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11/05/2022 | FRANCE | N°21/02323

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 mai 2022, 21/02323


ARRET







S.A.S. HERTA





C/



[F]

































































copie exécutoire

le 11/05/2022

à

SELARL B.R.L.

Me LECAREUX

FB/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 MAI 2022



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N° RG 21/02323 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICXA



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 19 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG 20/00108)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. HERTA

16 Boulevard du Mont d'Est - Immeuble Maille Nord IV

93160 NOISY-LE-GRAND



représentée, conclua...

ARRET

S.A.S. HERTA

C/

[F]

copie exécutoire

le 11/05/2022

à

SELARL B.R.L.

Me LECAREUX

FB/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/02323 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICXA

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 19 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG 20/00108)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. HERTA

16 Boulevard du Mont d'Est - Immeuble Maille Nord IV

93160 NOISY-LE-GRAND

représentée, concluant et plaidant par Me Jean D'ALEMAN de la SELAFA B.R.L. Avocats, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Grégoire DE COURSON, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [T] [F]

né le 27 Mai 1966 à Compiègne

de nationalité Française

11, rue Saint Fiacre

60200 COMPIEGNE

représenté, concluant et plaidant par Me Alexandra LECAREUX, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l'audience publique du 23 mars 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme [Y] [R] en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme [Y] [R] indique que l'arrêt sera prononcé le 11 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [Y] [R] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 19 avril 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Compiègne, statuant dans le litige opposant M. [T] [F] à son ancien employeur, la société Herta, a dit le licenciement du salarié justifié par une cause réelle mais pas sérieuse emportant les conséquences de la réparation d'un licenciement pour motif non réel et sérieux, a condamné l'employeur à verser au salarié différentes sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 86 540,96 euros) et indemnité de procédure (1 500 euros), a dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire du salarié est de 4 058,86 euros, a ordonné l'exécution provisoire de la décision et a condamné l'employeur aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 30 avril 2021 par la société Herta à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 21 avril précédent ;

Vu la constitution d'avocat de M. [F], intimé, effectuée par voie électronique le 27 mai 2021 ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2021 par lesquelles l'employeur appelant, soutenant les faits reprochés au salarié matériellement établis et imputables à M. [F], considérant qu'au regard des antécédents du salarié, de ses responsabilités et de la réitération des manquements, les griefs justifiaient le prononcé d'un licenciement, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de juger le licenciement prononcé légitime et de débouter le salarié de ses demandes, requiert à titre subsidiaire, que la condamnation soit limitée à des proportions raisonnables, demande en tout état de cause que le salarié soit débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et qu'il soit condamné au paiement d'une indemnité de procédure ( 2 500 euros) ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2021 aux termes desquelles le salarié intimé, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, soutenant le prononcé du licenciement disproportionné au regard du manquement reproché, de son ancienneté dans l'entreprise et de ses résultats professionnels, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnité accordée, requiert que l'employeur soit condamné à lui verser la somme de 124 561 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il soit ordonné à la société Herta de lui remettre ses documents de fin de contrat sous astreinte et qu'elle soit condamnée aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 mars 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 23 mars 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 26 juillet 2021 par l'appelant et le 7 septembre 2021 par l'intimé auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Herta a pour activité la préparation industrielle de produits à base de viande. Elle emploie plus de 11 salariés et dispose en France d'un site à Compiègne.

Elle applique la convention collective nationale de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viande du 29 mai 1972, étendue par arrêté du 14 mai 1975.

M. [F] a été embauché par la société Herta en qualité d'agent d'expédition aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 février 1992.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait le poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 7, échelon 310, coefficient 3 de la convention collective.

M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 novembre 2019 par lettre du 19 novembre précédent, puis licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 décembre 2019 motivée comme suit :

' Suite à notre entretien préalable du mercredi 27 novembre dernier, auquel nous vous avions convoqué en date du 19 novembre 2019 par courrier remis en mains propres contre récépissé, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

En date du 14 novembre dernier, vous avez été aperçu en train de décharger des palettes d'un camion, alors que vous n'êtes pas habilité à le faire. En effet, vous bénéficiez du permis CACES 6 hors production, qui vous permet de vous déplacer au sein de l'entrepôt, et éventuellement de bouger une palette qui gênerait un passage, mais nullement de participer au déchargement d'un camion.

Au cours de notre entretien, vous avez reconnu les faits qui vous sont reprochés.

Ces faits sont d'autant plus graves que vous êtes manager d'équipe, et qu'à ce titre l'exemplarité du comportement fait partie des qualités demandées. Nous avons déjà été amené par le passé à vous rappeler les règles de sécurité applicables au sein de la société Herta, ainsi que votre rôle en tant que manager.

Le 6 mai 2019, vous vous êtes engagé par écrit à être exemplaire en terme de management et de sécurité sachant que comme nous vous l'avions stipulé à l'époque, aucun écart de comportement managérial de votre part ne serait toléré. En parallèle, vous avez bénéficié d'un accompagnement individuel par le biais d'un cabinet extérieur, afin de vous permettre de mieux appréhender votre rôle en votre qualité de manager. Nous vous avions donc confirmé notre appui pour la suite de notre collaboration, ainsi que notre vigilance dans la réussite de votre démarche.

Malgré l'ensemble de ces mesures, et observations tant verbales qu'écrites de votre management, nous avons le regret de constater qu'aucun changement n'a été observé.

Par conséquent, au regard de tous ces éléments nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration. Votre préavis, d'une durée de 3 mois que vous êtes dispensé d'effectuer, mais qui vous sera rémunéré, débutera à la date d'envoi de la présente. (...)'

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. [F] a saisi le 7 juillet 2020 le conseil de prud'hommes de Compiègne, qui, statuant par jugement du 19 avril 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur le licenciement

Pour contester la légitimité du licenciement prononcé, M. [F] invoque la disproportion de la sanction au regard de la faute reprochée.

Il affirme ainsi que décharger une palette d'un camion pour aider un collègue, avec un chariot élévateur, ne saurait constituer un motif réel et sérieux de licenciement après 28 ans au service de son employeur.

Il observe que les manquements précédents invoqués par l'employeur concernent soit des faits anciens soit des faits relatifs à des problèmes de communication sans rapport avec le motif du licenciement.

M. [F] observe que pour la première fois à hauteur d'appel, l'employeur verse aux débats des documents qui viendraient démontrer qu'il est l'auteur de chocs sur des chariots élévateurs. Cependant, le salarié soutient que d'une part le nombre de chocs constatés n'est pas plus élevé que pour les autres salariés et, d'autre part, que l'origine des chocs peut être variée et n'est pas nécessairement en lien avec une faute commise par l'utilisateur.

L'intimé verse en outre aux débats des attestations aux fins d'établir qu'il a toujours été considéré comme un professionnel compétent, que son management et son comportement étaient loués par ses collègues de travail.

L'employeur relève le caractère répété des manquements du salarié à ses obligations. Il précise avoir alerté à plusieurs reprises M. [F] tant au niveau de son comportement que concernant le respect des règles de sécurité.

La société rappelle que le salarié était un acteur de la politique de sécurité au sein de l'entreprise, qu'il a participé à la réalisation de la charte de sécurité présentée au CHSCT en septembre 2016, qu'il y a adhéré.

L'appelant rappelle que M. [F], suite à l'enquête réalisée en interne au regard d'une alerte pour souffrance au travail, a été rappelé à l'ordre concernant son management et le respect des règles de sécurité, qu'il a bénéficié d'un accompagnement individuel et s'est engagé par écrit à adopter un comportement exemplaire.

Au regard du nouveau manquement du salarié aux règles de sécurité, l'employeur soutient le licenciement justifié et proportionné.

Sur ce ;

Pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié d'avoir, le 14 novembre 2019, à l'aide d'un chariot, déchargé des palettes d'un camion sans être habilité à le faire dans la mesure où le permis CACES 6 que détient M. [F] ne lui permet pas de participer au déchargement d'un camion.

Il y a lieu de constater que le salarié reconnaît la matérialité des faits, son imputabilité n'étant pas contestée.

L'article L 4122-1 du code du travail dispose que conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.

La gravité d'une faute commise par un salarié peut résulter de la persistante du salarié dans son comportement en rupture avec les directives de la société et ses obligations contractuelles.

Il résulte des dispositions de l'article L 1332-5 du code du travail que l'employeur est autorisé à invoquer à l'appui d'une nouvelle sanction toute sanction antérieure de moins de trois ans. Ainsi, les avertissements antérieurs peuvent être mentionnés au sein de la lettre de licenciement pour expliciter le contexte de la relation contractuelle ainsi que le degré de la faute reprochée.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que M. [F] exerçait au sein de l'entreprise les fonctions de chef d'équipe, qu'il avait été précédemment alerté par son employeur concernant le non respect des règles de sécurité.

Ainsi, le 13 octobre 2016, M. [F] a été mis à pied à titre disciplinaire une journée pour ne pas avoir respecté les règles de sécurité et avoir montré le mauvais exemple aux salariés dont il avait la charge.

L'employeur établit en outre qu'en janvier 2019, suite à une alerte pour souffrance au travail, la société a demandé au cabinet Qualisocial de réaliser une enquête.

Aux termes du rapport déposé, il a été constaté que M. [F] avait une pratique managériale contraire au règlement intérieur ainsi qu'aux attentes de la société.

Il était en outre précisé au sein du rapport que les comportements détectés de la part du salarié sont principalement 'un non respect des règles de sécurité, un management directif ( et non participatif ), des pratiques d'encadrement ressenties comme injustes et un usage de formulations langagières non respectueuses.'

Par courrier du 3 mai 2019, suite à un entretien en date du 30 avril 2019, la société a rappelé à M. [F] ses attentes à son égard.

Un accompagnement individuel a été mis en oeuvre par le cabinet Qualisocial.

Le 6 mai 2019, M. [F] s'est engagé par écrit auprès de son employeur en ces termes : 'Je m'engage à adhérer pleinement au plan d'action discuté ensemble et mentionné dans ce courrier. Je m'engage à être exemplaire en terme de management et de sécurité.'

Ainsi, il ressort de ces éléments que contrairement aux allégations du salarié, M. [F] avait précédemment, et très récemment, été alerté concernant un non respect des règles de sécurité de sa part.

Bien que mis en garde précédemment sur le caractère impératif des consignes de sécurité, M. [F], en dépit de l'engagement écrit pris, n'a pas respecté de manière réitérée et délibérée les consignes de sécurité en déchargeant un camion à l'aide d'un chariot alors qu'il n'y était pas habilité.

L'employeur produit en outre des éléments aux fins d'établir que M. [F] a été à l'origine de 5 chocs de niveau 3 en 2019 à l'occasion de la conduite de chariots.

Le fait que M. [F], qui produit des attestations émanant d'anciens collègues, ait pu être perçu au cours de sa carrière comme un professionnel investi et compétent dans son travail ne limite en rien l'établissement par l'employeur des faits qui lui sont reprochés, étant rappelé que ces faits sont en lien avec des règles de sécurité.

Le comportement de M. [F], tenu de par ses fonctions de donner l'exemple aux membres de l'équipe dont il était responsable, est, nonobstant son ancienneté, constitutif d'une faute légitimant le licenciement prononcé.

Ainsi, par infirmation du jugement entrepris, il sera désormais jugé que le licenciement prononcé est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime. Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation respective des parties ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties en première instance ainsi qu'en appel.

Le jugement entrepris qui a condamné la société Herta au paiement d'une indemnité de procédure est infirmé de ce chef.

Il y a également lieu de condamner M. [F], partie succombante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit le licenciement de M. [T] [F] justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [T] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [T] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02323
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;21.02323 ?
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