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11/05/2022 | FRANCE | N°21/02013

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 11 mai 2022, 21/02013


ARRET







[E]





C/



S.A. SOCIÉTÉ ANONYME D'HABITATION À LOYER MODÉRÉ DU DÉP ARTEMENT DE L'OISE



























































copie exécutoire

le 11/05/2022

à

SCP JALLU

Me DUQUESNE

LDS/IL/SF



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE


>ARRET DU 11 MAI 2022



*************************************************************

N° RG 21/02013 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICDX



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 11 MARS 2021 (référence dossier N° RG F19/00024)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [U] [E]

née le 08 Novembre 1960 à BEAUVAIS (60000)

...

ARRET

[E]

C/

S.A. SOCIÉTÉ ANONYME D'HABITATION À LOYER MODÉRÉ DU DÉP ARTEMENT DE L'OISE

copie exécutoire

le 11/05/2022

à

SCP JALLU

Me DUQUESNE

LDS/IL/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 11 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/02013 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICDX

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 11 MARS 2021 (référence dossier N° RG F19/00024)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [U] [E]

née le 08 Novembre 1960 à BEAUVAIS (60000)

de nationalité Française

1 Chemin des Sources

60112 HERCHIES

représentée et concluant par Me Emmanuel JALLU de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS

ET :

INTIMEE

S.A. SOCIÉTÉ ANONYME D'HABITATION À LOYER MODÉRÉ DU

DÉPARTEMENT DE L'OISE

28 Rue Gambetta

60000 BEAUVAIS

représentée et concluant par Me Caroline DUQUESNE, avocat au barreau de LILLE, substituée par Me Claire FRYS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 mars 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 11 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 11 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [E] a été embauchée le 1er novembre 2003, d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps partiel, puis à compter de mai 2004 par contrat à durée indéterminée, par la société anonyme d'habitations à loyer modéré du département de l'Oise. À la suite de plusieurs avenants à son contrat de travail, son poste et sa rémunération ont évolué. À compter du 19 décembre 2018, elle a bénéficié d'une convention individuelle de forfait annuel en jours. Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste de responsable du service contentieux, statut cadre.

Le contrat est régi par la convention collective nationale des sociétés anonymes et fondations d'HLM. L'effectif de la société est de 130 salariés.

Mme [E] a été sanctionnée par un avertissement le 3 avril 2017.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais le 31 janvier 2019, de diverses demandes notamment tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul pour harcèlement moral.

Elle a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mars 2019 pour management inapproprié pouvant caractériser un harcèlement moral, insubordination et défiance envers l'autorité de sa hiérarchie, comportement déloyal et nombreuses défaillances dans la réalisation de ses missions.

Par jugement du 11 mars 2021, le conseil a :

- dit les demandes de Mme [E] recevables et partiellement fondées,

- dit qu'il n'y avait pas lieu de retenir l'existence d'un harcèlement moral,

- dit que le licenciement de la salariée était justifié par une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société HLM de l'Oise à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

- 14 472 euros brut à titre de rappel de préavis,

- 1 447 euros à titre de rappel de congés payés y afférents,

- 25 041,64 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire de référence de la salariée à la somme de 4 824 euros,

- prononcé l'annulation de l'avertissement du 3 avril 2017,

- condamné la société à remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés,

- condamné la société à payer à la salariée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [E] de ses autres demandes,

- condamné la société HLM de l'Oise aux dépens.

Mme [E], qui est régulièrement appelante de ce jugement, par ses dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2022, demande à la cour de :

Vu les articles L.1152-1 et suivants du code du Travail,

1/ Dire et juger son appel recevable et bien fondé ;

2/ Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société ;

3/ Infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

4/ Dire que depuis la fin du mois de septembre 2015, elle a été victime de la part de la SA d'HLM de l'Oise de faits d'un harcèlement moral qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

5/ En conséquence, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre les parties aux torts exclusifs de la SA D'HLM, en raison des faits de harcèlement moral subi par elle ;

6/ Dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul et, à ce titre, conduit au dédommagement de la perte injustifiée de l'emploi ;

7/ Dire et juger qu'indépendamment du dédommagement de la perte injustifiée de l'emploi, l'attitude de la société lui a occasionné un préjudice moral distinct en raison des faits constitutifs de harcèlement moral ;

8/ Subsidiairement, dire et juger que le licenciement pour faute grave du 4 mars 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

9/ Dire que la SA D'HLM est débitrice à son égard d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période du 1er février 2014 jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir, outre le rappel de congés payés y afférents ;

10/ En conséquence, condamner la SA D'HLM au paiement des sommes suivantes :

- 14 472 euros brut à titre d'indemnité de préavis ;

- 1 447 euros brut au titre du rappel de congés payés sur l'indemnité de préavis ;

- 25 041,64 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement augmentée des trois mois de préavis ;

- 63 733 euros brut au titre du rappel de salaire pour le temps supplémentaire sur la base d'un taux horaire de (4 203,03 euros / 151,67 heures mensuelles) 27,71 euros brut, pour une durée de travail hebdomadaire moyenne de 45 heures sur 46 semaines annuelles et dans la limite de cinq années depuis le 1er février 2014 (27,71 euros X 10 H X 46 semaines X 5 années) ;

- 6 373 euros brut au titre du rappel de congés payés sur heures supplémentaires ;

- 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement moral ;

11/ Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avertissement du 3 avril 2017 car reposant sur des faits non établies et / ou prescrits.

12/ Condamner la SA D'HLM à lui remettre le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, conformes aux termes de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour passé le délai de 15 jours suivant sa signification ;

13/ Condamner la SA D'HLM à lui verser une indemnité de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, et en sus de l'indemnité allouée en première instance ;

14/ Condamner la SA D'HLM aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 17 février 2022, la société anonyme d'habitations à loyer modéré du département de l'Oise demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il :

a dit et jugé les demandes de Mme [E] recevables et partiellement fondées,

a dit et jugé le licenciement de Mme [E] justifié par une cause réelle et sérieuse,

l'a condamnée à payer à cette dernière les sommes suivantes :

- 14 472 euros brut à titre de rappel de préavis,

- 1 447 euros à titre de rappel de congés payés s'y afférant,

- 25 041,64 euros brut au titre d'indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse,

fixé le salaire de référence de Mme [E] à la somme de 4 824 euros,

prononcé l'annulation de l'avertissement du 03 Avril 2017,

l'a condamnée à remettre à Mme [E] les documents de fin de contrat rectifiés,

l'a condamnée à payer à Mme [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a déboutée de ses autres demandes,

l'a condamnée aux entiers dépens,

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

dit et jugé qu'il n'y avait pas lieu de retenir en l'espèce l'existence d'un harcèlement moral

débouté Mme [E] des autres demandes,

Statuant à nouveau :

' Sur la rupture du contrat de travail :

- Dire que Mme [E] n'a pas été victime d'un harcèlement moral ;

- Rejeter la demande de résiliation judiciaire formulée par Madame [E] ;

- Dire que le licenciement repose sur une faute grave ;

En conséquence :

- Débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail ;

Subsidiairement :

- Dire que l'indemnité de licenciement s'élève à 24 250,48 euros ;

- Faire application du barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail ;

- Débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à titre infiniment subsidiaire la ramener à de plus justes proportions ;

' Sur les autres demandes :

Débouter Mme [E] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 3 avril 2017 ;

Dire que la demande de Mme [E] relative aux heures supplémentaires et congés payés afférents pour la période antérieure au 31 janvier 2016 est prescrite ;

Débouter Mme [E] de sa demande de paiement au titre d'heures supplémentaires prétendument accomplies et les congés payés afférents ;

Débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un prétendu harcèlement moral ;

Condamner Mme [E] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [E] aux entiers frais et dépens de l'instance ;

Débouter Mme [E] de sa demande d'exécution provisoire.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'examine les moyens au soutien des prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

I- Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 3 avril 2017 :

Mme [E] soutient que cet avertissement repose sur des faits prescrits puisqu'ils étaient connus de l'employeur depuis plus de quatre mois, que la question de l'application de la tarification des frais d'huissier de justice constituait une difficulté majeure qui a d'ailleurs conduit la société à assigner l'étude d'huissier devant le tribunal de grande instance de Pontoise et qu'il existe à tout le moins un doute qui doit lui profiter.

L'employeur affirme que l'audit ne lui a été remis que le 2 janvier 2017 de sorte que la prescription n'est pas encourue, que les manquements résultent suffisamment des conclusions de cet audit, qu'au regard de sa qualification professionnelle et de son expérience, Mme [E] ne saurait utilement invoquer la complexité de la matière et que le préjudice engendré par ces manquements est extrêmement important pour la société, ce qui l'a conduit à engager une procédure contentieuse à l'égard de l'étude d'huissier de justice.

Une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur, qui a la charge de fournir les éléments retenus pour prendre la sanction par application de l'article L 1333-1 du code du travail, le salarié fournissant pour sa part les éléments à l'appui de ses allégations.

Selon l'article L 1332-2 du code du travail le conseil des prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou disproportionnée à la faute commise.

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à un engagement de poursuite disciplinaire au-delà d'un délai de deux mois, en vertu de l'article L. 1332-4 du même code.

En l'espèce, la société rapporte la preuve de ce que le rapport d'audit daté du 28 décembre 2016 lui a été remis le 2 janvier 2017 de sorte que, la convocation à entretien préalable à sanction disciplinaire ayant été remis en main propre le 1er mars 2017, la prescription n'est pas acquise. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le fond, le rapport met en lumière les dysfonctionnements qui sont reprochés à la salariée laquelle avait pour mission notamment d'assurer et superviser le partenariat avec l'étude d'huissier de justice et disposait des compétences nécessaires pour ce faire puisqu'elle met en avant sur son curriculum vitae l'obtention d'une licence et d'une maîtrise en droit ainsi qu'une expérience de onze ans en qualité de conseiller juridique notamment en charge du recouvrement des créances et des relations avec les huissiers de justice à La poste.

Ainsi, l'avertissement apparaît justifié et proportionné aux manquements constatés. Les demandes de ce chef seront rejetées.

II- Sur la demande de résiliation du contrat de travail :

Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie et produit, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse ou nul et avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu'à cette date le contrat de travail est toujours en cours.

 

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.

En l'espèce, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avant le prononcé de son licenciement de sorte que l'examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable.

Au titre des manquements de l'employeur justifiant la résiliation du contrat de travail elle invoque une situation de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, la salariée, soutient qu'à partir de septembre 2015, à compter de la nomination de M. [S] en qualité de directeur général mandataire social de la société d'HLM, cette dernière a procédé à une restructuration de l'entreprise visant à diminuer le nombre d'emplois pérennes sans avoir à faire état d'un motif économique dont la cour d'appel d'Amiens a eu l'occasion de dire qu'il n'était pas caractérisé ; que le directeur clientèle, M. [I], sous l'autorité hiérarchique duquel elle se trouvait, a opéré de manière réitérée une pression psychologique extrêmement forte sur sa personne, multipliant les mesures vexatoires et discriminantes visant à l'inférioriser, notamment :

- une appréciation dévalorisée de ses compétences à l'occasion des entretiens d'évaluation à compter de 2016,

- une convocation à un entretien préalable à un avertissement pour des faits anciens ou sans certitude de date,

- une convocation du 6 mars 2018 ayant abouti à une lettre de recadrage du 9 avril suivant que l'employeur aura mis plus d'un mois à rédiger pour stigmatiser ses qualités professionnelles et humaines dont auparavant il faisait l'éloge,

- le retrait de l'attribution exclusive d'un téléphone cellulaire considérant qu'elle ne devait pas bénéficier des mêmes dotations matérielles que les autres cadres de coefficient équivalent.

Elle ajoute qu'il a également engagé à son encontre des man'uvres d'intimidation destinées à la convaincre de quitter l'entreprise par le biais d'une rupture conventionnelle, la convoquant à une réunion dont l'objet était de lui faire comprendre son intérêt à accepter une rupture conventionnelle du contrat de travail à défaut de quoi elle serait licenciée pour faute, menaçant de l'éreinter financièrement si elle choisissait la voie prud'homale.

Elle affirme qu'elle n'a pas pu moralement faire état de cette situation lors de ses entretiens d'évaluation justement menés par M. [I], et que ces agissements ont eu des répercussions graves sur son état de santé dûment rapportées et constatées par les médecins qui l'ont traitée.

Elle allègue que d'autres salariés ont été victimes des mêmes faits qui ont été sanctionnés par plusieurs arrêts de la cour d'appel d'Amiens.

Elle présente les éléments suivants :

- une attestation de Mme [N] [Z] selon laquelle elle subissait « des propos vexatoires devant les employés de la part du directeur de clientèle qui n'hésitait pas à la rabrouer systématiquement avec un irrespect total, assénant des réflexions et lui montrant déconsidération totale, faisant tout pour la déstabiliser, la démotiver et la décourager tant les remarques tombaient de façon systématique et automatique », prenant pour exemple le fait que certains matins M. [I] passait dans les bureaux pour saluer les salariés sauf Mme [E], ou encore, lors de réunions en présence de partenaires, démontrant à son égard « une déconsidération totale », « contredisant systématiquement ses propositions ou suggestions devant tous », cette attitude l'ayant profondément choquée et déconcertée,

- une lettre de convocation à entretien préalable à sanction disciplinaire du 1er mars 2017 et un avertissement du 3 avril suivant mettant en lumière sept dysfonctionnements relatifs aux conditions de tarification,

- un courriel du 6 novembre 2017 par lequel elle indique qu'elle a convenu avec M. [I] de transférer l'attribution de l'iPhone professionnel qui lui est attribué et dont elle ne se sert que très occasionnellement au service contentieux afin de permettre aux salariés de ce service qui partent sur le terrain d'avoir un mobile à disposition et que par conséquent elle dégage toute responsabilité concernant l'appareil et sa consommation,

- un courriel de la responsable des ressources humaines du 6 mars 2018, indiquant souhaiter la recevoir pour faire le point sur sa situation,

- une lettre remise en main propre le 9 avril 2018 faisant suite au rendez-vous du 13 mars précédent évoquant un certain nombre de manquements de sa part ainsi que l'exposé du plan d'action décidé en commun visant à remédier à ces manquements,

- le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation 2017- 2018 aux termes duquel elle indique que l'avertissement a généré chez elle un sentiment d'injustice « d'autant que l'ensemble des arguments reposait sur une absence des connaissances requises pour procéder au contrôle sur la complexité de la matière »

- un courriel du 7 janvier 2019 dont l'objet est de faire le point sur sa situation professionnelle,

- un compte rendu de consultation du service de pathologie professionnelle du centre hospitalier universitaire d'Amiens du 2 avril 2019 selon lequel « le test de Maslach retrouve un degré modéré d'épuisement professionnel, également modéré du score de dépersonnalisation et un degré élevé du score d'accomplissement personnel »,

- une liste des questions posées à l'occasion du test de Maslach dont le but est d'évaluer les situations de souffrance au travail,

- une lettre de son médecin généraliste adressé à un confrère évoquant une suspicion de souffrance au travail et une attestation du même médecin selon laquelle la normalité tant de l'examen clinique que des examens complémentaires réalisés et les données de l'interrogatoire évoquent un stress important, une forte souffrance au travail avec troubles de la concentration et perte de l'estime de soi,

- des attestations de sa s'ur et de son fils affirmant avoir constaté un état de souffrance psychologique en lien avec son travail,

- un arrêt du 31 mars 2021 de la cour d'appel d'Amiens confirmant le jugement du conseil de prud'hommes qui a dit le licenciement pour motif économique de M. [A], ex directeur du développement de la société, sans cause réelle et sérieuse.

C'est à juste titre que l'employeur fait valoir que les faits de dénigrement et d'humiliation en public ne sont pas matériellement établis.

En effet, Mme [N] [Z] aux termes de cinq pages d'attestation tout à la fois critique le management du directeur de clientèle accusé d'imposer au service contentieux, par son incompétence, un travail fastidieux et inutile, loue les qualités humaines et professionnelles de Mme [E], décrit le comportement jaloux d'une collègue et dans des termes généraux accuse M. [I] de traiter Mme [E] de manière choquante. Toutefois, cette attestation émane d'une personne qui a été employée en contrat à durée déterminée du 3 octobre 2016 au 31 août 2017 et n'est corroborée par aucune autre alors que la salariée affirme que la société a mené une politique de purge qui a conduit au départ de nombreux salariés. Elle est contredite par l'attestation de Mme [L], salariée de la société depuis 2010, qui affirme que les prestations de Mme [E] lors des réunions n'étaient pas à la hauteur et que pourtant elle n'a jamais constaté de la part de quiconque d'actes de rabaissement, humiliation ou brimade.

Par ailleurs, les membres de sa famille n'ont pu être témoins d'aucun fait s'étant déroulé sur le lieu de travail, de même que les médecins qui ne font que retranscrire les propos de leur patiente.

Les autres faits, matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il incombe dès lors à l'employeur de présenter ses propres éléments pour détruire cette présomption.

Ce dernier soutient que :

- son registre d'entrée de sortie du personnel montre que la masse salariale est équivalente d'année en année et qu'il n'y a pas de départ massif des salariés ni de baisse d'effectifs,

- la cour d'appel d'Amiens a validé le licenciement pour faute grave de deux salariées et rejeté les accusations de harcèlement d'une troisième ce qui contredit les accusations de « purge » proférées par Mme [E],

- celle-ci s'est toujours montrée satisfaite de ses conditions de travail à l'occasion des entretiens d'évaluation,

- elle ne saurait se plaindre d'avoir bénéficié d'entretiens de suivi qu'elle avait elle-même souhaités à l'occasion de l'entretien d'évaluation du 2 février 2017, ce d'autant qu'il est évident qu'elle avait besoin d'un accompagnement dans son rôle de manager au regard des plaintes de ses subordonnés et de l'évocation de la situation de son service par les représentants du personnel,

- l'avertissement du 3 avril 2017 n'est que l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, il était justifié et proportionné au manquement de la salariée,

- le courrier du 9 avril 2018, n'est pas une sanction mais la synthèse des échanges que les parties avaient eu précédemment et était également pleinement justifié par le climat inquiétant de son service à laquelle il était tenu de réagir en vertu de son obligation de sécurité à l'égard des collaboratrices de ce service,

- la décision de partager le téléphone cellulaire a été prise d'un commun accord ainsi qu'il ressort du courriel versé aux débats et tous les cadres ne sont pas dotés d'un téléphone portable,

- la rencontre du 11 janvier 2019 avait pour objet d'entendre la version de Mme [E] face aux accusations de ses subordonnés et si la rupture conventionnelle a été brièvement évoquée par la directrice des ressources humaines, c'est parce que la salariée a indiqué qu'au vu du contexte, elle ne souhaitait pas rester à son poste, les accusations de la salariée à cet égard étant mensongers et diffamatoires.

Il a déjà été dit que l'avertissement était justifié.

Il ressort des entretiens annuels d'évaluation que jusqu'en 2016, la salariée bénéficiait de bonnes évaluations ce qui n'a plus été le cas sur le plan des capacités professionnelle et managériale à compter de 2017, toutefois elle n'a pas contesté ses dernières évaluations. Si elle soutient qu'il ne lui était pas possible moralement de le faire, force est de constater qu'elle a été en mesure, à l'occasion de l'entretien du 12 décembre 2017, de faire valoir le sentiment d'injustice qu'a suscité chez elle la procédure disciplinaire dont elle a fait l'objet.

La lettre du 9 avril 2018, que la salariée qualifie de lettre de recadrage, constitue en réalité un résumé de la rencontre du 13 mars 2018, listant les manquements évoqués avec elle, les explications qu'elle a fournies et le plan d'action visant à remédier à ces manquements élaboré ensemble. Elle précise qu'un point hebdomadaire sera mis en place avec son responsable lequel lui apportera 'tout le soutien nécessaire pour que (vous) réussissiez dans vos missions, point qui sera également l'occasion de lui faire part de ses éventuelles difficultés et d'apporter des solutions pour y remédier'. D'une part, il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir réagi à l'alerte donnée par Mme [H] se plaignant du fonctionnement du service contentieux, et, d'autre part, le fond et la forme de cette lettre apparaissent bienveillants, laissant transparaître le souhait de l'employeur de permettre à Mme [E] de réussir dans ses missions.

La salariée ne saurait non plus reprocher à la société d'avoir mis en place des entretiens de suivi au regard de ce qui vient d'être dit et de ses propres propos lors de l'entretien annuel du 2 février 2017 selon lesquels elle souhaitait avoir « des moments privilégiés de temps d'échange » avec son manager. L'employeur rapporte la preuve de ce que ce suivi rapproché était nécessaire au regard des plaintes reçues de la part des collaboratrices directes de Mme [E], Mmes [B], [H], [Y] et [O].

A la lecture du courriel qu'elle a envoyé le 6 novembre 2017, il apparaît que la décision de transférer l'iPhone professionnel qui lui était attribué au service contentieux afin de permettre aux salariés qui partent sur le terrain d'avoir un mobile à disposition, a été prise d'un commun accord avec M. [I] et qu'elle ne se servait que très occasionnellement de ce téléphone mobile.

De plus, la salariée ne contredit pas utilement le tableau versé aux débats par l'employeur démontrant qu'un certain nombre de responsables ne sont pas non plus dotés d'un téléphone portable à usage exclusif.

Enfin, aucun élément ne vient utilement contredire l'attestation de Mme [W] selon laquelle si l'éventualité d'une rupture conventionnelle a été évoquée avec Mme [E] à l'occasion d'un entretien du 11 janvier 2019, à la suite du constat de la grande souffrance au travail qui existait dans le service dirigé par cette dernière, cela a été avec l'intention bienveillante de trouver une porte de sortie à la salariée qui ne souhaitait pas reprendre son poste dans un tel contexte.

Ainsi, à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société démontre que les faits matériellement établis par Mme [E] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.

Aucun autre manquement n'est invoqué par Mme [E] au soutien de sa demande de résiliation du contrat de sorte que celle-ci sera également rejetée, confirmant en cela le jugement.

III- Sur le licenciement :

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

« 1/ A'n d'évoquer avec vous la gravité des faits qui ont été récemment portés à notre connaissance, je vous ai convoquée le 15 février 2018 à un entretien préalable le 27 février 2019, à 16 heures 30. Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.

Les faits que nous vous reprochons sont les suivants :

2/ Vous avez été embauchée en Contrat à Durée Déterminée du 1er novembre 2003 au 30avril 2004 en qualité d'Agent Principal du Contentieux, puis en Contrat à Durée lndéterminée à compter du 1er mai 2004 en qualité d`Employée de Bureau.

ous occupez les fonctions de « Responsable du service Contentieux '' depuis le 1er janvier 2005. Vous disposez du statut Cadre depuis le 1er janvier 2006.

Vos missions principales sont notamment les suivantes :

- manager une équipe de 6 collaborateurs ;

- décliner la stratégie d'entreprise dans votre domaine d'intervention ;

- coordonner la gestion de recouvrement des dossiers en impayés de loyers en phase contentieuse pour les locataires présents et sortis ;

- accompagner les collaborateurs des agences dans la gestion de recouvrement des dossiers en impayés de loyers en phase précontentieuse ;

- coordonner la gestion des dossiers d`expulsion de locataires ;

- piloter l'accompagnement des locataires en situation difficile et les divers partenariats avec les services sociaux ;

- superviser et traiter le passage des impayés en admissions de non-valeur;

- coordonner le traitement des dépôts de garanties suite aux Etats des Lieux de sortie des locataires.

D'une façon générale, vous devez tout mettre en 'uvre pour contribuer au bon fonctionnement du service Contentieux et agir dans les intérêts de l'entreprise.

Vous exercez vos fonctions sous la responsabilité du Directeur de la Clientèle, Monsieur [V] [I].

3/ Le 18 décembre 2018, j'ai été alertée, en ma qualité de Responsable des Ressources Humaines, par une de vos collaboratrices, Madame [X] [O], pour une altercation que vous aviez eue avec elle. Madame [X] [O] dit ne plus pouvoir travailler sous votre responsabilité.

Je vous ai rencontrée le jour même pour échanger sur cet événement.

Vous avez prétendu que Madame [O] était une manipulatrice et se positionnait en victime.

Vous avez été absente de l'entreprise pour RTT les 21, 24 et 31 décembre 2018, pour arrêt de travail pour maladie du 26 au 28 décembre 2018 et pour congés payés du 2 au 4 janvier 2019.

Le 7 janvier 2019, j'ai rencontré cinq collaboratrices de votre équipe. Les propos recueillis

lors de ces rencontres m'ont amenée ce même jour à vous convier à un entretien le 11janvier 2019. Une de vos collaboratrices étant absente le 7 janvier 2019, celle-ci m'a remis ultérieurement un écrit relatant les propos qu`elle aurait souhaitée m'exprimer.

Lors de cet entretien, je vous ai notamment proposée de discuter d'une rupture conventionnelle.

Vous êtes en arrêt de travail pour maladie depuis le 14 janvier 2019.

Le 5 février 2019, nous avons reçu une convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation du Conseil des Prud'hommes de Beauvais suite à une demande de résiliation de votre contrat de travail aux torts de l`employeur.

Au-delà des éléments constatés qui m`ont amenée à vous convier le 7 janvier 2019 à un entretien informel, nous avons découvert d'autres faits fautifs de votre part mis en exergue par les conclusions d`un audit interne mené au sein du service Contentieux sur le dernier trimestre 2018 présenté à la Direction le 15 février 2019.

L`ensemble de ces faits nous a amenés à vous convoquer à un entretien préalable à licenciement, auquel vous ne vous êtes pas présentée sans m`avoir informée au préalable de votre absence.

4/ Management inapproprié qui pourrait caractériser du harcèlement moral

4.1. Le 18 décembre 2018, j'ai été alertée par Madame [X] [O] suite à une altercation que vous avez eue avec elle. Madame [X] [O], affectée par cet événement, me demande l'autorisation de quitter immédiatement l'entreprise pour prendre quelques jours de repos. Elle évoque son souhait de ne plus travailler sous votre responsabilité du fait, je la cite « Elle ne me dit pas bonjour la plupart du temps, elle me parle mal, elle m'ignore ''.

Quelques jours auparavant, vous lui avez fait une réflexion « laissant supposer que vous souhaitiez qu`elle meure ''.

Par ailleurs, par mail en date du 8 janvier 2019, vous avez répondu à Madame [X] [O] qui vous précisait son souhait de ne pas avoir d'entretien annuel cette année compte tenu du fait qu'elle ne se sentait pas bien en me mettant en copie et sans l'autorisation de Monsieur [V] [I] que vous ne vous sentiez pas non plus de I'effectuer...

4.2. Suite aux faits du 18 décembre 2018 et du 8 janvier 2019, j'ai été amenée à rencontrer votre équipe pour recueillir leur propos et m'assurer de leur état de santé. Ces entretiens se sont réalisés avec cinq de vos collaboratrices le 7 janvier 2019. L'une d'entre elles étant absente ce jour-là, celle-ci m`a remis ultérieurement un écrit relatant ses propos.

ll ressort de ces échanges l'existence de faits graves qui sont les suivants :

a/vous avez adopté un comportement inadapté et dénigrant :

En effet, vos collaboratrices vous reprochent :

- d`avoir un management dénigrant et infantilisant. Vous utilisez des propos comme :« j'ai raison, c'est moi la chef '' « c'est comme ça et pas autrement '' « si tu n'es pas contente, tu n'as qu'à aller voir là-haut ''. Elles vous décrivent comme unepersonne « capricieuse '', « lunatique et versatile '' et « qui veut toujours avoir ledernier mot ''. Elles ont l'impression « d'être dans une cour d'école '' ;

- d'avoir une attitude inappropriée en réunion avec des partenaires extérieurs ;

- de ne plus oser vous poser de questions car vous répondez « Débrouillez-vous '' ;

- de contribuer à une mauvaise ambiance au sein du service en « attisant des ragots et des messes basses '' et en tenant des propos dénigrants à l'égard de Madame [X] [O] ;

de tenir des propos irrespectueux envers certains collaborateurs de l'entreprise et des clients. A titre d'exemple, après avoir appris la maladie d'une collaboratrice, vous avez fait la remarque suivante « Ce n'est qu'un cancer, ce n'est pas grave. '', ou vous parlez des clients en utilisant le terme « Cassos ''.

b/ vous avez mis en place une organisation toxique et inefficace :

En effet, vos collaboratrices vous reprochent :

- de ne pas leur apporter le soutien nécessaire à la réalisation de leurs missions. Malgré les réunions collectives et individuelles mises en place à la demande de votre responsable, celles-ci ne permettent pas de répondre aux demandes de vos collaboratrices. Par ailleurs, du fait d'une méconnaissance des activités du pôle social et de dépôts de garanties et récupération des charges locatives, vous n'apportez aucune aide aux collaboratrices en charge de la gestion de ces dossiers;

- de ne pas prendre les décisions permettant de faciliter te travail et d'obtenir des résultats efficaces. A titre d'exemple, l'organisation mise en place au 1er mars 2018 est jugée inefficace par votre équipe. La charge de travail n`est pas répartie de façon équilibrée entre les membres du service. Les factures subissent un double contrôle faisant perdre énormément de temps. Des automatisations et des alertes pertinentes n'ont pas été mises en place malgré les demandes multiples de certaines de vos collaboratrices. Les problèmes soumis ne sont pas réglés dans le fond. On constate un réel manque de transversalité avec les autres services de l'entreprise qui pourrait faciliter le travail de chacun. Les objectifs fixés à votre équipe, quand ils ne sont pas nuls, ne sont pas clairs et précis. Autre exemple, vous avez refusé la proposition de la directrice adjointe de la CAF de bénéficier de droits privilégiés d'accès aux dossiers des allocataires de l'APL. Cela aurait permis d'avoir une connaissance plus précise de nos clients en situation d'impayés.

Cette attitude est confirmée par le rapport d'audit interne présenté le 15 février 2019.

4.3. Ces faits sont d'autant plus graves qu'avec votre manager, nous vous avons accompagnée plusieurs mois suite à des alertes que nous avions déjà eues sur votre management.

En début d'année 2018, votre responsable vous a demandé de mettre en place une organisation plus efficace de votre service pour obtenir de meilleurs résultats et pour faciliter le travail quotidien de vos collaborateurs.

Vous avez alors présenté à votre équipe un schéma d'organisation qui ne prenait pas en compte les difficultés de chacune de vos collaboratrices et ne répartissait pas le travail de façon équitable. De ce fait, cette organisation, incomprise par l'ensemble des collaborateurs, a généré une situation de mal être. Ce sujet a été porté à la connaissance des représentants du personnel et a fait l'objet d'un point à l'ordre du jour de la réunion mensuelle de la Délégation Unique du Personnel du 19 janvier 2018. A'n de clarifier la situation avec vous et pour vous rappeler ses attentes, votre responsable vous a reçu en entretien le 7 février 2018.

Le 13 mars 2018, avec votre responsable, nous vous avons reçue a'n de vous faire part de vos manquements sur l'organisation du service, votre soutien à l'équipe et votre management.

Nous avons convenu ensemble de nous revoir le 21 mars 2018 pour construire un plan d'actions pour vous aider à pallier ces manquements. Le 9 avril 2018, je vous ai transmis un courrier reprenant le contenu de ces deux entretiens.

Le 30 mars 2018, votre responsable s'est entretenu avec vous afin de recadrer vos méthodes de management. Vous aviez adressé un mail de recadrage en date du 28 mars 2018 à Madame [X] [O] sans l'avoir reçue au préalable pour lui expliquer de vive voix ce que vous lui reprochiez.

Le 22 juin 2018, nous vous avons revue pour réaliser un état d'avancement sur le plan d'actions que nous avions défini ensemble le 21 mars 2018. Nous avons constaté que vous aviez encore besoin d'être accompagnée sur l'organisation de votre service car celle-ci n'était pas encore stabilisée.

Nous vous avons rappelée à nouveau les objectifs de votre service. Votre responsable a réitéré sa demande de disposer d'une vision précise de la situation des impayés pour pouvoir fixer des orientations et des priorités claires.

Un nouvel entretien a été organisé le 25 octobre 2018 pour faire un bilan sur les actions définis lors des précédentes réunions. Lors de cet entretien, nous vous avons rappelée à nouveau le rôle du manager et les valeurs de notre entreprise.

Nous nous sommes revus le 8 novembre 2018 pour faire le point sur les actions correctives à mettre en place.

A cet accompagnement, s'ajoutaient les entretiens réguliers avec votre responsable permettant de faire le point sur vos activités et répondre aux difficultés rencontrées.

Les révélations de vos collaboratrices et le rapport d'audit présenté le 15 février 2019 démontrent que vous n'avez pas tenu compte de nos alertes, de nos conseils et que vous êtes dans 'incapacité de modifier votre comportement.

4.4. Votre management qui pourrait caractériser du harcèlement moral met en difficulté vos collaboratrices. ll génère des situations de souffrance au travail et de la démotivation au sein de votre équipe.

Je vous rappelle que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de s'assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs.

5/ lnsubordination et défiance de notre autorité

5.1. En janvier 2017, il vous a été demandé par la Direction Générale et la Direction de la Clientèle d'externaliser la gestion des impayés des locataires sortis. Cette demande d'externalisation de ces dossiers prévoit qu'un huissier les gère en direct. L'externalisation des dossiers permet ainsi de faciliter le travail des gestionnaires et d'améliorer la gestion et les résultats sur cette activité.

Or, nous avons constaté dans les conclusions de l`audit interne présenté le 15 février 2019 que l'externalisation n'est pas mise en 'uvre conformément à la demande de la direction. La gestion de ces dossiers est inchangée. L'équipe continue de gérer en partie les dossiers puisque l`huissier demande les instructions à suivre pour chaque dossier. Par ailleurs, une de vos collaboratrices, face aux multiples sollicitations de l'huissier, vous a interpelée à plusieurs reprises sur cette situation. Vous n'avez apporté aucune réponse à ses demandes.

5.2. En début d'année 2018, votre responsable vous demande de mettre en place une organisation efficace de votre service. Malgré l'accompagnement personnalisé dont vous avez bénéficié et les réunions régulières avec votre responsable, nous avons constaté par le rapport de l'audit interne présenté le 15 février 2019 que l'organisation n'est toujours pas efficiente. A titre d'exemple, il existe une multitude de procédures nécessitant soit une suppression soit une réécriture pour plus de cohérence et de clarté dans l'articulation des différentes activités. La gestion des impayés des locataires sortis doit être entièrement revue. Le système de remontée d'informations n'est pas optimisé. ll n'existe aucun tableau de bord permettant d'avoir une vision claire des activités...

5.3. Par ailleurs, par mail en date du 8 janvier 2019, vous avez répondu à Madame [X] [O] qui vous précisait son souhait de ne pas avoir d'entretien annuel cette année compte tenu du fait qu'elle ne se sentait pas bien en me mettant en copie et sans l'autorisation de Monsieur [V] [I] que vous ne vous sentiez pas non plus de l'effectuer...

5.4. Malgré l'accompagnement personnalisé dont vous avez bénéficié et que nous avons déjà évoqué, vous n'avez pas modifié votre comportement. Cela n'a fait que maintenir voire amplifier des situations de souffrance au travail. Cela est d'autant plus grave que vous faites partie intégrante du comité managérial. Durant les réunions de travail de ce comité managérial, nous avons construit ensemble les valeurs managériales que nous souhaitions porter au travers de notre politique des ressources humaines responsabilisante et valorisante.

Manifestement, vous n'avez pas adhéré à nos valeurs, ce qui n'est pas acceptable.

5.5. Votre comportement perturbe le bon fonctionnement du service et le bien-être des collaborateurs.

Vous n'avez pas tenu compte de nos directives en matière de management et d'organisation.

Vous ne respectez pas nos modes de fonctionnement en termes de management et de transversalité.

Vous avez persisté dans votre attitude toxique.

Votre attitude est constitutive d'une insubordination, d'un non-respect des consignes données par votre Direction, d'une défiance de notre autorité et d'un non-respect de nos valeurs.

6/ Comportement déloyal de votre part

6.1. Je vous rappelle que l'article L.1222-1 du Code du travail stipule : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ''.

ll résulte de votre contrat de travail une obligation de loyauté à laquelle vous êtes tenue.

Le 05 février 2019, nous avons reçu une convocation devant le Bureau de Conciliation et d`Orientation du Conseil des Prud`hommes de Beauvais suite au dépôt d`une requête de votre part. Vous demandez la résiliation judiciaire de votre contrat de travail aux torts de l`employeur pour des faits prétendus de harcèlement moral.

La brutalité de cette demande est d'autant plus forte qu`à aucun moment vous n'avez évoqué à qui que ce soit des faits de harcèlement moral.

Vous n'hésitez pas, dans votre requête, à prétendre que je vous aurais intimidée lors de notre échange en date du 11 janvier 2019, ce qui est totalement mensonger. Par ailleurs, nous sommes plus que surpris d'apprendre que vous sollicitez le paiement d'heures supplémentaires, qui plus est, n'est pas chiffrée. Vous n'avez jamais évoqué la moindre difficulté relative à votre durée du travail auparavant et notamment lorsque vous avez signé l'avenant à votre contrat de travail relatif à une convention annuelle de forfait en jours en date du 19 décembre 2018.

Nous contestons la réalité de ces heures supplémentaires.

6.2. Nous traduisons votre demande de résiliation judiciaire comme une forme de pression, de négociation au départ pour tenter de vous protéger des faits que nous avons à vous reprocher.

7/ Défaillance dans la réalisation de vos missions.

7.1. Selon le rapport d`audit interne présenté à la direction le 15 février 2019, nous constatons que vous avez failli dans la réalisation de vos missions. En tant que responsable d'un service, une de vos missions consiste à coordonner, avec l`aide d'une équipe, la gestion des activités dont vous avez la charge.

Or, l'audit interne a montré que :

- le pôle Social, par désintérêt et méconnaissance de votre part, n'est pas intégré dans le service comme une activité à part entière,

- l'organisation du pôle précontentieux n'est pas homogène et doit être repensée,

- une refonte de l'ensemble des procédures doit être réalisée car certaines font doublon, doivent être supprimées et/ou réécrites,

- le système de remontée d'informations n'est pas optimisé,

- les moyens techniques ne sont pas mis en place pour faciliter le travail de l'équipe (pas de formation adéquate sur les prestations d'huissier, aucune documentation juridique, refus de donner des accès spécifiques ldéal Web...),

- il n'y a pas de coordination avec les autres services de l'entreprise,

- la gestion du pôle des impayés des locataires sortis doit être complètement remaniée,

- il convient de supprimer des tâches réalisées en doublon ou inutiles,

- il n'existe pas de statistiques permettant de piloter les activités,

- le système de management doit être revu car il entraine des situations de tensions et nuit à l'efficacité du service.

L'organisation de votre service est inefficace.

7.2. Le rapport d'audit relate également une défaillance dans la gestion du Pôle Locataires sortis, notamment dans la gestion et la relation avec l'huissier de justice.

ll est constaté plusieurs dysfonctionnements dans l'externalisation des dossiers des impayés de locataires sortis :

- l'huissier n'accuse pas réception des dossiers transmis,

- des actes sont effectués sans instructions,

- des demandes incessantes auprès de l'équipe sur les instructions à suivre,

- l'huissier manque de réactivité,

- une seule réunion de suivi réalisé sur douze prévues depuis janvier 2017.

En charge du pilotage des activités du service, vous deviez tout faire pour faire appliquer le contrat passé avec l'huissier et vous assurer de la bonne mise en 'uvre des décisions prises.

Votre collaboratrice vous a alertée maintes fois sur les multiples sollicitations de l'huissier.

En effet, celle-ci s'interrogeait sur les méthodes pratiquées par l'huissier puisque celles-ci sont contraires à ce qui était convenu. Vous n`avez pas jugé utile d'apporter des éléments de réponse à votre collaboratrice et avez laissé pendant plusieurs mois cette dérive s'installer.

7.3 ll ressort des dispositions légales que les honoraires des huissiers pour réaliser un état des lieux de sortie sont partagés entre le bailleur et le preneur.

Or, le 18 décembre 2018, vous avez informé votre responsable que vous aviez imputé à tort la totalité des honoraires de réalisation d'état des lieux à 91 de nos clients sur les années 2017 et 2018. Cela représente pour l'ensemble de nos clients concernés un « trop payé '' d'un montant d'environ 3 500 €.

Cette défaillance de votre part provient d'un manque de contrôle de vos dossiers.

Votre manquement traduit un manque de professionnalisme qui a un impact direct sur la qualité de service attendu par nos clients.

7.3. En dépit de l'avertissement qui vous a été notifié le 03 avril 2017 pour des faits similaires et que vous n'aviez pas contesté, vous n'avez pas modifié votre comportement et cela continue d'engendrer un dysfonctionnement et des pertes financières pour l'entreprise.

8/ ll résulte de tout ce qui précède des faits graves qui vous sont imputables et qui déstabilisent profondément l'entreprise.

Votre comportement traduit un mode de fonctionnement qui va à rencontre de nos valeurs.

Malgré nos alertes et l'accompagnement dont vous avez bénéficié, vous n'avez pas modifié votre comportement, bien au contraire.

Votre attitude parasite le bon fonctionnement du service Contentieux et de fait, celui de l'entreprise.

9/ Aussi, nous vous noti'ons par la présente votre licenciement pour faute grave ».

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ou qu'il relève d'un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires.Sous ces réserves, le licenciement disciplinaire prononcé à raison de faits connus de plus de deux mois par l'employeur est sans cause réelle et sérieuse. De plus, l'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature ou dans la mesure où il n'a pas eu, au moment où il a pris connaissance des faits, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

En l'espèce, Mme [E] soutient que la procédure engagée par l'employeur est tardive car ce dernier lui reproche une gestion inappropriée du service contentieux depuis la fin de l'année 2017 et il ressort des attestations qu'il verse aux débats qu'il a été avisé des faits dénoncés depuis un temps bien supérieur à deux mois. Elle ajoute que l'employeur ne peut utilement affirmer avoir été avisé des manquements qu'il lui reproche à l'occasion de l'audit, ce rapport qui émane de la société elle-même, plein d'invraisemblances, détourné de son objet et mené en dehors de tout principe du contradictoire, ayant été imaginé pour les besoins de la cause et tenter d'apporter un semblant de substance à des motifs disciplinaires qui en sont totalement dépourvus.

La société fait valoir que si les salariés mettaient essentiellement en avant en 2018 une mauvaise gestion et une mauvaise répartition des tâches de la part de Mme [E], à la fin de l'année 2018 et au début de l'année 2019, ceux-ci ont dénoncé des comportements déviants de la part de la salariée qui nécessitaient des vérifications complémentaires avant toute décision à son égard, que l'audit organisé à cet effet, qui lui a été présenté le 15 février 2019 mettait en avant la persistance des manquements fautifs, l'existence de nouveaux faits fautifs concernant tant l'organisation du service que son comportement managérial et que par conséquent aucune prescription n'est acquise.

Elle expose que l'auteur de l'audit occupe un poste totalement extérieur au service de Mme [E], dont l'objectivité est totale et que le rapport est corroboré par de nombreuses pièces de sorte qu'elle est fondée à s'en prévaloir.

La procédure ayant été engagée le 15 février 2019, la société est recevable à invoquer les faits dont elle a eu connaissance avec certitude et dans toute leur ampleur à compter du 15 décembre 2018.

L'employeur reproche essentiellement à la salariée un management inapproprié qui pourrait caractériser un harcèlement moral et une défaillance dans l'exécution de ses missions.

Il ressort de la lettre de licenciement elle-même que l'employeur avait reçu des alertes concernant le management de Mme [E] dès le début de l'année 2018 et avez pris à cet égard un certain nombre de mesures. Toutefois il rapporte la preuve de ce que la situation a pris un tour plus grave après que le 18 décembre 2018, Mme [O] a certifié qu'elle ne voulait plus travailler sous les ordres de Mme [E], dénonçant une situation de stress permanent ayant des répercussions sur son état de santé et le document remis par Mme [H], chargée du recouvrement, courant décembre 2018, décrivant une gestion du service catastrophique de la part de Mme [E].

Dans ces conditions, l'organisation, avant toute décision à l'égard de cette dernière, d'un audit interne apparaît une précaution indispensable. Cet audit a été mené par un juriste d'entreprise rattaché à la direction juridique et commerciale ainsi qu'il est justifié par la production de son contrat de travail. Il repose sur une analyse factuelle et l'audition de dix salariés dont Mme [E] et met en cause les qualités professionnelles et humaines de cette dernière. Il est précisé par son auteur qu'il a été présenté le 15 février 2019 à l'occasion d'une réunion à laquelle la salariée a été conviée.

Les arguments de la salariée ne suffisent pas mettre en doute l'impartialité de l'auditeur et la valeur probante de son étude, ni la date à laquelle elle a été restituée à la direction de la société.

Il résulte de ce qui précède que l'employeur a connu l'ampleur des faits reprochés à la salariée moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement. C'est donc en vain que Mme [E] invoque la prescription.

Il convient donc d'examiner les griefs invoqués par l'employeur.

-Sur le management inapproprié au plan organisationnel :

L'employeur affirme que les méthodes mises en place par la salariée ont été dénoncées comme créant un stress et une souffrance au travail, que tout au long de l'année 2018, il a mis en 'uvre pour l'aider à corriger cette organisation mais qu'il a découvert en janvier 2019 et le 15 février 2019 qu'elle avait maintenu une organisation qu'elle savait toxique malgré les instructions de sa direction l'accompagnement et les réclamations de ses collaboratrices. Il s'appuie sur les témoignages de Mmes [H], [O], [K] et [Y] ainsi que sur le rapport d'audit interne.

La salariée conteste la valeur probante les témoignages de Mmes [H] et [O], invoque à tout le moins un doute qui doit lui profiter et se prévaut de l'attestation de Mme [N] [Z] et du conjoint de celle-ci. Elle affirme que les difficultés organisationnelles relevaient non pas de fautes de sa part mais d'une surcharge de travail liée au changement d'huissier de justice et à de nouvelles tâches à maîtriser, dénoncée par ses collaboratrices aux termes de leurs entretiens annuels.

Si effectivement, Mme [H] s'est déclarée satisfaite de la qualité des échanges avec Mme [E] lors de son entretien annuel du 18 décembre 2017, elle a également mis en avant des difficultés organisationnelles. En tout état de cause, ce seul fait, antérieur à la période visée à la lettre de licenciement, ne suffit pas à remettre en cause la valeur de son témoignage dès lors qu'il est corroboré par d'autres pièces du dossier.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'attestation de Mme [N] [Z], embauchée dans l'entreprise un an en 2016/2017, est dépourvue de pertinence dès lors que les faits qui sont reprochés à la salariée se sont déroulés en 2018 et début 2019. Il en va de même s'agissant de l'attestation de M. [Z] qui a travaillé au sein de l'étude d'huissier de justice [T] [M] entre 2013 et 2016.

Les griefs retenus par la société sont suffisamment établis par les témoignages de Mmes [H], [O], [K] et [Y], dont les déclarations détaillées et circonstanciées sont reprises dans la lettre de licenciement.

L'employeur rapporte la preuve, notamment par la production de la lettre du 9 avril 2018, de la mise en place d'un plan d'action concerté pour remédier aux difficultés d'organisation de la salariée comprenant un accompagnement hiérarchique sur la finalisation de l'organisation des activités du service, la mise en place d'un point hebdomadaire avec l'ensemble de l'équipe, d'un point mensuel au minimum avec chacune de ses collaboratrices pour faire un point précis sur l'état d'avancement de leurs dossiers, trouver des solutions sur les points de blocage et les accompagner dans l'atteinte de leurs objectifs, réintégrer Mme [O] au sein de l'équipe et recréer du lien avec ses collègues.

Les témoignages des collaboratrices du service contentieux démontrent que ce plan d'action n'a pas eu les effets escomptés, les manquements ayant perduré, Mme [E] se plaignant plutôt du suivi de son action qu'il a engendré.

Ce grief est établi.

- Sur le management inapproprié sur le plan relationnel :

La société se prévaut des dénonciations par les collaboratrices de Mme [E] de pratiques managériales méprisantes ainsi que de propos et agissements inacceptables ainsi que du rapport d'audit.

La salariée met en avant les comptes-rendus d'entretien annuel de Mme [K] et [Y] pour 2017/2018, aux termes desquelles celles-ci se sont déclarés satisfaites de leurs relations avec elle. Elle se prévaut également de la bonne opinion de deux autres salariés à son égard à l'occasion de leurs entretiens d'évaluation.

Lors de leurs entretiens d'évaluation du 15 décembre 2017, les premières nommées se sont déclarées satisfaites de leur travail mais ces entretiens ont concerné une période antérieure à celle visée dans la lettre de licenciement. Il en va de même concernant Mmes [P] et [F].

Mmes [K], [Y], [O] et [H], décrivent Mme [E] dans les termes repris par l'employeur dans sa lettre de licenciement dénonçant un management infantilisant, un manque de considération, des propos humiliants ou blessants, un manque de soutien et un désintérêt pour le travail de ses subordonnées. Mme [O] précise que depuis son départ l'ambiance du service est littéralement métamorphosée. Deux collaboratrices se plaignent de répercussions sur leur santé physique et mentale de la souffrance au travail générée par Mme [E], l'une d'entre elle ayant d'ailleurs été orientée vers la psychologue du travail.

Les techniques brutales de management employées par la salariée sont illustrées notamment par le courriel 28 mars 2018, dépourvu de toute formule de politesse, par lequel elle adresse à Mme [O], des reproches sur un ton véhément sans avoir au préalable recueilli ses explications et sans tenir compte du fait qu'elle est tout juste de retour d'un congé de maladie et fragilisée par un cancer.

Les pièces versées aux débats par la salariée ne permettent pas de remettre en cause la véracité des propos des membres de son équipe, ni même de faire naître un doute raisonnable susceptible de lui profiter.

C'est à juste titre que l'employeur fait valoir que, tenu à une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés, il lui appartenait de réagir face à la situation délétère créée et entretenue par Mme [E].

Ce grief est également prouvé.

La cour considère qu'au regard des fonctions exercées par la salariée, de son expérience professionnelle et des circonstances de la commission des faits, ces deux griefs, dûment établis, rendaient à eux-seuls impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et justifient donc son licenciement pour faute grave.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a dit que la licenciement était motivé par une cause réelle et sérieuse et a fait partiellement droit aux demandes de Mme [E] de ce chef.

IV- Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

- Sur la recevabilité de la demande :

La société invoque la prescription de la demande de Mme [E] pour la période antérieure au 1er février 2016.

La salariée ne répond pas spécifiquement sur ce point.

Par application de l'article L. 3245-1 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 31 janvier 2019 et le contrat de travail ayant été rompu le 4 mars 2019, Mme [E] est recevable à réclamer le paiement des heures supplémentaires à compter du 4 mars 2016, la période antérieure étant frappée de prescription.

- Sur le fond :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.


Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [E] affirme que pour la période à laquelle elle était soumise à une durée du travail de 151,67 heures par mois, soit avant l'avenant du 19 décembre 2018 qui a introduit à son contrat une convention de forfait en jours, son dévouement et son implication professionnelle la conduisaient à travailler selon une amplitude hebdomadaire « de l'ordre de 45 heures ». Elle soutient que la régularisation d'une convention de forfait constitue la reconnaissance implicite par l'employeur de ce que son temps de travail excédait la durée légale non majorée. Elle se prévaut de trois arrêts du 31 mars 2021 aux termes desquels la cour d'appel d'Amiens a alloué des sommes à des cadres de l'entreprise du même niveau hiérarchique qu'elle au titre des heures supplémentaires impayées et a reconnu que l'une d'entre elle avait nécessairement des responsabilités et des tâches en nombre et en volume accréditant la réalité des heures supplémentaires revendiquées.

La société répond en premier lieu que cette demande est fantaisiste et n'est étayée d'aucune pièce.

Au soutien de sa demande, Mme [E] ne présente ni décompte de ses horaires de travail, ni description de sa charge de travail, ni explication quant à son mode de calcul.

La signature d'une convention de forfait ne constitue pas une reconnaissance par l'employeur de l'existence d'heures supplémentaires.

Enfin, c'est par une dénaturation de la jurisprudence de la cour d'appel d'Amiens qu'elle cite que Mme [E] soutient que la cour a reconnu qu'une cadre de niveau G6 comme elle, avait nécessairement des responsabilités et des tâches accréditant la réalité de l'exécution d'heures supplémentaires alors qu'il est jugé, par cet arrêt, qu'il ressortait des pièces produites que l'employeur ne pouvait ignorer l'amplitude des horaires de travail de cette salariée.

La cour retient par conséquent que Mme [E] ne présente pas d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en apportant les siens.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

V- Sur les demandes accessoires :

Mme [E], qui perd le procès, doit en supporter tous les dépens et sera condamnée à payer à la société la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande au titre du harcèlement moral et de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au 4 mars 2016,

Déboute Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

La condamne à payer à la société anonyme d'HLM de l'Oise la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés pour l'ensemble du procès,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02013
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;21.02013 ?
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