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10/05/2022 | FRANCE | N°19/03787

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 10 mai 2022, 19/03787


ARRET

N°249





[H]





C/



S.A. COMPAGNIE GENERALE DE MANUTENTION (COGEMA)

CPAM DES FLANDRES







JR





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 10 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 19/03787 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HKML



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 28 mars 2019





PARTIES

EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [P] [H]

154 rue du Contre-Torpilleur Triomphant

59140 DUNKERQUE





Représenté et plaidant par Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503...

ARRET

N°249

[H]

C/

S.A. COMPAGNIE GENERALE DE MANUTENTION (COGEMA)

CPAM DES FLANDRES

JR

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 10 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 19/03787 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HKML

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 28 mars 2019

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [P] [H]

154 rue du Contre-Torpilleur Triomphant

59140 DUNKERQUE

Représenté et plaidant par Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503

ET :

INTIMES

S.A. COMPAGNIE GENERALE DE MANUTENTION (COGEMA) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Route du Port Fluvial Zif de Mardyck Port 4383

59279 LOON PLAGE

Représentée et plaidant par Me Frédéric MARCOUYEUX de la SELARL MARCOUYEUX ET ASSOCIEES, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES FLANDRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2 rue de la Batellerie

CS 94523

59386 DUNKERQUE CEDEX 1

Représentée et plaidant par Mme [X] [D] dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Février 2022 devant Madame Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Mai 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. Maximilien COURONNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Jocelyne RUBANTEL en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 10 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

M. [H] a été salarié des entreprises de manutention du port de Dunkerque du 5 août 1971 au 31 janvier 1994 puis salarié au sein de la Compagnie Générale de Manutention (ci-après Cogema) du 1er février 1994 au 30 novembre 2002 en qualité de docker.

Il a, le 27 mars 2015, déclaré une maladie professionnelle au titre de «'plaques pleurales et diaphragmatique'», pathologie inscrite au tableau n°30b des maladies professionnelles, sur la base d'un certificat médical initial en date du 24 mars 2015.

Par décision du 12 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après la CPAM) de Flandres a pris en charge cette pathologie au titre de la législation professionnelle. Elle a, à ce titre, attribué un taux d'IPP de 5 % à M. [H].

Par courrier du 28 juillet 2015, M. [H] a saisi la CPAM afin d'invoquer la faute inexcusable de la société Cogema.

Par lettre du 29 juillet 2015, M. [H] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société Cogema.

En application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, les instances en cours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale au 31 décembre 2018 ont été transférées au 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Lille.

Le tribunal de grande instance de Lille, par jugement rendu le 28 mars 2019, a :

- déclaré l'action en reconnaissance de faute inexcusable formulée par M. [H] recevable pour ne pas être prescrite ;

- débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes en ce que le demandeur, défaillant dans la charge de la preuve, ne démontre pas la faute inexcusable de la société Cogema ;

- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires;

- débouté M. [H] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [H] aux dépens ;

- rappelé que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du présent jugement est d'un mois à compter du jour de sa notification;

- dit que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l'article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du pôle social du tribunal de grande instance de Lille.

M. [H] a, le 9 mai 2019, interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par courrier recommandé du 29 avril 2019, dont il a accusé réception le 2 mai 2019.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 23 mars 2020, date à laquelle un renvoi, à la demande des parties pour leur permettre d'échanger pièces et conclusions, a été ordonné à l'audience des plaidoiries du 28 janvier 2021.

Lors de l'audience du 28 janvier 2021, l'affaire a fait l'objet d'un nouveau renvoi à l'audience des plaidoiries du 13 septembre 2021, également à la demande des parties.

Lors de l'audience du 13 septembre 2021, les parties n'étant pas en état, l'affaire a fait l'objet d'un ultime renvoi à l'audience des plaidoiries du 8 février 2022.

Par conclusions visées par le greffe le 16 septembre 2021, M. [H] prie la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son recours ;

- rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées ;

- infirmer purement et simplement le jugement rendu le 28 mars 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Lille ;

En conséquence, de :

- dire et juger que la maladie professionnelle dont il est atteint est due à la faute inexcusable de son ancien employeur, la société Cogema, alors qu'il exerçait l'activité de docker professionnel intermittent sur les quais du port de Dunkerque ;

- fixer au maximum la majoration de la rente prévue par la loi ;

- dire que la majoration maximum de la rente suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de son état de santé ;

- fixer la réparation des préjudices subis par M. [H] comme suit :

préjudice de souffrances physique : 15 000 euros ;

préjudice de souffrances morales : 20 000 euros ;

préjudice d'agrément : 8 000 euros ;

En tout état de cause, de :

- dire et juger, qu'en vertu des dispositions de l'article 1153-1 du Code civil, l'ensemble des sommes dues portera intérêt à taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société Cogema au paiement d'une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile aux dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [H] reprend les dispositions législatives et jurisprudentielles adoptées pour lutter contre les risques pour la santé liés à l'amiante. Il fait valoir que ce sont bien les conditions de travail habituelles l'ayant exposé à l'inhalation de poussières d'amiante qui sont à l'origine de sa maladie professionnelle.

L'appelant souligne le fait que le port de Dunkerque est inscrit sur la liste des entreprises ouvrant droit au bénéfice de l'allocation amiante. M. [H] apporte aux débats des attestations d'anciens collègues qui attestent des conditions de travail, sans protection respiratoire, au sein de la société Cogema.

En outre, M. [H] indique qu'il ressort du contexte historique qu'une entreprise aussi importante que Cogema ne pouvait ignorer les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante. Ainsi, il précise que la société n'a pas respecté la réglementation imposée et que cela constitue une faute d'une gravité exceptionnelle.

Par conclusions reçues par le greffe le 27 janvier 2021, la société Cogema prie la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Lille en date du 28 mars 2019 ;

Et ainsi,

A titre principal :

- constater que la preuve de la qualité d'employeur de M. [H] de la société Cogema avant le 1er février 1994 n'est pas rapportée ;

- constater que la preuve de l'exposition au risque par la société Cogema n'est pas rapportée ;

- constater que la preuve n'est pas rapportée d'une faute inexcusable imputable à la société Cogema ;

- constater que la société Cogema justifie d'un cas de force majeure ;

- constater que la preuve d'un lien de causalité entre faute et préjudice n'est pas rapportée ;

En conséquence, de :

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Cogema ;

- prononcer la mise hors de cause de la société Cogema ;

A titre subsidiaire :

- constater que la société Cogema n'a reçu aucune information relative à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de M. [H] ;

- constater que la société Cogema n'a pas été appelée aux opérations d'instruction ayant abouti à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [H] ;

En conséquence, de :

- dire et juger que la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [H] et les conséquences de cette reconnaissance, ainsi que celles d'une éventuelle faute inexcusable sont inopposables à la société Cogema ;

- dire et juger la demande infondée en son quantum ;

- débouter M. [H] de ses demande d'indemnisation ;

En tout état de cause, de :

- constater l'impossibilité de déterminer l'employeur chez lequel l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

En conséquence, de :

- dire et juger que toute condamnation prononcée à l'encontre des employeurs sera affectée au compte spécial disposé par la loi.

Au soutien de ses prétentions, la société Cogema fait valoir que la liste des entrepreneurs de manutention ayant exercé sur le port de Dunkerque pendant la période litigieuse est longue. Ainsi, elle indique que chaque docker a pu travailler pour différentes entreprises sur le port de Dunkerque durant la période litigieuse.

En outre, la société intimée indique que M. [H] ne produit aucun élément de nature à établir qu'il a effectivement été exposé au risque professionnel amiante. Pour elle, la seule mention du port de Dunkerque dans les arrêtés portant éligibilité à l'ACAATA ne constitue pas la preuve nécessaire d'une exposition effective au risque.

De plus, selon la société Cogema, M. [H] ne rapporte pas la preuve qu'il a travaillé pour son compte durant la période d'août 1971 à janvier 1994. Elle souligne également le fait que les attestations produites par l'appelant ont été rédigées par des anciens collègues de M. [H] qui sont en contentieux contre elle dans le cadre d'une procédure prud'homale.

Enfin, la société Cogema indique que M. [H] ne démontre pas qu'elle l'a effectivement exposé au risque amiante. Elle fait valoir qu'elle n'a été effectivement informé de la dangerosité de l'amiante que lorsque l'utilisation de ce produit a été interdite en France en 1997. Pour l'intimée, ce n'est pas un professionnel de l'amiante mais un simple utilisateur.

Par conclusions visées par le greffe le 21 décembre 2021, la CPAM prie la cour de :

Sur la demande de faute inexcusable :

- donner acte à la CPAM de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de faute inexcusable ;

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable :

- donner acte à la CPAM de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes de la victime ;

- condamner la société Cogema ayant commis une faute inexcusable à rembourser à la CPAM les sommes dont elle aura à faire l'avance au titre de la maladie de l'assuré ;

- dire et juger que la caisse récupèrera immédiatement le capital représentatif de la majoration de l'indemnité en capital auprès de l'employeur en application de l'article D. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Au soutien de ses prétentions, la CPAM fait valoir qu'elle s'en rapporte à la justice concernant les mérites de la demande de faute inexcusable. Elle ajoute que la cour ne pourra reconnaître la faute inexcusable qu'après avoir confirmé le caractère professionnel de la maladie de l'assuré.

En outre, elle souligne qu'il est établi que M. [H] a été exposé auprès d'un ou plusieurs employeurs successifs. Ainsi, la CPAM indique que si la société Cogema estime ne pas avoir été le seul employeur exposant ayant commis une faute inexcusable, il lui appartient de rechercher la responsabilité des autres employeurs.

Le 21 mars 2022, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a invité les parties à produire une note en délibéré pour préciser si les conséquences financières de la pathologie déclarée avaient déjà été imputées sur le compte employeur, et éventuellement de produire cette décision.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des demandes des parties et des moyens qui les fondent.

Motifs

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle ait été une cause nécessaire alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Pour débouter M. [H] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, le tribunal a estimé qu'il ne démontrait pas que la société Cogema avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger.

La société Cogema soutient en premier lieu que M. [H] ne prouve pas qu'elle était bien son employeur.

Elle se fonde sur le statut des dockers, indiquant qu'avant la loi du 9 juin 1992, ils étaient pour l'essentiel d'entre eux des journaliers, qui se présentaient chaque jour au bureau commun de la main d''uvre, et étaient alors affectés au service d'une entreprise selon les besoins exprimés. Elle en déduit que M. [H] a pu travailler pour nombre d'entreprises entre 1960 et 1993, et qu'il n'a été mensualisé chez elle qu'à compter du 1er février 1994.

Cet argument ne saurait prospérer dès lors que de l'aveu même de la société, M. [H] a bien travaillé à son service exclusif du 1er février 1994 au 30 novembre 2002.

Les attestations qu'il produit démontrent également qu'il a travaillé pour le compte de la société Cogema bien avant cette date.

Ainsi, M. [V] déclare avoir travaillé avec lui de 1972 à 1991, M. [E] cite la période de 1976 à 2002 et M. [O] dit avoir travaillé aux côtés de M. [H] à compter de 1975.

Des témoignages portent également sur une période plus récente, soit entre 1981 à 2002 (attestations [U]et,[A]).

Enfin, l'appelant produit deux bulletins de paie établis par la société Cogema, pour décembre 2001 et janvier 2002 qui au titre de l'ancienneté font apparaître le 1er août 1971.

Vainement la société Cogema soutient qu'à défaut de production par l'appelant des bulletins de paie qui étaient établis chaque semaine par les employeurs, et qu'il aurait dû conserver, il ne démontre pas avoir travaillé pour elle.

Cette preuve peut en effet être apportée par des témoignages.

Ainsi, et contrairement à ce que soutient l'employeur, M. [H] démontre avoir été employé par la société Cogema à compter de 1971, sous le statut de docker professionnel intermittent, puis en tant que salarié à compter de 1974.

Sur l'exposition au risque

La société Cogema soutient que si M. [H] a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, pour autant, il ne bénéficie d'aucune présomption d'exposition à l'amiante opposable aux employeurs de manutention.

Le port de Dunkerque a été inscrit sur les listes ACAATA de 1960 à 1993, et il appartient à M. [H] de démontrer son exposition pendant ses périodes de travail à la Cogema.

L'employeur soutient qu'il ne peut être considéré comme un professionnel de l'amiante, alors qu'il ne l'utilisait pas, ne la fabriquait pas, et ne la négociait pas sous forme brute ou manufacturée.

Ce point n'est pas contestée, alors que la Cogema est spécialisée dans la manutention.

M [H] soutient qu'il a été exposé à l'amiante à l'occasion de son travail de manutention au service de la Cogema, alors qu'il a participé à des opérations de chargement et de déchargement d'amiante.

Il produit des témoignages d'anciens collègues qui attestent de cette exposition.

Ainsi, M. [V] relate avoir travaillé avec M. [H] de 1972 à 1991 et qu'ils étaient amenés à manipuler des sacs contenant de l'amiante qui souvent étaient déchirés, la poussière d'amiante volant dans la cale du bateau.

M. [E] confirme que les palettes sur lesquelles les sacs d'amiante étaient empilés étaient souvent cassées lors de leur arrivée au port, ce qui déchirait les sacs.

Il précise qu'une grue sortait les palettes de la cale des bateaux, que les dockers se trouvaient dessous, et avaient pour mission de de décrocher les palettes, et qu'ils se retrouvaient sous la poussière d'amiante qui s'échappait des sacs pendant cette manutention.

Il leur arrivait également de recharger le bateau juste après le déchargement, ce qui les amenait à travailler dans les cales où les résidus et poussières d'amiante polluaient l'air.

M. [O] indique avoir commencé sur le port de Dunkerque à partir de 1976, et avoir procédé au déchargement de bateau qui transportait de l'amiante, confirmant le fait que ce travail s'effectuait dans la poussière d'amiante.

M. [U] employé de 1983 à 2002 confirme que lors du transport des palettes, des sacs contenant de l'amiante étaient déchirés, libérant une partie de leur contenu qui se répandait dans les airs, certains endroits du quai en étant recouverts. Les engins de manutention en circulant déplaçaient cette matière.

M. [A], qui atteste avoir travaillé à la Cogema de 1981 à 2001, décrit des faits similaires, ajoutant que souvent les dockers faisaient leur pause déjeuner sur place, au milieu de la poussière d'amiante ainsi libéré.

Ces témoignages démontrent la réalité de l'exposition à l'amiante invoquée par M. [H].

Sur la conscience du risque

Il convient de déterminer si la société Cogema, compte tenu de son secteur d'activité, pouvait avoir conscience du risque auquel étaient exposés ceux qu'elle employait, abstraction faite des connaissances actuelles.

Depuis le début du siècle, des textes à portée générale relatifs à l'hygiène et à la sécurité des salariés, notamment ceux exposés à la poussière avaient été adoptés, insistant sur la nécessité de maintenir dans les établissements industriels un état constant de propreté, de nettoyer les sols au moins une fois par jour et hors le temps de travail, d'évacuer les poussières à l'extérieur des locaux de travail (loi du 12.06.1893'et son décret du 20.11.1904, loi du 26.11.1912, décret du 10 juillet 1913). Un décret du 13 décembre 1948 prescrivait à titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de mettre en place des équipements de protection collectifs le port de masques et de dispositifs appropriés.

Outre ces textes de portée générale relatifs aux poussières quelles qu'elles soient, un certain nombre de rapports et d'études portant spécifiquement sur l'amiante existaient également avant 1950':

un rapport établi en 1906 par Monsieur [C], Inspecteur du travail à Caen, qui, dans une étude intitulée «'l'hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures et tissage d'amiante'», publié par le bulletin de l'inspection du Travail, décrivait avec précision les causes de la mortalité en quinze ans d'environ cinquante ouvriers d'une usine de Normandie. Ainsi, il écrivait «'l'atmosphère des filatures et tissage d'amiante tient constamment en suspension un nombre infini de cristaux de silice exerçant leur action dangereuse sur les organes respiratoires des ouvriers, ils viennent éroder et déchirer le tissu pulmonaire provoquant par leur action pernicieuse une phtisie spéciale'».

un article publié en 1930 par le docteur [W] indiquait «'il est avéré actuellement que les ouvriers de l'industrie de l'amiante sont frappés par une maladie professionnelle': l'asbestose pulmonaire c'est une variété de sclérose pulmonaire entraînant l'incapacité de travail et la mort'»

- Par ailleurs, en 1931 était mise en place la première réglementation visant à réduire les cas d'asbestose en Grande Bretagne.

Depuis le début du siècle, des textes à portée générale relatifs à l'hygiène et à la sécurité des salariés, notamment ceux exposés à la poussière d'amiante, avaient été adoptés, insistant sur la nécessité de maintenir dans les établissements industriels un état constant de propretés, de nettoyer les sols au moins une fois par jour et hors le temps de travail, d'évacuer les poussières à l'extérieur des locaux de travail (loi du 12.06.1893 et son décret du 20.11.1904, loi du 26.11.1912, décret du 10 juillet 1913). Un décret du 13 décembre 1948 prescrivait à titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de mettre en place des équipements de protection collectifs, le port de masques appropriés.

Outre ces textes de portée générale, relatifs aux poussières quelles qu'elles soient, un certain nombre de rapports et d'études portant spécifiquement sur l'amiante existaient également avant 1950.

un rapport établi en 1906 par M. [C], inspecteur de travail à Caen, qui dans une étude intitulée «'l'hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures et tissage d'amiante'» publié par le bulletin de l'inspection du Travail, décrivait avec précision les causes de la mortalité en quinze ans d'environ cinquante ouvriers d'une usine de Normandie. Ainsi, il écrivait «'l'atmosphère des filatures et tissage d'amiante tient constamment en suspension un nombre infini de cristaux de silice exerçant leur action dangereuse sur les organes respiratoires des ouvriers, ils viennent éroder et déchirer le tissu pulmonaire provoquant par leur action pernicieuse une phtisie spéciale'»';

un article publié en 1930 par le docteur [W] indiquait «'il est avéré actuellement que les ouvriers de l'industrie de l'amiante sont frappés par une maladie professionnelle': l'asbestose pulmonaire c'est une variété de sclérose pulmonaire entraînant l'incapacité de travail et la mort'». Il précisait que les compagnies d'assurance 'vie canadiennes et américaines avaient déjà pris l'habitude de refuser les travailleurs de l'amiante, par suite de conditions novices de l'industrie pour la santé.

Par ailleurs, en 1931 était mise en place la première réglementation visant à réduire les cas d'asbestose en Grande-Bretagne.

En 1935, M. [N] publiait un rapport suggérant l'existence d'un lien entre exposition professionnelle à l'amiante et risque de cancer du poumon.

En 1954, lors du 10ème anniversaire de la Société de médecine et d'hygiène du travail, un rapport avait été confié au Professeur [G] [J] ayant pour thème «'Substances chimiques, agents des cancers professionnels'» et sept dérivés minéraux dont l'amiante avaient été désignés comme facteur de risque.

En 1955, l'étude Doll, portant sur une population de travailleurs de l'amiante textile de Grande-Bretagne confirmait cette relation faite entre l'amiante et le cancer du poumon.

A partir de 1960, d'autres études et rapports étaient publiés':

l'étude de Selikoff en 1960 à propos des calorifugeurs de New-York,

la conférence de l'Académie des Sciences de New-York en 1960,

le compte rendu d'étude menée par Wagner en 1960 concernant les mineurs de crocidolite d'Afrique du Sud.

En France, les dangers de l'exposition à l'amiante sont admis pour la première fois par une ordonnance de 1945 ayant crée le tableau n° 25 des maladies professionnelles concernant la fibrose pulmonaire liée à l'inhalation de poussières renfermant de la silice libre ou de l'amiante.

L'asbestose a été inscrite par le décret n°50-1082 du 31 août 1950 au tableau 30 des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante. Ce tableau dans sa rédaction issue du décret n° 51-1215 du 3 octobre 1951, vise notamment parmi les travaux exposant à l'inhalation des poussières d'amiante, les travaux de tissage de l'amiante ainsi que la manipulation d'amiante à sec dans les industries de fabrication de garnitures de friction et des bandes de frein d'amiante.

Enfin, un décret du 5 janvier 1976 a inclus le mésothéliome et le cancer broncho-pulmonaire dans ce tableau, comme complication de l'asbestose.

L'éventuelle faute de l'État ne peut avoir pour conséquence d'exonérer l'employeur de sa responsabilité.

La société Cogema ne justifie pas davantage d'une force majeure exonératoire de responsabilité.

Elle soutient qu'elle n'était pas informée du risque, qu'elle a l'obligation réglementaire de décharger les bateaux dès lors que l'autorité portuaire a accepté de recevoir le bâtiment à cette fin, et qu'aucune mesure ne pouvait être prise en l'état d'un travail en plein air.

La société soutient ainsi qu'elle s'était entourée d'institutions ayant pour mission de l'alerter.

Force est de constater qu'elle n'apporte aucun élément de preuve au soutien de cette affirmation.

Son obligation de décharger les bâtiments est réelle, mais pour autant, cette obligation ne peut avoir pour conséquence de la libérer de son obligation d'assurer la sécurité de ses salariés.

Enfin, et contrairement à ce qu'elle soutient, les dockers ne travaillaient pas seulement en plein air, mais aussi dans les cales, et dans les deux cas, des dispositifs de protection pouvaient et devaient leur être mis à disposition.

Ainsi, et nonobstant son activité de manutention, la société Cogema qui affectait des dockers au chargement et déchargement d'amiante dans les bateaux ne pouvait ignorer le danger lié à l'amiante.

Sur les mesures de protection mises en oeuvre

Il ressort très clairement des témoignages susvisés que les dockers travaillaient sur le quai, sous les chargements d'amiante, en atmosphère confinée dans les cales de bateau, sans la moindre protection notamment respiratoire.

Or, la réglementation imposait de longue date une protection du personnel contre les poussières.

M.[H] démontre ainsi que la société Cogema a commis une faute inexcusable.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

Sur la majoration de rente

En vertu des dispositions de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration de la rente versée à son taux maximum doit être ordonnée dans la limite du taux d'IPP reconnu, soit 5 %, et il sera dit qu'elle suivra l'évolution de l'état de santé de M. [H],

Sur la réparation des préjudices personnels

Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire, égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

En vertu de la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur peut demander à celui-ci réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Le certificat médical initial mentionne que M. [H] est atteint de plaques pleurales fibro hyalines et calcifiées droite et gauche et diaphragmatique, le compte rendu de scanner thoracique précisant «'plaques pleurales fibro-hyalines et calcifiées, dont la plupart apparaissent calcifiées intéressant en particulier l'ensemble des plèvres pariétales droites en antéro-axillaire également au niveau de la plèvre diaphragmatique droite. On retient la plaque la plus volumineuse et d'épaisseur maximale estimée à 7 à 6 mm en siège en antéro-axillaire droit'».

Il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent, et que sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du même code, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Il appartient à la victime, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice de souffrances morales, de rapporter la preuve qu'il n'a donc pas déjà été réparé au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-13.126).

En l'espèce, le certificat médical initial a été établi le 24 mars 2015, et la consolidation a été fixée le même jour avec un taux d'IPP de 5 %.

Dès lors, l'appelant ne justifie pas d'un préjudice de souffrances physique qui ne serait pas indemnisé par la rente.

Les souffrances morales échappent à la consolidation, dès lors qu'elles ont nécessairement un caractère évolutif.

Les maladies liées à l'amiante s'expriment par une gêne, voire une limitation des capacités respiratoires, lesquelles ont pour effet de réduire ou limiter les activités du quotidien, et cette gêne constitue un rappel permanent à la maladie. Ce rappel constant à un état de santé amoindri nuit à la qualité de vie de la victime, dans son quotidien et perturbe les capacités de construction de l'avenir.

Les témoignages produits ne sauraient être écartés au seul motif qu'ils émanent de la famille de M. [H], alors que seuls les proches d'une victime sont en mesure de constater les effets de la maladie sur sa qualité de vie et son moral.

Or, les proches attestent que la découverte de la maladie a totalement modifié l'état d'esprit de M. [H], et indiquent que désormais, tout tourne autour de la maladie, par l'inquiétude qu'elle génère, les examens indispensables qui en constituent des rappels permanents.

Il est décrit une perte de joie de vivre, et une perturbation des relations affectives avec les proches, des troubles du sommeil.

Au regard de ces éléments, il sera alloué à M. [H] la somme de 12 000 euros.

Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément réparable en cas de faute inexcusable de l'employeur est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer les activités de loisir ou sportives qu'elle pratiquait antérieurement. Ce poste inclut la limitation des activités pratiquées antérieurement.

L'appelant produit des attestations émanant de son épouse et de son frère.

Mme [H] indique que son époux était très sportif, et qu'il a dû renoncer à ces activités en raison de son essoufflement.

[S] [H], frère de l'appelant, témoigne de ce qu'ils pratiquaient ensemble la course à pied deux fois par semaine, et qu'ils allaient nager le dimanche matin, activités devenues désormais impossibles en raison de l'essoufflement dont souffre son frère.

La réalité du préjudice d'agrément est ainsi établie.

Il sera réparé par l'attribution d'une somme de 5 000 euros.

Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie

La société Cogema soutient que la caisse a violé les dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale de telle sorte que la décision de prise en charge de la maladie doit lui être déclarée inopposable.

Si l'employeur est fondé à contester le caractère professionnel d'une maladie à l'occasion de la reconnaissance de la faute inexcusable, l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle d'un accident, d'une maladie, ou d'une rechute est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable et ne prive pas la caisse primaire d'assurance maladie du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versées par elle.

La demande est par conséquent rejetée.

Sur la demande d'inscription au compte spécial

La société COGEMA demande à la cour de dire que la pathologie de M. [H] devra être inscrite au compte spécial.

L'article 2, alinéa 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que «'sont inscrits au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes': (')

La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie'».

Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.

Par note en délibéré le magistrat chargé d'instruire l'affaire a invité les parties à s'expliquer sur le point de savoir si la décision de prise en charge de la maladie a été ou pas imputée au compte employeur de la société Cogema, de produire cette décision, et de s'expliquer sur la recevabilité de la demande d'inscription au compte spécial si la décision a été notifiée, et les conséquences de l'absence de mise en cause de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail compétente.

Les parties conviennent de ce que la pathologie a déjà été inscrite au compte spécial, et que dès lors, la demande est sans objet.

La société Cogema demande à la cour d'ordonner le maintien de l'inscription de la maladie au compte spécial, demande également sans objet dès lors qu'aucun texte ne prévoit que l'inscription au compte spécial puisse être remise en cause.

Dépens

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société Cogema, qui succombe, est condamnée aux dépens.

Demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [H] les frais non compris dans les dépens qu'il a été contraint d'exposer pour assurer la défense de ses droits.

En conséquence, la société COGEMA est condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 28 mars 2013 en ce qu'il a déclaré l'action en reconnaissance de faute inexcusable recevable,

L'infirme pour le surplus,

Déboute la société Cogema de ses demandes,

Dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [H] est due à la faute inexcusable de la société Cogema,

Ordonne la majoration du capital servi à M. [H] à son taux maximum,

Fixe comme suit la réparation due à M. [H] :

souffrances morales 12 000 euros

préjudice d'agrément 5 000 euros

Déboute M. [H] de sa demande de réparation des souffrances physiques,

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres fera l'avance des réparations et qu'elle pourra les recouvrer sur la société Cogema, et dit qu'elle récupèrera immédiatement le capital représentatif de la majoration du capital servi à M. [H],

Constate que les conséquences financières de la pathologie sont déjà inscrites au compte spécial, et dit en conséquence sans objet la demande formée par la société Cogema de ce chef,

Condamne la société Cogema aux entiers dépens,

Condamne la société Cogema à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/03787
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.03787 ?
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