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11/05/2022 | FRANCE | N°21/03494

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 mai 2022, 21/03494


ARRET







[L]





C/



S.A.R.L. DU BON GOUT



























































copie exécutoire

le 11/05/2022

à

-Me MESUREUR

-SELARL DELAHOUSSE

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 MAI 2022



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N° RG 21/03494 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IE57



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 12 MAI 2021 (référence dossier N° RG F19/00218)





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [Z] [L]

née le 29 Novembre 1984 à AMIENS (80000)

de nationalité Française

4 bis, impasse du Choq...

ARRET

[L]

C/

S.A.R.L. DU BON GOUT

copie exécutoire

le 11/05/2022

à

-Me MESUREUR

-SELARL DELAHOUSSE

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/03494 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IE57

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 12 MAI 2021 (référence dossier N° RG F19/00218)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [Z] [L]

née le 29 Novembre 1984 à AMIENS (80000)

de nationalité Française

4 bis, impasse du Choquet

80260 RAINNEVILLE

représentée et concluant par Me Brigitte MESUREUR, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. DU BON GOUT

MARIO'S PIZZA -200 bis rue Jules Barni - BP 70019

80000 AMIENS CEDEX 3

représentée et concluant par Me Romain GUILLEMARD de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mars 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 11 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [L], née le 29 novembre 1984, a été embauchée par la SARL Du bon goût (la société ou l'employeur) sur la période du 6 juin 2011 au 5 août 2017, pour travailler ensuite quelques mois chez un nouvel employeur, mais à compter du 1er mars 2018, elle a réintégré l'entreprise suivant contrat à durée indéterminée en qualité de standardiste polyvalente.

La société emploie plus de dix salariés.

Mme [L] a été pendant plusieurs années la conjointe de M. [K], fondateur de la société, qui, à la suite d'un accident survenu en septembre 2017, était contraint de céder la gérance de l'entreprise à sa mère, Mme [U].

Le 1er mai 2018, Mme [L] a été promue responsable du magasin de la route de Rouen.

Elle a été convoquée par Mme [U] le 26 mars 2019, par acte d'huissier de justice, à un entretien préalable fixé au 2 avril 2019, avec notification d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 5 avril 2019, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Par lettre recommandée du 11 avril 2019, elle a contesté la réalité du motif de son licenciement l'imputant à sa future maternité, communiquant par le même courrier un certificat médical daté du 11 avril 2019, attestant de son état de grossesse.

Le 17 avril 2019, la société Du bon goût a informé Mme [L] de l'annulation du licenciement, puis a confirmé sa décision d'annulation par lettre recommandée du 3 mai 2019.

La salariée s'est présentée dans l'entreprise le 6 mai 2019 afin de retirer ses documents de fin de contrat et son solde de tout compte comme indiqué dans la lettre initiale l'informant de son licenciement. La société n'a pas remis à la salariée ces documents, souhaitant s'en tenir à l'annulation de sa décision.

Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 21 mai 2019, afin de voir déclarer nul le licenciement dont elle a fait l'objet.

Le conseil, par jugement du 12 mai 2021, a :

- constaté que la SARL Du bon goût avait pris acte le 17 avril 2019 de l'état de grossesse médicalement constaté le 11/04/2019 de Mme [L] ;

- dit et jugé que la SARL Du bon goût avait annulé le licenciement notifié le 05 avril 2019 à Mme [L], et ce, en application des dispositions de l'article L. 1225-5 du code du travail ;

- constaté que Mme [L] avait refusé l'offre de réintégration de la SARL Du bon goût ;

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail était imputable à Mme [L] ;

- débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés y afférents, d'indemnité de licenciement et de salaires dus pendant la période de protection et congés y afférents ;

- dit et jugé que la SARL Du bon goût était redevable de rappel de salaire et de jours de congés payés ;

- condamné la société à régler à Mme [L] les sommes suivantes :

- 685,70 euros au titre de rappel de salaire pour la période du 26 mars 2019 au 05 avril 2019

- 68,57 euros au titre des congés payés afférents à ce rappel de salaire

- 2 086,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur salaires (25 jours de congés payés)

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la SARL Du bon goût de remettre à Mme [L] l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail ainsi que les bulletins de paie des mois d'avril et mai 2019 conformes à sa décision, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la décision ;

- débouté Mme [L] du surplus de ses demandes ;

- laissé les dépens à la charge de la SARL Du bon goût.

Par conclusions remises le 7 mars 2022, Mme [L], qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

- la dire et la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens du 12 mai 2021 en ce qu'il :

- a constaté que la SARL Du bon goût avait pris acte le 17 avril 2019 de son état de grossesse médicalement constaté ;

- a dit et jugé que la société avait annulé le licenciement et ce, en application de dispositions de l'article L 1225-5 du code du travail ;

- a constaté qu'elle a refusé l'offre de réintégration de la SARL Du bon goût ;

- a dit et jugé que la rupture du contrat de travail lui était imputable ;

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés y afférents, d'indemnité de licenciement et de salaires dus pendant la période de protection et congés y afférents ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger nul son licenciement ;

- dire et juger la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur, son refus de réintégration étant sans incidence sur le licenciement prononcé à une date où l'employeur avait connaissance de son état de grossesse ;

- condamner la SARL Du bon goût à lui payer les sommes suivantes :

-18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de licenciement

- 3 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 360 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 975 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 20 160 euros à titre des salaires dus pendant la période de protection

- 2 016 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur salaires dus pendant la période de protection ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Du bon goût au paiement des sommes suivantes :

- 685,70 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 26 mars 2019 au 05 avril 2019 (mise à pied conservatoire)

- 68,57 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire

- 2 086,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur salaires

- 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner à la société de lui remettre l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail ainsi que les bulletins de paie des mois d'avril et mai 2019, conformes à l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 3 mars 2022, la SARL Du bon goût demande à la cour de :

- dire l'appel de Mme [L] recevable, mais mal fondé ;

- dire son appel incident recevable et bien fondé ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en toutes ses dispositions, sauf à l'infirmer concernant les frais de procédure, et condamner Mme [L] à l'indemniser sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger que Mme [L] ne pouvait, au jour de son licenciement, se prévaloir des dispositions de l'article L.1225-4 du code du travail ;

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses prétentions ;

- limiter à titre subsidiaire, les indemnités qui seraient accordées à Mme [L] du fait de la nullité de son licenciement à 10 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et 17 059,35 euros brut au titre des salaires dus pendant la période de protection, sommes ne donnant pas lieu au paiement de congés payés ;

- débouter Mme [L] du surplus de ses demandes ;

- condamner Mme [L] à s'acquitter à son profit de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

EXPOSE DES MOTIFS :

I- Sur la demande tendant à la nullité du licenciement :

Mme [L] affirme que son licenciement est exclusivement lié à son état de grossesse. Elle fait valoir que l'employeur a été informé de cet état dès la remise de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, soit le 26 mars 2019, ainsi qu'il le reconnaît dans son courrier du 17 avril 2019 et qu'il ressort du compte rendu d'entretien préalable rédigé par son conseiller et de l'attestation de la comptable versée aux débats par la société.

Cette dernière répond que, si la salariée a effectivement évoqué le fait qu'elle était enceinte au moment de la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, c'est dans des conditions lui permettant clairement de douter de cet état de fait au regard de son comportement manipulateur et des mensonges dont elle était coutumière, et sans que son état de grossesse soit alors médicalement constaté, de sorte qu'elle-même ne pouvait être certaine qu'elle était enceinte. Elle fait remarquer que le médecin qui a rédigé le certificat de grossesse est le même que celui qui a délivré un précédent arrêt de travail sans mentionner sa grossesse. Elle ajoute que la salariée, en se dispensant de communiquer un justificatif de son état de grossesse alors qu'elle l'y avait invitée, a fait preuve d'une particulière mauvaise foi de sorte qu'en application de l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », elle ne peut se prévaloir de la protection accordée aux femmes enceintes.

Sur ce,

L'article L. 1225-4 du code du travail dispose qu'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

Par application de l'article R.1225-1, pour bénéficier de cette protection, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s'il y a lieu, l'existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail.

Par ailleurs, en application de l'article L.1225-5, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l'état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

L'article R. 1225-2 précise qu'en cas de licenciement, le certificat médical justifiant que la salariée est enceinte est adressée par lettre recommandée avec avis de réception.

Si l'envoi d'un certificat de grossesse dans les formes des articles précités n'est pas une formalité substantielle, la seule assertion de la grossesse n'est pas suffisante.

Néanmoins, la salariée qui n'a pas fait régulièrement parvenir un certificat médical à son employeur, soit avant, soit après son licenciement, peut bénéficier de la protection spéciale si elle établit que l'employeur avait connaissance de son état lors du licenciement, la production d'un certificat médical constatant l'état de grossesse ne constituant pas une formalité substantielle dès lors que l'employeur avait connaissance de l'état de grossesse de l'intéressée avant la rupture du contrat de travail.

Enfin, il est rappelé que la femme enceinte n'est pas tenue d'informer l'employeur de son état sauf si elle demande le bénéfice de la protection ci-dessus exposée.

En l'espèce, il ressort du certificat médical du 11 avril 2019 que Mme [L] était enceinte à huit semaines d'aménorrhée le 11 avril 2019 ce qui fait remonter le début de sa grossesse à la fin du mois de février. Il est donc médicalement constaté qu'elle pouvait prétendre au bénéfice de la protection prévue à l'article L. 1225-4 du code du travail à la date de son licenciement.

N'ayant pas adressé de certificat de grossesse avant la réception de la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve de ce que l'employeur avait connaissance de cette situation lorsqu'il lui a notifié la rupture du contrat de travail.

La société a écrit à la salariée, dans une lettre qu'elle lui a adressée le 7 avril 2019, « le 15/04/19, nous avons reçu votre certificat médical en recommandé nous informant de votre état de grossesse. Je vous rappelle que nous recevons ce certificat médical pour la première fois, ce qui paraît normal à 8 semaines d'aménorrhée, nous n'avons donc pas engagé une procédure de licenciement pour ce motif. Procédure qui avait été engagée bien avant votre grossesse. Il est vrai que vous aviez annoncé verbalement que vous étiez enceinte mais uniquement le jour de la remise du courrier par notre huissier de justice concernant la mesure conservatoire de mise à pied, en date du 26/03/19 (') ».

Par ailleurs, Mme [J], comptable de la société, a attesté de ce que dans le cadre de son travail, elle avait suivi la procédure de licenciement ayant commencé avec la mise à pied à titre conservatoire et qu'à cette occasion, Mme [L] avait annoncé qu'elle était enceinte, que la gérante Mme [U] lui avait indiqué que pour elle il ne s'agissait que d'une affabulation et qu'elle était en attente d'une attestation médicale de grossesse avant d'y accorder un quelconque crédit.

De même, il est mentionné au compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement que Mme [L] a déclaré « vous ne me parlez plus depuis que vous avez repris les commandes de toute la société en gérance soit en novembre 2018 et surtout depuis que vous êtes au courant que je suis enceinte (') ».

Il résulte clairement de ce qui précède que l'employeur était informé verbalement depuis au moins le 26 mars 2019 de ce que la salariée était enceinte.

S'il avait des raisons de douter comme il l'affirme de la véracité des propos de cette dernière, il lui appartenait avant de poursuivre la procédure de licenciement à son terme de lui réclamer un certificat de grossesse. Or, il ne verse pas aux débats de document établissant qu'il a sollicité cette pièce, l'attestation de Mme [J] étant insuffisante à cet égard et son courrier du 17 avril 2019 ne faisant pas référence à une telle demande qui n'aurait pas été satisfaite.

Dès lors que Mme [L] a annoncé son état dès la première phase de la procédure de licenciement et qu'il n'est pas justifié de ce qu'elle a refusé de déférer à une demande de justificatif, c'est en vain que l'employeur invoque une quelconque mauvaise foi de sa part ou une man'uvre tendant à profiter de sa situation pour s'enrichir à ses dépens.

Par conséquent, l'employeur ne pouvait licencier la salariée que pour faute grave non liée à l'état de grossesse, ou impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse or, il a prononcé un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Mme [L], qui ne se prévaut pas à titre principal des dispositions de l'article L. 1225-5 mais de celles de l'article L. 1225-4, n'était pas tenue d'accepter la réintégration qui lui était proposée.

Il y a lieu, dans ces conditions, par infirmation du jugement, de prononcer l'annulation du licenciement avec toutes conséquences de droit.

II- Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

L'article L. 1225- 71 du code du travail prévoit que l'inobservation par l'employeur des dispositions de l'article L. 1225-4 peut donner lieu, au profit de la salariée, à l'attribution d'une indemnité conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Ce texte dispose que lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de nullité et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail, il lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et que cette indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225- 71, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité, c'est-à-dire jusqu'à l'expiration des 10 semaines après le congé de maternité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale ou conventionnelle.

Par ailleurs, la période de protection étant assimilée à une période effectivement travaillée, la salariée est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la période couverte par la nullité.

De plus, le licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail ne prend effet qu'à la date à laquelle la période de protection prévue à l'article L. 1225-17 du même code prend fin et cette date fixe le point de départ du délai-congé.

Mme [L] affirme que le licenciement nul ne prenant effet qu'à la date d'expiration de la période de protection, elle justifie d'une ancienneté supérieure à deux ans ce qui lui ouvre droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire, une indemnité de licenciement égale à un quart de mois par année d'ancienneté et au paiement des salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au 12 mars 2020, soit à l'expiration des quatre semaines de congé postnatal outre les congés payés y afférents. Elle réclame également des dommages et intérêts pour licenciement nul, affirmant qu'elle s'est trouvée privée de toute rémunération depuis le 26 mars 2019. Elle demande enfin un rappel de salaire pour la période liée à la mise à pied conservatoire soit entre le 26 mars et le 5 avril 2019, outre les congés payés y afférents.

L'employeur soutient qu'à défaut de justification d'un préjudice complémentaire, il convient de limiter les dommages-intérêts à une somme correspondant à six mois de salaire, que l'ancienneté de la salariée ne court que jusqu'au 21 janvier 2020, date de fin de la protection postnatale et que les salaires ne peuvent donner lieu au paiement des congés payés ne s'agissant pas d'une période de travail effectif.

L'enfant étant né le 12 novembre 2019, la période de protection courait jusqu'au 21 janvier 2020. Il convient d'y ajouter les deux mois de préavis. En conséquence, l'employeur est tenu au paiement du salaire en application de l'article L 1225-71 jusqu'au 21 janvier 2020 et l'ancienneté de la salariée s'étend du 1er mars 2018 au 21 mars 2020.

Au vu de ce qui précède, la société sera condamnée à payer à Mme [L] les sommes suivantes, non utilement contestées dans leur quantum :

- salaires jusqu'au 21 janvier 2020 : 17 059,35 euros outre 1 705,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- salaire pour la période de mise à pied conservatoire : 685,70 euros outre 68,57 euros d'indemnité compensatrice de congés payés, le jugement étant confirmé de ce chef,

- indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents : 3 600 euros outre 360 euros,

- indemnité de licenciement : 975 euros.

Mme [L] ne fournit pas d'information quant à sa situation à l'issue de la période de préavis.

Au vu de son âge, des circonstances de la rupture et de ses capacités à trouver un emploi, l'employeur sera condamné à lui verser une indemnité 11 000 euros au titre de la nullité du licenciement.

Ce dernier devra remettre à la salariée une attestation Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie des mois d'avril à mai 2019 conformes au présent arrêt.

Enfin, les parties demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a accordé une somme au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

III- Sur les demandes accessoires :

La société, qui perd le procès, sera condamnée à payer à Mme [L] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

infirme le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail était imputable à Mme [L], a débouté cette dernière de ses demandes de dommages intérêts pour nullité du licenciement, d'indemnité compensatrice de congés préavis et congés y afférents, d'indemnité de licenciement et salaires dus pendant la période de protection et congés payés y afférents,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

prononce la nullité du licenciement,

condamne la société Du bon goût à payer à Mme [L] les sommes de :

- salaires jusqu'au 21 janvier 2020 : 17 059,35 euros outre 1 705,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents : 3 600 euros outre 360 euros,

- indemnité de licenciement : 975 euros,

- dommages et intérêts pour licenciement nul : 11 000 euros,

ordonne à la société Du bon goût de remettre à la salariée une attestation Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie des mois d'avril à mai 2019 conformes au présent arrêt,

condamne la société Du bon goût à payer à Mme [L] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette toute autre demande,

la condamne aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03494
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;21.03494 ?
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