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10/05/2022 | FRANCE | N°20/05630

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 10 mai 2022, 20/05630


ARRET

N°263





[O]





C/



G.I.E. DES HOTELS SUPER ECONOMIQUE

CPAM DE LILLE DOUAI







RD





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 10 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 20/05630 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5HH



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 01 octobre 2020





PARTIES EN CAUSE :




r>APPELANT





Monsieur [B] [O]

56 rue Jules Guesde

59155 FACHES THUMESNIL





Représenté et plaidant par Me Farid BELKEBIR de l'AARPI AVODROIT, avocat au barreau de VALENCIENNES











ET :





INTIMES





G.I.E. DES HOTELS SUPER ECONOMIQUE Pr...

ARRET

N°263

[O]

C/

G.I.E. DES HOTELS SUPER ECONOMIQUE

CPAM DE LILLE DOUAI

RD

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 10 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 20/05630 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5HH

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE EN DATE DU 01 octobre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [B] [O]

56 rue Jules Guesde

59155 FACHES THUMESNIL

Représenté et plaidant par Me Farid BELKEBIR de l'AARPI AVODROIT, avocat au barreau de VALENCIENNES

ET :

INTIMES

G.I.E. DES HOTELS SUPER ECONOMIQUE Prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège

6-8 rue du Bois Briard Courcouronnes

91080 EVRY COURCOURONNES

Représentée et plaidant par Me DOUTRIAUX, avocat au barreau de VANNES et ayant comme avocat postulant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS

CPAM DE LILLE DOUAI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

125 rue Saint-Sulpice

CS 20821

59508 DOUAI CEDEX

Représentée et plaidant par Mme [P] [R] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Novembre 2021 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Mai 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 10 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Monsieur [O], directeur d'hôtels pour le compte du groupement d'intérêt économique HOTELS IBIS ET HOTELS FORMULE 1, a établi en date du 14 juin 2014 une déclaration de maladie professionnelle à type de burn out occasionnant un syndrome anxiodépressif à laquelle était jointe un certificat médical initial établi le même jour.

Conformément aux dispositions de l'article L.461-1 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale alors applicables, la maladie déclarée par Monsieur [O] ne figurant pas dans les tableaux des maladies professionnelles, le dossier de l'assuré a été instruit dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles.

Après avis du médecin conseil estimant que la maladie présentée par Monsieur [O] était susceptible d'entraîner un taux d'incapacité permanente partielle supérieur à 25%, le dossier de l'assuré a été transmis au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie qui a émis le 29 juillet 2015 un avis favorable à la prise en charge de la maladie de Monsieur [O].

Cet avis s'imposant à la Caisse, Monsieur [O] s'est vu notifier le 27 août 2015, une décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'affection déclarée.

La date de consolidation de la maladie a été fixée au 27 janvier 2016 et les séquelles de la maladie du 14 juin 2014 ont été évaluées à 5%.

La Caisse a notifié à Monsieur [O] la fixation de ce taux par décision du 19 mai 2016.

Estimant ce taux sous-évalué, l'assuré a formé un recours devant le Tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille.

Par jugement du ler avril 2019, le Pôle Social du Tribunal de grande instance de Lille, devenu compétent entre temps, a porté le taux de Monsieur [O] à 20% dans les rapports assuré/caisse .

De son côté, contestant la décision de prise en charge de la maladie de son salarié, le GIE DES HOTELS IBIS a saisi la Commission de recours amiable laquelle a confirmé la décision de la Caisse par décision du 21 janvier 2016.

L'employeur a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Douai lequel a, par un premier jugement du 27 septembre 2017 désigné un second CRRMP.

Le CRRMP de Nancy Nord-Est a rejeté le lien direct et essentiel entre la maladie en cause et le travail habituel de Monsieur [O] .

Par jugement du 6 novembre 2018, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Douai a entériné l'avis du second CRRMP et déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie intervenue à la suite de l'avis du 1er CRRMP.

Monsieur [O] a introduit, auprès de la Caisse, une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Le 9 février 2017, un procès-verbal de non conciliation a été dressé.

L'assuré a ensuite saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille.

Par jugement du ler octobre 2020, le Tribunal judiciaire de Lille, devenu compétent entre temps, a débouté Monsieur [O] de ses demandes estimant que le lien essentiel entre la maladie et l'activité professionnelle n'était pas établi et il l'a condamné aux dépens de l'instance.

Notifié à Monsieur [O] le 28 octobre 2020, ce jugement a fait l'objet d'un appel de sa part par courrier expédié le 19 novembre 2020 au greffe de la Cour d'Appel.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 22 février 2021 et soutenues oralement par avocat, Monsieur [O] demande à la Cour de :

Dire mal jugé, bien appelé,

Infirmer le Jugement du Pôle Social du Tribunal judiciaire de LILLE en toutes ses dispositions, Statuant de nouveau :

Dire et Juger que le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES a commis une faute inexcusable à l'encontre de Monsieur [O] avec toutes les conséquences de droit,

Fixer au maximum la majoration de la rente prévue par la Loi et dire que cette majoration doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime dans la limite des plafonds prévus par l'article L452-2 du Code de la Sécurité Sociale,

Condamner le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES au paiement de la somme de 80.000 € en raison de sa faute inexcusable,

Débouter le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de l'instance.

Condamner le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES aux entiers frais et dépens de l'instance.

Il fait en substance valoir qu'il était chargé de la direction de deux hôtels, qu'il manageait 9 à 10 personnes dans l'hôtel de MONS EN BAROEUL et 10 à 12 personnes dans l'hôtel d'ARRAS.

Il convient également de préciser que Monsieur [O] disposait d'une délégation de pouvoirs par établissements, qu'au jour de la reprise du site Formule 1 de MAUBEUGE, il a été contraint de réorganiser l'intégralité de l'hôtel, de former le personnel et d'assurer les tâches de ce dernier dans l'attente de leur formation, que son temps de travail était supérieur à 70 heures hebdomadaires, que les chambres de l'hôtel Formule 1 de MONS EN BAROEUL. étaient occupées à 40 % par des réfugiés et pour le reste de délinquants en tous genres et des prostituées, que Monsieur [G] lui mettait une pression constante sur les résultats et lui adressait un nombre de mails particulièrement important, qu'il interférait dans les décisions tarifaires des chambres mettant une pression supplémentaire sur le chiffre d'affaire de Monsieur [O], qu'il favorisait un hôtel Formule 1 concurrent de Monsieur [O] proche de MONS EN BAROEUL en augmentant les prix de ce dernier et diminuant les prix des hôtels concurrents, qu'il mettait du temps à valider les investissements de Monsieur [O] alors même que ceux-ci étaient indispensables au bon fonctionnement des hôtels et lui demandait très régulièrement et ce sans aucun fondement des comptes à Monsieur [O] pourtant cadre autonome, que Monsieur [O] ne disposait plus des commandes de ces hôtels alors même qu'il disposait de délégation de pouvoirs, que Monsieur [O] a pris la décision de remonter les difficultés rencontrées avec Monsieur [G] auprès de sa hiérarchie, qu'il lui était alors répondu à Monsieur [O] qu'il lui appartenait de mieux gérer son travail avec naturellement moins de moyens financiers et humains, qu'à compter du mois de Janvier 2014, Monsieur [O] a vécu un véritable calvaire pour aller travailler et s'est trouvé dans un état complet d'épuisement physique et mental ayant pour origine le comportement de Monsieur [G] à son égard et son management par la pression pendant une période où il gérait 2 hôtels, que la situation familiale de Monsieur [O] s'en est fortement dégradée en raison de ses nombreuses absences, qu'il a développé des crises d'angoisse à la plus simple évocation de son travail, qu'il avait une angoisse permanente causée par l'accumulation du stress, qu'il s'est retrouvé en arrêt de travail pour maladie, que les éléments de la faute inexcusable de l'employeur sont réunis en l'espèce, que la Médecin du travail a établi un rapport le 30 Mars 2015 dans lequel elle met en avant la difficulté du poste de Directeur de site, que le 28 Avril 2015, elle avait préconisé une reprise à mi-temps thérapeutique à raison de deux jours et demi par semaine, que le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES n'a eu que faire des préconisations du Médecin du travail, que contrairement à ce que semble avoir retenu le Pôle social du Tribunal judiciaire de LILLE, Monsieur [O] n'a pas géré la moindre des sociétés qu'il a constituées, que de nombreux experts, organismes sociaux, rapports médicaux ont analysé la situation de Monsieur [O], et ont tous rattaché unanimement, exclusivement, et directement la pathologie de Monsieur [O] aux fonctions de Directeur qu'il occupait auprès du GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES, qu'il en est ainsi Du rapport du Docteur [M], Médecin du travail, du 17/09/2014 (pièce 14) ;Des différents rapports de suivi auprès du service Médico Psychologique de Proximité(pièce 17) ;

Du rapport du Docteur [H], interne en psychiatrie, du 30/06/2014 (pièce 18) qui souligne une recrudescence anxieuse suite à une rencontre avec un collègue de travail et que " le discours est centré sur sa profession et ses difficultés avec une anxiété majeure ", du rapport du Docteur [D], sapiteur, du 30 Octobre 2018 (pièce 20) qui conclut expressément que le taux d'IPP de la maladie professionnelle de Monsieur [O] est de 20% en imputant exclusivement la pathologie aux conditions de travail de Mr [O] auprès du GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES, de l'enquête administrative menée par la CPAM DU HAINAUT (pièce 24), de la notification du taux d'IPP de 20% en date du 29/04/2019 (pièce 26) faisant suite à la reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [O], des décisions de la MDPH 59 en date des 20 Mars 2019 et 19 Mars 2019 (pièces 27 et 28), ayant reconnu le statut de travailleur handicapé à Monsieur [O] ; Du Jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de LILLE du 1er Avril 2019 (pièce 29) ayant reconnu un taux d'incapacité permanente partielle de 20% sur la base du rapport d'expertise du Docteur [D] (pièce 20), qu'aucun de ces rapports, ni aucune des décisions ci avant mentionnées, n'a établi la moindre causalité entre les sociétés constituées par Monsieur [O], et sa pathologie.

Par conclusions reçues par le greffe le 5 mai 2021 et soutenues oralement par avocat, le GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES demande à la Cour de :

Constater que les éléments de la faute inexcusable ne sont pas rapportés,

En conséquence :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille en date du 1er octobre 2020 en toutes ses dispositions,

Débouter Monsieur [O] de l'intégralité de ses demandes,

Elle fait valoir que :

a. Monsieur [O] n'apporte aucune preuve du lien entre sa pathologie et une faute de l'employeur

Aux termes de ses écritures, Monsieur [O] soutient avoir dû travailler plus de 70h par semaine et était contraint de dormir sur place le samedi, dimanche et jour férié.

Ces allégations ne sont étayées d'aucune preuve (aucun témoignage, email, sms à ce sujet).

Il décrit avoir été contraint de gérer des établissements faisant face à une clientèle composée de délinquants, prostituées et réfugiés. Il précise ensuite qu'il a dû s'investir pour " éradiquer l'ensemble des problèmes de drogue, d'alcool et de trafic en tout genre et pour sortir les réfugiés de l'hôtel ".

Il n'apporte pourtant sur ce point aucune preuve de ses allégations.

Le GIE démontrera, du reste, qu'il n'était pas en surcharge de travail.

Monsieur [O] soutient également que de nombreux experts auraient conclu au lien entre son travail salarié et la dépression dont il a fait l'objet.

Il cite sur ce point plusieurs pièces qui ne confirment pourtant absolument pas sa thèse.

Ainsi, le rapport du Dr [M], médecin du travail (17/09/2014) n'évoque qu'au conditionnel les propos de Monsieur [O] et ne conclut donc pas à un lien certain entre sa dépression et son travail salarié (Pièce adverse n°14)

Les rapports du service médico psychologique de proximité ne font état que du caractère dépressif de Monsieur [O]. Il convient de préciser que ce rapport établit également que Monsieur [O] avait déjà fait l'objet d'un état dépressif quand il avait 20 ans c'est-à-dire en dehors de tout contexte professionnel avec le GIE (Pièce adverse n°17).

Le rapport du Dr [D] sapiteur, du 30 octobre 2018 souligne que le dossier présenté par Monsieur [O] était au départ " très peu documenté " et ne présentait " aucun document médical ". il ne fait pas état de conclusions

b. Monsieur [O] exerçait en dehors du GIE de lourdes responsabilités de chef d'entreprise cumulées avec un déménagement en avril 2014

Monsieur [O] omet de préciser que sa carrière professionnelle ne se limite pas à la gestion d'établissements Hôtels F1.

En dehors de son activité salariée du GIE Ibis Budget et HOTELS F1, Monsieur [O] dirige 6 entreprises et au cours de l'année 2014 il a déménagé après avoir effectué de nombreux travaux ce qui a manifestement constitué pour lui une surcharge physique et mentale qu'il n'a pas su assumer.

En effet, il ressort des registres du commerce et des sociétés les éléments suivants :

- En février 2008, il créait seul à Maubeuge un établissement de restauration rapide, vente de boissons (avec licence IV) et accessoirement mise à disposition d'ordinateurs avec accès internet sous le nom IDEAL RESTO. Contrairement à ce qu'il ose écrire dans ses conclusions, il est inscrit comme étant l'unique gérant de cette entreprise.

- En mars 2013, il créait seul la Société AB DESTOCK à Maubeuge. Contrairement à ce qu'il ose écrire dans ses conclusions, il assure la présidence de la société. Il est donc directement en charge de sa direction.

- En juillet 2013, il créait seul la Société AC DESTOCK située à Lille (mise en sommeil au 1er septembre 2014 manifestement en raison de l'incapacité temporaire de Mr [O] à exercer cette activité compte tenu de son arrêt maladie). Contrairement à ce qu'il ose écrire dans ses conclusions, il assure la présidence de la société. Il est donc directement en charge de sa direction.

(Pièce n°19 - Extraits K-bis)

Monsieur [O] ne s'est donc pas contenté de constituer les sociétés. Il les a effectivement dirigées. La Cour notera donc que Monsieur [O] n'hésite donc pas à mentir pour faire valoir ses prétentions (conclusions adverses, page 3).

En parallèle, Monsieur [O] créait 3 Sociétés Civiles Immobilières, afin de développer une activité de gestion et de location d'immeuble:

En mai 2006, à Raismes, création de LES DUCHESSES (radiée le 30 juin 2011)

En février 2007 à Valenciennes, création de SB IMMO

- En mai 2008, à Ronchin, création de BABIMMO

- En janvier 2015, à Hellemmes-Lille, création de N3K (Pièce n°20 Extraits K-bis) - 17/19 -

- Il est également important de souligner qu'en avril 2014, Monsieur [O] a changé de domicile et qu'à cette période il a indiqué avoir dû réaliser des travaux très importants.

- Le changement d'adresse ressort de ses bulletins de paie.

- (Pièce n°18 - bulletin de paie mars et avril 2014)

- Monsieur [O] croit pouvoir soutenir que ces activités n'ont pas eu d'effet sur son état de santé puisqu'aucun médecin ou expert n'a fait de lien à ce sujet. Monsieur [O] n'a tout simplement jamais indiqué aux experts qu'il a consulté qu'il exerçait ce type d'activité en parallèle de son activité salariée, et pour cause, il cherchait à assoir la responsabilité exclusive de son employeur...un tel argument est donc inopérant.

- En conclusion, il est manifeste que Monsieur [O], en parallèle de son activité de directeur d'établissement hôtelier, s'est astreint en dehors de son activité salariée à de nombreux engagements personnels et professionnels. Le cumul a pu avoir des conséquences sur son état de santé.

- Compte tenu de ces éléments, Monsieur [O] ne peut prétendre que c'est son travail salarié qui est la cause essentielle et directe de son état dépressif.

Par conclusions visées par le greffe à la date du 15 octobre 2021 et soutenues oralement par sa représentante, la caisse primaire d'assurance maladie de Lille Douai demande à la Cour de :

Sur la demande de faute inexcusable,

- Donner acte à la CPAM de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de faute inexcusable sous réserve que le caractère professionnel de la maladie soit confirmé,

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable,

- Condamner l'employeur à rembourser la CPAM de toutes les sommes dont elle aura à faire l'avance.

Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes au titre de la majoration de la rente et au titre des préjudice visés à l'article L.452-3 ou non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale, que l'inopposabilité de la décision de prise en charge, que ce soit pour un motif de forme, de fond ou d'une décision initiale de refus, est aujourd'hui sans incidence sur l'action récursoire de la CPAM qui doit en bénéficier dès lors que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, que s'agissant des modalités de recouvrement par la caisse de la majoration de rente, l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, dont les conditions sont précisées à l'article D. 452-1 du même Code, prévoit que la caisse récupère immédiatement le capital représentatif de la majoration de rente auprès de l'employeur tenu de supporter les conséquences de la faute inexcusable, que ces nouvelles dispositions s'appliquent aux majorations de rente ou d'indemnité en capital issues de décisions juridictionnelles rendues à compter du 1er avril 2013.

Le Président a relevé d'office que l'action récursoire de la caisse ne pouvait plus s'exercer lorsqu'était intervenue une décision passée en force de chose jugée intervenue dans les rapports entre la caisse et l'employeur et dont il résulte que la maladie ou l'accident n'a pas de caractère professionnel, que l'action récursoire de la caisse ne peut s'exercer sur la majoration que dans les limites du taux initial notifié à l'employeur, qu'en cas de contestation du caractère professionnel de la maladie par l'employeur en cas de maladie hors tableau il appartient au juge de saisir un second CRRMP et que le fait qu'un second CRRMP ait déjà été saisi dans la procédure opposant l'employeur à la caisse est indifférent en application de la règle d'indépendance des rapports.

Il a autorisé les parties à adresser sur ces différents points une note en délibéré sous un mois avec réponse sous un mois à la note adverse, la société employeur étant en outre autorisée à répondre sur les pièces de Monsieur [O] qu'elle a reçues la veille de l'audience ( pièces 30 à 40).

Par message électronique du 14 décembre 2021 de son avocat, la société GIE DES HOTELS IBIS BUDGET ET HOTEL F1 invoque un arrêt de la Cour de Cassation du 15 février 2018 et soutient que lorsque le caractère professionnel de la maladie n'est pas reconnu dans les rapports entre la caisse et l'employeur par un jugement passé en force de chose jugée il y a lieu de rejeter l'action récursoire de la caisse, qu'elle justifie d'un jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Douai, passé en force de chose jugée, qui retient l'absence de lien de causalité entre la maladie de Monsieur [O] et son travail à son service, que si une faute inexcusable était par extraordinaire retenue à son encontre elle ne pourrait avoir de conséquences envers elle.

Elle fait également valoir qu'elle s'en remet à la sagesse de la Cour sur la demande de majoration de rente soutenue par Monsieur [O] et qu'en ce qui concerne les pièces 30 à 41 produites par ce dernier la veille de l'audience des plaidoiries les témoignages produits émanent de personnes ne travaillait pas au sein de l'établissement ou ne travaillant que dans un seul établissement et qui témoignent de faits faux.

Par note en délibéré visée par le greffe à la date du 16 décembre 2021, la caisse rappelle sa position selon laquelle il résulterait de l'arrêt du 26 novembre 2020 que les inopposabilités même de fond ne sont pas de nature priver les caisses de leur action récursoire, qu'il est exact que son action ne pourra s'exercer que sur la base du taux initial de 5%.

MOTIFS DE L'ARRET.

Attendu que les dispositions de l'article 44-1 de la loi du 30 décembre 2017 modifiant l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale sont aux termes de l'article 44II de cette loi applicables aux maladies professionnelles déclarées à compter du 1er juillet 2018.

Que la maladie professionnelle litigieuse ayant été déclarée le 8 octobre 2014, il s'ensuit qu'elle reste soumise aux dispositions de l'article L.461-1 antérieures à l'entrée en vigueur de la loi précitée.

Attendu ensuite qu'aux termes de l'article R. 142-24-2, alinéa 1 , lorsqu'un différend porte sur le reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse ;

Que ce texte a été remplacé à partir du 1er janvier 2019 par l'article R.142-17-2 du Code de la sécurité sociale dont la teneur est identique mais qui fait référence non plus au troisième et quatrième alinéa de l'article L.461-1 mais, compte tenu de la modification de ce texte par la loi du 30 décembre 2017, à ses alinéas 6 et 7.

Qu'il résulte de l'article 17 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale modifié par le décret n°2019-966 du 18 septembre 2019 - art. 8 que l'article R.142-17-1 ne s'applique à partir du 1er janvier 2019 qu'aux décisions prises à compter de cette date, compte tenu du fait que cet article ne constitue pas une disposition relative à la procédure devant les juridictions au sens du III de l'article 17 précité mais une disposition relative aux conditions de la prise en charge d'une maladie professionnelle.

Qu'il s'ensuit que le présent litige est régi par l'article L.461-1 dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2017 et par l'article R.142-24-2 ainsi que par les articles D.461-26 et suivants du Code de la sécurité sociale.

Attendu qu'en l'espèce le différend porte sur l'origine professionnelle d'une maladie reconnue dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.461-1 puisqu'il s'agit d'une maladie non désignée dans un tableau et pour laquelle l'assuré s'est vu reconnaître un taux prévisible d'incapacité d'au moins 25%.

Attendu que l'avis du CRRMP de la région Nord Pas de Calais Nord Picardie du 29 juillet 2015 retient le lien direct et essentiel entre l'activité professionnelle de Monsieur [O] et la maladie déclarée.

Que malgré l'avis du premier CRRMP, l'employeur conteste ce lien direct et essentiel et le caractère professionnelle de cette dernière.

Qu'il appartient dans ces conditions à la Cour, en application de l'article R.142-24-2 précité et selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt, de recueillir avant dire droit l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui qui a déjà été saisi par la Caisse.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Avant dire droit sur le caractère professionnel de la pathologie litigieuse et sur la totalité du litige,

Dit qu'il y a lieu de recueillir l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles d'ILE DE FRANCE sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la maladie déclarée par Monsieur [B] [O] selon déclaration de maladie professionnelle en date du 8 octobre 2014 et son activité professionnelle.

Ordonne la transmission à ce comité par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Lille Douai de l'entier dossier de Monsieur [B] [O].

Dit que la cause sera à nouveau évoquée à l'audience du 13 février 2023 à 13h30 pour vérification de l'état d'avancement de la procédure et, le cas échéant, plaidoiries au fond.

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à cette audience.

Réserve les dépens et les frais non répétibles.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/05630
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;20.05630 ?
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