour une durée d'un peu plus de deux heures. Elle affirme que le temps de repos quotidien et hebdomadaire a été largement respecté.
Elle ajoute qu'en toute hypothèse, un défaut de respect de la durée du travail, à supposer qu'il soit à l'origine de l'accident, ne pourrait qu'être constitutif d'un élément à l'appui d'une action reconnaissance d'une faute inexcusable en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ou d'une réclamation au titre du non-respect de l'obligation de résultat, ces deux actions étant de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire.
Il soutient encore que le véhicule utilisé le jour de l'accident était parfaitement entretenu, que le dernier contrôle technique ne mentionnait aucune réserve relative à une éventuelle surcharge, que M. [X] en qualité de chauffeur d'un véhicule poids-lourds était seul responsable de son chargement et qu'il n'est pas établi que les circonstances de l'accident soient dues à une défectuosité du véhicule.
* Sur la recevabilité de la demande de dommages-intérêts :
Par application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les articles 565 et 566 du même code précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
M. [X] n'avait pas formé devant le conseil de prud'hommes de demande indemnitaire fondée sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de sorte qu'il n'est pas recevable à former une telle prétention en cause d'appel.
Néanmoins, l'existence d'un tel manquement doit être examiné comme moyen au soutien de la demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* Sur le fond :
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité. En cas de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, le licenciement pour inaptitude du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ainsi, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration de situations existantes. Il appartient à l'employeur dont le salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité. Si l'inaptitude du salarié à la suite d'un accident du travail résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le salarié licencié pour inaptitude est recevable à demander des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il appartient au juge de rechercher lorsqu'il y est invité, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité et, dans une telle hypothèse de caractériser le lien entre la maladie du salarié et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
En l'espèce, M. [X] invoque une discrimination et du harcèlement moral sans toutefois développer la moindre argumentation de ce chef.
Aux termes de son procès-verbal dressé le 25 avril 2017, le gendarme écrit que la version du salarié selon laquelle l'accident fait suite au poids excessif du véhicule qui le rendait difficilement manoeuvrable, est incompatible avec son constat sur les lieux. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen.
À la lecture des tableaux de l'expert-comptable, il apparaît que le 17 octobre 2016 le salarié a effectivement travaillé 1h25 (une intervention entre 9 heures et 10h25), le 18 octobre 1h46 (une intervention entre 10h12 et midi), le 19 octobre 1h10 (une intervention entre 10h50 et midi).
Le 20 octobre il a commencé sa journée à 8h37 et l'a terminée à 20h40, intervenant à six reprises, et le lendemain, sa première intervention a eu lieu à 6h02. Au moment de l'accident, il avait effectué deux dépannages pour une durée totale de 3h14. Il en résulte que sur la semaine M. [X] n'a pas été soumis à une cadence de travail excessive mais qu'en revanche il n'a pas bénéficié d'un repos au moins égal à 11 heures entre la veille et le jour de l'accident.
La visite de reprise à l'occasion de laquelle M. [X] a été définitivement déclaré inapte à la reprise du travail fait suite à un accident de travail, il incombe donc à la société Garage du poteau de Senlis de rapporter la preuve que cet accident a une cause totalement étrangère au manquement qui lui est à juste titre reproché. Dès lors qu'elle ne rapporte pas cette preuve, le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
* Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
M. [X] soutient que l'ancienneté à prendre en compte remonte au 24 octobre 1994 de sorte qu'il lui est dû un reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement de 31 854,40 euros.
La société répond que le salarié a fait l'objet d'une embauche précédente pour la période du 24 octobre 1994 au 31 mars 2000 date à laquelle il a démissionné, que conformément à la convention collective, elle a pris en compte cette ancienneté pour le calcul de l'indemnité de licenciement et qu'à ce titre il n'est dû que la somme de 17 854 euros au regard du salaire moyen des trois derniers mois plus favorable que la moyenne des 12 derniers mois et que cette somme a été réglée.
En application de l'article L. 1226- 14 du code du travail, le salarié a droit à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.234-9.
Les parties étant d'accord pour prendre en compte l'ancienneté qui s'est écoulée entre le 24 octobre 1994 et le 31 mars 2000, M. [X] peut prétendre à une ancienneté de 18 ans et 6 mois de sorte que le calcul de l'employeur, qui retient à juste titre comme plus favorable au salarié le salaire moyen des trois derniers mois, doit être validé, étant observé que M. [X] ne s'explique pas sur le sien.
La somme de 17 854 euros ayant été réglée, il n'est plus rien dû à ce titre de la part de l'employeur.
Il y a lieu à confirmation du jugement sur ce point.
* Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
A la lecture du registre unique du personnel, il apparaît que la société compte habituellement moins de 11 salariés.
Le licenciement étant abusif, le salarié a droit à des dommages et intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable à la cause.
M. [X] justifie de ce que, à la date du 19 février 2021, il n'avait pas repris le travail étant toujours en arrêt maladie à la suite de son accident du 21 octobre 2016.
En considération des circonstances de la rupture, de son ancienneté, de son âge, de sa formation et de ses capacités à retrouver un emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer l'évaluation de son préjudice à la somme indiquée au dispositif de l'arrêt.
3/ Sur la demande de rappel de salaire :
M. [X] allègue que l'employeur a abusivement retenu trois jours de salaire sur le solde de tout compte correspondant à une période où l'employeur, à l'issue de la période de sept jours postérieure à la fin de son arrêt de travail, est tenu, en l'absence de visite de reprise par la médecine du travail, de reprendre le paiement du salaire.
Pour s'y opposer, la société soutient que le salarié n'a justifié d'aucun arrêt de travail pour la période du 2 au 13 janvier 2017, ni d'aucun autre motif d'absence de sorte qu'aucun salaire ne lui est dû.
M. [X] ne produit pas d'arrêt de travail pour la période du 2 au 13 janvier 2017, l'employeur était donc fondé à déduire le salaire versé à tort pour cette période du solde de tout compte. Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé de ce chef.
4/ Sur les demandes accessoires :
Les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et les demandes de nature indemnitaire à compter du présent arrêt.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais qu'il a engagés pour le procès en première instance et en appel. Il sera fait droit à sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme précisée au dispositif tandis que la même demande présentée par la société sera rejetée.
Cette dernière, qui perd le procès pour l'essentiel, devra en supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, du repos compensateur et des congés payés afférents, du travail dissimulé, du rappel de salaire au titre de la retenue sur solde de tout compte et des congés payés y afférents et en ce qu'il a débouté la société Garage du poteau de Senlis de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
l'infirme pour le surplus,
statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
déclare irrecevable la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 28 mars 2014,
déclare irrecevable la demande de M. [X] tendant à voir condamner la société du Garage du poteau de Senlis au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,
condamne la société Garage du poteau de Senlis à payer à M. [X] les sommes suivantes :
- 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la durée légale du travail,
- 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
dit que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et les demandes de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,
rejette toute autre demande,
condamne la société Garage du poteau de Senlis aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.