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09/05/2022 | FRANCE | N°19/02156

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 09 mai 2022, 19/02156


ARRET

N°233





CPAM DE L'EURE





C/



Société AUCHAN









CM





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 09 MAI 2022



*************************************************************



N° RG 19/02156 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HIBQ



JUGEMENT DU TRIBUNAL DU CONTENTIEUX DE L'INCAPACITE DE LILLE EN DATE DU 06 décembre 2018





PARTIES EN CAUSE :





AP

PELANT





CPAM DE L'EURE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

1 Bis Place Saint Taurin

BP 800

27030 EVREUX CEDEX



Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée





...

ARRET

N°233

CPAM DE L'EURE

C/

Société AUCHAN

CM

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 09 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 19/02156 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HIBQ

JUGEMENT DU TRIBUNAL DU CONTENTIEUX DE L'INCAPACITE DE LILLE EN DATE DU 06 décembre 2018

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE L'EURE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

1 Bis Place Saint Taurin

BP 800

27030 EVREUX CEDEX

Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée

ET :

INTIMEE

Société AUCHAN SUPERMARCHE, anciennement ATAC, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

(Salariée [O] [I])

Rue du Marechal De Lattre deTassigny

59170 CROIX

Représentée et plaidant par Me Ruddy TAN, avocat au barreau de PARIS substituant Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 25 Octobre 2021 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. Pierre DELATTRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Chantal MANTION en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Madame Jocelyne RUBANTEL, Président de chambre,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 06 Janvier 2022, le délibéré a été prorogé au 09 mai 2022

Le 09 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Présidente a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 14 juin 2006, Mme [O] [I], salariée de la société Auchan en qualité de vendeuse libre-service, a effectué une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une «Épaule douloureuse épaississement global de l'ensemble des tendons», documentée par un certificat médical initial daté du 13 juin 2006. La pathologie déclarée a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure (ci-après la CPAM). L'état de santé de Mme [O] [I] a été considéré comme consolidé au 30 avril 2008.

Par courrier du 28 juillet 2008, la caisse a attribué à l'assurée un taux d'incapacité permanente partielle (ci-après IPP) de 40% dont 15% pour le taux professionnel, ainsi qu'une rente à compter du 1er mai 2008.

Le 22 septembre 2017, la société Auchan Supermarchés a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille d'une contestation de la décision de la CPAM en date du 28 juillet 2008.

Par jugement du 6 décembre 2018, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité pour forclusion soulevée par CPAM ;

- réduit le taux médical d'incapacité permanente partielle à 10 % à compter du 30 avril 2008 ;

- maintenu le taux d'incidence professionnelle à 15 % ;

- fixé le taux global d'incapacité permanente partielle global à 25 % à compter du 30 avril 2008.

Le jugement lui ayant été notifié le 10 décembre 2018, la CPAM de l'Eure a interjeté appel par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 8 janvier 2019.

Par ordonnance en date du 8 juin 2020 rendue conformément aux dispositions des articles R.142-16 et suivants du code de la sécurité sociale et 256 à 282 du code de procédure civile, une mesure de consultation sur pièces a été ordonnée et le Docteur [Z], expert près la cour d'appel d'Amiens, a été commis à cet effet.

Le médecin consultant a établi son rapport le 6 janvier 2021, et a conclu comme suit « A la date du, le taux d'incapacité permanente partielle était de 15% ».

La cause et les parties ont été appelées à l'audience du 25 octobre 2021.

Par conclusions communiquées au greffe et soutenues oralement à l'audience du 25 octobre 2021, la CPAM prie la cour de :

A titre principal,

- déclarer irrecevable le recours de la société Auchan pour cause de prescription ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le taux médical de 25 %; étant précisé que le taux professionnel de 15 % fixé n'est pas remis en cause ;

En tout état de cause,

- débouter la société Auchan de l'ensemble de ses demandes;

- juger ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

A l'audience du 25 octobre 2021, la société Auchan a oralement exposé ses prétentions. Dans un premier temps, elle indique que la caisse est défaillante dans la charge de la preuve quant à la prescription quinquennale compte tenu des règles applicables avant 2010.

Au fond, elle soutient que l'évaluation des séquelles doit être faite en actif et en passif et qu'il ne peut être octroyé un taux d'IPP supérieur à 30% dans ce dossier.

Les parties ont été autorisées à produire une note en délibéré relative à la connaissance par l'employeur des conséquences de la prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [O] [I] sur ses cotisations ATMP et sur son incidence quant à la prescription de l'action de la société Auchan Supermarchés.

Motifs :

1°) Sur la recevabilité du recours de l'employeur à l'encontre de la décision de la caisse :

En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur tendant à contester l'opposabilité ou le bien-fondé de la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

Il appartient à la caisse qui oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action d'en établir le bien-fondé.

En l'espèce, la CPAM de l'Eure soutient que les dispositions légales alors en vigueur prévoyaient l'envoi à l'employeur du double de la décision notifiée à l'assuré ou ses ayants droit de telle sorte que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date de l'avis adressé à l'employeur ou à défaut à la date de la notification à l'assurée soit en l'espèce le 23 juillet 2008, de sorte que la société Auchan avait jusqu'au 28 juillet 2013 pour faire valoir ses droits.

Si l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable aux faits de l'espèce prévoit que la décision motivée de la caisse sur l'existence d'une incapacité permanente et le cas échéant sur le taux de celle-ci est notifiée à la victime ou à ses ayants droit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, il prévoit seulement que le double de cette décision est envoyé à la caisse régionale et à l'employeur au service duquel est survenu l'accident.

Cet envoi par lettre simple ne peut constituer le point de départ du délai de prescription de l'action de l'employeur dès lors qu'il ne permet pas d'établir avec certitude la date à laquelle l'employeur a eu connaissance du fait lui ouvrant droit à agir à l'encontre de la décision de la caisse, qui ne peut pas plus lui opposer la notification de la décision à l'assurée.

La cour ayant autorisé les parties à déposer une note en délibéré relative à la date à laquelle l'employeur a eu connaissance des conséquences de la maladie professionnelle de Mme [O] [I] sur son taux de cotisations ATMP et sur la possibilité de fixer le point de départ de la prescription à cette date, la caisse a fait parvenir une note visée par le greffe le 1er décembre 2021 à laquelle elle a joint les décisions par laquelle la CARSAT de Normandie a notifié à la société Auchan Supermarché (anciennement ATAC) ses taux de cotisations pour les années 2010, 2011 et 2012, avec copie d'un avis de réception daté du 17 janvier 2012.

Toutefois, les lettres de notification produites ne comportent pas le justificatif du calcul du taux de cotisation et ne mettent pas la cour en mesure de vérifier que l'imputation de l'IPP relative à la maladie professionnelle de Mme [O] [I] a été portée à la connaissance de l'employeur.

Dès lors, la caisse ne peut s'en prévaloir pour justifier de fixer le point de départ du délai de prescription opposable à la société Auchan Supermarchés.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande tendant à voir déclarer l'action de la société Auchan Supermarchés irrecevable.

2°) Sur la contestation relative au taux d'incapacité permanente partielle:

Conformément aux articles L.434-1, L.434-2 et R.434-2 du code de la sécurité sociale, l'assuré social bénéficie au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle d'une indemnisation de son incapacité permanente en fonction du taux d'incapacité qui lui est reconnu.

En application de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

La cour rappelle qu'en matière d'incapacité permanente partielle, il convient de se placer au jour de la consolidation pour évaluer le taux d'incapacité. Les éléments postérieurs, s'ils peuvent le cas échéant justifier une révision dans les conditions de l'article L.443-1 du code de la sécurité sociale, n'ont donc pas en principe à être pris en compte.

Il ressort du rapport du médecin conseil que Mme [O] [I] a souffert d'une épaule douloureuse enraidie ayant nécessité une arthroscopie sous-acromiale avec arthrolyse sans interposition de prothèse qui a laisser subsister des séquelles sous forme de raideur très importante et douloureuse de l'épaule gauche dominante, limitant la force de serrage de la main gauche dominante.

Dans son rapport, le Dr [Z] reprend les conclusions du Dr [W], médecin consultant désigné par le tribunal qui indique à la suite de la lecture du rapport du médecin conseil : « On doit de fier au seul compte rendu opératoire datant du 11 septembre 2007 et faisant état d'une arthoscopie glénohumérale, d'une arthroscopie sous-acromiale, d'une arthrolyse sans intervention de prothèse et enfin d'une acromioplastie. Il n'est pas indiqué dans le rapport si cette acromioplastie résulte d'un acromion qui pouvait être agressif ou trop long. La lésion siège à gauche chez une gauchère. Il n'a effectué aucune man'uvres testant les éléments ab articulaires de la coiffe des rotateurs. On notera par ailleurs qu'il n'y a pas d'amiotrophie. Il était indispensable qu'il y ait une discussion médicolégale insistant sur la nature exacte des lésions résultant de l'accident (d'autant plus qu'il s'agit d'une maladie professionnelle) décrivant le document d'imagerie médicale pré-opératoire et c'est la raison pour laquelle pour les seules constatations décrites il a été proposé un taux médical de 25%. Ce taux ne doit pas dépasser 10%».

C'est sur la base de ce rapport, non critiqué devant les premiers juges, que le tribunal a retenu le taux médical de 10% auquel il a ajouté un taux professionnel de 15% non contesté, Mme [O] [I] ayant été licenciée pour inaptitude reconnue par la médecine du travail.

Pour sa part, le Dr [Z] retient un taux médical d'IPP de 15% pour une périarthrite scapulohumérale douloureuse de l'épaule gauche non dominante, le compte rendu opératoire même s'il n'est pas très explicite confirmant l'existence d'une acromioplastie permettant d'élargir l'espace sous-acromial et de faciliter le jeu tendineux.

Or, le Dr [Z] retient une lésion du membre non dominant alors que le médecin conseil précise bien que la lésion affecte l'épaule gauche dominante, les séquelles décrites reprises du rapport du médecin de l'employeur étant:

abduction 85° à gauche contre 160° à droite

antépulsion 70° à gauche contre 180°à droite

rétropulsion quasi nulle

Par ailleurs, le barème indicatif d'invalidité prévoit en son chapitre 1.1.2 atteinte des fonctions articuliaires s'agissant de la limitation moyenne de tous les mouvements tels qu'il ressort des éléments ci-dessus une taux de 20% pour le membre dominant auquel il convient d'ajouter 5% au titre de la périarthrite douloureuse, le taux médical de 25% retenu par la caisse étant justifié auquel s'ajoute le taux professionnel de 15% non contesté soit au total 40%.

Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède de recevoir la CPAM de l'Eure en son appel et réformant le jugement de dire que le taux d'IPP de Mme [O] [I] doit être fixé à 40% dont 25% de taux médical.

3°) Sur les frais et dépens:

La société Auchan Supermarchés qui succombe sera tenue aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision rendue contradictoirement en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir déclarer l'action de la société Auchan Supermarchés irrecevable,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Fixe la taux d'IPP de Mme [O] [I] à 40% dont 25% de taux médical,

Condamne la société Auchan Supermarchés aux dépens postérieurs au 31 décembre 2018.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 2eme protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/02156
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;19.02156 ?
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