ARRET
N° 270
S.A.S. SYNTHOS WINGLES
C/
CPAM DE L'ARTOIS
VC
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 12 MAI 2022
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N° RG 20/05160 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4J6
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 03 septembre 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. SYNTHOS WINGLES agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
Sis Rue Duplat
62410 WINGLES
Représentée et plaidant par Me Isabelle RAFEL de la SCP INTER-BARREAUX VIDAL-NAQUET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 394
ET :
INTIME
CPAM DE L'ARTOIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège
11 boulevard du Président Allende
CS 90014
62014 ARRAS CEDEX
Représentée et plaidant par Mme [R] [K] dûment mandatée
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Novembre 2021 devant Mme Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. [Z] [G]
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 10 janvier 2022, le délibéré a été prorogé au 12 mai 2022
Le 12 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Présidente a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Le 23 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après la CPAM) enregistrait une déclaration de maladie professionnelle datée du 8 mars 2017 effectuée par M. [C] [B], salarié de la société SYNTHOS WINGLES en qualité d'agent de fabrication, et accompagnée d'un certificat médical initial du 16 février 2018 faisant état d'une épicondylite droite.
Le 10 septembre 2018, après avoir procédé à une enquête administrative, la CPAM a notifié à l'employeur une décision de prise en charge de la pathologie au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.
La société SYNTHOS WINGLES a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la CPAM.
Saisi d'un recours contre la décision implicite puis explicite de rejet de la commission de recours amiable, le tribunal de grande instance d'Arras devenu pôle social du tribunal judiciaire, par jugement prononcé le 3 septembre 2020, a :
- débouté la SAS SYNTHOS WINGLES de l'intégralité de ses demandes ;
- déclaré opposable à la SAS SYNTHOS WINGLES la décision de la caisse du 10 septembre 2018 de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée le 8 mars 2017 par M. [C] [B] au titre de la législation relative aux risques professionnels ;
- condamné la SAS SYNTHOS WINGLES aux dépens.
Par courrier réceptionné le 16 octobre 2020, la société SYNTHOS WINGLES a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 6 octobre 2020.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 9 novembre 2021.
Par conclusions communiquées au greffe le 3 novembre 2021 soutenues oralement à l'audience, la société SYNTHOS WINGLES demande à la cour de:
- réformer le jugement querellé,
Vu les dispositions d'ordre public du tableau n°57B,
Vu l'absence de preuve par la CPAM de Lens du fait que les conditions médicales du tableau su visé sont remplies,
Vu les dispositions de l'article L.461-2 du Code de la Sécurité Sociale,
Vu l'absence de preuve par la CPAM de Lens du fait que M. [C] [B] a effectué de manière habituelle des travaux tels que limitativement listés au tableau n°57B,
- prononcer l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge en date du 10 septembre 2018,
- condamner la CPAM de Lens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 000 euros, ainsi qu'aux dépens.
La société SYNTHOS WINGLES soutient en premier lieu que la condition médicale du tableau n'est pas remplie ; que la référence à une « insertion » n'existe nulle part dans le certificat médical initial et dans le colloque médico-administratif alors que le tableau vise la tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens ; que l'avis du médecin conseil doit être corroboré par des éléments extrinsèques.
En second lieu, elle fait valoir que les conditions administratives imposées par le tableau n° 57B ne sont pas respectées ; que la CPAM n'a retenu que la description de poste donnée par le salarié alors que ce n'est pas celle donnée par l'employeur ; que M. [C] [B] occupait un poste d'opérateur fabrication consistant principalement à surveiller les lignes automatisées de production ; que l'utilisation du transpalette était occasionnelle ; qu'il n'est pas établi qu'elle a généré des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination ; qu'il en est de même du fait de casser des sacs de granulés dont fait état l'agent de la CPAM ; qu'il s'agissait d'une tâche ponctuelle comme l'a rectifié M. [L], témoin ; que le premier juge a renversé la charge de la preuve en indiquant qu'elle était défaillante dans l'administration de la preuve du non-respect de la liste limitative des travaux du tableau n°57B.
Par conclusions visées par le greffe le 25 octobre 2021 soutenues oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de :
- déclarer la société SYNTHOS STYROLUTION mal fondée en son appel ;
- la débouter de ses fins, moyens et conclusions ;
Ce faisant,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Arras en date du 3 septembre 2020.
Elle soutient que le médecin conseil est chargé de vérifier la qualification de la maladie ; que si l'interprétation du certificat médical initial doit être stricte, elle ne doit pas être restrictive ; que l'employeur a été informé de la pathologie retenue dans le cadre de l'instruction.
S'agissant de la liste des travaux, elle développe qu'il ressort de l'enquête par agent assermenté diligentée suite aux divergences des questionnaires assuré et employeur, que les travaux de conditionnement et de séchage effectués par le salarié font partie de la liste limitative des travaux du tableau n°57B.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs
Sur la désignation de la maladie
En application de l'article L461-1 alinéas 2 et 3 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ('). »
L'article L. 461-5 alinéa 3 du même code prévoit que le praticien remet à la victime un certificat indiquant la nature de la maladie, notamment les manifestations mentionnées aux tableaux et constatées ainsi que les suites probables.
Il s'en déduit que le certificat médical initial n'a pas à reprendre à la lettre les énoncés des tableaux des maladies professionnelles. Il appartient au service médical de la CPAM de vérifier la qualification de la maladie.
En l'espèce, le certificat médical initial mentionne : 'demande de reconnaissance en mp (tableau 57) épicondylite latérale droite-patient droitier- douleurs évoluant depuis octobre 17-immobilisation platrée depuis le 16/2/2018 pour 3 sem ».
Au terme du colloque médico-administratif, le médecin conseil de la caisse a retenu, au vu notamment d'une échographie du coude droit, la qualification de tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit, maladie inscrite au tableau n°57B des maladies professionnelles qui désigne les « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » et plus spécifiquement les affections relatives au coude dont la « tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial ».
La société SYNTHOS WINGLES a été informée du type de pathologie concerné puisque la CPAM l'a invitée à consulter le dossier d'instruction de la maladie « tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit » inscrite au tableau n°57B préalablement à la décision, selon courrier du 21 août 2018.
Ainsi la condition médicale relative à la désignation de la maladie est remplie.
Sur la liste des travaux
Le tableau n°57B qui vise la tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial, fixe une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, dont :
« Travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination ».
Il ressort de l'enquête diligentée par un agent enquêteur assermenté de la CPAM tant auprès de l'employeur que du salarié, que M. [C] [B] occupe depuis le 21 mai 2013 un poste d'opérateur fabrication et qu'il effectue des travaux de conditionnement, séchoir, aide opérateur.
M. [C] [B] a déclaré qu'alors qu'il était affecté sur le secteur de la polymérisation où il surveillait des lignes automatisées, il a dû utiliser en octobre ou novembre 2017 un transpalette manuel pour acheminer des charges d'une tonne selon une fréquence de 3 à 6 fois par poste, le transpalette électrique étant en panne. Il a décrit que sur les secteurs réacteurs et conditionnement, il avait manipulé des sacs de produits en masse (granulés) qu'il avait été amené à casser à l'aide d'un marteau et d'un burin selon une fréquence de 3 fois par poste et pour une durée de 10 à 30 minutes par opération. S'agissant du conditionnement, il a précisé que pour conditionner des grands cartons de 2 mètres de hauteur, il devait les placer sur un convoyeur automatique, puis appuyer sur une pédale pour que le carton se place sur la palette, et qu'en raison du mauvais positionnement des cartons, il devait les replacer en les bougeant à bout de bras 100 fois par poste soit 30 minutes par jour, puis il y apposait ensuite une mousse.
Les déclarations de M. [C] [B] ont été corroborées par celles de deux collègues. M. [P] [S] a toutefois évalué la remise en place manuelle des cartons dans le secteur du conditionnement entre 50 et 80 fois par poste. M. [L], chef d'équipe et responsable de M. [C] [B], a relaté qu'effectivement « en fin d'année 2017, le transpalette électrique était tombé en panne et que Monsieur [B] s'était donc servi d'un transpalette manuel à raison en moyenne de 3 fois par poste ;
qu'il avait aussi cassé les sacs de granulés en masse à l'aide d'un marteau et d'un burin (3 fois par poste X 15minutes) ; qu'il avait été amené à repositionner à l'aide de ses bras, les cartons sur les palettes (50 fois par poste en moyenne) ;qu'il avait aussi manipulé environ 5 sacs de 25 kg en polymérisation et au maximum 3 bidons de 20 kg pendant son poste de travail ».
La société SYNTHOS WINGLES, qui a contesté toute exposition aux travaux visés par le tableau précité et déclaré dans le questionnaire employeur que la surveillance de lignes automatisées occupait la majeure partie du poste de son salarié, fait valoir que les déclarations de M. [L] rapportées dans l'enquête administrative ne coïncident pas avec l'échange de mails qu'il a eu en octobre 2018 avec le directeur des ressources humaines de la société.
Dans son mail du 5 octobre 2018, M. [L] écrit : « [C] manipule 100 octas vides/poste - rectifié par 50/poste rarement vu qu'il n'est pas souvent à ce poste. [C] doit tirer des charges d'une tonne avec un transpalette manuel- rectifié en disant qu'ils doivent être à 2 pour tirer des charges à la main (il ne tire pas de charges à chaque poste). [C] casse des blocs de produits 6 fois/poste- rectifié par de 1 à 3 foi/poste maxi et pas à chaque fois vu qu'il peut changer de poste de travail ».
S'il existe une divergence dans les déclarations entre le salarié et ses collègues quant au nombre de manipulations par poste, il n'en demeure pas moins qu'elles établissent une répétition de mouvements de flexion et d'extension ou de mouvements de pronosupination relevant de la liste limitative des travaux du tableau n°57 B en particulier lors de l'utilisation du transpalette manuel, du repositionnement des cartons, de la casse de produits en masse à l'aide d'un marteau et d'un burin.
Le tribunal relève à juste titre que si M. [C] [B] n'a été amené à utiliser un transpalette manuel que sur une durée d'environ deux mois et demi, il avait une ancienneté dans son poste d'opérateur fabrication de plus de quatre ans en prenant en compte la date de réception de la déclaration de maladie professionnelle et celle d'établissement du certificat médical, ayant débuté son activité au sein de la société SYNTHOS WINGLES le 21 mai 2013.
Ainsi, la CPAM rapporte suffisamment la preuve du respect de la liste limitative des travaux. La condition médicale et celle du délai de prise en charge étant également remplies, la présomption d'imputabilité de l'origine de la maladie à l'activité professionnelle s'applique.
Il appartient à l'employeur qui entend combattre cette présomption de rapporter la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou d'une pathologie évoluant pour son propre compte, ce qu'il ne fait pas.
C'est donc à juste titre que le tribunal a débouté la société SYNTHOS WINGLES de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La société SYNTHOS WINGLES, succombant en ses demandes, est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
En application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de l'instance sont à la charge de la société SYNTHOS WINGLES.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute la SAS SYNTHOS WINGLES de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la SAS SYNTHOS WINGLES au entiers dépens de l'instance.
Le Greffier,Le Président,