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11/05/2022 | FRANCE | N°21/02979

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 mai 2022, 21/02979


ARRET







S.A.R.L. PROMIL





C/



[N] [I]



































































copie exécutoire

le 11/05/2022

à

-XY AVOCATS

-SELARL BONINO

BAO

LDS/IL/



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 MA

I 2022



*************************************************************

N° RG 21/02979 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID7V



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 11 MAI 2021 (référence dossier N° RG 19/00320)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.R.L. PROMIL

ZAET LES HAIES 85 rue Marie Curie

60740 SAINT-MAXIMIN



concluante par Me Fabrice BER...

ARRET

S.A.R.L. PROMIL

C/

[N] [I]

copie exécutoire

le 11/05/2022

à

-XY AVOCATS

-SELARL BONINO

BAO

LDS/IL/

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/02979 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID7V

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 11 MAI 2021 (référence dossier N° RG 19/00320)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. PROMIL

ZAET LES HAIES 85 rue Marie Curie

60740 SAINT-MAXIMIN

concluante par Me Fabrice BERTOLOTTI de la SELARL XY AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

Madame [R] [N] [I]

née le 03 Mai 1970 à SENLIS

de nationalité Française

200, Route de Sacy le Grand

60140 LABRUYERE

représentée par Me Hervé SELOSSE-BOUVET, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

concluante par Me Lauralane BAO de la SELARL BONINO BAO, avocat au barreau de SENLIS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mars 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 11 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [N] [I] a été embauchée par la SARL Promil (la société ou l'employeur) à compter du 10 novembre 2017, par contrat à durée indéterminée, en qualité de secrétaire-comptable. Son contrat est régi par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transports.

L'effectif de la société est de 19 salariés.

Mme [N] [I] a été en arrêt maladie du 6 mars au 19 mai 2019.

Elle a été convoquée par la société Promil, par courrier du 24 avril 2019, à un entretien préalable fixé le 6 mai 2019, puis licenciée pour cause réelle et sérieuse par courrier du 17 mai 2019.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Creil, le 10 décembre 2019, afin de contester la légitimité de son licenciement.

Le conseil, par jugement du 11 mai 2021, a :

- écarté les courriers et pièces adressés par les parties après la clôture des débats ;

- jugé que le licenciement de Mme [N] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SARL Promil, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [N] [I] les sommes suivantes :

- 2 738,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 54 euros à titre de rappel de salaire de Mai 2019 ;

- 5,40 euros au titre des congés afférents ;

- 356 euros au titre du reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les condamnations prononcées à titre de rappels de salaire de mai 2019, au titre des congés payés y afférents, au titre du reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés produisaient intérêt au taux légal à compter du 12 décembre 2019, date de réception par la SARL Promil, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;

- dit que la condamnation prononcée à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, produisait intérêt au taux légal à compter du 11 mai 2021, date de mise à disposition du jugement ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la SARL Promil, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 3 mars 2022, la SARL Promil, qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [N] [I] était sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il l'a condamnée à des rappels de salaire, congés payés afférents et à un reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Statuant à nouveau,

- dire le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse ;

- constater que les rappels de salaire et les congés payés dus ont été régularisés en première instance ;

- débouter Mme [N] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,

- la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 8 octobre 2021, Mme [N] [I] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Promil à lui verser les sommes suivantes :

- 54 euros à titre de rappel de salaire sur mai 2019 outre 5,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- 356 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dépens ;

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir juger nul le licenciement dont elle a fait l'objet ;

- juger nul le licenciement dont elle a fait l'objet ;

- condamner la société Promil à lui verser la somme de 16 431,96 euros à titre d'indemnité du fait de la nullité du licenciement ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Promil à lui verser la somme de 2 738,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dans tous les cas,

- condamner la société Promil à lui verser la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Promil aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

II- Sur l'exécution du contrat de travail :

Mme [N] [I] soutient, à juste titre, que 10 heures de travail ne lui ont pas été payées en mai 2019 correspondant à deux semaines de préavis rémunérées soit 48 heures de travail et non 38 et qu'après régularisation partielle, il lui reste dû 54 euros plus 5,40 euros au titre des congés payés. Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef.

Mme [N] [I] réclame encore un reliquat de 7 journées de congés payés correspondant à 42 heures de travail à 13,50 euros. Elle expose que pour des raisons ignorées, alors que son bulletin de salaire de mai 2019 faisait apparaître un solde de congés payés de 26,5 jours, celui de juin ne mentionnait plus qu'un solde de 20,5 jours et 6 heures d'absence pour congés payés alors qu'elle n'a bénéficié d'aucune journée au mois de juin correspondant à son préavis.

L'employeur répond que le mois de préavis au cours duquel la salariée n'était plus en arrêt de travail a généré 2,5 jours de congés payés et que la mention erronée d'un droit à congé sur les bulletins de salaire n'étant pas créatrice de droit, il n'a régularisé que ces 2,5 jours non comptabilisés pendant la durée du préavis.

La société ne justifie pas de ce que la mention sur le bulletin de paie d'un solde de congés payés de 26,5 jours procède d'une erreur de sa part et ne s'explique pas sur le fait que la salariée ait pu bénéficier de congés payés pendant la durée du préavis qu'elle a été dispensée d'exécuter.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer à la salariée la somme de 356 euros brut de ce chef.

II- Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.

En l'espèce la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 6 mai 2019, auquel vous étiez convoquée et où vous vous êtes présentée, non-assistée, et vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pur cause réelle et sérieuse.

Nous vous rappelons les faits suivants par le détail, bien que ceux-ci vous aient été exposés lors de l'entretien préalable.

Je vous rappelle que vous avez été embauchée au sein de la société Promil, le 10 novembre 2017, en qualité de secrétaire comptable, notamment chargée de la tenue de la comptabilité générale de l'entreprise et plus précisément des déclarations de TVA.

Vous agissiez, au regard des compétences mentionnées dans votre curriculum vitae et de vos expériences professionnelles passées, en parfaite autonomie sur cette tâche et étiez en lien direct avec notre cabinet d'expertise-comptable.

Or, lors de l'établissement de notre Bilan pour 2018 par le Cabinet d'expertise-comptable, nous avons été alerté sur de graves erreurs en matière de déclaration de TVA, causant un grave préjudice financier pour la Société.

Monsieur [S], expert-comptable nous indique en effet par courrier que :

« Nous constatons dans les comptes au 31/12/2018, une anomalie conséquente au regard des déclarations de TVA, qui s'élève à un retard de déclaration de TVA collectée de l'ordre de 39k€ et une avance de la TVA déductible de l'ordre de 10k€, soit un total de 49k€.

Il semblerait que l'anomalie provenant de la TVA collectée corresponde aux écritures passées pour la compensation des créances clients et des dettes fournisseurs. Votre régime de TVA est celui des encaissements. Il est donc impératif de déclarer la TVA lorsque vous passez une compensation, bien qu'il n'y ait pas de règlements qui apparaissent sur votre compte bancaire.

Le retard de 49k€ doit être notifié auprès de l'Administration Fiscale dans les plus brefs délais. Si votre trésorerie ne le permet pas, une démarche d'étalement peut être faite pour régulariser cette irrégularité. Le défaut de déclaration est une infraction pénale qui peut engager votre responsabilité de gérant de la société PROMIL ».

Ces fonctions entraient pourtant parfaitement dans le champs de vos compétences.

En l'état de ces éléments de fait, ces derniers sont de nature à caractériser une insuffisance professionnelle se matérialisant par votre incapacité à remplir de façon satisfaisante les missions pour lesquelles vous avez été engagée.

Nous considérons donc que l'ensemble des faits ci-dessus constitue des manquements graves à l'exécution de vos fonctions empêchant la poursuite de nos relations professionnelles.

Nous vous notifions donc votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

A la lecture des motifs du licenciement, il apparaît que celui-ci a été prononcé pour insuffisance professionnelle et non pour faute.

Sur les demandes au titre de la nullité du licenciement :

En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de son état de santé.

Tout licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions est nul (article L. 1132-4 du code du travail).

Selon l'article L 1134-1 du même code, lorsqu'un litige survient en ce domaine, il incombe au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe alors à la partie défenderesse, au vu de ces éléments de prouver que sa décision est justifiée par des considérations objectives étrangères à toute discrimination.

En l'espèce, à titre liminaire, la cour constate que la lettre de licenciement telle que reproduite ci-dessus ne fait pas référence à l'état de santé de la salariée.

Mme [N] [I] soutient que la qualité de son travail n'avait jamais été précédemment remise en question ; qu'au cours de l'entretien préalable l'employeur l'a interrogée à plusieurs reprises sur les raisons de ses arrêts de maladie, sous-entendant qu'ils étaient de complaisance, lui a reproché de ne pas vouloir en dévoiler la cause et de ne pas avoir organisé son absence, a évoqué les difficultés financières rencontrées par l'entreprise conduisant à ne pas remplacer des salariés sortant des effectifs, lui a indiqué qu'il avait demandé des devis à des prestataires extérieurs pour effectuer son travail ; qu'il a fait paraître une annonce le 24 octobre 2017 pour recruter un comptable indépendant ou en free-lance qui avait clairement pour objet de la remplacer en faisant des économies ; que le résultat de la société pour l'année 2018 est nettement inférieur à celui des années 2016 et 2017 ; qu'après son licenciement, la société n'a pas procédé à l'embauche d'un comptable ou d'un secrétaire comptable. Elle en déduit que le véritable motif de son licenciement est son état de santé qui a nécessité la délivrance de plusieurs arrêts maladie ce que l'employeur ne supportait pas ainsi qu'en atteste son comportement à l'égard de trois autres salariés (M. [J], Mmes [F] et [Y]).

Elle présente les éléments suivants :

- l'annonce publiée le 24 octobre 2017 pour le recrutement d'une secrétaire comptable à mi-temps à raison de 20 heures par semaine, à laquelle elle a répondu,

- une annonce publiée sur leboncoin.fr, le 24 mars 2019, pour le recrutement d'un comptable indépendant ou en free-lance, à temps partiel, pour une société de transport routier située à Saint-Maximin (60),

- la fiche société.com de présentation de la société CPEMD,

- la fiche de renseignements Infogreffe concernant la société PROMIL mentionnant une importante baisse du chiffre d'affaires entre 2017 et 2018,

- l'extrait du registre unique du personnel produit par l'employeur qui ne fait pas mention du recrutement d'une secrétaire comptable après son licenciement.

L'employeur conteste la matérialité des faits présentés par Mme [N] [I].

Effectivement, le contenu des échanges au cours de l'entretien préalable au licenciement, notamment le fait que l'employeur se serait enquis abusivement de la cause des arrêts maladie, aurait invoqué des difficultés financières et la volonté de ne pas remplacer les salariés absents, contesté par l'employeur, ne résulte d'aucune pièce du dossier.

Par ailleurs, la société justifie par la production d'un tableau de ses effectifs de ce que ceux-ci sont restés stables entre 2017 et 2020.

Elle rapporte également la preuve de ce que M. [J] est à l'origine de la procédure de rupture conventionnelle qui a mis fin à son contrat de travail, que Mme [F] a été licenciée à la suite d'un avis d'inaptitude à tout reclassement dans un emploi par la médecine du travail et que Mme [Y] faisait toujours partie des effectifs le 30 novembre 2021.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée. Les demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] [I] de ses demandes formées au titre du licenciement nul.

Sur les demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Sur la prescription :

Pour contester son licenciement, la salariée invoque en premier lieu la prescription des faits.

C'est à juste titre que l'employeur répond que les dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail selon lesquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ne sont applicables qu'au licenciement disciplinaire ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la salariée ayant été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Au demeurant, l'employeur rapporte la preuve par la production d'un e-mail de son expert-comptable, de ce qu'il a eu connaissance des faits qu'il reproche à la salariée à l'occasion d'un contrôle effectué sur ses comptes par l'expert-comptable le 11 avril 2019 de sorte que la procédure a été engagée dans le délai de deux mois.

Ce moyen est donc inopérant.

Sur le fond :

La cour rappelle que pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou conjoncturelle, et être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Son appréciation relève du pouvoir de direction de l'employeur, mais doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La salariée soutient que l'entretien préalable n'a été qu'une formalité dès lors que la société lui a écrit, en réponse à sa contestation du licenciement, que c'est à la suite du courrier de son expert-comptable qu'elle avait pris la ferme décision de la licencier.

Ce moyen sera rejeté dès lors que, si la note de l'expert-comptable n'est pas datée, celui-ci atteste qu'elle était jointe à un e-mail du 14 mai 2019, soit postérieur à la tenue de l'entretien préalable.

La société fait valoir que Mme [N] [I] en sa qualité de secrétaire comptable était chargée des déclarations fiscales et sociales. Il se réfère à la fiche métier éditée par Pôle emploi, au curriculum vitae de la salariée aux termes duquel elle affirme avoir des compétences en comptabilité générale jusqu'au bilan pour transmission expert-comptable ainsi qu'à la lettre rédigée par la salariée le 29 mai 2019 dans laquelle elle indique qu'elle avait notamment pour tâches « les déclarations de TVA et autre déclarations diverses en lien avec l'activité... ».

Mme [I] [N] conteste qu'il entrait dans ses compétences de procéder aux déclarations de TVA et fait valoir que, si effectivement elle travaillait en totale autonomie, effectuant de nombreux actes de comptabilité dont les déclarations de TVA comme le soutient l'employeur, alors cela signifierait que son emploi relevait en fait d'une catégorie supérieure, celle des techniciens et agents de maîtrise, sans toutefois qu'elle ait disposé d'un tel statut ni de la rémunération correspondante. Elle s'appuie sur l'annonce de recherche d'emploi à laquelle elle a postulé et sur les dispositions de la convention collective.

La société ne conteste pas que Mme [I] [N] ait été recrutée à la suite d'une annonce passée sur le site Leboncoin.fr aux termes duquel le poste offert est ainsi décrit participer à la facturation client, enregistrer des encaissements (remise de chèques, virements), établissement des rapprochements bancaires périodiques, contrôle et enregistrement des factures fournisseurs plus paiements, lettrage des comptes fournisseurs, suivi des factures clients en totalité, relances des règlements jusqu'aux dossiers de recouvrement, suivi des fournitures de bureau et réapprovisionnement, rédaction de divers courriers. Il était requis entre autres compétences de bonnes connaissances comptables. Il n'était donc pas prévu l'exécution, en toute autonomie, de tâches en rapport avec les déclarations de TVA.

Aux termes du contrat de travail de Mme [I] [N], qui ne s'accompagne pas d'une fiche de poste, elle a été recrutée en qualité de secrétaire comptable groupe 9 coefficient 148,50 conformément à la convention collective des transports routiers. Le groupe 9 ne comprend pas spécifiquement le poste de secrétaire comptable. Le poste s'en rapprochant le plus est celui de « caissier comptable- employé chargé d'encaisser et d'effectuer tout paiement sur présentation de documents reconnus « bons à payer » » ; effectue toutes opérations courantes de caisse ; tiens les écritures comptables correspondantes nécessitant les connaissances comptables de l' « aide comptable teneur de livres 2e degré »- emploi n° 54 ». Le titulaire d'un tel poste n'effectue donc pas, sous sa seule autorité et responsabilité, les déclarations de TVA.

Selon la convention collective, une telle mission relève plutôt du groupe 5, catégorie techniciens et agents de maîtrise.

Mme [I] [N] a écrit à l'employeur le 29 mai 2019 : « au bilan précédent, il y n'avait pas eu de remarques au sujet des compensations, pas plus qu'en ce qui concerne la TVA, que j'ai continué d'établir de la même manière et conformément à la pratique de la personne précédemment en poste, puisque je vous avais indiqué que depuis longtemps je n'étais plus en charge des déclarations de TVA, celle-ci étant traitée en interne ». Les termes de cette lettre sont ambigus puisque la salariée indique à la fois qu'elle établissait les compensations et la TVA et qu'elle n'était plus en charge des déclarations de TVA. Il ne peut donc être déduit de ce courrier qu'elle reconnaît être l'auteur de l'erreur comptable qui lui est imputée, ni de manière générale qu'il entrait dans ses attributions de procéder aux déclarations de TVA.

Il résulte de ce qui précède que l'employeur n'établit pas avec certitude l'imputation de l'anomalie comptable à la salariée et que, si tel était le cas, il ne saurait lui reprocher, à titre d'insuffisance professionnelle, d'avoir commis une erreur dans l'exécution de tâches qui excédaient sa qualification contractuelle. À cet égard il importe peu que dans son curriculum vitae, Mme [I] [N] fasse état d'une expérience professionnelle qui pourrait la qualifier pour de telles missions.

Les premiers juges doivent donc être approuvés en ce qu'ils ont dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Justifiant d'une ancienneté de 17 mois dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Mme [N] [I] peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 1 et 2 mois de salaire.

En considération de la situation particulière du salarié et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné l'employeur au paiement d'une indemnité de 2 738,66 euros.

III- Sur les demandes accessoires :

La société, qui perd le procès, doit en supporter les dépens et sera condamnée à payer à Mme [N] [I] une somme supplémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Creil du 11 mai 2021 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

condamne la société Promil à payer à Mme [N] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02979
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;21.02979 ?
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