ARRET
N°236
CPAM CÔTE D'OPALE
C/
[W] [L]
CM
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 09 MAI 2022
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N° RG 19/06474 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HO4B
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE - POLE SOCIAL - DE LILLE EN DATE DU 21 juin 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM CÔTE D'OPALE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
35 rue René Descartes
CS 90001
62108 CALAIS CEDEX
Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée
ET :
INTIMEE
Madame [E] [W] [L]
3 rue Vincente Gil Franco
Appart 49 Résidence Rouget de Lisle
62200 BOULOGNE SUR MER
Non comparante, non représentée
Convoquée par lettre recommandée le 01 février 2021 dont l'accusé de réception a été signé le 04 février 2021
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Octobre 2021 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. Pierre DELATTRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Madame Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 06 janvier 2022, le délibéré a été prorogé au 09 mai 2022
Le 09 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Présidente a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Le 13 septembre 2017, Mme [E] [W] a effectué une demande de pension d'invalidité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Opale (ci-après la CPAM), qui après avis du médecin conseil, l'a informée le 17 octobre 2017 du rejet de sa demande.
Mme [E] [W] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille d'un recours à l'encontre de cette décision.
Par décision du 21 juin 2019, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille devenu pôle social du tribunal de grande instance a :
- déclaré recevable le recours de Mme [E] [W],
- dit que, sous réserve de remplir les conditions administratives s'y rapportant, Mme [E] [W] est en droit d'obtenir, à compter du 13 septembre 2017, une pension d'invalidité correspondant à la première catégorie des invalides selon la classification de l'article L 341-4 du code de la sécurité sociale,
- laissé les dépens de la présente instance à la charge de la CPAM de la Côte d' Opale.
Le jugement lui ayant été notifié le 12 juillet 2019, la CPAM de la Côte d'Opale a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par ordonnance en date du 5 mars 2020 rendue conformément aux dispositions des articles R.142-16 et suivants du code de la sécurité sociale et 256 à 282 du code de procédure civile, une mesure de consultation sur pièces a été ordonnée et le Docteur [J], expert près la cour d'appel d'Amiens, a été commis à cet effet.
Le médecin consultant a établi son rapport le 6 janvier 2021 aux termes duquel il conclut que la demande d'invalidité de 1ère catégorie doit être rejetée, la réduction de la capacité de gains de l'assurée étant inférieure à 2/3.
La cause et les parties ont été appelées à l'audience du 25 octobre 2021.
Par conclusions visées par le greffe le 27 juillet 2021 et soutenues oralement à l'audience du 25 octobre suivant, la caisse demande à la cour de :
- entériner les conclusions du Dr [J] ;
- infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance - Pôle Social - de Lille en date du 21/06/2019;
- la recevoir en son appel, l'en déclaré bien fondée et y faire droit,
- dire que la caisse a fait une exacte application des textes et notamment de l'article L341-1 du Code de la sécurité sociale;
En conséquence,
- confirmer le rejet d'attribution d'une pension d'invalidité à Mme [E] [W] à la date du 13/09/2017.
Mme [E] [W] a fait parvenir un mail à la cour en date du jour de l'audience, indiquant ne pouvoir se déplacer à l'audience demandant que l'affaire soit reportée ou qu'elle soit informée du résultat.
L'affaire a été retenue, malgré l'absence de l'intimée dont l'impossibilité de se présenter ou de se faire représenter à l'audience n'est pas établie.
Motifs:
Aux termes de l' article L341-1 du code de la sécurité sociale, l'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme.
L'article L341-3 du code de la sécurité sociale dispose: « L'état d'invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle :
1°) soit après consolidation de la blessure en cas d'accident non régi par la législation sur les accidents du travail ;
2°) soit à l'expiration de la période pendant laquelle l'assuré a bénéficié des prestations en espèces prévues à l'article L321-1;
3°) soit après stabilisation de son état intervenue avant l'expiration du délai susmentionné ;
4°) soit au moment de la constatation médicale de l'invalidité, lorsque cette invalidité résulte de l'usure prématurée de l'organisme. »
En l'espèce, Mme [E] [W], née le 9 décembre 1968, a déposé le 13 septembre 2017 une demande de pension d'invalidité qui a donné lieu à un examen par le Dr [D] [S], médecin conseil, dont il ressort que la requérante travaille en contrat aidé dans le cadre du suivi d'enfant en difficulté en milieu scolaire (AVS) à raison de 30 heures par semaine, étant mère de quatre enfant dont un enfant encore à charge.
Dans ses antécédents, on note une tumeur maligne du col de l'utérus opérée en mars 2005 avec hystérectomie totale et curage ganglionnaire, un lymphocèle banal et une cure d'éventration, Mme [E] [W] se plaignant de polyalgie des membres supérieurs dans le cadre d'une altération modérée de l'état général avec asthénie, anorexie et troubles du sommeil, le bilan biologique étant normal.
Le rapport du Dr [S] fait également état d'une consultation de Mme [E] [W] auprès du Dr [M] en date du 19 juillet 2017 pour surveillance d'une éventration médiane avec diastis et éventration para-ombilicale et prescription d'un scanner.
L'examen réalisé par le médecin conseil mentionne les troubles du sommeil, la douleur ressentie comme forte et des points de fibromyalgie avec comme diagnostic une myalgie, le médecin concluant à l'absence de réduction de deux tiers de la capacité de travail ou de gain.
Pour faire droit à la demande de Mme [E] [W], le tribunal s'est fondé sur l'avis du médecin consultant qu'il a désigné en la personne du Dr [K] [V] qui relate ce qui suit:
« Mme [E] [W] a été traitée en 2005 pour un cancer du col de l'utérus, elle a bénéficié d'une hystérectomie totale et d'une radiothérapie complémentaire. A la suite de cette hystérectomie est apparue une éventration traitée en 2013 mais qui s'est compliquée d'une septicémie qui a justifié un traitement antibiotique d'une année.
Sont alors apparus un ensemble de phénomènes douloureux étiquetés actuellement fibromyalgie, mais en plus la surveillance de la paroi abdominale a montré qu'il existait un risque d'étranglement herniaire et une seconde plaque a donc été mise en place en 2019.
Le rapport du médecin conseil tient compte de la fibromyalgie avec ses corolaires d'état dépressif, mais ne mentionne l'éventration que dans l'attente anxieuse manifestée par Madame [W].
Il n'y a pas eu d'examen de l'abdomen alors que l'IRM de 2018 montrait clairement l'importance et les risques d'une éventration.
Même si Madame [W] a continué d'exercer des emplois aidés, c'est à dire à mi-temps, il m'apparait que l'ensemble des signes de la fibromyalgie et de l'éventration existaient à l'époque de sa demande et justifient une première catégorie d'invalidité. »
Pour sa part, le Dr [J] désigné dans le cadre de l'appel estime que : « Au total, l'analyse de l'ensemble des éléments médicaux du dossier permet de constater qu'à la date impartie pour statuer soit à la date de l'examen du médecin conseil, l'intéressée présentait une anxiété compréhensible, inhérente à la perspective d'une intervention chirurgicale pour éventration. On constate néanmoins, si l'on se réfère au compte rendu opératoire joint au mémoire en défense que cette intervention, classique a eu un résultat favorable avec mise en place d'une prothèse et port d'une ceinture de maintien pendant trois mois. Hormis cette intervention chirurgicale, le diagnostic de fibromyalgie a été porté par un médecin MPR qui a traité l'intéressée par anxiolytique et antalgique...Il n'existe aucun compte rendu d'examen psychiatrique, aucun suivi psychologique, aucune hospitalisation en milieu spécialisé qui puisse fonder la gravité d'une fibromyalgie. Enfin, s'il existe des antécédents de tumeur maligne datant de 2005, l'examen réalisé est strictement normal et confirmé par le compte rendu d'hospitalisation pour surcharge pondérale sollicitée par l'intéressée en 2019. Dans ces conditions, on peut difficilement se fonder sur un simple diagnostic de fibromyalgie reposant uniquement sur les doléances de l'intéressée pour justifier une incapacité de travail de plus des deux tiers. »
Ainsi, le Dr [J] conclut au rejet de la demande d'invalidité de Mme [E] [W].
Or, le motif tiré du fait que le diagnostic de fibromyalgie résulte uniquement des doléances de Mme [E] [W] ne peut être retenu en présence des conclusions concordantes du médecin conseil et du médecin consultant désigné par le tribunal qui attestent d'une pathologie de type de myalgie traitée par antalgique.
Par ailleurs, il y a lieu en application des dispositions de l'article L341-3 du code de la sécurité sociale de tenir compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré.
Dans ce cadre, la cour comme le tribunal ne peut méconnaitre que Mme [E] [W] a fait part, lors de l'examen par le médecin conseil de la surveillance mise en place à la suite d'une éventration médiane avec diastasis et éventration para-ombilicale ayant nécessité la pose d'un plaque en 2010 avec complication ayant justifié l'ablation de la prothèse pariétale haute, une nouvelle opération étant envisagée en 2018 dont l'intéressée avait fait état dès sa demande de mise en invalidité, de telle sorte que le médecin conseil devait en tenir compte ou préciser le motif pour lequel il était amené à ne pas tenir compte de cette situation.
Néanmoins, il ressort des éléments les plus récents que la pose d'une nouvelle plaque abdominale en 2019 a donné satisfaction, le diagnostic de fibromyalgie étant insuffisant à lui seul pour retenir que Mme [E] [W] est atteinte d'une invalidité réduisant de plus des deux tiers ses capacités de travail ou de gain.
Il est notable d'ailleurs que Mme [E] [W] a poursuivi son emploi d'AVS jusqu'au 17 mai 2019, la CPAM ayant indiqué devant le tribunal que l'intéressée a été en arrêt maladie pendant une semaine en octobre 2017, puis de la fin du mois d'août à octobre 2018 et une semaine en 2019 et qu'elle a eu un accident du travail en mars 2019.
Il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, d'infirmer le jugement et de débouter Mme [E] [W] de son recours à l'encontre de la décision de la caisse qui a rejeté sa demande de pension d'invalidité en date du 13 septembre 2017.
Mme [E] [W] qui succombe sera tenue aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [E] [W] de son recours à l'encontre de la décision de la caisse qui a rejeté sa demande de pension d'invalidité en date du 13 septembre 2017,
Condamne Mme [E] [W] aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
Le Greffier,Le Président,