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16/05/2022 | FRANCE | N°20/04960

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 16 mai 2022, 20/04960


ARRET

N° 279





CPAM DE LA MARNE





C/



S.A.S. DUPONT RESTAURATION







JR





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 16 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 20/04960 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H37H



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D' ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 30 juin 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELA

NTE





La CPAM DE LA MARNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

18 Boulevard du Maréchal de Lattre de Tassigny

52915 CHAUMONT CEDEX 9







Représentée et plaidant par Mme [J] [K...

ARRET

N° 279

CPAM DE LA MARNE

C/

S.A.S. DUPONT RESTAURATION

JR

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 16 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 20/04960 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H37H

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D' ARRAS (Pôle Social) EN DATE DU 30 juin 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La CPAM DE LA MARNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

18 Boulevard du Maréchal de Lattre de Tassigny

52915 CHAUMONT CEDEX 9

Représentée et plaidant par Mme [J] [K] dûment mandatée

ET :

INTIMEE

La S.A.S. DUPONT RESTAURATION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

( salariée : Mme [C])

13 Avenue Blaise Pascal,

ZA Les Portes du Nord

62820 LIBERCOURT

Représentée par Me Myriam SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS substituant Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2021 devant Mme Jocelyne RUBANTEL , Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 Janvier 2022.

Le délibéré de la décision initialement prévu au 04 Janvier 2022 a été prorogé au 16 Mai 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 16 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Mme [C], salariée de la société Dupont Restauration en qualité de responsable de point de vente a déclaré un accident du travail survenu le 15 décembre 2017, décrit comme suit : « la salariée se rendait à son poste de travail et aurait surpris une conversation de collègues de travail. Elle se serait mise à crier, pleurer et tout jeter sur son passage et se serait cogné volontairement la tête au mur ».

Un certificat médical initial établi le 15 décembre 2017 est ainsi libellé « victime de violences verbales + insultes sur les lieux de travail. Réaction psychologique ++ avec syndrome anxio-dépressif réactionnel ».

La caisse primaire d'assurance maladie de la Marne a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle le 17 avril 2018.

La société Dupont Restauration a contesté cette décision de prise en charge, estimant que la caisse primaire d'assurance maladie avait violé le principe du contradictoire.

Saisi le 13 juillet 2018 par la société Dupont Restauration d'une contestation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie, le tribunal judiciaire d'Arras, par jugement du 30 juin 2020 a :

- déclaré la décision du 17 avril 2018 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne a pris en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont a été victime Mme [C] le 15 décembre 2017 inopposable à la SAS Dupont Restauration,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne à payer à la SAS Dupont Restauration la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne aux dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie, par courrier recommandé du 1er octobre 2020 a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée dont elle avait accusé réception le 2 septembre 2020.

Aux termes de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 3 novembre 2021, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire et juger que la caisse primaire d'assurance maladie a respecté le principe du contradictoire,

- dire et juger que la caisse primaire d'assurance maladie a invité l'employeur à participer à l'enquête administrative,

- confirmer la décision du 17 avril 2018 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 15 décembre 2017 dont a été victime Mme [C] est opposable à la société Dupont Restauration,

- confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 2 août 2018,

En tout état de cause

- débouter la société Dupont Restauration de sa demande de condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne au versement d'un montant de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Dupont Restauration de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société Dupont Restauration à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Dupont Restauration aux entiers dépens de l'instance.

La caisse primaire d'assurance maladie soutient que le tribunal a à tort considéré que l'employeur n'avait pas été interrogé dans le cadre de l'instruction du dossier.

En effet, la déclaration d'accident du travail ayant été transmise avec des réserves, la caisse a mené une enquête, au cours de laquelle elle a entendu le chef de secteur, M. [M], et recueilli une attestation du chef gérant, M. [Y].

L'employeur a donc dûment été entendu par l'intermédiaire de ses représentants, étant précisé que M [M] est le supérieur direct de la salariée.

La caisse primaire soutient que la société Dupont Restauration ne peut soutenir qu'ils n'avaient pas qualité pour la représenter, alors que M. [M] est signataire d'un avenant au contrat de travail de la salariée, lequel a également signé un bilan d'activité, et Mme [C] s'était adressé à lui pour solliciter une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Par ailleurs, M. [Y] invoque des réunions avec M. [M] relatives au personnel.

La société Dupont Restauration aux termes de ses conclusions communiquées le 14 septembre 2021 demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance du 30 juin 2020,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes.

La société Dupont Restauration soutient en substance, que la caisse primaire ne lui a pas transmis de questionnaire et n'a pas procédé à une enquête auprès d'elle et soutient que les deux personnes entendues, M. [M], et M. [Y] font certes partie du personnel, mais ils ne font pas partie de la direction de la société et n'ont aucune qualité pour la représenter.

Elle souligne que l'avenant au contrat de travail dont se prévaut la caisse primaire n'a été signé que pour ordre du directeur région, et la décision prise par M. [M] refusant l'accomplissement d'heures supplémentaires n'était que l'exécution des instructions du chef de région.

Elle conteste de même le fait que M. [Y] ait eu qualité pour représenter l'employeur, alors qu'il est chef gérant du site Boerhinger/Delpharm et le personnel est géré par un directeur des ressources humaines, M. [O].

La société Dupont Restauration en déduit que la caisse primaire a entendu les témoins des faits, mais elle n'a jamais associé l'employeur à l'instruction du dossier.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions des parties et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la demande principale

En vertu des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur, ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

L'employeur ayant transmis la déclaration d'accident du travail de Mme [C] avec réserves motivées, la caisse a diligenté une enquête.

L'agent assermenté a entendu Mme [C] qui lui a remis trois dossiers relatant les difficultés qu'elle disait rencontrer dans l'entreprise, puis il s'est rendu sur le lieu de travail de la salariée et a entendu le chef de cuisine, M. [V], le chef de secteur, M. [M], deux collègues de travail, Mesdames [E] et [X].

Le chef de secteur lui a remis plusieurs attestations d'employés travaillant avec l'assurée, dénonçant le comportement agressif de celle-ci, son irritabilité, et les mauvaises conditions de travail en découlant.

La société Dupont Restauration avait émis des réserves sur la matérialité de l'accident, soulignant quatre points :

- l'événement faisait suite à un échange intervenu plus tôt dans la matinée avec son responsable au cours duquel il lui avait refusé la réalisation d'heures supplémentaires au cours de la semaine 51, et Mme [C] l'avait alors menacé de ne pas réaliser la prestation de noël et de se mettre en arrêt, lui demandant également une rupture conventionnelle de son contrat de travail,

- la charge de travail de Mme [C] avait été allégée en début d'année,

- il existerait un différend depuis plusieurs années entre Mme [C] et certains membres de l'équipe, notamment Mesdames [W] et [T], et la société, en collaboration avec le CHSCT, la médecine du travail et l'inspecteur du travail, notamment en 2016, et l'employeur en déduisait que l'événement soudain au temps et au lieu du travail n'était pas caractérisé,

- Mme [C] était suivie depuis plusieurs mois pour des problèmes psychologiques, et ses troubles s'étaient manifestement développés de manière lente et progressive.

La société concluait en indiquant que le fait générateur ne pouvait être daté de manière certaine, et le lien avec l'activité professionnelle ne pouvait pas être établi.

L'enquête menée par la caisse primaire d'assurance maladie a pour objet de déterminer la matérialité du fait accidentel, et par conséquent, en cas de réserves, de déterminer les circonstances du fait déclaré, et rechercher si les réserves de l'employeur sont fondées.

En l'espèce, l'enquête menée par la caisse s'avère particulièrement complète puisque sont entendus les différents protagonistes de la scène soit la victime désignée de l'accident, les personnes présentes, ses supérieurs directs.

Les documents remis par la salariée montrent qu'à plusieurs reprises, elle s'était plainte du comportement de ses collègues, dont elle estimait qu'ils la dénigraient, de la réaction de l'employeur qui par un courrier du 5 janvier 2018 indiquait que par suite des éléments qu'elle dénonçait une enquête à laquelle le CHSCST était associé, était menée, puis des échanges de courrier entre la salariée et le responsable des ressources humaines, après l'accident déclaré.

L'agent assermenté a entendu M. [V], présent sur les lieux et qui a relaté que par suite d'une altercation entre l'assurée et l'une de ses collègues, il avait été appelé à la rescousse, avait constaté que Mme [C] était très agressive et s'approchait de Mme [W], et il les avait séparées, leur demandant d'arrêter.

Mme [C] avait alors poussé une échelle qui avait cogné l'épaule d'une salariée, fait tomber de la vaisselle au sol, puis que Mme [C] s'était approchée de l'armoire à couteaux, en disant vouloir se suicider, et qu'elle avait donné des coups de tête dans cette armoire, qu'au moment où il la conduisait hors de la pièce, elle avait donné des coups de tête dans un mur, disant vouloir se suicider, qu'elle s'était jetée par terre en tapant le sol, et que l'infirmière était intervenue.

Il a de même entendu L. [M], chef de secteur, lequel a indiqué avoir eu un entretien avec Mme [C] le matin des faits, et qu'elle avait annoncé son intention de se mettre en arrêt de travail après qu'il lui ait refusé des heures supplémentaires.

Il avait ensuite appris qu'une vive altercation était intervenue entre Mme [C] et Mme [W].

Mme [W] a pour sa part déclaré à l'agent assermenté qu'elle avait dit à des intérimaires qu'elle n'était pas d'accord pour se retrouver seule à la plonge et que Mme [C] exagérait.

Cette dernière serait alors venue dans la pièce, lui interdisant de parler d'elle et en se montrant agressive et menaçante.

Elle confirmait l'intervention du cuisinier, le fait que Mme [C] avait poussé une échelle sur une collègue puis qu'elle s'était frappé la tête contre une armoire.

Mme [X] confirmait pleinement cette relation des faits, soit l'arrivée de Mme [C] qui leur reprochait de parler d'elle, l'agressivité de cette dernière ayant rendu nécessaire l'intervention du cuisinier, puis la projection d'une échelle, et le fait que Mme [C] s'était frappé la tête contre une armoire.

Enfin, l'agent assermenté a intégré dans le dossier d'enquête les attestations remises par Mme [W], décrivant le comportement difficile de Mme [C] qui selon les témoins avait une humeur changeante, et qui pouvait soudainement exprimer de l'agressivité et de la colère.

Les éléments recueillis montrent que l'agent assermenté a vérifié la matérialité du fait accidentel décrit, ses circonstances précises, et qu'il s'est également attaché à recueillir des éléments objectifs permettant de vérifier les réserves de l'employeur.

Si la caisse avait décidé d'instruire le dossier sous la forme de questionnaires, elle aurait eu l'obligation d'en adresser un à la salariée et un à l'employeur, pour permettre à ce dernier de faire toutes les observations utiles quant à la matérialité de l'accident et ses circonstances.

Dès lors que la caisse fait choix d'une enquête, elle se doit d'identifier et entendre les éventuels témoins, et recueillir les éléments relatifs aux réserves émises, ce qu'en l'espèce la caisse a fait.

Il sera ajouté que M. [Y] était bien le chef gérant de l'établissement où travaillait la salariée et M. [M] était le chef de secteur, responsable direct de l'assurée, et qu'au regard de l'objet de l'enquête menée par la caisse, leur audition est plus pertinente que celle de la hiérarchie de l'entreprise, qui n'aura qu'une relation indirecte des faits.

C'est ensuite au vu de l'enquête réalisée, et de l'ensemble des éléments constituant le dossier d'instruction que l'employeur est mis en mesure de faire valoir ses observations quant à la prise en charge de l'accident déclaré.

Il convient dès lors d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras et de dire que la décision de prise en charge de l'accident déclaré par Mme [C] est opposable à l'employeur.

Si l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 96-786 du 10 septembre 1996, subordonne la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale à la mise en 'uvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social en application de l'article R.142-1 du même code, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur la validité ou la nullité de l'avis rendu par la commission qui revêt un caractère administratif.

Dès lors, la cour n'a pas compétence pour confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 2 août 2018.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Dupont Restauration est condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie sera déboutée de la demande qu'elle formule en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 30 juin 2020,

Déclare opposable à l'employeur la prise en charge de l'accident du travail déclaré par Mme [C], salariée de la société Dupont Restauration le 15 décembre 2017,

Condamne la société Dupont Restauration aux dépens,

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/04960
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;20.04960 ?
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