ARRET
N° 213
CPAM CÔTE D'OPALE
C/
S.A.S.U. MAUFFREY HAUTS-DE-FRANCE
GH
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 05 MAI 2022
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N° RG 19/03015 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HJIA
JUGEMENT DU TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LILLE EN DATE DU 12 avril 2018
ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS EN DATE DU 09 avril 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM CÔTE D'OPALE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
35 rue René Descartes
CS 90001
62108 CALAIS CEDEX
Représenté par Me Véronique SOUFFLET de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS, et ayant comme avocat plaidant Me Valérie BIERNACKI de la SELARL DRAGON BIERNACKI PIRET, avocat au barreau de DOUAI
ET :
INTIMEE
S.A.S.U. MAUFFREY HAUTS-DE-FRANCE venant aux droits de la société GHESTEM NORD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
AT : [F] [S]
51 rue du Haut de Sainghin
59273 FRETIN
Représentée par Me Christophe KOLE, avocat au barreau de LYON substituant Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DEBATS :
A l'audience publique du 31 Janvier 2022 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. Pierre DELATTRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Elisabeth WABLE, Président,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 05 Mai 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 12 avril 2018 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille, statuant sur le recours de la société Ghestem nord à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable (CRA) de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Côte d'Opale de sa contestation de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'intégralité des soins et arrêts de travail ayant fait suite à l'accident du travail dont a été victime M. [F] [S] le 7 avril 2016, a, après avoir désigné un médecin expert, M. [C], par jugement avant-dire droit du 10 octobre 2017, constaté que le médecin expert n'a pas été mesure de prendre connaissance de l'entier dossier médical, dit que les soins et arrêts à compter du 8 avril 2016 sont inopposables à la société Ghestem nord, invité la CPAM à donner les informations utiles à la CARSAT pour la rectification du taux de cotisations ATMP de la société et enfin rejeté la demande de la CPAM de mise en 'uvre d'une seconde expertise.
Vu l'appel interjeté le 27 juillet 2018 par la CPAM de la Côte d'Opale de cette décision qui lui a été notifiée le 5 juillet précédent.
Vu l'arrêt avant dire droit de la cour de céans du 9 avril 2020, constatant que l'expert n'a pas rempli la mission telle que fixée, a ordonné une nouvelle expertise confiée à Mme [R], médecin.
Vu le dépôt du rapport d'expertise de Mme [R], médecin, le 23 décembre 2020.
Vu les conclusions visées par le greffe le 31 janvier 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de la Côte d'Opale demande à la cour d'homologuer le rapport d'expertise de Mme [R], de dire qu'il existe un lien entre l'accident du travail du 7 avril 2016 et les soins et arrêts de travail prescrits jusqu'au 29 avril 2018, date de la consolidation et que l'intégralité de ces soins et prestations sont opposables à la société intimée et de la condamner au paiement d'une somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais des expertises médicales de première instance et d'appel.
Vu les conclusions visées par le greffe le 31 janvier 2022 et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société Mauffrey Hauts de France venant aux droits de la société Ghestem nord demande à la cour de constater la défaillance de la CPAM qui n'a pas transmis les pièces médicales du dossier de M. [S] au docteur [R], de constater que la CPAM ne justifie pas de la continuité des soins et symptômes, de juger par conséquent que l'ensemble des conséquences financières de l'accident du 7 avril 2016 de M. [S] sont inopposables à l'employeur, de rembourser l'avance des frais supportés par la société et de condamner la CPAM à lui verser 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
M. [F] [S], salarié de la société Ghestem nord, a été victime d'un accident survenu le 7 avril 2016, pris en charge par la CPAM de la Côte d'Opale au titre de la législation professionnelle par une décision en date du 18 avril 2016.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale, saisi par l'employeur le 10 octobre 2016, a, par jugement avant dire droit du 10 octobre 2017, ordonné une mesure d'expertise médicale judiciaire.
Cette même juridiction a, par jugement en date du 12 avril 2018, dont appel, prononcé l'inopposabilité à l'égard de l'employeur des soins et arrêts de travail résultant de l'accident du travail du 7 avril 2016.
Il convient de rappeler que la société Mauffrey Hauts de France vient aux droits de la société Ghestem nord.
Sur la communication des pièces médicales à l'expert :
Il résulte des dispositions prévues à l'article L. 141-2-2 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable au litige, que'lorsque sont contestées, en application de l'article L. 142-1 du présent code, les conditions de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou l'imputabilité des lésions ou des prestations servies à ce titre, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert désigné par la juridiction compétente, les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre.
A la demande de l'employeur, ces éléments sont notifiés au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.'
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise transmis par Mme [R] le 23 décembre 2020, que cette dernière s'est prononcée au regard des éléments suivants':
«'Des documents ont été communiqués par M. [F] [S] par courriel :
Certificat médical initial d'accident de travail du 08/04/2016.
Certificats de prolongation d'arrêt de travail du 15/04/2016, du 21/04/2016, du 06/05/2016, du 22/02/2017, du 21/06/2017 et du 21/03/2018
Radiographies du genou gauche du 13/04/2016.
IRM du genou gauche du 22/04/2016.
Compte-rendu de consultation du 23/05/2016 du Dr [N].
Compte-rendu d'arthroscopie du 03/06/2016 du Dr [N].
Compte-rendu de radiographies des genoux du 27/07/2016.
Compte-rendu d'échographie du genou gauche du 27/07/2016.
Compte-rendu d'IRM du genou gauche du 25/08/2016.
Compte-rendu de scintigraphie du 16/09/2016.
Compte-rendu d'IRM du genou gauche du 03/03/2017.
Avis d'inaptitude du 04/05/2018.
Le rapport d'expertise médicale du médecin conseil de la CPAM du 19/04/2018 nous a été communiqué par la CPAM.
Le rapport du Dr [C] nous a été communiqué par le conseil de l'employeur.'»
Mme [R] reconnait toutefois à la lecture de son rapport que si «'nous avions initialement également été retenu une absence de pièce communiquée par la CPAM, mais entretemps, M. [F] [S] nous a transmis les pièces médicales en sa possession nous permettant ainsi de répondre aux questions posées par le tribunal.'»
Dès lors et contrairement à ce que soutient la société, qui se borne à acter du simple envoi par la caisse du rapport de son médecin conseil, le médecin expert désigné par la cour se trouvait pleinement en état de se prononcer de manière contradictoire sur les éléments médicaux justifiant de l'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts subséquents, quand bien même la communication de ces pièces au médecin expert résulte d'une initiative de l'assuré lui-même.
Le moyen de la société d'inopposabilité des soins et arrêts prescrits au bénéfice de M. [S] des suites de l'accident du travail survenu le 7 avril 2016, au motif d'une carence de la caisse dans la transmission du dossier médical de l'assuré au médecin expert, sera donc écarté.
Sur la demande en inopposabilité des soins et arrêts de travail :
En application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail, pendant toute la période d'incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l'accident du travail.
Il appartient à l'organisme de sécurité sociale qui se prévaut de la présomption d'imputabilité de justifier de la continuité des soins, prestations et arrêts de travail depuis l'accident du travail jusqu'à la date de consolidation ou de guérison.
Pour détruire la présomption d'imputabilité, l'employeur doit rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, laquelle peut notamment résulter de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte et auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.
Les conclusions de Mme [R], médecin expert, formulées ainsi :
«'Lien entre l'accident du 07/04/2016 et les soins et arrêts de travail prescrits jusqu'au 29/04/2018, date de consolidation.
Prestations et arrêts de travail à prendre au titre de l'accident du 07/04/2016 jusqu'au 29/04/2018, date de consolidation.
État de santé lié à l'accident du 07/04/2016 pouvant être considéré comme consolidé à la date du 29/04/2018.'», sont claires, circonstanciées et non utilement contestées.
Il convient donc d'entériner ce rapport d'expertise.
Il convient dès lors, par infirmation du jugement entrepris, de déclarer opposable à la société Mauffrey Hauts de France l'ensemble des soins et arrêts pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie Côte d'Opale en lien avec l'accident du travail dont a été victime M. [F] [S] le 7 avril 2016.
La société Mauffrey Hauts de France, qui succombe totalement, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel nés après le 31 décembre 2018, qui comprendront le coût des expertises, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à verser à la CPAM de la Côte d'Opale la somme de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu l'arrêt avant dire droit de la présente cour du 9 avril 2020 ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Entérine le rapport d'expertise de Mme [R], médecin, déposé le 23 décembre 2020 ;
Déclare opposable à la société Mauffrey Hauts de France l'ensemble des soins et arrêts pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie Côte d'Opale en lien avec l'accident du travail dont a été victime M. [F] [S] le 7 avril 2016';
Condamne la société Mauffrey Hauts de France aux dépens de première instance et d'appel nés après le 31 décembre 2018, qui comprendront le coût des expertises ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société Mauffrey Hauts de France à verser à la CPAM de la Côte d'Opale au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 500 euros.
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,