La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°20/05001

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 19 mai 2022, 20/05001


ARRET







Etablissement INSTITUT DE FRANCE





C/



[D]



























































copie exécutoire

le 19 mai 2022

à

Me Duchatel

Me Gilles

CB/MR/SF



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 19 MAI 2022



***********

**************************************************

N° RG 20/05001 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4BL



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 SEPTEMBRE 2020





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



INSTITUT DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]



Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant



concluant et plaida...

ARRET

Etablissement INSTITUT DE FRANCE

C/

[D]

copie exécutoire

le 19 mai 2022

à

Me Duchatel

Me Gilles

CB/MR/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 19 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 20/05001 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4BL

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 SEPTEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

INSTITUT DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

concluant et plaidant par Me Laure DUCHATEL, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [K] [E] [D]

né le 30 Juillet 1962 à [Localité 5] (PORTUGAL)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau D'AMIENS, postulant

concluant et plaidant par Me Jean-Marie GILLES de la SELEURL CABINET GILLES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 10 mars 2022, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Corinne BOULOGNE en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 19 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 19 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [E] [D] a été embauché le 1er septembre 1988 en contrat à durée déterminée suivi d'un contrat à durée indéterminée le 1er septembre 1989 par l'institut de France en qualité d'agent d'entretien.

Le 8 janvier 2018, le salarié a subi un accident, au lieu et au temps de l'exécution de son travail.

Depuis cet accident du travail, il n'a pas repris le travail.

Le 4 juin 2019, à l'issue d'une visite de reprise, la médecine du travail a déclaré M. [D] inapte.

L'employeur a été dispensé de son obligation de reclassement, le médecin du travail ayant précisé que : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par courrier en date du 2 juillet 2019, le salarié a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 19 juillet 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil, qui par jugement du 14 septembre 2020, a :

- rejeté la demande de réouverture des débats formulée par la partie demanderesse ;

- reçu l'exception in limine litis soulevée à la barre par le défendeur ;

- déclaré être incompétent pour l'action relative à la rupture du contrat de travail et ses conséquences indemnitaires ;

- fixé la moyenne des salaires brut de M. [D] à la somme de 2 701, 63 euros ;

- dit que les demandes relatives au licenciement formulées par M. [D] étaient recevables ;

- reconnu le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- dit que le licenciement de M. [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné l'institut de France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D], les sommes suivantes :

- 54 032, 60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter du 14 septembre 2020,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire au sens de l'article 515 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné l'institut de France aux entiers dépens.

Ce jugement a été notifié le 18 septembre 2020 à l'institut de France qui en a relevé appel le 8 octobre 2020

M. [D] a constitué avocat le 27 octobre 2020.

Par dernières conclusions n° 4 communiquées par voie électronique le 28 février 2022, l'institut de France prie la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement dont appel des chefs visés dans la déclaration d'appel et en ce qu'il :

- « a déclaré la juridiction prud'homale compétente pour connaître des conséquences indemnitaires de l'action relative à la rupture du contrat de travail,

- dit que les demandes relatives au licenciement formulées par M. [D] étaient recevables,

- constate un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

- dit que le licenciement de M. [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamne l'institut de France, pris en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] les sommes suivantes :

- 54 032,62 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au taux légal en vigueur à compter du 14 septembre 2020,

-1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déboute l'institut de France de sa demande de condamnation de M. [D] à payer à l'institut de France la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne l'institut de France aux entiers dépens. »

Statuant à nouveau,

In limine litis,

- juger et retenir que les demandes indemnitaires formées par M. [D] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse allégué visent la réparation d'un préjudice de santé et d'un gain manqué, le salarié invoquant exclusivement un préjudice subi du fait « de son état de santé et du fait qu'il ne pourra plus travailler avant de faire valoir ses droits à retraite »,

- juger et retenir que ces demandes, telles qu'énoncées et motivées, portent sur la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail dont M. [D] a été victime, réparation qui ressort de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale,

- juger et retenir que la 2ème chambre de la cour d'appel d'Amiens est actuellement saisie des postes de préjudices dont M. [D] sollicite réparation devant la présente formation de la cour,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la compétence de la juridiction prud'homale pour connaître des demandes indemnitaires de M. [D],

- déclarer et juger la formation prud'homale de la cour d'appel d'Amiens incompétente pour connaître de ces demandes,

- renvoyer M. [D] à mieux se pouvoir devant la 2ème chambre de la protection sociale, de la cour d'appel de Amiens, d'ores-et-déjà saisie du litige.

Subsidiairement, et sur le fond,

- juger que les tâches effectuées par le salarié lors de son accident n'emportaient pas application de l'article R 4323-90 du Code du travail et de l'arrêté du 4 août 2005 relatif à la prévention des risques de chutes liés aux travaux réalisés dans les arbres au moyen de cordes, textes propres au travail en hauteur, dès lors que ces tâches pouvaient être effectuées à partir du sol, en toute sécurité,

- juger que M. [D], qui ne fait au demeurant pas preuve d'instruction de son employeur en vue d'un travail en hauteur, et a par ailleurs reconnu devant les enquêteurs avoir agi de sa propre initiative,

- juger qu'il n'a pas commis de manquement à son obligation de sécurité,

- juger que le licenciement de M. [D] pour inaptitude avec impossibilité de reclassement était justifié par une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [D] de ses demandes, fins et prétentions,

-juger et retenir applicable à la cause du barème d'indemnisation visé par l'article L.1235-3 du code du travail,

- juger que le salarié échoue dans la démonstration, qui lui incombe, du quantum de l'indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse objet de ses demandes, faute de produire la moindre pièce sur sa situation pour la période allant de son licenciement du 2 juillet 2019 au mois de novembre 2021,

- juger que les pièces produites par le salarié concernent la seule période allant de décembre 2021 à février 2022 et démontrent une prise en charge du gain manqué allégué par la MSA, ce qui impose de limiter les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au minimum légal théorique de 2,5 mois de salaires visés par l'article L. 1235-5 du Code du travail,

- juger et déclarer cependant que ces indemnités visent la répétition des indemnités par ailleurs revendiquées par le salarié devant la juridiction de sécurité sociale, d'ores-et-déjà saisie de ce litige, de sorte qu'elles sont vouées au rejet, en application du principe de réparation intégrale des dommages,

- débouter M. [D] a de ses demandes, fins, moyens et prétentions,

- juger et retenir que M. [D] ne fait pas preuve d'une résistance abusive de l'institut de France,

- juger et déclarer que cette résistance abusive ne peut être retenue à son encontre au seul motif de sa défense à une action en justice,

- débouter M. [D] de ses demandes, fins et prétentions de ce chef,

En tout état de cause,

- condamner M. [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel selon l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées n° 3 par voie électronique le 28 février 2022, M. [D] prie la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Creil en ce qu'il :

- s'est déclaré compétent pour l'action relative à la rupture du contrat de travail et ses conséquences indemnitaires ;

- a fixé la moyenne des salaires bruts de M. [D] à 2 701,63 euros ;

- a dit que les demandes relatives au licenciement formulées par M. [D] étaient recevables ;

- a reconnu le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- a dit que le licenciement de M. [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- a alloué à M. [D] des dommages-intérêts à ce titre ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a fixé à 54 032, 60 euros le quantum des dommages-intérêts alloués à M. [D] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- a assorti ces dommages-intérêts de l'intérêt au taux légal en vigueur à compter du 14 septembre 2020 ;

- a fixé à 1.500 euros le quantum de l'indemnité allouée à M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau

- condamner l'institut de France à lui verser la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'institut de France à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive ;

- dire que l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de l'institut de France porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Creil ;

- condamner l'appelante au paiement d'une amende civile de 3 000 euros ;

- débouter l'institut de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'institut de France à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'institut de France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée le 10 mars 2022.

MOTIFS

Sur la compétence de la juridiction prud'homale pour trancher l'indemnisation du salarié

L'institut de France soulève l'incompétence de la juridiction prud'homale pour trancher l'indemnisation du salarié au profit de la juridiction de la protection sociale soutenant que l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale attribue à la juridiction de la sécurité sociale une compétence exclusive pour connaître des actions en réparation des accidents du travail.

Il prétend que les demandes du salarié visent à la réparation des préjudices résultant de l'accident du travail, motivées par le fait qu'il ne pourra plus travailler avant de faire valoir ses droits à la retraite.

M. [D] n'a pas répliqué sur ce point.

Sur ce

L'article L 451-1 du code de la sécurité sociale dispose que « sous réserve des dispositions des articles L 452-1 à L 452-5, L 455-1, L 455-1-1 et L 455-2, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants-droit. »

En application de ce texte la victime d'un accident du travail ne peut solliciter que de la juridiction de la protection sociale la réparation de la perte de gains professionnels, des déficits fonctionnels temporaires et permanents et l'incidence professionnelle.

Toutefois l'article L 1411-1 du code du travail édicte que « le conseil des prud'hommes règle par voie de conciliation les différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. »

Il en résulte que si l'action en responsabilité engagée par le salarié à l'encontre de son employeur, qui en réalité demande la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont il a été victime, ne peut être portée que devant la juridiction de la protection sociale, il en va différemment des demandes relatives au bien-fondé des conditions relatives à la rupture du contrat de travail et notamment de celles portant sur l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce les demandes de M. [D] portent sur la reconnaissance d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité pesant sur lui à l'égard de ses salariés et d'autre part sur l'indemnisation du licenciement dont il a fait l'objet qu'il considère comme sans cause réelle et sérieuse.

La cour observe que la demande de M. [D] ne porte pas sur l'indemnisation du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, cette question ayant été tranchée par la chambre de la protection sociale qui a reconnu la faute inexcusable de l'employeur et qui a indemnisé l'assuré à ce titre.

En vertu des dispositions précitées la cour, par confirmation du jugement, retient sa compétence sur les demandes relatives au licenciement et aux demandes indemnitaires formées par M. [D].

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement

M. [D] fait valoir que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse car celle-ci est la résultante du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. 

Il sollicite la reconnaissance du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, expose qu'il a été victime d'un accident du travail en élaguant un arbre duquel il a fait une chute de 4 mètres lui provoquant une double fracture aux vertèbres D8 et D 12, qu'il n'aurait pas dû effectuer ce travail seul en application de l'article R 4323-90 du code du travail et en violation de l'article R 4323-61 du même code, que l'enquête de gendarmerie contredit les allégations de l'employeur prétendant qu'il n'était pas seul et qu'il était équipé d'une élagueuse télescopique.

Il ajoute que la chambre de la protection sociale de la cour d'appel d'Amiens a reconnu la faute inexcusable de l'employeur pour manquement à l'obligation de sécurité.

L'institut de France s'oppose à cette demande arguant qu'il n'avait pas demandé au salarié de procéder à l'élagage de l'arbre, ceci ne résultant que de l'affirmation péremptoire de M. [D], qu'au contraire devant les services de police il avait reconnu l'avoir fait de sa propre initiative, qu'il ne peut donc lui être reproché un quelconque manquement à l'obligation de sécurité.

Il ajoute qu'il y avait à disposition du matériel adapté à savoir une élagueuse manuelle permettant de travailler à partir du sol sans monter sur l'arbre, qu'il disposait d'un casque et d'un pantalon anti-coupures non mentionnés dans le rapport de l'inspecteur du travail et argue enfin que le salarié a menti à plusieurs reprises.

Sur ce

L'article L.4121-1 du code du travail dispose :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L. 4121-2, du même code, il met en 'uvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En application de l'article R 4323-61 du code du travail « lorsque des dispositifs de protection collective ne peuvent être mis en 'uvre à partir d'un plan de travail, la protection individuelle des travailleurs est assurée au moyen d'un système d'arrêt de chute approprié ne permettant pas une chute libre de plus d'un mètre ou limitant dans les mêmes conditions les effets d'une chute d'une plus grande hauteur. 

Lorsqu'il est fait usage d'un tel équipement de protection individuelle, un travailleur ne doit jamais rester seul, afin de pouvoir être secouru dans un délai compatible avec la préservation de sa santé.

L'employeur précise dans une notice les points d'ancrage, les dispositifs d'amarrage et les modalités d'utilisation de l'équipement de protection individuelle. »

Le 8 janvier 2018, M. [D] travaillant seul, a chuté de l'échelle sur laquelle il était installé pour élaguer les branches d'un tilleul.

Si l'employeur prétend que le salarié a de sa propre initiative pris la décision de monter sur l'échelle pour couper cet arbre, tant le rapport de l'inspection du travail, que les témoignages de ses collègues établissent que ce travail avait débuté une bonne semaine auparavant puisqu'il fallait élaguer tous les arbres de l'allée centrale du parc de l'abbaye. La consigne de travail avait donc été donnée bien avant le jour de l'accident.

Le rapport de l'inspection du travail précise que la tronçonneuse utilisée ne pouvait être utilisée lors d'élagage sur échelle mais qu'il aurait fallu utiliser une nacelle ; qu'à l'évidence le salarié ne disposait pas de cet équipement, ne disposant que d'un casque et d'un pantalon anti-coupures.

M. [T] [X], collègue de travail précise que quatre ans auparavant l'employeur lui avait confié cette même tâche alors qu'il y avait eu de mauvaises conditions climatiques et que M. [D] l'avait réalisé sans qu'il lui soit fourni de matériel adéquat malgré ses demandes.

L'employeur sur qui pèse la charge de la preuve du respect des mesures de sécurité ne prouve pas avoir fourni au salarié le matériel adapté pour effectuer les opérations d'élagage en toute sécurité car s'il produit une photographie d'une élagueuse télescopique, rien ne prouve qu'elle ait été mise à disposition du salariée alors que l'inspecteur du travail s'est fait remettre le matériel utilisé au moment de l'accident qui ne correspond pas à celui photographié ; en outre le témoignage de Mme [N] adjoint du directeur des services juridiques de l'institut de France n'est pas éclairant car elle ne prouve pas qu'un matériel adéquat ait été remis au salarié pour effectuer la taille des arbres.

La cour relève par ailleurs que par arrêt du 16 décembre 2021, la chambre de la protection sociale de la Cour d'Appel d'Amiens a retenu la faute inexcusable de l'employeur dans l'accident du travail dont le salarié a été victime le 8 janvier 2018.

C'est en vain que l'institut de France soutient que le salarié aurait fait des déclarations divergentes sur le matériel de protection et qu'il aurait dit lors de l'enquête de police qu'il n'était pas possible d'installer un échafaudage en raison de l'espacement des arbres, puisque c'est à l'employeur d'apprécier les mesures de sécurité à mettre en place au regard de la législation en vigueur.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse s'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur.

En l'espèce, l'inaptitude de M. [D] constatée par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 4 juin 2019, qui l'a par ailleurs dispensé de son obligation de reclassement est la conséquence de la chute de l'arbre sur lequel il travaillait sur la consigne de son employeur sans que celui-ci ne lui ait fourni un système de protection adaptée contre les chutes.

La cour retient, par confirmation du jugement, que l'inaptitude de M. [D]

est consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité et qu'en conséquence son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

M. [D] sollicite de la cour d'écarter le barème d'indemnisation qui est contraire aux dispositions de l'article 10 de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail et de l'article 24 de la charte sociale européenne révisée.

Il fait valoir à la fois son âge, son ancienneté dans l'institut, son état de santé et le fait qu'il ne pourra plus travailler avant de faire valoir ses droits à la retraite.

L'institut de France sollicite l'application du barème d'indemnisation qui est conforme aux dispositions de l'article 10 de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail et de l'article 24 de la charte sociale européenne révisée selon l'avis rendu le 17 juillet 2019 par la Cour de Cassation.

Il soutient que le salarié n'avait pas établi sa situation financière alors que le licenciement a été prononcé le 2 juillet 2019, qu'il ne s'y est résolu qu'en toute fin de mise en état, que les pièces prouvent qu'il n'a pas subi de perte financière, ses revenus étant équivalents à ceux perçus en travaillant si bien que sa demande en dommages et intérêts doit être réduite à l'équivalent de 2,5 mois de salaires.

Il invoque la double indemnisation car il a déjà perçu une réparation devant le juge de la protection sociale.

Sur ce

La cour rappelle qu'il n'y a pas de double indemnisation les préjudices subis par le salarié puisque ceux indemnisés devant la chambre de la protection sociale sont ceux liés à la perte de gains professionnels, de l'incidence professionnelle alors que la chambre sociale répare le préjudice né du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L''article 10 de la convention internationale du travail n° 158 de l'OIT prévoit que si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée »

- l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 énonce « En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaitre (...) :

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »

La cour constate que le point litigieux est relatif au fait que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévus à l'article L. 1235-3 du code du travail ne constituent pas une indemnité adéquate au sens des articles 10 de la Convention internationale du travail n° 158 de l'OIT et 24 de la Charte sociale européenne.

L'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.

Lorsque des dispositions internes sont en cause, comme en l'espèce, le juge du fond doit vérifier leur compatibilité avec les normes supranationales que la France s'est engagée à respecter, au besoin en écartant la norme nationale en cas d'incompatibilité irréductible.

Les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ; dès lors, la cour retient que, tant ce texte que les décisions du comité européen des droits sociaux, ne peuvent être utilement invoqués par M. [D] pour voir écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

La cour rappelle que l'article 10 de la Convention n° 158 précitée est d'application directe en droit interne.

A l'examen des moyens débattus, la cour retient que les dispositions de l'article L 1235-3, prévoyant pour M. [D] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimal de 2,5 et 20 mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT au motif que :

- une indemnité dite adéquate ou une réparation appropriée n'implique pas, en soi, une réparation intégrale du préjudice de perte d'emploi injustifiée et peut s'accorder avec l'instauration d'un plafond

- le terme adéquat doit donc être compris comme réservant aux États parties une marge d'appréciation, dont l'État français n'a fait qu'user en instituant des planchers et des plafonds d'indemnisation

- lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, comme c'est le cas en l'espèce, le juge peut proposer la réintégration et ce n'est que lorsque celle-ci est refusée par l'une ou l'autre des parties que le juge octroie au salarié une indemnité dans la limite du barème

- le barème est écarté en cas de nullité du licenciement en application de l'article L 1235-3-1 du code du travail

- ces dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L 1235-3 sont versés en sus des indemnités de rupture, savoir pour xxx, l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [D] de 2701 euros, de son âge, en l'occurrence 57 ans et de son ancienneté de 30 ans dans l'institut de France, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [D] doit être évaluée à la somme de 54 032,60 euros .

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné l'institut de France à payer à M. [D] la somme de 54 032,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande au titre de la résistance abusive de l'employeur

M. [D] sollicite la condamnation de l'employeur lui verser une somme de 15 000 euros arguant qu'il a tenté de tromper la cour en produisant une photographie d'une élagueuse télescopique inexistante sur le site de travail, que ce comportement pour un employeur qui se refuse à l'indemniser justifie cette condamnation.

L'institut de France s'y oppose répliquant que cette demande est infondée, le salarié ayant menti au cours de la procédure en affirmant ne pas avoir disposé de casque ni de pantalon anti-coupures ; que l'action en justice ne constitue pas en soi une procédure abusive.

Sur ce

Il est rappelé que la résistance à une action en justice n'est constitutive d'une faute qu'en cas d'abus caractérisé ou intention de nuire. En l'espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que l'institut de France aurait agi dans une intention de nuire ou aurait abusé de son droit de contestation, alors que si la cour a jugé qu'il n'était pas prouvé que l'élagueuse télescopique invoquée par lui n'était pas à disposition le jour de l'accident du travail, le rapport de l'inspection du travail n'en faisant pas état, il n'est pour autant établi par le salarié que cet outil n'avait jamais été un instrument de travail fourni par l'employeur à d'autres périodes.

En conséquence, il convient de débouter M. [D] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur la demande d'amende civile

M. [D] demande à la cour de condamner l'institut de France à une amende civile de 3 000 euros.

L'employeur ne réplique pas sur ce point.

Sur ce

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que « celui qui agit en justice de manière dilatoire et abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. »

La cour a jugé précédemment que la procédure n'était pas constitutive d'abus.

M. [D] est débouté de sa demande sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La cour confirme le jugement sur les dépens et la condamnation de l'employeur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'institut de France succombant pour l'essentiel est condamné aux dépens de l'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [D] les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer ; il convient en l'espèce de condamner l'employeur, succombant à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la l'ensemble de la procédure.

La demande indemnitaire présentée sur ce même fondement par l'institut de France qui succombe sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à disposition au greffe

- confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Creil le 14 septembre 2020 en toutes ses dispositions

Y ajoutant

- déboute M. [K] [E] [D] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

- Dit n'y avoir lieu a application de l'article 32-1 du code de procédure civile

- condamne l'institut de France à payer à M. [K] [E] [D] la somme de

1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel

- condamne l'institut de France aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/05001
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;20.05001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award