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16/05/2022 | FRANCE | N°20/05065

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 16 mai 2022, 20/05065


ARRET

N° 285





Société AIR FRANCE





C/



[L]

CPAM DE L'AISNE







JR





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 16 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 20/05065 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4EJ



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON (Pôle Social) EN DATE DU 03 septembre 2020





PARTIES EN CAUSE :




>APPELANT





La Société AIR FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

45 Rue de Paris

Roissy CDG

93290 TREMBLAY EN FRANCE





Représentée et plaidant par Me Corinne POTIER de la SCP F...

ARRET

N° 285

Société AIR FRANCE

C/

[L]

CPAM DE L'AISNE

JR

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 16 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 20/05065 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4EJ

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON (Pôle Social) EN DATE DU 03 septembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

La Société AIR FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

45 Rue de Paris

Roissy CDG

93290 TREMBLAY EN FRANCE

Représentée et plaidant par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMES

Monsieur [R] [L]

47 rue de la butte aux moulins

02200 VILLENEUVE SAINT GERMAIN

Représenté et plaidant par Me Nicolas MOREAU de l'AARPI MIEL - MOREAU, avocat au barreau de SOISSONS

La CPAM DE L'AISNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

29 Boulevard Roosevelt - CS 20606

02323 SAINT-QUENTIN CEDEX

Représentée et plaidant par Mme [K] [S] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2021 devant Mme Jocelyne RUBANTEL , Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2022.

Le délibéré de la décision initialement prévu au 04 Janvier 2022 a été prorogé au 16 Mai 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 16 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Saisi par M. [L] d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société Air France, comme étant la cause de trois maladies professionnelles, soit une atteinte auditive provoquée par des bruits lésionnels, une tendinopathie de l'épaule droite chronique, et une sciatique par hernie discale, le tribunal judiciaire de Laon, par jugement prononcé le 3 septembre 2020 a :

- déclaré le recours recevable,

- dit que les décisions de prise en charge des maladies professionnelles de M. [L] sont opposables à la société Air France,

- dit que M. [L] est atteint de trois maladies professionnelles imputables à la société Air France,

- avant dire droit, ordonné une expertise médicale, aux frais avancés de la caisse primaire d'assurance médicale, aux fin d'évaluer pour chacune des pathologies, les préjudices subis par M. [L],

- alloué une provision de 2 000 euros à M. [L],

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie récupérera auprès de la société Air France les sommes qui seront allouées à la victime en réparation de son préjudice en ce comprise la provision allouée,

- condamné la société Air France à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Air France, par courrier recommandé expédié le 5 octobre 2020, a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par courrier dont elle avait accusé réception le 15 septembre 2020.

Aux termes de ses conclusions transmises au greffe le 27 octobre 2021, oralement développées à l'audience, la société Air France demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit que les décisions de prise en charge des maladies professionnelles de M. [L] sont opposables à la société Air France,

dit que M. [L] est atteint de trois maladies professionnelles imputables à une faute inexcusable de son employeur,

ordonné la fixation d'une provision de 2 000 euros versée à M. [L] par la caisse primaire d'assurance maladie,

dit que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne récupérera auprès de la société Air France les sommes qui seront allouées à la victime en réparation de son préjudice,

Et statuant à nouveau

- constater que la preuve du caractère professionnel de l'hypoacousie n'est pas rapportée,

- constater que les éléments constitutifs de la faute inexcusable comme étant à l'origine des maladies n° 42, 57 et 98 ne sont pas réunis,

- débouter en conséquence M. [L] de ses trois demandes de faute inexcusable,

A titre subsidiaire,

- dire que le seul taux d'IPP de 18 % fixé par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris est applicable dans les rapports entre la caisse primaire de l'Aisne et la société Air France,

- déclarer en conséquence que la caisse primaire d'assurance maladie ne pourra récupérer auprès de l'employeur que la majoration de rente calculée sur la base du taux d'IPP de 18 %.

La société Air France soutient en substance que l'hypoacousie du 22 janvier 2016 n'est pas caractérisée dans la mesure où aucune pièce n'établit que l'hypoacousie dont souffre M. [L] résulterait d'une lésion cochléaire irréversible, et en outre, contrairement à l'exigence du tableau n° 42, l'atteinte auditive n'a pas été confirmée par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale.

Elle conteste par ailleurs avoir commis une faute à l'origine de cette pathologie, soulignant qu'aucune pièce ne justifie des manquements invoqués, soutenant, qu'au contraire, elle a scrupuleusement respecté la législation applicable et mis en place les mesures appropriées pour prévenir le risque de nuisances sonores.

Les salariés ont toujours bénéficié de bouchons d'oreille, et pouvaient disposer à leur demande d'un casque anti-bruit, et enfin à compter de l'été 2018, M. [L] a bénéficié de prothèses auditives thermo-moulées.

L'employeur conteste avoir commis un manquement au titre du suivi individuel renforcé dont M. [L], qui avait fait bénéficié du statut de travailleur handicapé, devait faire l'objet, alors que les modalités de suivi relèvent de la médecine du travail, qui ne l'a jamais alertée quant à la situation de M. [L].

Elle soutient enfin que M. [L] fait preuve de mauvaise foi en affirmant qu'elle n'a pas mis en 'uvre de mesures de prévention alors qu'une campagne de sensibilisation au bruit a été menée par le service médical de l'entreprise, laquelle a montré que les niveaux sonores auxquels les électromécaniciens affectés au même atelier que M. [L] sont exposés justifiaient le port de protection, ce qui était mis en oeuvre.

Elle conteste de même avoir commis une faute inexcusable à l'origine de la sciatique par hernie discale et de la tendinopathie, alors que M. [L] n'a jamais alerté son employeur sur d'éventuelles difficultés et qu'il a toujours été déclaré apte à son poste.

La médecine du travail n'a jamais alerté la société sur une quelconque difficulté rencontrée dans la tenue de son poste, et si la MDPH a accordé à M. [L] le statut de travailleur handicapé, elle a prononcé son maintien dans l'emploi.

Elle conteste l'affirmation de son salarié, et soutient qu'il a bien bénéficié d'une formation aux risques liés au port de charges lourdes, alors qu'en 2003, une vaste campagne de sensibilisation et de formation a été mise en 'uvre, par le médecin du travail et un ergonome, déployée pendant une dizaine d'années et réactivée en 2017 avec l'arrivée d'un nouveau médecin, M. [L] ayant suivi cette formation le 30 septembre 2004.

Aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, M. [L] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Laon du 3 septembre 2020,

- dire et juger que les maladies professionnelles dont il est victime sont dues à la faute inexcusable de son employeur, la société Air France,

- ordonner la majoration au maximum légal du montant de la rente servie à M. [L] en vertu de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale,

- dire et juger que les sommes réparant l'ensemble des préjudices subis par M. [L] du fait de la faute inexcusable de son employeur seront avancées par la caisse primaire de l'Aisne, et que celle-ci pourra en récupérer l'entier montant auprès de la société Air France,

- déclarer le jugement à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie,

- débouter la société Air France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Air France à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [L] développe les éléments suivants :

L'hypoacousie de perception dont il est atteint est bien d'origine professionnelle, et elle a été reconnue comme telle après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ayant entraîné un taux d'IPP de 20 %. Si le médecin du travail l'a déclaré apte sans réserve le 28 juillet 2016, cette visite est intervenue avant sa mise en retraite intervenue le 1er octobre 2018.

Il soutient que ses conditions de travail l'exposaient bien au risque de la maladie alors qu'il travaillait dans un atelier non insonorisé, contenant plusieurs machines et matériels bruyants, fonctionnant en même temps, et ce pendant 8 heures par jours, par phases de 4 heures, séparées d'une pause de 2 heures.

M. [L] conteste les dires de l'employeur selon lesquels des protections étaient mises à sa disposition, alors que les EPI n'étaient pas disponibles au service maintenance de 2000 à 2016, que ceux mis à disposition à partir de 2016 n'étaient pas adaptés à l'activité des techniciens de maintenance, car ils les isolaient mal du bruit et les coupaient de leur environnement, ce qui était une source de danger, et que les prothèses thermo-moulées n'ont été commandées que le 22 juin 2018, et mises à sa disposition seulement 5 jours avant son départ à la retraite.

Au titre de la sciatique par hernie discale, et les tendinopathies, il soutient que la faute inexcusable est également établie, alors que l'employeur a manqué à son obligation de prévention du risque.

Les tendinopathies sont les séquelles d'un accident du travail subi le 20 décembre 2013, dont l'employeur a totalement négligé les conséquences. Il avait été prévu qu'un suivi médical interviendrait, or, il a été abandonné au bout de trois semaines.

Il soutient que des affiches de sensibilisation existaient, elles étaient placées à l'infirmerie, et donc dans un lieu éloigné du lieu de travail, que le programme Prados était plus adapté aux magasiniers qu'aux techniciens de maintenance, et M. [L] indique avoir eu une formation le 30 septembre 2004

La caisse primaire d'assurance maladie, aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, demande à la cour de :

- constater que le caractère professionnel de la maladie déclarée le 22 janvier 2016 est établi,

sur la reconnaissance de la faute inexcusable,

- si la cour venait à reconnaître la faute inexcusable de la société Air France dans la survenance des maladies professionnelles de M. [L], sur les conséquences, juger qu'il n'appartient pas au médecin de se prononcer sur la consolidation de l'état de santé,

- sur l'évaluation des préjudices subis, juger ce que de droit,

- sur l'évaluation du préjudice d'agrément, du préjudice d'établissement, des frais d'aménagement du véhicule et du logement, du recours à l'assistance d'une tierce personne et du préjudice exceptionnel, constater qu'il appartient à M. [L] de justifier de ce préjudice pour prétendre à une indemnisation,

- constater que la caisse fera l'avance de l'ensemble des réparations qui seront allouées à M. [L],

- condamner la société Air France au remboursement de l'ensemble des sommes dont la caisse fera l'avance en application des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, et de la jurisprudence de la Cour de cassation du 4 avril 2012.

Au soutien de ses demandes, la caisse primaire d'assurance maladie expose en substance que pour contester le caractère professionnel de la pathologie relevant du tableau n° 52, l'employeur soutient que l'existence des lésions cochléaires n'est pas démontrée, et que la preuve de la réalisation de l'examen audiométrique dans les conditions du tableau n'est pas justifiée. Or, la caisse ne détient aucun élément médical au dossier administratif, autre que le certificat médical initial et les certificats de prolongation d'arrêts de travail et le certificat médical final.

De plus, les pièces visées par l'employeur sont couvertes par le secret médical et ne peuvent être communiquées.

Elle souligne que le médecin conseil a émis un avis favorable à la prise en charge, après avoir vérifié que les exigences techniques de réalisation de l'audiogramme étaient remplies, ce qu'il a précisé sur le colloque médico-administratif.

Le CRRMP, pour émettre un avis favorable à la prise en charge, a également indiqué que M. [L] présentait bien une hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible.

Pour s'opposer à ce qu'il soit donné à l'expert mission de fixer la date de consolidation, elle rappelle qu'il appartient au médecin conseil de fixer celle-ci, selon les modalités de l'article R 433-17 du code de la sécurité sociale.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Salarié de la société Air France depuis le 11 mai 2000 en qualité de mécanicien électricien électronique au sein du service maintenance industrielle et infrastructures, M. [L] a déclaré trois maladies professionnelles, prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne, soit :

- une hypoacousie de perception déclarée le 24 mars 2016 selon certificat médical du 24 mars 2016, prise en charge le 31 octobre 2016, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, prise en charge au titre du tableau n° 42.

Un taux d'IPP de 20 % lui a été attribué.

- une lombosciatalgie gauche chronique sur bombement discal L 5 S 1 gauche, déclarée le 23 décembre 2016 selon certificat médical initial du 27 octobre 2016, prise en charge au titre du tableau n° 98.

Un taux d'IPP de 6 % lui a été reconnu.

- une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, déclarée selon certificat médical initial du 9 février 2017, prise en charge au titre du tableau n° 57 par décision du 20 septembre 2017.

Un taux d'IPP de 2 % lui a été reconnu.

Sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée au titre du tableau n° 42

Selon les dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

La société Air France conteste le caractère professionnel de la pathologie prise en charge au titre du tableau n° 42.

Ce tableau désigne la maladie « hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible accompagnée ou non d'acouphènes ».

L'hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.

Le diagnostic de cette hypoacousie est établi au vu d'examens spécifiques : par une audiométrie tonale et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes et réalisées dans les conditions mentionnées au tableau ; en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours, devant faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 décibels. Ce déficit étant la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500,1.000, 2000 et 4.000 Hertz.

L'audiogramme revêt le caractère d'une condition de fond de la reconnaissance de la maladie professionnelle.

La caisse primaire d'assurance maladie ne peut donc, de manière pertinente, se prévaloir du secret médical pour ne pas en justifier, et elle ne peut davantage soutenir que la condition est justifiée par l'avis de prise en charge donné par le médecin conseil.

L'assuré n'apporte aucun élément de ce chef, et ne produit pas davantage l'audiogramme requis au titre des conditions de prise en charge de la maladie.

Dès lors, la société Air France est bien fondée à soutenir que la pathologie ne présente pas de caractère professionnel.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu à l'égard du salarié d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient au salarié qui recherche la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de cette conscience du danger, et de l'absence de mesures prises pour y remédier.

Sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable au titre de l'hypoacousie

La demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au titre de l'hypoacousie doit être rejetée, dès lors qu'elle ne peut être reconnue comme étant d'origine professionnelle.

Le jugement est par conséquent infirmé en ce qu'il a dit que cette pathologie est due à la faute inexcusable de l'employeur.

Sur la faute inexcusable au titre de la pathologie sciatique par hernie discale

Pour fonder sa demande, M. [L] soutient que la société Air France n'a pris aucune mesure pour y remédier en ignorant les avis de la caisse primaire d'assurance maladie, du CHSCT, de la médecine du travail et du médecin traitant.

Il ne développe pas davantage ses explications, et n'allègue donc aucun élément concret.

En effet, M. [L] ne précise pas le contenu de ces avis, ce qui interdit toute vérification du respect ou du non-respect de ceux-ci par l'employeur.

Il doit être souligné que la médecine du travail l'a déclaré apte sans réserve à l'issue d'une visite de reprise intervenue le 28 juillet 2016 et la MDPH lui a attribué le statut de travailleur handicapé, mais elle a prononcé le maintien dans l'emploi.

Les pièces produites ne permettent pas de déterminer le contenu de ces avis.

Aucune pièce ne démontre que la caisse primaire aurait formulé des demandes particulières, aucune pièce n'émane de la médecine du travail.

Seule est produite une enquête du CHSCT du 20 mars 2018, de laquelle il ressort que deux visites de terrain ont permis de constater que l'atelier n'était pas équipé d'un extracteur de poussières, que le bâtiment 3800 comprend des fosses pour lesquelles était préconisé un nettoyage périodique, que l'environnement de travail est plutôt bruyant.

Il préconisait le remplacement des bouchons d'oreille, décrits comme inadaptés.

L'ensemble de ces éléments sont sans lien avec la demande formée au titre de la sciatique par hernie discale.

Au titre du port de charges, l'enquête précisait que lors de leurs déplacements, les agents utilisaient une charlatte TE 225ou 250 plateau, et que la pose et la dépose des rouleaux sur les installations étaient pénibles, qu'aucun engin de levage approprié n'était fourni, tandis que la caisse à outils pesait entre 20 et 30 kilos.

Était préconisé la mise à disposition d'un engin de levage.

Il résulte de ce document que la restitution de l'enquête est intervenue le 20 mars 2018.

Or, M. [L] a fait valoir ses droits à retraite le 1er octobre 2018, et la pathologie a été déclarée le 27 octobre 2016.

L'enquête a donc été réalisée près de 18 mois après cette déclaration, et aucun élément de cette enquête ne permet d'affirmer qu'à la date à laquelle la pathologie a été contractée, la situation était la même.

En outre, aucun élément ne justifie de ce que l'employeur ait été avisé autrement que par cette enquête, du danger résultant de l'inadaptation des outils de travail et donc avant que la maladie ne se manifeste.

Le salarié se prévaut également de l'indicateur santé sécurité au travail, établi le 15 juin 2017 par le service de prévention de l'entreprise.

Il ressort de ce document que pour l'année 2016, 697 jours d'arrêt de travail avaient été constatés pour des troubles musculo-squelettiques, et l'analyse indique que pour le mois de mai 2017, ces troubles survenaient lors de manipulations à l'occasion du service (extraction, déplacements des voitures de service) ou suite à un changement de positon (accroupie-assise), soit des circonstances étrangères aux constats du CHSCT.

Par ailleurs, les accidents du travail constatés concernaient des services autres que celui auquel était affecté M. [L].

Enfin, M. [L] soutient qu'il n'a pas bénéficié de formations destinées à prévenir le risque, ni d'informations liées au risque de port de charges lourdes.

L'employeur soutient pour sa part qu'un programme intitulé « Prados » soit prévention des accidents du dos a été mis en 'uvre en 2003, comprenant une campagne de sensibilisation et de formation menée par le médecin du travail, avec le concours d'un kinésithérapeute ergonome.

L'employeur justifie de ce que ce programme était principalement destiné aux magasiniers, mais qu'elle a également été proposée à d'autres salariés, dont les électromécaniciens et produit l'attestation de formation délivrée à M. [L] le 30 septembre 2014.

Monsieur [L] admet qu'il existait un affichage des consignes destinées à sensibiliser aux risques mais affirme qu'elles étaient peu visibles car situées à l'infirmerie, ce dont il ne justifie aucunement.

Sur la faute inexcusable au titre de la tendinopathie de l'épaule droite déclarée le 9 février 2017

Pour fonder sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, M. [L] soutient que cette pathologie est le résultat d'un accident du travail dont il a été victime le 20 décembre 2013 et dont les conséquences et séquelles aggravantes n'ont jamais été traitées comme telle, et qui ont au contraire été négligées par l'employeur.

La lecture des pièces qu'il produit montre que l'accident qu'il mentionne est une thrombose du c'ur.

Soit la lésion est une aggravation de l'accident, et devait être prise en charge comme tel.

Soit elle résulte d'une maladie, et donc d'un événement distinct, et il ne peut exister de lien avec l'accident cardiaque invoqué.

Il appartient au salarié de prouver que l'employeur avait conscience du danger et qu'il n'a pris aucune mesure pour préserver son salarié.

Or, M. [L] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable à l'origine de la tendinopathie de l'épaule droite, puisqu'il invoque exclusivement une absence de suivi médical après son accident cardiaque.

Il ne rapporte donc pas la preuve requise et par conséquent, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de la société Air France.

Enfin, M. [L] soutient qu'il a déclaré pendant sa carrière 6 maladies professionnelles et un accident du travail, ce dont il ne peut être tiré aucun élément dans la mesure où la faute inexcusable doit être prouvée pour chaque événement, l'accumulation de pathologies ne pouvant constituer la preuve requise.

Il convient en conséquence d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [L] est condamné aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laon le 3 septembre 2020,

Statuant à nouveau,

Dit que la pathologie déclarée au titre du tableau n° 42, soit une hypoacousie de perception ne peut pas être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

Déboute M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [L] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/05065
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;20.05065 ?
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