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04/05/2022 | FRANCE | N°21/03919

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 mai 2022, 21/03919


ARRET







S.A.R.L. AU REGAL DE CHINE





C/



[P]



























































copie exécutoire

le 4/05/2022

à

selarl WACQUET

SCP VIEL

FB/IL/SF



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 MAI 2022



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N° RG 21/03919 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFXU



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 28 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 20/00126)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.R.L. AU REGAL DE CHINE

59 route de Chauny

02300 VIRY-NOUREUIL



représentée et concluant par Me Christophe...

ARRET

S.A.R.L. AU REGAL DE CHINE

C/

[P]

copie exécutoire

le 4/05/2022

à

selarl WACQUET

SCP VIEL

FB/IL/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/03919 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFXU

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 28 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 20/00126)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. AU REGAL DE CHINE

59 route de Chauny

02300 VIRY-NOUREUIL

représentée et concluant par Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Amélie ROHAUT, avocat au barreau D'AMIENS

ET :

INTIMEE

Mademoiselle [U] [P]

née le 05 Décembre 1998 à TERGNIER

de nationalité Française

1 rue de l'arbre Rousseau

02800 MAYOT

comparante en personne,

assistée, concluant et plaidant par Me Marie-laure VIEL de la SCP MARIE-LAURE VIEL, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 09 mars 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Fabienne BIDEAULT en son rapport,

- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie.

Mme Fabienne BIDEAULT indique que l'arrêt sera prononcé le 04 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Fabienne BIDEAULT en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 28 juin 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Laon, statuant dans le litige opposant Mme [U] [P] à son ancien employeur, la société Au Régal de Chine, a requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à verser à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité de requalification (2 880 euros), d'indemnité compensatrice de préavis (2 880 euros) et congés payés afférents (288 euros), de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (11 520 euros) de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (3 840,27 euros) et congés payés afférents (384,02 euros), de dommages et intérêts pour travail dissimulé (13 680 euros), d'indemnité de procédure (2 400 euros), a enjoint à l'employeur de remettre à la salariée ses documents de fin de contrat sous astreinte, a condamné l'employeur aux entiers dépens ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 22 juillet 2021par la société Au Régal de Chine à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 29 juin précédent;

Vu la constitution d'avocat de Mme [P], intimée, effectuée par voie électronique le 23 août 2021 ;

Par ordonnance de référé en date du 28 octobre 2021, rectifiée par ordonnance du 3 février 2022, le magistrat délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la cour d'appel d'Amiens, a débouté la société de sa demande de suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du 28 juin 2021, a autorisé la société Au Régal de Chine à consigner le montant des condamnations bénéficiant de l'exécution provisoire à la caisse des dépôts et consignations pour un montant de 35 472,29 euros, a condamné la société au paiement d'une indemnité de procédure (500 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2021par lesquelles l'employeur appelant, contestant la réalisation par l'intimée d'heures supplémentaires non rémunérées et l'infraction de travail dissimulé, demandant qu'il soit statué ce que de droit sur la requalification du contrat de travail, soutenant cependant que l'indemnité de requalification doit être limitée à la somme de 1 598,91 euros ou subsidiairement 2078, 95 euros, que l'ancienneté de la salariée lui permet de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à seulement 8 jours de salaire, revendiquant l'application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans leur version applicable, sollicite l'infirmation partielle du jugement entrepris, la diminution du quantum des sommes accordées à l'intimée, sa condamnation au paiement d'une indemnité de procédure (3 000 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 3 décembre 2021 aux termes desquelles la salariée intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que son contrat de travail irrégulier doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences quant à sa rupture et que les sommes accordées par les premiers juges sont justifiées, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée et la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile (3000 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 mars 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 9 mars 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 9 septembre 2021 par l'appelante et le 3 décembre 2021 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Au Régal de Chine a acquis un établissement de restauration à Chauny en décembre 2019 sous l'enseigne Planet Asie.

Mme [P] a été embauchée par la société Au Régal de Chine en qualité de serveuse aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée à temps complet pour la période comprise entre le 20 décembre 2019 et le 19 janvier 2020, le contrat étant conclu en remplacement d'un salarié absent.

Ce contrat de travail a été renouvelé pour la période comprise entre le 20 janvier 2020 et le 19 juillet 2020 au motif d'un accroissement temporaire d'activité.

La convention collective des hôtels, cafés et restaurants s'applique à la relation contractuelle.

Mme [P] a quitté la société le 19 juillet 2020.

Sollicitant la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit quant à sa rupture et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, Mme [P] a saisi le 9 novembre 2020 le conseil de prud'hommes de Laon, qui, statuant par jugement du 28 juin 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

Mme [P] soutient avoir effectué au cours de la relation contractuelle de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées en raison d'une absence de personnel affecté au service mais aussi au nettoyage.

L'employeur soutient que l'intégralité des heures supplémentaires effectuées par la salariée a été rémunérée.

Sur ce ;

La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.


Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [P] fait valoir qu'elle a accompli des heures supplémentaires pour un montant total de rappel de salaire équivalent à 4 844,12 euros dont il convient de déduire la somme de 1 003,85 réglée par l'employeur. Elle revendique en conséquence un rappel de salaire à hauteur de 3 840,27 euros outre les congés payés afférents.

Mme [P] verse aux débats un tableau récapitulatif de ses heures de travail établi jour par jour, une liste des tâches qui lui étaient confiées, des attestations de clients du restaurant, de salariés de l'entreprise et de son conjoint aux fins d'établir qu'elle était présente 6 jours par semaine au sein du restaurant, qu'elle était notamment présente avant l'ouverture, pendant les services du midi et du soir.

La salariée présente ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant ses propres éléments.

Ce dernier conteste la valeur probante des témoignages produits, affirme qu'il ne pourra être fait droit à la demande de la salariée dès lors qu'il verse aux débats des témoignages démontrant que Mme [P] effectuait de nombreuses pauses et ne réalisait pas les horaires de travail qu'elle prétend avoir effectués.

La société Au Régal de Chine verse aux débats deux attestations établies par des salariés de l'entreprise aux fins d'établir que Mme [P] arrivait souvent en retard, qu'elle prenait systématiquement quatre repas par jour à 11h, 14h, 18h et 22h et qu'elle sortait souvent fumer.

L'employeur soutient en outre que la salariée n'était pas autorisée à effectuer des heures supplémentaires de son propre chef au-delà de celles qui lui ont été demandées.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [P] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées qu'elle réclame.

En effet, il sera constaté que l'employeur ne produit pas d'éléments relatifs aux horaires effectivement réalisés par la salariée. Il ne verse pas davantage d'élément contredisant utilement la liste de tâches produites par la salariée.

Il ne peut légitimement soutenir ne pas avoir donné son accord implicite à la réalisation de ces heures en ce qu'il ressort de la liste des tâches, de la présence effective de la salariée au sein du restaurant qu'il était parfaitement informé de l'amplitude de travail de Mme [P].

Si les attestations des deux salariés de la société versées aux débats par l'employeur font état de fréquentes pauses prises par Mme [P], il y a lieu de constater qu'elles ne sont corroborées par aucun autre élément étant observé qu'elles comportent des contradictions.

Ainsi, M. [Y] au sein de son témoignage écrit à la fois que la salariée devait prendre son poste de travail dès 10h30 et que ses heures de travail sont de 10h à 14h30 et de 17h30 à 22h30.

Les témoignages versés aux débats par Mme [P] corroborent ses allégations selon lesquelles elle arrivait effectivement au sein de la société à 10h.

L'employeur ne contredit pas utilement les allégations de la salariée selon lesquelles elle travaillait 6 jours par semaine et ne bénéficiait que d'une journée de repos hebdomadaire.

A supposer établis les horaires de la salariée de 10h à 14h30 et de 17h30 à 22h30 soit 9 heures de travail effectif par jour, Mme [P] a travaillé 9,5 heures par jour soit 57 heures par semaine.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Mme [P] demande que son ancien employeur soit condamné au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 13 680 euros au motif qu'il est démontré qu'il n'a pas satisfait au paiement des heures supplémentaires en ne les faisant pas apparaître sur un bulletin de paie, de sorte qu'il s'est rendu coupable de travail dissimulé.

L'employeur conclut au débouté de la demande et par voie de conséquence à l'infirmation du jugement entrepris de ce chef considérant que la salariée ne démontre par le caractère intentionnel de l'infraction reprochée.

Sur ce ;

Par application de l'article L.8221-5, 2° du code du travail, la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue le travail dissimulé dans la mesure où elle est intentionnelle.

L'attribution par une juridiction au salarié d'heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d'une dissimulation intentionnelle.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le contrat de travail de la salariée mentionnait une durée de travail de 57 heures par semaine.

Il ressort des éléments produits que l'employeur ne pouvait ignorer la quantité des heures travaillées par la salariée au regard de l'objet même de son activité, de la petite taille de l'entreprise, de la présence concomitante de l'employeur et de la salariée au sein du restaurant durant une grande partie des horaires de travail.

En outre, il est établi que l'employeur n'a pas contrôlé le temps de travail de sa salariée.

La réunion des éléments matériels et intentionnels du délit de travail dissimulé est caractérisée.

En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la société Au Régal de Chine à verser à Mme [P] la somme de 13 680 euros à titre d'indemnité.

Sur la requalification du contrat de travail

Il y a lieu de constater qu'à hauteur de cour, l'employeur ne sollicite pas l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquence de droit quant à la rupture.

Mme [P] sollicite pour sa part la confirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et en ce qu'il a dit que sa rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

Sur les conséquences de la requalification et de la rupture du contrat de travail

Sur l'indemnité de requalification

Les parties s'opposent sur le montant du salaire moyen de la salariée.

L'employeur calcule le salaire moyen de la salariée sur la période comprise entre décembre 2019 et juillet 2020 et le fixe à la somme de 1 598,81 euros.

A titre subsidiaire, en ajoutant les sommes réclamées au titre des heures supplémentaires, il retient la somme de 2 078,05 euros.

Mme [P] considère que son salaire moyen doit être calculé sur la base des deux mois complets de travail soit les mois de février et juin 2020 et doit être fixé à la somme de 2 880 euros, heures supplémentaires incluses.

Sur ce ;

A titre liminaire, la cour constate que la salariée a été placée en activité partielle du 16 mars au 2 juin 2020 en raison de la période de confinement liée à la crise sanitaire de la Covid 19.

Contrairement aux allégations de la salariée, cette dernière a pleinement travaillé en janvier, février et juin 2020.

L'article L 1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la dernière moyenne de salaire mensuel.

L'indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire perçu avant la saisine de la juridiction.

L'indemnité prévue en cas de requalification d'un contrat de mission en contrat à durée indéterminée doit être calculée non seulement sur le salaire de base, mais également sur les accessoires du salaire.

L'indemnité de fin de contrat est destinée à compenser la précarité du salarié sous contrat à durée déterminée, ce qui exclut son intégration dans le calcul des salaires moyens versés en raison de l'emploi de l'intéressé.

Au vu de ces éléments, le salaire moyen de la salariée s'élève à 2 078,95 euros.

Cependant, le dernier salaire perçu par Mme [P] s'est élevé à la somme de 2324,57 euros.

En conséquence, il sera accordé à Mme [P] une indemnité de requalification s'élevant à 2324,57 euros.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

L'employeur, qui rappelle que le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 16 mars au 2 juin 2020 en raison de la crise sanitaire, soutient que cette durée de suspension ne doit pas être prise en compte pour la détermination de la durée du préavis.

Il considère en conséquence que Mme [P] avait acquis une ancienneté déterminant l'ouverture du droit à préavis inférieure à 6 mois, qu'en application de la convention collective, la durée du préavis est limitée à 8 jours.

Il demande en conséquence que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis soit limité à la somme de 504,94 euros.

La salariée sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de son indemnité compensatrice de préavis à l'équivalent de deux mois de salaire.

Elle indique qu'elle bénéficiait de 7 mois d'ancienneté au sein de l'entreprise.

Sur ce ;

Le critère retenu pour la détermination de la durée minimale légale du préavis de licenciement est l'ancienneté de services continus chez un même employeur, sauf stipulations conventionnelles plus favorables pour le salarié.

En application de l'article L 1234-8 du code du travail, la période de suspension du contrat de travail n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions relatives à l'indemnité de préavis.

L'article L 5122-1 du code du travail dispose que le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la salariée a été placée en activité partielle du 16 mars au 2 juin 2020.

Les dispositions spécifiques adoptées lors de la crise sanitaire liée à la Covid 19 n'ont pas remis en cause les dispositions de l'article L 5122-1 du code du travail.

Mme [P] n'invoque pas de dispositions conventionnelles plus favorables.

En conséquence, il y a lieu de considérer que l'ancienneté de Mme [P] pour bénéficier des dispositions relatives à l'indemnité de préavis doit être fixée à 4,5 mois.

La convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants prévoit, pour les employés ayant moins de six mois d'ancienneté un préavis de 8 jours.

En conséquence, il sera fait droit à la demande formée par l'employeur en ce que l'indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 504,94 euros outre les congés afférents.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [P] demande la confirmation du jugement entrepris qui a condamné son ancien employeur à lui verser la somme de 11 540 euros.

En premier lieu, elle affirme que la société emploie plus de 11 salariés. Elle justifie que lors de l'acquisition du fonds de commerce le 12 décembre 2019, 12 contrats de travail ont été transférés en application de l'article L 1224-1 du code du travail et que l'employeur ne justifie pas d'un effectif de salariés inférieur à la date de cessation de la relation contractuelle.

En second lieu, la salariée soutient que le barème dit 'Macron' ne lie pas le juge dès lors que le plafond d'indemnisation qu'il induit n'est pas de nature à indemniser l'intégralité du préjudice subi par le salarié.

Au soutien de sa demande, elle invoque l'article 10 de la convention 158 de l'OIT.

L'employeur conclut à l'infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Il soutient que les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans leur version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 doivent s'appliquer et qu'en conséquence l'indemnisation maximale accordée à la salariée doit être équivalente à un mois de salaire.

Sur ce ;

Compte-tenu de la date de rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Lorsque des dispositions internes sont en cause, comme en l'espèce, le juge du fond doit vérifier leur compatibilité avec les normes supra-nationales que la France s'est engagée à respecter, au besoin en écartant la norme nationale en cas d'incompatibilité irréductible.

L'article 24 de la Charte sus-visée consacré au ' droit à la protection en cas de licenciement' dispose ''En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial'.

Les dispositions de l'article 24 de ladite Charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Dès lors, tant ce texte que les décisions du comité européen des droits sociaux ne peuvent être utilement invoqués par l'appelant et les parties intervenantes pour voir écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

L'article 4 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT) dispose que 'si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la

réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée'.

Cet article de la Convention n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail est d'application directe en droit interne.

La mise en place d'un barème n'est pas en soi contraire aux textes visés par l'appelant, imposant aux Etats, en cas de licenciement injustifié, de garantir au salarié 'une indemnité adéquate ou une réparation appropriée', le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l'ancienneté du salarié et de l'effectif de l'entreprise, gardant une marge d'appréciation.

En l'espèce, il y a lieu de constater que l'employeur ne produit aucune pièce tendant à établir le nombre de salariés au sein de l'entreprise à la date de rupture de la relation contractuelle.

Mme [P] justifie de l'existence de 12 emplois au sein de la société à la date du 12 décembre 2019 sans que ces éléments soient utilement contredits par l'employeur.

En l'espèce, Mme [P] ayant au jour de la rupture du contrat de travail une ancienneté inférieure à une année, est en droit d'obtenir en vertu de l'article L.1235-3 du code du travail une indemnisation maximale équivalente à un mois de salaire brut.

La salariée était âgé de 21 ans lors de la rupture. Elle a retrouvé un emploi à compter du 4 janvier 2021 dans le cadre d'un contrat unique d'insertion, à temps partiel (20 heures par semaine) pour une rémunération brute mensuelle inférieure à 900 euros.

Eu égard à ces éléments, il convient d'allouer à Mme [P] la somme de 2 078 euros correspondant à l'équivalent de 1 mois de salaire brut, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice né du caractère infondé de la rupture du contrat de travail.

En vertu de l'article L.1235-4 du code du travail, la société Au Régal de Chine devra rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois de prestations.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il sera ordonné la remise par l'employeur à la salariée de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire à ce stade de la procédure.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation respective des parties ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties en appel.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

Mme [P], partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Laon du 28 juin 2021 sauf en ses dispositions relatives au quantum des sommes accordées au titre de l'indemnité de requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise des documents de fin de contrat ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:

Condamne la société Au Régal de Chine à verser à Mme [U] [P] les sommes suivantes:

- 2 324,57 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 504,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 50,49 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 078 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Au Régal de Chine à verser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à Mme [U] [P] depuis son licenciement dans la limite de 3 mois de prestations ;

Ordonne à la société Au Régal de Chine de remettre à Mme [U] [P] une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [U] [P] aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03919
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.03919 ?
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