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19/05/2022 | FRANCE | N°21/02966

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 19 mai 2022, 21/02966


ARRET







Association AMSAM





C/



[E]



























































copie exécutoire

le 19 mai 2022

à

Me Clavel,

Me Tétard

CB/MR



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 19 MAI 2022



*****************************

********************************

N° RG 21/02966 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID6W



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 19 MAI 2021 (référence dossier N° RG F20/00100)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Association AMSAM

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée, concluant et plaidant par Me Stéphanie CLAVEL de la SELARL CLA...

ARRET

Association AMSAM

C/

[E]

copie exécutoire

le 19 mai 2022

à

Me Clavel,

Me Tétard

CB/MR

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 19 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/02966 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID6W

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 19 MAI 2021 (référence dossier N° RG F20/00100)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Association AMSAM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Stéphanie CLAVEL de la SELARL CLAVEL-DELACOURT, avocat au barreau de SOISSONS

ET :

INTIMEE

Madame [M] [E] épouse [J]

née le 26 Février 1971 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

concluant par Me Virginie TETARD, avocat au barreau de SOISSONS

DEBATS :

A l'audience publique du 24 mars 2022, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- Me Clavel en ses conclusions et plaidoirie

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 19 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 19 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [J] a été embauchée au terme d'un contrat à durée déterminée, le 13 juillet 1992, puis par contrat à durée indéterminée le 4 février 1993 par l'association médico-sociale Anne Morgan, en qualité d'aide ménagère.

La relation de travail s'est poursuivie à compter du 16 avril 2007, sur un poste d'employée de maison à temps partiel modulé.

La convention collective applicable est celle de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

La société emploie plus de onze salariés (399 selon l'appelante, 411 selon l'intimée).

Mme [J] a été convoquée le 10 mars 2020 à un entretien préalable qui s'est tenu le 18 mars 2020, et elle a été mise à pied à titre conservatoire à compter du 11 mars 2020.

Par courrier en date du 3 août 2020, la salariée a été licenciée pour faute grave dans les termes suivants :

Nous avons eu à déplorer de votre part un comportement constitutif d'une faute grave.

En effet, au cours de ces dernières semaines, nous avons recueilli plusieurs plaintes d'usagers pour lesquels vous intervenez à domicile, portant sur des disparitions de sommes d'argent, de bijoux et de bouteilles d'alcool.

Ces plaintes ont récemment été portées à notre connaissance, alors que Madame [A] [Y], usager, a déposé plainte pour vol auprès du commissariat de [Localité 3] le 20 décembre 2019.

Plus récemment, un autre usager, Monsieur [R] [F], nous a alerté par courrier du 21 février 2020 qu'il avait constaté qu'après votre passage, plusieurs centaines d'euros ainsi que des bouteilles d'alcool avaient disparu.

Plus récemment encore, un autre usager, Madame [P] [H], a constaté que vous lui aviez volé de l'argent et de la nourriture et nous a alertés le 11 mars dernier de ces ces faits.

Elle a ajouté qu'elle n'avait plus confiance et que depuis elle avait confié ses espèces à sa voisine, pour plus de sûreté.

Enfin, vous n'avez pas respecté le planning de travail pour la journée du 21 février 2020.

De votre propre chef et sans en avertir votre responsable de secteur, vous vous êtes présentée au domicile de Madame [W] le matin, au lieu de 17H et chez Madame [D] en début de soirée, au lieu de 16H40, perturbant ces deux bénéficiaires, âgées et fragiles.

L'ensemble de ces agissements sont constitutifs d'une faute grave et mettent en cause la bonne marche du service.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 18 mars 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien au sein de l'association s'avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 2 avril 2020, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par conséquent, la période non travaillée du 11 mars au 02 avril 2020, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.

Par requête du 31 juillet 2020, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Soissons, qui par jugement du 19 mai 2021, a :

- dit que le licenciement de Mme [J] était sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamné l'association médico-sociale Anne Morgan, prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [J] :

- la somme de 25 308,95 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- la somme de 2 664,10 euros d'indemnités de préavis

- la somme de 11 063,40 euros d'indemnité de licenciement ;

- condamné l'association médico-sociale Anne Morgan prise en la personne de son représentant légal, à fournir les documents de fin de contrat rectifiés de la décision (attestation Pôle Emploi, bulletins de salaire, solde de tout compte) sous astreinte de 50 Euros par jour à compter de la mise à disposition du jugement ;

- débouté Mme [J] de sa demande de 1 332,05 euros pour non respect de la procédure de licenciement ;

- débouté Mme [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'association médico-sociale Anne Morgan, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens ;

- débouté l'association médico-sociale Anne Morgan, prise en la personne de son représentant légal, de ses demandes reconventionnelles.

Ce jugement a été notifié le 26 mai 2021 à l'association médico-sociale Anne Morgan qui en a relevé appel le 9 juin 2021

Mme [J] a constitué avocat le 18 juin 2021.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 décembre 2021, l'association médico-sociale Anne Morgan prie la cour de :

- dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Mme [J] le 1er avril 2020 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- dire et juger subsidiairement que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder une indemnité équivalente à 3 mois de salaire ;

- dire et juger que la remise au salarié des documents sociaux rectifiés post-jugement ne seront assortis d'aucune astreinte et subsidiairement de n'ordonner cette astreinte de 50 euros par jour de retard qu'à l'issue d'une période de 30 jours suivant la mise à disposition du jugement ;

- confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

- déclarer Mme [J] mal fondée en son appel incident ;

- débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, à hauteur de la somme de 1 332,05 euros ;

- débouter Mme [J] de sa demande de communication des documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à compter de la mise à disposition de l'arrêt et subsidiairement, dire que l'astreinte ne saurait être effective qu'à compter d'un délai de 30 jours à compter de la mise à disposition de l'arrêt ;

- condamner Mme [J] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 janvier 2022, Mme [J] prie la cour de :

- confirmer le jugement du 19 mai 2021 rendu par le conseil de prud'hommes de Soissons en toutes ses dispositions ;

- l'accueillir en son appel incident sur le point précis des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;

- débouter l'association médico-sociale Anne Morgan de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;

- dire et juger que les faits invoqués par l'employeur concernant Madame [Y] [A] dans sa lettre de licenciement du 02 avril 2020 sont prescrits au visa de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- dire et juger que les faits invoqués par l'employeur dans sa lettre de licenciement du 2 avril 2020 ne sont nullement établis ;

- dire et juger que le licenciement prononcé à son encontre est abusif ;

- débouter l'association médico-sociale Anne Morgan de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;

- condamner l'association médico-sociale Anne Morgan à lui payer les sommes suivantes :

- 25 308,95 euros brut à titre de de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- 2 664,10 euros brut à titre d'indemnité de préavis

- 11 063,40 euros brut à titre d'indemnité légale de licenciement

- 1 332,05 euros brut à titre de de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

- remise du certificat de travail rectifié sous astreinte de 80 Euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir

- remise de l'attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 80 Euros par jour de

retard à compter de l'arrêt à intervenir

- remise du solde de tout compte rectifié, du bulletin de paie d'avril 2020 rectifié sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

-condamner l'association médico-sociale Anne Morgan à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'association médico-sociale Anne Morgan aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Tetard, membre associé de la SEP Court-Poirette-Appriou-Tetard, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2022 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 24 mars 2022.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

L'association médico-sociale Anne Morgan expose que la prescription des faits fautifs de vol au préjudice de Mme [Y] n'est pas acquise car dés qu'elle en a eu connaissance elle a fait diligenter une enquête préalable qui lui a permis de découvrir en février 2020 l'existence d'autres vols au préjudice d'usagers, qu'elle a entamé la procédure de licenciement en mars 2020, dans un délai de deux mois à compter de le prise de connaissance des résultats de l'enquête.

Elle s'étonne des dénégations de la salariée qui est mise en cause par d'autres accusations de vols, que la plainte de Mme [Y] a été déposée par elle-même sans l'intervention de son fils, que le fait que la plainte ait été classée sans suite n'enlève pas aux faits leur caractère fautif, que des faits de même nature avaient déjà été invoqués par d'autres usagers sans donner lieu à une plainte pénale, que M. [F] et Mme [H] avaient aussi déposé plainte avec des propos cohérents malgré leurs âges, qu'en application du règlement intérieur la salariée ne pouvait accepter un cadeau de l'usager.

L'employeur fait état du non respect du planning de travail le 21 février 2020 par la salariée, qu'elle a modifié le planning de sa propre initiative sans en référer à sa supérieure hiérarchique, perturbant l'usager, personne âgée fragile qui s'est plainte du changement, que cette perturbation constitue une faute grave.

Mme [J] conteste les vols qui lui sont imputés, réplique que les deux plaintes pénales de Mme [Y] et de M. [F] ont été classées sans suite ; elle soulève la prescription de la procédure de licenciement car dés décembre 2019 l'employeur savait que Mme [Y] l'avait accusé d'avoir commis des vols à son domicile, qu'il l'avait convoqué fin décembre 2019 pour lui faire part des accusations de l'usager.

Sur les faits de vol, elle rapporte que l'employeur avait diligenter une enquête mais sans entendre les autres salariées intervenant au domicile de Mme [Y], que celle-ci souffre de pertes de mémoire, reçoit son fils qui lui avait fait faire des dépenses inutiles et qu'elle avait dû engager une procédure de rétablissement personnel, que l'usager l'avait déjà accusée de vol, l'objet avait été retrouvé.

Elle précise être intervenue au domicile des époux [F] en remplacement d'une collègue, qu'à l'annonce du retour de celle-ci, M. [F] lui a offert une bouteille de champagne en remerciements même si sa collègue n'est en fait pas revenue travailler à la date prévue, qu'en tout état de cause le 13 février l'employeur avait été informé par M.[F] du vol qu'elle aurait commis à son domicile, qu'il n'a déposé de plainte qu'en juillet 2020, classée sans suite en 2022.

Elle relate être intervenue au domicile de Mme [H] qui s'était plainte du comportement de sa fille qu'elle soupçonnait d'utiliser sa carte bancaire et son code pour effectuer des retraits et qui avait pris une boîte à chaussures contenant des liquidités, qu'après intervention du conseiller bancaire, elle s'était disputé avec sa fille à ce sujet, qu'une voisine signait des chèques pour Mme [H] ;

Sur le non respect du planning invoqué par l'employeur, elle argue que le planning a été modifié en dernière minute par l'employeur lui-même pour pourvoir au remplacement d'un salarié absent, que ne voulant pas être en contact avec un chien agressif elle est intervenue chez Mme [W] le matin, avec son accord puis chez Mme [D], sans que cela ne désorganise le service.

Plus globalement la salariée indique n'avoir jamais fait l'objet d'une enquête pénale et n'avoir jamais été sanctionnée disciplinairement en 28 ans de carrière, qu'elle n'a pas été mise à pied de façon conservatoire alors que l'employeur faisait état de vols au préjudice des usagers.

Sur ce

Sur la prescription

En application de l'article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que sous cette réserve, le licenciement disciplinaire prononcé à raison de faits connus de plus de deux mois par l'employeur est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, l'employeur produit un courriel du 13 février 2020 indiquant que l'association avait eu connaissance des accusations de Mme [Y], que Mme [L] (chef de services de l'association) avait pris la précaution de procéder à une enquête préalable en recueillant les récriminations de la salariée incriminée fin décembre 2019.

L'employeur avait donc connaissance de la mise en cause de la salariée pour des faits graves dés décembre 2019, ce qui correspond à la date de la plainte de Mme [Y] le 27 décembre 2019.

Ce fait de vol à l'encontre de Mme [Y] n'était pas isolé puisque l'association a été alertée par M. [F] de faits de même nature le 13 février 2020 ( qui a confirmé ses dires par courrier du 21 février 2020) et par Mme [H] quelques semaines avant le 11 mars 2020.

Il s'agit du même type de comportement, réitéré sur la période comprise entre décembre 2019 et février 2020.

En outre, il ne peut être reproché à l'employeur de procéder à une enquête afin de déterminer la réalité des accusations de vols des usagers à l'encontre de Mme [J]. Un délai peut être nécessaire à l'employeur après révélation de la faute commise par le salarié pour s'assurer de l'existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité.

Dans cette hypothèse le délai débute à compter du jour où l'employeur a considéré que la salariée s'était rendue coupable de vols au domicile des usagers.

L'appréciation du délai de prescription doit se faire au regard non d'un premier fait dénoncé mais du fait de la succession de faits au regard de leur ensemble et porté à la connaissance de l'employeur.

Il s'ensuit que l'employeur a eu pleinement connaissance des faits de vols reprochés le 13 février 2020 soit moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement par la convocation de la salariée à entretien préalable le 10 mars 2020.

Le délai de prescription n'est pas acquis.

Sur le fond

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l'existence d'une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s'entend d'une faute constitutive d'un manquement tel qu'il rend impossible la poursuite du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il convient de reprendre les faits invoqués par l'employeur pour chacun des usagers.

La cour rappelle que le classement sans suite de plaintes, étant dépourvu d'autorité de la chose jugée, n'a pas d'effet sur la possibilité pour l'employeur de sanctionner le salarié visé par une plainte pénale classée sans suite par le parquet.

Le rapport d'enquête qu'aurait réalisé l'employeur n'est pas produit et il apparaît qu'il n'y ait pas eu de compte rendu.

Mme [Y] entendue par les services de police a fait état de vols qu'aurait commis Mme [J] affirmant que des liquidités et des bijoux avaient disparu alors que seule la salariée se rendait à son domicile.

Toutefois sur interrogations, elle indiquait que son fils, sa belle-fille, une aide-ménagère venaient aussi à son domicile. Par ailleurs, la salariée soutient, sans être démentie factuellement par l'employeur, d'une part que Mme [Y] serait sujette aux pertes de mémoire depuis quelques années, qu'elle se plaignait que son fils lui faisait faire des dépenses importantes et inutiles, que celui-ci serait passionné de jeux de grattage venait la voir régulièrement pour obtenir de l'argent, qu'elle avait informé l'autre aide-ménagère qu'il lui avait pris de l'argent dans son porte-monnaie et d'autre part que par le passé elle l'avait déjà accusé de vol pour s'apercevoir ensuite que l'objet qui aurait été volé avait été retrouvé.

M. [F], entendu lui aussi par les services de police fait état de bouteilles d'alcool et de liquidités disparues en mettant en cause la salariée. La cour observe que si ses déclarations sont plus claires que celles de Mme [Y], il n'indique pas si des personnes extérieures sont reçues au domicile, ce qui est un élément essentiel. Il n'a pas pris la salariée sur le fait si bien qu'il persiste un doute sur l'identité de l'auteur des vols chez M. [F].

L'employeur argue de faits de vols chez Mme [H] et produit à cet effet un courriel daté du 11 mars 2020 échangé entre Mme [S] responsable de secteur et Mme [L] faisant état d'une conversation avec Mme [H] qui avait affirmé que [M] lui avait volé de l'argent et de la nourriture, environ trois semaines auparavant, qu'elle avait confié son argent liquide à la voisine, ce que cette dernière avait confirmé.

La cour relève que Mme [H] n'a pas déposé de plainte ni rédigé de courrier, qu'en outre, la salariée non démentie factuellement par l'employeur, affirme que cette bénéficiaire lui avait confié que sa fille usait de sa carte bancaire et avait pris une somme de 5000 euros dans une boîte à chaussures si bien qu'elle lui avait conseillé de prendre contact avec la conseillère bancaire ce qui avait provoqué le courroux de sa fille, que la voisine se rendait à son domicile et signait même des chèques pour elle.

L'employeur soutient que des plaintes ont été émises par d'autres usagers, notamment Mesdames [U], [N] et [T], cette dernière refusant de déposer plainte soutenant qu'elle n'aurait pas de poids car le fils de Mme [J] serait gendarme.

Toutefois celui ci a attesté être toujours à la charge de ses parents, ne disposant pas d'emploi, ce qui contredit cette assertion.

Mme [U] et sa fille ont attesté. La fille de Mme [U] précise que sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer l'accuse couramment de vols qui s'avèrent inexistants, qu'elles sont très satisfaites des services de Mme [J].

Au regard des pièces produites et des moyens débattus, la cour juge que les vols commis par Mme [J] ne sont pas établis.

Par ailleurs l'employeur invoque le non-respect du planning du 21 février 2020 qui a perturbé les bénéficiaires âgés et fragiles.

A l'appui de cette faute l'employeur verse un courriel échangé entre Mme [S] et Mme [L] relatif à un badge de l'Ansam retrouvé par deux usagers.

La cour relève d'une part que l'employeur ne verse pas le planning prévu affirmant pourtant que la salariée ne l'aurait pas respecté, celle-ci indique au contraire que l'association lui a demandé de modifier un urgence le planning pour se rendre chez deux personnes, ce qu'elle a fait en se rendant chez Mme [W] non à 17 heures comme prévu mais le matin pour éviter d'être en contact avec le chien agressif de la personne hébergée par la bénéficiaire.

D'autre part, l'employeur qui supporte la charge de la preuve de la faute grave, ne produit aucune pièce sur la perturbation qu'aurait entraîné la venue de Mme [J] à une heure non prévue.

Ce second grief n'est donc pas établi.

Les pièces et documents versés aux débats ne permettent pas de tenir pour établis les griefs constitutifs de faute grave énoncés dans le lettre de notification du licenciement; par confirmation du jugement, la cour juge le licenciement de Mme [J] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [J] sollicite la confirmation du jugement sur l'ensemble des indemnités de préavis, de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'Ansam soutient que les premiers juges ont fixé l'indemnisation sur la fourchette haute du barème d'indemnisation alors que la salariée est encore en âge de travailler et ne souffre d'aucune pathologie.

Sur ce

Le licenciement ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, la salariée a droit au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois telle que prévue par l'article 26 de la convention collective nationale et de l'indemnité de licenciement ; le conseil des prud'hommes a condamné l'employeur sur ce deux chefs de demandes, non contestés dans leur quantum, le jugement est confirmé sur ces points.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au regard de la date du licenciement il doit être fait application de l'article L.1235-3 du code du travail, qui prévoit que la salariée ayant au jour du licenciement une ancienneté de 27 ans révolu, dans une entreprise de plus de 11 salariés, elle est en droit d'obtenir entre 3 et 19,5 mois de salaires bruts en sus des indemnités de rupture.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [J], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [J] doit être évaluée à la somme correspondant à 19 mois de salaires.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'Ansam à payer à Mme [J] la somme de 25 308,95 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande au titre de la procédure irrégulière

La salariée sollicite la réformation du jugement qui a octroyé à la salariée une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement soutenant que lors de l'entretien préalable l'employeur n'avait fait état que des reproches envers Mme [Y] mais pas de ceux relatifs à M. [F] et à Mme [H].

L'Ansam s'oppose au paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement affirmant que les trois griefs relatifs aux vols invoqués avaient été exposés lors de l'entretien préalable.

Sur ce

Mme [J] sollicite une indemnisation pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Cependant il n'est pas possible de cumuler des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité pour irrégularité de la procédure lorsque le salarié est indemnisé sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail.

Par confirmation du jugement la cour déboute Mme [J] de sa demande en réparation pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte

L'Ansam sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a assorti la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte de 80 euros par jour de retard à compter du jugement.

Mme [J] sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce

La cour confirme que l'Ansam devra remettre à Mme [J] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.

Cependant par infirmation du jugement sur ce point, aucun élément ne permettant à ce stade de craindre une absence d'exécution de l'arrêt par l'employeur justifiant le prononcé d'une astreinte afin de garantir la remise des documents de fin de contrat, la cour juge qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte assortissant la remise des documents de fin de contrat.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement entrepris sont confirmées.

Il apparait inéquitable de laisser à la charge Mme [J] les sommes qu'elle a exposées pour la procédure d'appel. L'Ansam est condamnée à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Succombant pour l'essentiel l'Ansam est déboutée de la demande à ce titre.

Succombant pour l'essentiel l'Ansam supportera les dépens de l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition du greffe

Confirme le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Soissons le 19 mai 2021 sauf en ce qu'il a assorti d'une astreinte le remise des documents de fin de contrat par l'employeur ;

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant

Dit qu'il n'y a lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt d'une astreinte ;

Condamne l'Ansam à payer à Mme [M] [J] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l'Ansam de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Ansam aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par Me Tetard, membre associé de la SEP Court-Poirette-Appriou-Tetard, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02966
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.02966 ?
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